SÉANCE DU 2e JOUR DES SANS-CULOTTIDES AN II (JEUDI 18 SEPTEMBRE 1794) - N08 48-49 271 Annonce à la Convention que le deux vendémiaire prochain les artilleurs de l’école commenceront l’exercice du canon à boulet dans le tir de Vincennes où ils pourront sans danger se livrer à cette manœuvre deux fois par décade. Assure-la en outre que nous sentons combien est précieux le dépôt qui nous est confié et que nous voulons le conserver dans toute sa pureté. Salut et fraternité. Moreau, Bouillerot. L’Assemblée applaudit à la lecture de cette lettre, et en décrète l’insertion au bulletin (95). 48 On [Borie] demande qu’il soit accordé des secours aux ci-devant ministres pro-testans âgés de soixante-dix ans et pères de famille. La Convention passe à l'ordre du jour (96). 49 Un membre [Isoré] fait une motion d’ordre sur l’administration des subsistances, et présente un projet de décret relatif au maximum du prix des grains, farines, fourrages, transports, denrées, matières fabriquées et non fabriquées. La Convention nationale ordonne l’impression du discours et l’ajournement du projet de décret (97). [Discours d’Isoré] (98) ISORÉ : Citoyens, administrer les subsistances d’une république en révolution n’est pas une entreprise ordinaire ; cependant rien ne serait si simple, si le peuple agissait de concert avec la nature, et si la défiance, jalouse sans cesse du bonheur commun, ne jetait des entraves sur la circulation des denrées. L’esprit du fédéralisme guide sans cesse cette terrible défiance; on est toujours assez riche pour se vanter de n’avoir pas besoin de secours, on est toujours d’accord quand on méprise les autres pour n’avoir en vue que le bonheur local ; enfin vous diriez à la région la plus stérile de la France qu’elle est fédéralisée, et (95) Débats, n° 728, 544. (96) P.-V, XLV, 333. Mess. Soir, n° 761 ; M.U., XLIII, 536 ; J. Perlet, n° 726. Ces gazettes placent l’intervention de Borie après le rapport de Cambon présenté ci-dessus n° 40. (97) P.-V., XLV, 333. (98) Moniteur, XXI, 793-798. Débats, n° 728, 544; J. Mont., n° 142 ; Mess. Soir, n° 761 ; Ann. Patr., n° 626 ; C. Eg., n° 761 ; F. de la Républ., n° 439; J. Fr., n° 725; Rép., n° 273 ; J. Perlet, n° 726 ; Gazette Fr., n° 992 ; J. Paris, n° 627. qu’elle ne dépendra que d’elle-même et ne vivra que de ses récoltes et de son commerce, les ambitieux d’une pareille contrée insinueraient aux habitants d’accepter l’offre, pour avoir un but d’autorité. Les denrées et marchandises de première nécessité seront toujours l’arme avec laquelle l’ambition et l’intrigue hasarderont de gouverner; le commerce réparerait tout s’il était en vigueur et dirigé par des lois, et non par le droit d’agir sans règle ni probité. Si ceux qui peuvent faire le bien par leurs richesses n’avaient pour but la perfidie aristocratique même sous des masques, tout irait d’un même pas, et les riches mêmes s’en féliciteraient. Pour moi, citoyens, je crains qu’on ne vous montre dans l’administration des subsistances qu’un à peu près imaginaire pour règle. Là nature, quoique tracassée par de mauvais partages, veut bien remédier aux méprises de l’ignorance, pour que telle partie de la République à laquelle on ne pense pas obtienne d’ailleurs que de l’administration centrale ce qui lui est nécessaire ; quand les administrations particulières sont intelligentes, c’est un bonheur; car la circulation fait le bien général ; et si d’un département à l’autre on se passait réciproquement les denrées en échange, si le commerce intérieur n’était pas en proie à des êtres immoraux qui se croient autorisés à sucer à grande gorge tous les portefeuilles, l’embarras d’administrer la nourriture commune serait la chose la plus simple. Nous ferons bien de nous persuader sans cesse que ce n’est pas le moment d’être tout à fait sans défiance ; observez ceux qui vous disent le contraire et défiez-vous d’eux-mêmes : si le machiavélisme des chefs de l’aristocratie pouvaient renverser toutes nos machines révolutionnaires, bientôt nous serions comme les premiers habitants d’un pays, qui pour se constituer en société, se mettent sous une protection tyrannique. Si un commerce perfide s’emparait des subsistances, le royalisme nous forcerait la main avant six mois; et si un commerce loyal vous secondait, la République jouirait promptement de ses propriétés, sans aucune traverse contre-révolutionnaire. Attachons l’honneur à l’intérêt par de bonnes lois ; nous républicaniserons même le commerce des Barbares, et insensiblement les productions du sol et des manufactures ne seront plus à la merci du brigandage. Je crois qu’il est temps d’organiser cette branche garnie de ressources, et de ne pas croire que la composition d’une commission est une source intarissable qui peut pourvoir à tout. Est-ce qu’un homme ou deux peuvent mettre un pareil rouage en mouvement, peuvent conduire toutes les parties du commerce et approvisionnements ? Autrefois un ministre royalement audacieux n’aurait osé l’entreprendre. Sans commerce, la société n’offre rien d’industrieux, et les inquiétudes seules l’occupent ; le cultivateur même est borné, et son encouragement limité le borne lui-même dans ses travaux ; si nous perdions un moment l’espoir