322 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 février 1791.] théâtre affreux des scènes les plus sanglantes, par la suite de la désunion de nos légionnaires. Occupés essentiellement de tout ce qui pouvait le plus contribuer à la sûr' té de rassemblée électorale tenue pour la formation du départem. nt du Gard, nous avions pris pour bases de nos réquisitions auprès du major de la place, celles que MM. les commissaires du roi nous avaient faites; nous avions fixé, dans la cour de l’évêché, le point de ralliement des dragons chargés de faire des patrouilles à cheval, ne prévoyant pas alors qu’elles deviendraient funestes. Elles déplurent infiniment aux volontaires de quelques compagnies qui portaient des poufs rouges.Leurs murmures, leur projet de les narguer par des cavalcades, montés sur des bourriques; les peines q> e nous avions eues de les en empêcher, sur la place des Récollets; la fermentation du peuple à ce sujet, et ses plaintes relatives aux effrois que ces patrouilles à cheval lui causaient, nous décidèrent, après en avoir conféré avec MM. les commissaires du roi, à les faire cesser, à laisser les dragons en activité dans leurs postes, pour les cas de besoin ; à placer un dragon de garde à la porte du palais, aux ordres du président de rassemblée électorale, et à ajouter au service une nouvelle patrouille des soldats de Guyenne. Tel était l’état des choses le dimanche 13 du courant, quand trois d’entre nous, occupés à des comptes dans la maison commune, fûmes instruits d’une émeute formée à l’évêché, à raison d’un billet portant que si les dragons ne quittaient l’évêché, ils y seraient attaqués. Deux de nous s’y rendirent, suivis d'un piquet de la compagnie de garde; peu après, l’abbé de Belmond, municipal, lut contraint par les autres légionnaires de proclamer la loi martiale. Il reçut des mauvais traitements pendant sa course; son drapeau fut même enlevé par des légionnaires à pouf rouge. N’ayant pu rétablir le calme entre les dragons et les légionnaires, ni obtenir des premiers qu’ils se tinssent renfermés dans la cour de l’évêché, nous revînmes dans la maison commune, au péril de nos vies. Peu après, M. Ferrand fut forcé, par la même compagnie de garde, d’en sortir sans attendre, pour la proclamation de la loi martiale, le régiment de Guyenne, alors au quartier des casernes, sous les armes. Le long des remparts et d’une tour en dépendant, il s'y trouva des gens retranchés, qui animés par un coup de fusil tiré, devinrent le signal d’un feu respectif soutenu, pendant lequel le drapeau fut enlevé au valet de ville qui eu était le porteur. Le lendemain, lundi, jour à jamais fatal, l’eût encore bien été pour M. le baron de La Baulme, municipal, rendu sur l’esplanade, eu vue de la paix, si un brave légionnaire ne l’eût garanti des coups que des volontaires étrangers voulurent lui porter. L’après-midi, ceux de la légion à pouf rouge cédèrent au canon qui tira sur eux, la plupart prirent la fuite ou se cachèrent; il en périt plusieurs; d’autres, poursuivis partout, pendant les jours suivants, ont été ou immolés pendant leur marche, ou mis en prison; d’autres courent les champs; plusieurs des membres de la municipalité, menacés et craignant pour leur vie, se sont vus obligés de se cacher, ou de s’éloigner de la ville, ou de se mettre sous la sauvegarde de l’assemblée électorale dont ils étaient membres. Dès lors, le poids des affaires est retombé sur un petit nombre d’entre nous ; il a fallu pas-er les jours et les nuits entiers dans la maison commune, pour suffire à tout, et pourvoir au logement des troupes étrangères arrivées sans réquisition, dès le lundi 14, de très grand matin, et accrues au nombre d’environ 20,000 hommes. Plongés dans une mer d’amertume, et à la vue des mas.- acres multipliés dans tous les quartiers de cette ville, y succombant malgré les suins que MM. les commissaires du roi et de l’assemblée électorale partageaient avec nous, nous avons été dans l’impossibilité absolue de présenter plus tôt aux augustes représentants de la nation le tableau de nos désastres et nos craintes. Quoique la paix ait été publiée par ordre du département, notre ville court toujours plus à sa perte, par le fait de la grande misère et de la stagnation du commerce; ses habitants la désertent; elle a fait des pertes énormes dans ses propriétés, dans ses citoyens, devenus coupables, qui ont péri; dans des innocents qui ont été immolés; dans la suite de ceux que la misère conduit au brigandage, en un temps où les moissons demandent des bras; dans la perte de notre collège, du couvent des capucins, dont il a péri cinq religieux, du couvent des jacobins, reudu désert, et de plusieurs objets précieux. Jamais position plus affreuse pour nous; elle a conduit M. Laurent, municipal, à nous envoyer sa démission ; elle ne permet p us au petit nombre d’officiers, qui tiennent encore aux fonctions de la municipalité, de supporter le poids énorme des affaires communes. Daignez donc, Monsieur le Président, nous permettre de vous offrir, et à l’auguste Assemblée nationale, la démission de nos places dans < ette municipalité, en exécution des décrets qui nous y autorisent. Nos vies sont en danger, surtout depuis que nous avons éprouvé ce que la calomnie a de plus déchirant pour des citoyens vrais patriotes, amis de la Constitution , ce qui nous conduit à désirer notre prompt remplacement. Nous sommes avec un profond respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs, Les officiers municipaux de la ville de Nîmes , La Baulme, du Roure, Ferrand de Missol, Gail-liard l’aîné, Gus, Lientier, Former, Razoux, Pontier, Murjas. (L’Assemblée ordonne l’impression de ce rapport et en renvoie la discussion à la séance de mardi.) M. le Président lève la séance à dix heures et demie. ANNEXES A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 19 FÉVRIER 1791, AU SOIR. Nota. Nous insérons ici diverses pièces relatives à l’affaire de Nîmes, qui servent de complément au rapport de M. Alquier. — Ce-pièces ayant élé imprimées, distribuées et renvoyées au comité des rapports, font partie des documents parlementaires de l’Assemblée nationale constituante.