58 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Les administrateurs révol. du distr. de Bemay, à Robert-Thomas Lindet, député à la Conv. nat.; Bemay, 8 therm. II] (1) : Représentans du peuple, Nous t’adressons un paquet d’espèces et assignats montant en total à la somme de 478 livres 5 sols, provenant des dons de plusieurs communes du district qui en font l’offrande à la patrie pour la prospérité de ses armes. Nous t’invitons de la présenter, au nom desdittes communes, et d’engager la Convention à agréer ces dons comme un témoignage du civisme de nos habitans, et le gage des voeux qu’ils forment pour l’affermissement de la République. Salut, respect et fraternité! Le Prévôt, Lefèvre ( agent nat.), P.G. Boivin. N° 23. Département de l’Eure, district de Ber-nay. Bordereau des assignats reçus en dons patriotiques par différentes communes de ce district, sociétés populaires et plusieurs citoyens et citoyennes (2). 5 Les administrateurs du district de Sedan (3) écrivent à la Convention que les citoyens Noiret, Tortueux [sic], Quentelot, tous trois ex-curés, et d’Esse, ex-chanoine, viennent de faire remise à la nation de leurs pensions, ainsi que l’ex-religieuse Viot. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité des finances (4). [Les administrateurs du distr. de Sedan, au présid. de la Conv.; Sedan, 9 therm. II] (5) Citoyen président, Nous te prions d’apprendre à la Convention que Jacques Joseph Noiret, ex-curé de Bulson, Nicolas Fortuaux, ex-curé de Montaignan, Quentelot [ou Queutelot], ex-curé de Cheveuges, et Barthélémy Desse, ex-chanoine d’Ivoy, viennent de faire à la nation la remise de leur traitement, ainsi que l’ex-religieuse Viot. Le fanatisme est entièrement étouffé dans notre ressort; on n’y reconnoît que le culte pur de l’Etre suprême et toutes les cérémonies superstitieuses sont abolies. Tu verras, par les termes de la renonciation de Noiret, que les bons principes jettent racine. S. et F.! Vassant ( agent nat.), La Grive, Robert, Vaillant. Je fais à ma patrie l’abandon du secours annuel et de ses arrérages, porté au décret du (1) C 311, pl. 1234, p. 22, 23. (2) Mention en haut de page : reçu la somme ci-dessous le 13 thermidor. Signé Ducroisi. (3) Ardennes. (4) P.V., XLIII, 215. Bin, 3 fruct. (suppl1). (5) C 311, pl. 1234, p. 19,20. 2 e jour de frimaire. En abjurant la prêtrise le 30 brumaire, je ne comptois sur aucun secours. Je puis travailler; je le dois donc. Lorsque l’âge ou les infirmités auront consumé mes forces, que j’aurai dépensé le peu de bien que je possède, alors seulement, alors, à l’égal de mes concitoyens, je demanderai l’inscription sur le registre de la bienfaisance nationale. Je bénis le moment où je suis rentré dans la grande famille en franchissant la ligne de démarcation que l’orgueil sacerdotal avait placé entre le ci-devant clergé et le peuple. Je le répète donc, et je le dirai jusqu’à mon dernier soupir : vive la République! La mort aux tyrands! Chemery, le 8 thermidor de l’an IL Noiret {ex-curé). 6 La citoyenne Suzanne Mercier, veuve Dubergier, adresse à la Convention et dépose sur l’autel de la patrie un contrat de rente viagère sur la nation, dont elle fait remise, de 55 liv. 10 sous, et des intérêts qui en sont échus depuis le 1er janvier 1791. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité des finances (1). [Suzanne Mercié, veuve Dubergier, au cn présid. du c. des finances; Bordeaux (2), 18 therm. II] (3) Citoyen, Mon intention étant de faire don à la nation d’une rente viagère de 55 liv. 10 s. et des intérêts qui me sont dus depuis le 1er janvier 1791, vous recevrés, avec la présente, le contrat qui m’as-suroit ladite rente, et vous voudrez bien m’en accuser réception. S. et F.! 7 Le citoyen Clarenton [sic pour Clareton], commissaire des guerres, employé dans la 9 e division, annonce à la Convention que le département du Gard est rendu à la liberté, à la vertu et au bonheur par l’arrestation qui vient d’y avoir lieu des agens subalternes de Robespierre et de Couthon. Insertion au bulletin (4). Un des secrétaires (5) fait lecture de la lettre suivante : Clareton, commissaire des guerres, employé dans la 9e division militaire. (1) P.V., XLIII, 215. Bin, 3 fruct. (suppl1). (2) Bec-d’Ambès. (3) C 311, pl. 1234, p. 17. Mentionné par J. Sablier, n° 1499 (la citoyenne Vergier). (4) P.V., XLIII, 215. (5) D’après la plupart des journaux, c’est Rovère qui aurait lu la lettre. SÉANCE DU 27 THERMIDOR AN II (14 AOÛT 1794) - Nos 6-8 59 Nîmes, le 10 thermidor, l’an 2 e de la République française, une et indivisible. Vive la Convention! Le département du Gard est rendu à la liberté, à la vertu et au bonheur. La séance de la société populaire s’est prolongée depuis 7 heures jusqu’aujourd’hui 10 heures du matin. Les vrais patriotes ont arraché le masque qui couvrait les triumvirs subalternes, les exécrables Catilina, les Robespierre. L’on ne peut imaginer jusqu’à quel point ces ultra-cannibales étaient insatiables de crimes, de meurtres et d’horreurs. Après s’en être gorgés à loisir pendant près de 5 mois, après avoir épuisé le code de la scélératesse ancienne