[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nivôse an il 431 L J t 28 décembre 1/93 récompenser au milieu même des mouvements terribles et variables des révolutions. Je demande que l’Assemblée décrète que la gravure qui représentera l’action héroïque et la piété filiale de Joseph Barra, de Palaiseau, sera faite aux frais de la République, et envoyée par la Convention nationale dans toutes les écoles primaires, pour y retracer sans cesse à la jeunesse française l’exemple le plus pur de l’amour de la patrie et de la tendresse filiale. T, es propositions de Robespierre et de Barète sont adoptées au milieu des plus vifs applau¬ dissements. Suivent deux lettres lues par Parère. A. Prieur (de la Marne) ef Turreau, représentants du peuple près l’armée de l’Ouest, au comité de Sa¬ lut public (1). « Savenay, le 4 nivôse, an II de la République. « Dans la lettre que nous vous avons écrite ce matin, nous ne nous avons pas rendu compte du nombre de morts et des blessés. Ce n’est pas que nous les ayons oubliés; les derniers étaient logés avec nous; nous leur avons donné tous les secours possibles, et nous avons trouvé dans tous cette énergie républicaine qui carac¬ térise les Français régénérés; on parlait autre¬ fois dans les combats des cris des blessés, qui inspiraient la crainte aux combattants ! Que les temps sont changés. Les blessés ne connaissent d’autres cris que ceux de Vive la République ! Deux cents soldats républicains ont reçu des blessures honorables que leurs compagnons d’armes leur enviaient; trente au plus ont payé de leur vie leur amour pour la patrie. « Nous avons encore à offrir à la Convention nationale un trait digne du beau temps des républiques : trois grenadiers du 6e régiment ci-devant d’Armagnac, dont nous vous trans¬ mettrons les noms, ont saisi dans le combat un de leurs frères qui combattait pour les brigands : ils ont demandé qu’il fût jugé par la Commission militaire. « Nous ne vous enverrons pas les drapeaux blancs saisis sur les brigands, nos hussards les traînaient dans la boue à la queue de leurs che¬ vaux : ils auraient souillé l’enceinte du temple de la liberté. « Prieur (de la Marne); L. Turreau. « P. S. Nous allons demain à Nantes pour concerter avec Turreau, général en chef, les opé¬ rations ultérieures nécessaires pour la destruc¬ tion totale des brigands de Noirmoutiers et des autres parties de la Vendée. » (1) Archives du ministère de la guerre, armée de l’Ouest, carton 5/5. Bulletin de la Convention du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793). Moni¬ teur universel [n° 100 du 10 nivôse an II (lundi 30 décembre 1793), p. 402, col.' 3]. « Le secrétaire de Marceau a tué le chevalier des Essarte, un des chefs des brigands. Guermeur, qui nous a accompagnés, a tué Chatelus com¬ missaire des guerres des brigands. » (Le P. -S. est de la main de Prieur.) B. Francastel, représentant du peuple près l’armée de l’Ouest, au comité de Salut public (I). « Angers, 5 nivôse, an II de la République française. « Vive la République ! mes collègues, plus de brigands en deçà de la Loire, et tout se pré¬ pare pour que tous ceux de la Vendée subissent enfin le même sort, le sort des rebelles : la mort. Des milliers sont ramassés dans les différentes communes et expient promptement leurs for¬ faits. J’ai fait réunir dans un même local tous ceux que leur âge tendre semble excuser et rendre susceptibles des impressions républi¬ caines; ils sont surveillés et soignés par des pa¬ triotes. C’est une consolation au milieu des fu¬ sillades et des guillotines qui servent la ven¬ geance nationale. Demain, une partie de la garnison de cette place ira renforcer les postes de l'intérieur de la Vendée, en attendant que les troupes du Nord viennent y porter les grands coups. Je fais ré¬ pandre à profusion parmi les républicains de l’armée les placards dont je joins ici quelques exemplaires. « Salut et fraternité. « Francastel. » C. Suit le texte du discours prononcé à la barre par le citoyen Buquet, aide de camp du général Klé¬ ber (2). Citoyens représentants, Envoyé près du ministre de la guerre par le général commandant en chef par intérim l’ar¬ mée de l’Ouest, je suis encore chargé d’une mis¬ sion infiniment plus flatteuse, je dois, au nom de mes frères d’armes des armées de l’Ouest et de Cherbourg déposer dans votre sein quel¬ ques expressions bien faibles, il est vrai, pour rendre une reconnaissance aussi fortement sentie que la nôtre. A la nouvelle de mon départ, ils se sont présentés en foule au quartier général. « Tu vas à Paris? m’ont-ils dit, sois-y l’or¬ gane de nos sentiments d’estime et de respect pour la Convention; laisse aux muscadins le soin de la parure. Eh ! pourquoi rougirions-nous de la boue qui couvre nos vêtements ou de leur mauvais état. Tu iras donc, sans t’inquiéter de (1) Archives nationales, carton AA 42, dossier 1321. Aulard : Recueil des actes el de la correspon¬ dance du comité de Salut public, t. 9, p 659. (2) Archives nationales, carton C 292, dossier 936, pièce 13. Premier supplément au Bulletin de la Convention du 8 nivôse (samedi 28 décembre 1793). 