lAssemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |23 mars 1790.] 333 des sceaux et de plusieurs autres adresses, concernant des difficultés élevées sur l’exécution de son décret des 8 et 9 octobre dernier, touchant la téformation provisoire de l’ordonnance criminelle; considérant combien il importe qu’une loi si essentielle à la sûreté publique et à la liberté individuelle, soit uniformément conçue et exécutée par ceux qui sont chargés de l’appliquer, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les adjoints doivent être appelés au rapport des procédures sur lesquelles interviendront les décrets. Art. 2. La présence des adjoints aura lieu dans tous les cas, jusqu’à ce que les accusés ou l’un d’eux ayant satisfait au décret, ou que le jugement de défaut ait été prononcé contre eux ou l’un d’eux ; et après cette époque le surplus de la procédure sera fait publiquement, tant à l’égard des accusés présents, qu’à l’égard des accusés absents ou coutumaces. Art. 3. Nul citoyen ne sera contraint d’accepter de représenter la commune en qualité d’adjoint. Art. 4. Les juges feront notifier aux greffes des municipalités l’heure à laquelle ils devront procéder aux actes pour lesquels ils requièrent l’assistance des adjoints, et les municipalités seront chargées de pourvoir à ce qu’il se trouve toujours des notables disposés à remplir cette fonction. Art. 5. Si les adjoints, ou l’un d’eux, ne se trouvent pas, à l’heure indiquée, à l'acte de pro--cédure auquel ils ont été requis d’assister, le juge procédera audit acte, dans lequel il fera mention expresse de sa réquisition, et de l’absence des adjoints ou de l’un d’eux, ladite mention à peine de nullité. Art. 6. Les adjoints qui seront parents ou alliés des parties jusqu’au quatrième degré inclusivement devront se récuser; et le juge sera tenu d’avertir les adjoints de cette obligation, et de leur déclarer les noms, surnoms et qualités des plaignants, ainsi que ceux des accusés qui se trouveront dénommés dans la plainte, à peine de nullité, sans que néanmoins on puisse déclarer nul l’acte auquel des parents, avertis par le juge, auraient assisté comme adjoints en dissimulant leur qualité, ou faute d’avoir eu connaissance de leur parenté envers l’une des parties. Art, 1. Lorsqu’un acte d’instruction ne se fera que par le juge seul, accompagné du greffier, les adjoints qui y assisteront, prendront séance aux deux côtés du juge, au même bureau. Si l’acte se fail en la chambre du conseil et le tribunal assemblé, les adjoints prendront séance au banc du ministère public, et après lui. Art. 8. Il ne sera donné aucun conseil à l’accusé ou aux accusés contumaces ou absents. Art. 9. Il ne sera délivré par le greffier qu’une seule copie sans frais de toute la procédure, quand bien même il y aurait plusieurs accusés qui requerraient ladite copie sans frais; et elle sera remise au conseil de l’accusé, ou à l’ancien d’âge des conseils s’il y en a plusieurs. Art. lü. Lorsqu’il y aura plusieurs accusés, chacuu d’eux sera interrogé séparément, et il ne sera point donné copie des interrogatoires subis par les autres, à ceux qui seront interrogés les premiers, si ce n’est après qu’ils auront eux-mêmes subi leur interrogatoire. Art. 11. Le décret des 8 et 9 octobre dernier, concernant la réformation de la procédure criminelle, non plus que le présent décret, n’auront aucune application au cas où le titre d’accusation ne pourra conduire à une peine afflictive ou infamante. Une députation de la majorité des sections de la commune de Paris , ayant à sa tête le maire de cette capitale, est admise à la barre en exécution du décret rendu le 21 de ce mois. M. Bailly, maire, prononce le discours suivant (l) : Messieurs, j’ai eu l’honneur de paraître plusieurs fois devant cette auguste Assemblée, comme chef, ou de l’assemblée des représentants de la commune, ou du corps entier de la municipalité, ou du bureau de ville. Aujourd’hui le inaire de Paris se présente à vous, Messieurs, à la tête de la commune, formée par la très grande majorité des sections. Ces sections ont émis uu vœu qu’elles m’ont chargé de vous apporter, et ont rédigé une adresse où leurs motifs sont développés. Ce vœu est la