[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. i 1 1 avril 1701.] 697 puisse inquiéter. Si le ministre de la justice m’avertit d’une erreur, d’une méprise, à laquelle j’ose croire que le cœur n’aura jamais eu de part, c’est un service qu’il me rend. Il est dans ce cas mon bienfaiteur, je dirais presque mon ange tutélaire. Si c’ st le mini-tre lui-même qui s’est trompé; eh bien, par une réponse solide, je justifie raisonnablement ma conduite, et je lui démontre son erreur, sa méprise. S’d pouvait arriver qu’un ministre de la justice fût assez bas, assez indigne de sa place pour qu’il crut me faire une humiliation par un avertissement injuste, alors repoussant des reproches immérités par des réponses justes, je ferais un usage légitime de la liberté de la presse ; je publierais par la voie de l’impression, et la lettre injurieum que j’ai reçue, et ma réponse. Le ministre qui m’aurait bassement injurié se trouverait soumis à l’opinion publique; et ce serait le censeur qui subirait lui-même la censure. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Gaultier-Biauzat. Je ne vois pas dans l’article les juges des tribunaux criminels. Je propose par amendement d’ajouter aux juges mentionnés dans le projet ceux des tribunaux criminels. M. Démeunier, rapporteur. C’est un oubli. J’adopte l’addition. M. Anllioiiie. Je demande le retranchement de ces mots : « de les rappeler à la règle, ainsi qu’à la décence et à la dignité de leurs fonctions ». La règle n’est autre chose que la loi ; le reste est absolument vague. Un membre propose d’ajouter après les mots : « tous les avertissements nécessaires », ceux-ci : « à la parfaite exécution de la loi ». M. Démeunier, rapporteur. J’adopte tel amendement. En ce qui concerne la motion de M. Anihoine, je ne vois pas de motifs bien prépondérants pour maintenir les derniers mots ; ainsi qu’à la décence et à la dign té de leurs fonctions; mais le rappel à la règle n’est pas inutile. Par exemple, Messieurs, vous avez décrété que les juges auraient un costume; vous n’avez pas dit, et vous ne pouviez pas dire que, si des juges rendaient un jugement sans être revêtus du costume que vous leur avez prescrit, ces jugements seraient nuis. Si sur cette partie comme sur toute autre ils s'écartaient de la règle, quel inconvénient y aurait-il à ce que le ministre de la justice rappelât à la règle? . M. Goupil a très bien répondu aux déclamations, car c’est le mot propre. On vous a parlé de réprimander, d’outrager, d’injurier : il est bien clair qu’il ne peut-être question de tout cela. Je demande donc que le paragraphe soit mis aux voix avec l’amendement de M. Biauzat relatif aux juges des tribunaux criminels, avec le retranchement des mots : « ainsi qu’à la décence ei à la dignité de leurs fonctions, » et avec l’addition des mots : « à la parfaite exécution de la loi. » Le paragraphe serait donc ainsi conçu : « 5° De donner aux juges des tribunaux criminels et des tribunaux de districts, ainsi qu’aux juges de paix et de commerce, tous les avertissements nécessaires à la parfaite exécution de la loi; de les rappeler à la règle et de veiller à ce que la justice soit bien administrée. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici le paragraphe suivant : « 6° De transmettre au commissaire du roi, près le tribunal de cassation, les pièces et mémoires concernant les affaires qui lui auront été déférées et qui seront de nature à être portées à ce tribunal; d’accompagner ces pièces et mémoires des éclaircissements et observations dont il les croira susceptiLdes. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Nous passons maintenant au dernier paragraphe; il est ainsi conçu : « *7° De rendre compte à la législature, au commencement de chaque session, de l’état de l’administration de la justice, des abus qui auraient pu s’y introduire et de la conduite des juges et des officiers. » M. Robespierre. Le pouvoir qu’on attribue au ministre de la justice cle distribuer, au commencement de chaque session, le degré de blâme et de louange, me paraît d’une invention extrêmement neuve. A quoi cela aboutira-t-il? Car les représentants de la nation n’auront pas le temps d’examiner ces sortes d’affaires. Cette censure tend à dépraver les mœurs des magistrats en les faisant dépendre, non pas de l’opinion publique, mais de celle du