et moderne, après avoir réduit en principes raisonnés et en politique journalière le brigandage et l’assassinat, ils organisaient une conspiration contre la souveraineté nationale, contre l’unité et l’indivisibilité de la République. Déjà un nommé Bourdon, membre du tribunal révolutionnaire, donnait le signal et accusait la Convention de n’avoir terrassé Robespierre qu’afin de se débarrasser d’un surveillant intègre et d’opérer sans peine la contre-révolution. Ces blasphèmes liberticides ont été étouffés par les cris de vive la Convention! et par les élans d’une indignation simultanée; aussi cet homme, dont la raison était égarée par le remords et le désespoir, s’est-il brûlé la cervelle dans le lieu même des séances. Enhardis et éclairés par cet événement, plusieurs membres ont accusé et dénoncé avec une énergie foudroyante les complices de Robespierre, qui, frappés de terreur, dans le plus affreux abandon, hors d’état d’articuler une parole, ont dévoré pendant 4 heures tous les genres d’opprobre et d’humiliation que leur attirait l’énumération infinie des griefs dont on les a successivement chargés. Enfin Courbis, Giret et Moulin, un des sous-triumvirats départementales; Riffard-Colomb, agent national; Nogaret, secrétaire de la société; Bertrand, accusateur près le tribunal révolutionnaire, ont été mis en arrestation d’après un mandat dressé séance tenante par le comité révolutionnaire. Il a fallu doubler l’escorte qui les conduisait aux prisons, de crainte que le peuple n’en fît justice. Riffard a néanmoins reçu plusieurs coups à la figure, Giret s’est empoisonné ce matin; on lui a administré des contre-poisons, on l’a sauvé malgré lui, expression qui lui était familière en parlant du peuple. Bertrand s’est échappé en prenant la route d’Alais. La joie est générale; les cris de vive la République! ne discontinuent pas. Les citoyens courent en foule au temple de la raison, se félicitent fraternellement et semblent sortir de la nuit des tombeaux pour renaître à l’existence de la liberté. Clareton. [Applaudissements] (1). (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 495; Bm, 28 therm. (1er supplt) et 1er fruct.; Débats, n°693, 475-476; C.Eg., n° 726; Ann. patr., n° DXCI; Audit, nat., n° 690; J. Perlet, n°691; J.Fr. , n°689; J.S. -Culottes , n° 546; J. Sablier, n° 1499; M.U., XLII, 444; F.S.P., n° 406; J. Mont., n° 107; J. Univ., n° 1726; J. Paris, n° 593; Rép., n° 238. 8 La société populaire de la petite commune de Requista, département de l’Aveyron, remercie la Convention d’avoir fait justice des conspirateurs et des traîtres. Elle l’informe qu’elle vient d’arrêter de ne plus parler que français; que la commune a fourni près de quatre cents défenseurs à la patrie; qu’elle lui a fait don de 50 chemises, 67 paires de bas, 8 quintaux 60 livres de vieux linge, de plusieurs paires de souliers et de bottes, de plusieurs selles, de 27 livres d’argenterie, de tout le cuivre, et autres métaux, servant au culte; et qu’elle a fourni 450 quintaux de blé à ses frères d’un district voisin, qui étoient dans une plus grande indigence qu’elle. Elle finit par demander que les bulletins de la Convention nationale lui soient envoyés (1). [La sté régénérée des montagnards de Requista, à la Conv.; s.d. ] (2) Grâces vous soient rendues, citoyens représentants, d’avoir fait justice de ces êtres immoraux qui vouloient priver l’homme de la consolation d’un heureux avenir. Vous avés mis le beaume dans le coeur de tout homme vertueux par votre immortel décret du 18 floréal. Qu’ils tremblent, les traîtres, et les matérialistes, et tous ces amphibies de la révolution! Car les yeux de la surveillence sont immenses. Supprimés toute cette armée de comités de surveillence, qui n’ont, pour la pluspart, de révolutionnaire que le nom. Qu’il n’y en ayt qu’un par canton. Qu’il passent par le cruzet des sociétés populaires, et ils seront dignes de la montagne. Décrétés que la langue françoise est la langue nationnalle, et tous les préjugés disparoî-tront de toutes les parties de la République. Nous venons d’arrêtter de ne parler que français dans notre société. Nous le parlerons mal, mais nos descendants n’apprendront nos fautes que pour ne pas en faire. Nous devons tous les sacrifices à la patrie. Ils ne sont pas aussy grands que nos dézirs, mais nos moyens sont aussy fort petits. La commune de Requista a fourni à la République près de 400 deffenseurs de la levée en masse; elle luy a fait don de 50 chemises, 67 paires de bas, 8 quintaux 60 livres de vieux linge, plusieurs paires de souliers, de bottes, de selles et de brides, 27 livres d’argenterie, tout le cuivre, métal et fer provenant de la destruction de toutes les bizarreries du cy-devant culte puplic, auquel elle a renoncé il y a 4 mois. Nous avons aussy fourni 450 quintaux de bled à nos frères d’un district voisin qui étoient dans une plus grande indigence que nous. Enfin la bonne volonté et l’amour de la République ont suppléé à la science et à l’ingratitude du sol pour le salpêtre. Et notre coup d’essay en a produit 15 livres. (1) P.V., XLIII, 215-216. (2) C 316, pl. 1266, p. 85.