permanence des districts dans les assemblées formées régulièrement chaque mois. Vous avez réservé, Messieurs, un règlement particulier pour Paris, en considération de son immense population ; la commune pense que la permanence, telle qu’elle la réclame, est le seul régime qui puisse convenir à cette immense population. Elle vous soumet ses principes ainsi que son vœu; et je parais ici à la tête de la commune, que je ne puis abandonner, que je n’abandonnerai jamais; mon devoir m’en fait la loi, et le sentiment de mon cœur m’attache inséparablement à la commune de Paris. Je vous apporte donc, Messieurs, le vœu de cette permanence, mais je vous apporte en même temps le respect et la soumission de tous les citoyens qui composent la commune. Quelle que soit la réponse que vous ferez à leur demande, quel que soit le décret que vous porterez dans votre sagesse, je suis chargé de vous assurer de leur obéissance. Cette obéissance vous est due; je ne prétends pas qu’on doive leur en savoir gré, mais je crois que votre justice peut leur tenir compte, et de la pleine conviction qu’ils ont de ce devoir, et de leur empressement à le remplir. En effet, Messieurs, nous avons tous fait serment d’obéir à la nation, à la loi ; vous représentez la nation, vous faites la loi : et je ne dirai pas que si mes concitoyens manquaient à ce serment, ce serait le seul cas où je ne marcherais pas avec eux et à leur tête, je leur ferais injure; mais je vous dirai, je vous jurerai que la nation, la loi et le roi nous commanderont et nous guideront toujours, que notre devoir sera sans cesse devant nos yeux et que nous serons toujours fidèles au serment que nous avons tous prononcé. V’otre décision sur la tenue des assemblées de section dans la ville de Paris, sera un des articles de la constitution que vous devez décréter pour sa municipalité. Les sections, dont je suis ici l’organe, ont fait un travail sur le plan rédigé par les représentants de la commune ; et je suis autorisé à vous dire, Messieurs, que ce travail vous sera remis sous huit jours. Alors, Messieurs, la constitution municipale ne dépendra plus que de vous; Paris vous la demande; il est instant qu’elle soit décrétée, établie, que les officiers municipaux soient définitivement nommés et que l’administration cesse d’être provisoire. Qu’est-ce qu’une administration dont les pou-(1) Le discours de M. Bailly n’a pas été inséré au Mo-niteur. 334 [Assemblée nationale.} voirs ne sont pas définis, où tous les devoirs sont incertains, et où on ne fait pas un pas sans craindre une erreur ? Une administration provisoire est sans cesse arrêtée par le désaveu qui peut la suivre ; elle a peine à faire quelque bien ; et au moment où nous recouvrons la liberté, il faut nous donner et la liberté de faire le bien, et le pouvoir de le faire dans toute son étendue. M. Beauvais des Préaux, président du district des Prémontrés, fait ensuite lecture d’un mémoire où sont développés tous les avantages que doit retirer la capitale de l’existence des districts dans l'organisation de la municipalité de Paris. M. le Président fait à la députation la réponse suivante : L’Assemblée nationale ne peut douter ni du patriotisme des citoyens et de la commune de Paris, dont elle a tant de preuves, ni de la soumission de tous les Français aux décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. Elle a consacré le principe que tous les citoyens ont le droit de présenter des pétitions : elle prendra donc en considération l’adresse qui lui est présentée par la majorité des districts de Paris et les idées qu’ils pourront lui soumettre. Bientôt dans le développement du système de l’organisation et de la représentation générale, l’Assemblée nationale appliquera à l’organisation particulière de la ville de Paris, les principes qu’elle a déjà décrétés devoir être communs à tous les citoyens et à toutes les parties de l’Empire. Conserver les principes politiques et conserver les droits des citoyens, ne sont pas dans l’administration des Etats deux maximes contradictoires : c’est une seule maxime. L’Assemblé nationale pèsera soigneusement les observations que vous lui avez présentées. (La séance est levée à dix heures du soir.) ANNEXE A la séance de l’Assemblée nationale du 23 mars 1790. Observations des députés de Saintonge contre les prétentions de la ville de la Rochelle. Me voir que soi, ne s’occuper que de ses intérêts, leur sacrifier l’avantage de tout ce qui nous entoure, c’est le caractère de l’égoïsme. Ce sentiment qui créa le despotisme, devrait être mort au moment où la liberté a pris naissance. Comment survit-il à l’esclavage de la France? et comment ose-t-il se montrer aussi à découvert que dans les prétentions de la ville de la Rochelle. On demande pour elle la réunion de tous les établissements que va créer le nouveau régime. 