ministre, et par conséquent de l’opinion des cours et de tous les hommes corrompus qui 1< s habitent. Je prétends qu’il n’y a rien de si immoral, de si impolitique, de si inconstitutionnel que cet article et qu’on doit le rejeter. Quant aux premières dispositions de l’article, je ne dirai qu’un mot, c’est qu’elles tendent à donner l’initiative aux ministres sur tout ce qui concerne l’administration de Injustice. M. Pétion de Villeneuve. Je trouve qu’il est infiniment dangereux de charger le ministre de la justice de rendre compte de la conduite des juges et officiers. D'ailleurs, c’est véritablement une conséquence de ce que vous avez supprimé dans le paragraphe 5. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Pétion; mais je demande à ajouter un mot. Suivant M. Robespierre, tout ce que présente le comité est immoral et impolitique, tend à renverser la liberté. Eu vérité, il faut permettre une fois pour toutes de répondre; je demande donc ou qu’on mette aux voix l’article ou qu’on me permclte de répondre à M. Robespierre, parce qu’il n’y a pas de patience qui tienne. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! M. Démeunier, rapporteur. Le paragraphe 7 avec l’amendement de M. Pétion serait donc ainsi conçu : « 7° De rendre compte à la législature, au com censément de chaque session, de l’etat de l'administration de la j us; ice et des abus qui auraient pu s’y introduire. » (Adopté.) M. le Président. Messieurs, je reçois une lettre des président et commissaires de la section de la-Grange-Batelière, qui demandent l’agrément de vous présenter à la barre, à la séance de demain soir, les procès-verbaux faits relativement à Voit- 698 [Asseiiibiée nationale.] verture et à l'embaumement du corps de M. de Mirabeau. Plusieurs membres : A l’ordre du jour ! (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. Président. Je reçois encore une lettre signée Huber, commissaire de la trésorerie, dont je vais vous donner lecture : « Monsieur le Président, « J’apprends les observations dont j’ai été l’objet dans l’Assemblée nationale à la séance de ce jour. « Lorsque ma conscience me laisse dans la plus grande tranquillité sur les suites de l'honneur que Sa Majesté a daigné me faire en me nommant l’un des commissaues de la trésorerie, il est sans doute dououreux pour moi de voir ma réputation attaquée et l’opinion publique en suspens à mon égard; mais je supporte avec courage cette peine passagère et. non méritée; et je sens dans toute son étendue le bonheur d’avoir à rendre compte de ma conduite au comité des finances et de pouvoir par là détruire les imputations suggérées contre moi par l’un des membres de l’Assemblée. Je vais solliciter la permission de m’y présenter et je l’attends avec la plus vive impatience. « Je suis avec respect, etc. ( Signé : HUBER. » M. le Président. En même temp-que je reçois cette lettre, j’en reçois une signée Ciaviùre, qui me paraît avoir rappo.t au même objet : « Monsieur le Président, « J’apprends, en arrivant de la campagne, que M. Bnzot s’eH appuyé de mon témoignage on dénonçant hier à l’Assemblée nationale M. Huber, nommé commissaire de la trésorerie, nonobstant sa banqueroute dont il ne s’e-t pas réhabilité. Ce fait, dont plusieurs citoyens m’unt p Hé d’instruire quelques m -mbre< de l’Assemblée, n’a pas besoin de preuves matérielles de ma part. Il est trop connu dans le commerce. M. Monlesquiou en fut informé par une de ses relations a vaut que j’eusse pu me convaincre moi-même de l’identité de la personne, tant ce choix m’a paru surprenant, après la belle loi nui exclut les faillis des fonctions de citoyen actif. Je m’étomi1 mémo, que M. Péris.-e-Dulue, qui, en sa qualité de commerçant lyonnais, doit en savoir autant que personne, ait' gardé le silence; l’Assemblée peut l’interpeller. 11 s’agit d’un fait où l'ignorance du ministre, responsable des choix, est d’autant plus extraordinaire qu p les rapports habituels de M. Huber étant avec des commerçants, c’est auprès d’eux que M. de Lessart pouvait trouver des lumières sûres. « En m’apprenant la circonstance qui me concerne, on ne m’a pas laissé ignorer que mon nom avait occasionné des murmures contre moi. Faut-il donc que les lâches et perfides calomnies auxquelles je suis en butte, trouvent encore les hommes crédules ? Il y a 30 ans que je défie inutilement mes