Séance du 30 vendémiaire an III (mardi 21 octobre 1794) Présidence de CAMBACÉRÈS 1 En vertu d’un décret rendu dans une des séances précédentes, la Convention nationale s’étant réunie dans une des salles de l’Ecole militaire, à 10 heures du matin, elle s’est rendue au Champ de Mars pour la célébration de la fête des victoires nationales; la Convention étoit précédée, accompagnée et suivie des militaires invalides, des élèves du champ de Mars, de la garde nationale, des canonniers, de la gendarmerie et de l’Institut national de musique. Arrivée au Champ de Mars, la Convention a entendu plusieurs hymnes patriotiques, exécutés au son des instrumens de musique et des salves d’artillerie; après quoi les élèves du champ de Mars et la garde nationale ont exécuté plusieurs évolutions militaires (1). 2 Le président a prononcé le discours suivant : Citoyens, Il est encore présent à votre mémoire, ce jour où un conspirateur hypocrite vint étaler ici l’appareil fastueux de la tyrannie, et brûler en l’honneur de la divinité un encens qu’en secret il réservoit pour lui. A peine quelques mois sont écoulés, et voici que le peuple et ses représentans, rassemblés dans cette même enceinte, viennent y proclamer la liberté et la défaite des despotes coalisés contre elle. (1) P. V., XLVII, 280. Venez, citoyens de tous les âges, de tous les sexes; venez surtout, vous dont la patrie contemple avec reconnoissance les cicatrices glorieuses, et vous, jeunes guerriers, en qui croît chaque jour l’amour sacré de la liberté, et vous qui, blanchis dans les camps, regrettez que votre sang répandu pour la France, n’ait pas coulé pour la France républicaine; venez tous entourer ces trophées : pressez-vous autour de cette pompe triomphale; écoutez et répétez à l’envi le cri de la victoire : Le territoire de la République est évacuél Déjà une première fois elles avoient fui de notre sol ces phalanges barbares, conduites par la trahison et repoussées par le patriotisme; mais l’ennemi fugitif osoit encore nous menacer de ses superbes regards. La France étoit victorieuse; mais l’ennemi couvroit encore nos frontières de ses bataillons. Que nos triomphes d’aujourd’hui l’emportent sur cette première époque! Nous disions alors : Nous avons vaincu tel jour, en tel lieu, à telle heure ; nous disons maintenant : Nous avons vaincu tous les jours, à toute heure, en tous lieux. Nous disions : Une telle armée a été défaite; aujourd’hui nous disons : Toutes les armées ont disparu. Autrefois, après la victoire, il nous restoit des craintes et des périls ; aujourd’hui, plus d’alarmes, la victoire est complette : la fatale coalition de tant de puissances, cette hydre à cent têtes les a vues toutes abaissées, et le cri de désespoir qu’elle a jeté dans sa fuite a retenti dans toute l’Europe. Qu’ils se glorifient maintenant, les ennemis de la République, de leurs honteux succès! qu’ils repaissent leur orgueil du rôle glorieux qu’ils vont jouer dans l’histoire ! En racontant leurs triomphes éphémères, l’histoire ne tracera que le souvenir de leurs crimes. Elle dira que Condé, Valenciennes, Toulon, Bellegarde, leur furent livrés par leurs complices; mais elle dira 318 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE aussi que ces places ne purent résister à l’énergie républicaine, dirigée par des généraux purs et par des représentons fidèles. Français, tandis que nos guerriers achèvent au-dehors la déroute des satellites du despotisme, qu’un même esprit, dirigeant nos mouvemens, ne fasse qu’un tout des diverses sections du peuple, qu’un tout du peuple avec ses représentans, et bientôt ces ennemis jadis si fiers, si menaçans, tomberont aux pieds de la République victorieuse. Alors, Français, alors, sur les ailes de la victoire, viendront l’abondance et le bonheur. Comme il nous sera doux de raconter nos maux passés et de les comparer avec notre félicité présente! Nous dirons à nos enfans : O vous dont les regards n’ont jamais été souillés par l’aspect d’un trône, apprenez qu’il fut des temps où vos pères courbèrent la tête sous la verge d’un tyran; apprenez les combats par lesquels ils surent conquérir la République; allez au temple de l’immortalité lire le récit de leurs exploits. Heureux enfans, jouissez du labeur de vos pères ; conservez avec soin le précieux héritage de la liberté ; songez que toujours on cherchera à vous ravir ce dépôt sacré; défendez-le par votre courage, par votre union, par votre sagesse, par votre dévouement aux vérités étemelles sur lesquelles reposent l’ordre social et la stabilité du gouvernement républicain. Ce discours a été vivement applaudi : les cris de vive la République , vive la Convention , se sont fait entendre à plusieurs reprises. Les salves d’artillerie ont recommencé et la Convention précédée, accompagnée et suivie comme il est dit ci-dessus, a repris le chemin du palais national, où étant arrivée, chacun de ses membres s’est retiré vers trois heures de l’après-midi (2). 3 État des dons patriotiques faits à la Convention nationale , depuis le 21 vendémiaire, Van troisième de la République française une et indivisible, jusques et compris le 30 du même mois. Du 21 vendémiaire. Le citoyen Antoine Desveraeys, ancien maire de Commune-d’ Armes, ci-devant Saint-Etienne [Loire], a fait parvenir, pour la construction du vaisseau le Vengeur , un assignat de 400 L. (2) P.-V., XLVII, 280-282. Bull., 1er brum. Débats, n° 760, 469-471 ; Moniteur, XXII, 295; J. Univ., n” 1795; M. U., XLV, 34-35. Les citoyens Monville et Romain, directeurs des spectacles de Tours [Indre-et-Loire], ont envoyé, pour les infortunées victimes de la journée du 14 fructidor, 408 L en assignats. Du 22. Les administrateurs du district de Bel-lême [Orne] ont envoyé deux décorations militaires et deux brevets. Du 23. Les citoyens composant la commission des armes à feu ont fait déposer, par le citoyen Berger, la somme de 822 L 10 s. pour les victimes de la journée du 14 fructidor. La société populaire de Sigean, district de Narbonne [Aude], a envoyé, pour les frais de la construction d’un vaisseau, la somme de 8 245 L en assignats. Les citoyens composant la commune de Narbonne [Aude] ont envoyé, pour contribuer à la construction d’un vaisseau de ligne, une boîte contenant, Une paire de chandeliers; Une tasse pour quêter; Une paire de boucles; Une tabatière : le tout en argent. Une bague d’or, pesant 18 grains. En assignats, 38 998 L 10 s. ; en or, 192 L ; en argent, 75 L : plus, en cinq paquets d’assignats de différentes valeurs, la somme de 7887 L : total, 47 152 L 10 s. Du 24. La société républicaine de Grasse [Var] a envoyé, au nom de feu Jean-Baptiste Woiré, d’Arigny-sur-Oise, mort dans un des hospices militaires de Grasse, une piastre et un écu de 6 L. La société populaire de Baye, district de Chinon-la-Montagne, département de la Nièvre, a envoyé, pour les frais de la guerre, la somme de 129 L en assignats. Du 25. Le citoyen Beaucourt fils, administrateur du district de Nîmes [Gard], a donné, pour le soulagement des victimes de la journée du 14 fructidor, la somme de 333 L en assignats. Le citoyen Roché, sergent national de la commune de Mosnac, département de la Charente-Inférieure, a fait déposer, pour les frais de la guerre, la somme de 285 L en assignats. Du 26. Les administrateurs du district de Mont-Armance, ci-devant Saint-Florentin