11 semble qu’une inique substitution ait assuré tous les avantages à la Rochelle ; que la loi ne doive considérer qu’elle dans leur dispensation, et que la Saintonge doive être soumise à ses spéculations et à ses désirs. Examinons donc les titres sur lesquels la Rochelle fonde ses injustes projets d’envahissement. t. La Saintonge isolée avait tout pour former un [23 mars 1790.] département ; surface, population, impositions, convenances, rien ne lui manquait ; elle n’avait rien à désirer de ses voisins que de la bienveib* lance et de l’affeclion. L’Aunis, au contraire, avec une population Re 100,000 âmes, une surface de 120 lieues carrées se complaisait dans son enceinte, et voulait reste? seul. Les députés de Saintes, loin de contrarier ce vœu de leurs voisins, se sont empressés d’y réunir le leur; ils se sont clairement exprimés dans un mémoire remis au comité de constitution, pour que l’Aunis eut son administration particulière : ceux de Saint-Jean-d’Angely ne s’y sont pas opposés. L’Angoumois, au levant, voulait aussi former un département particulier. Cette position géographique a engagé le comité à proposer des sacrilices à la Saintonge, et à lui demander de s’unir avec l’Aunis, pour faire un département, en abandonnant du côté de l’An-goumois, une portion de terrain pour l’agrandir. Les Saintongeois ont senti qu’ils appartenaient à l’Etat avant d’appartenir à la province. En conséquence, ils se sont réunis à la justice de l’Assemblée, qui les a réunis par un décret avec l’Au-nis, pour faire avec lui une même société. Cette réunion ne leur a été pénible que parce qu’elle entraînait la nécessité d’une séparation avec d’anciens frères qu’ils espèrent retrouver dans leurs nouveaux associés. Mais les députés de îa Saintonge n’ont pas entendu se soumettre à un despote, ni même se donner une métropole ; ils ont cru trouver, au contraire, dans les dispositions fraternelles de La Rochelle, dans les ressources de sou industrie, dans l’avantage de ses relations, un nouveau moyen de bonheur. Le siège du département et du directoire, le tribunal du même nom, l’établissement des caisses, Saintes et Saint-Jean-d’Angely, eussent tout possédé, si elles fussent restées seules, comme elles le pouvaient, puisqu’elles se suffisaient à elles-mêmes. La Rochelle, au contraire, veut tout avoir. Mais l’Assemblée nationale, qui se trouvera entre elle et nous, interposera sa justice. ' Puisque la Rochelle invoque en sa faveur les raisons de droit et de convenance, pour mettre le comité Reconstitution et l’Assemblée nationale à même de prononcer, nous examinerons les convenances et les droits. § leï‘. — Raisons de droit. Nous serions tentés de demander ce qu’on entend ici par les droits. Ceux de l’homme, ceux du citoyen sont définis et consacrés par l’Assemblée nationale. Mais parmi les monuments précieux de la liberté conquise, nous cherchons en vain des décrets qui consacrent les droits des cités. Nous n’en connaissons pas qui établissent la hiérarchie des villes; nous croyons même et nous le disons avec joie aux modestes habitants d'un village obscur, mais heureux par cela même qu’il est inconnu, nous croyons qu’aux veux du législateur et du gouvernement, Une communauté de campagne a autant et plus de droits à leur intérêt, à leur surveillance, que de fastueuses cités. C’est la première qui nourrit et alimente les secondes. 11 est bon de réparer l’injustice de l’au-cien régime; le temps n’est plus où le pauvre était foulé, privé de son nécessaire, chassé de sa chaumière pour embellir le palais d’un despote. archives parlementaires.