432 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! * nnrSse an II ) 28 décembre 1793 ton costume, mettre pied à terre devant le sanc¬ tuaire auguste qui contient les vrais défenseurs de la patrie, tu t’approcheras de la Montagne que nous révérons, tu feras répéter à ses échos les sons qui sortent de nos cœurs. Ses habitants sont nos pères; tu les assureras de notre invio¬ lable attachement à leurs principes, tu leur di¬ ras que leurs enfants feront tout pour être di¬ gnes d’eux, tu leur diras enfin, au nom des sol¬ dats républicains des armées de l’Ouest, de Brest et de Cherbourg. »' « Citoyens représentants, « Si quelque chose eût été capable d’inspirer plus d’énergie, de donner plus de courage, plus d’audace à ceux qui ne connaissent rien de plus sacré que les serments qu’ils ont faits depuis longtemps de sacrifier toute leur existence à la cause de la liberté, c’eût été sans doute le dé¬ cret par lequel vous venez de déclarer que les soldats républicains des armées de l’Ouest, dé Brest et de Cherbourg réunies ont bien mérité de la partie par leur conduite dans la ville du Mans. Tous en l’apprenant, nous jurâmes de justifier votre bienfait ou de rester sur le champ de bataille. L’acharnement avec lequel l’ennemi s’est battu à Savenay et à Montoire prouve com¬ bien cette dernière partie de nos serments était fondée. Bien n’est comparable à l’opiniâtreté qu’il a montrée d’abord; la certitude qu’il avait que nous ne faisions aucune grâce aux ennemis de la République, lui avait donné cette bra¬ voure que l’on ne trouve jamais que dans le désespoir ou dans la conviction de la bonté de la cause que l’on défend. Déconcerté enfin par une attaque aussi impétueuse que spontanée, il a fui sans que pour celte fois sa fuite ait pu le dérober à nos coups. Les brigands que nous avons chassés de la Vendée ne la reverront ja¬ mais; ils n’existent plus. Hommes, femmes, marquis et comtesses, tout est tombé sous le glaive que vous nous avez confié. Toute leur infanterie est détruite, toute leur artillerie est en notre pouvoir, et s’il est échappé près de deux cents hommes de leur cavalerie, c’est qu’il ne nous a pas été possible de traverser les ma¬ rais qui les ont soustraits à notre poursuite. Ces marais ont pu retarder mais n’empêcheront pas leur juste châtiment. Il est nuit, demain à la pointe du jour, nous les cernerons, aucun n’é¬ chappera à la justice nationale. La République a les yeux sur nous, la République sera contente de nous. Nous avons juré de combattre tant qu’elle ne sera pas parfaitement consolidée : vie, santé, fortune, nous sacrifierons tout pour être fidèles à nos serments, nous croirons tous n’avoir rien fait pour elle tant qu’il restera un seul de ses ennemis. » Je vais, représentants, laisser sur votre bu¬ reau l’original de cette adresse (1), il sera entre vos mains le gage de notre courage, et s’il pou¬ vait se faire que des soldats républicains oublias-(1) L’original de cette adresse, que nous repro¬ duisons ci-après, présente quelques légères va¬ riantes. Des mots ont été changés, d’autres ont été ajoutés. Nous avons souligné les uns et les autres, afin que le lecteur puisse se rendre compte des changements. sent les devoirs que leur impose le caractère? sacré de défenseur de l’humanité, alors indignés de notre conduite, renvoyez-nous cet original. Ah! j’en suis sûr juge par mon cœur, par. le cœur de tous mes frères d’armes, puisque pour la patrie nous avons tous le même zèle. Hon¬ teux, de notre faiblesse, nous regagnerions votre? estime en nous portant à des actions qui nous rendraient le droit de vous adresser une seconde fois cette expression simple de nos sentiments; D. ; Texte original de l'adresse (1), ; Les soldats composant les armées de l’Ouest, de Brest et de Cherbourg réunies, à la Convention \ nationale. ; « Du champ de bataille de Savenay, le 3 ni-j vôse, an II de la République, une et i indivisible. | « Si quelque chose eût été capable d’inspirer j plus d’énergie, de donner plus de courage, plus I d’audace à ceux qui ne connaissent rien de plus j sacré que les serments qu’ils avaient faits de-! puis longtemps de sacrifier toute leur existence ! à la cause de la liberté, c’eût été sans doute le I décret par lequel vous venez de déclarer que ! les soldats républicains des armées de l’Ouest, | de Brest et de Cherbourg réunies ont bien mé¬ rité de la patrie par leur conduite dans la ville du Mans. Tous en l’apprenant, nous jurâmes de justifier votre bienfait ou de rester sur le champ? de bataille. L’acharnement avec lequel s’est battu l’ennemi à Savenay prouve combien? cette dernière partie de nos serments était fondée. Rien n’est comparable à l’opiniâtreté qu’il a montrée d’abord, la certitude qu’il avait que nous ne ferions aucune grâce aux ennemis de la République, lui avait donné cette bravoure que l’on ne voit presque jamais que dans le déses¬ poir; mais, étonné de notre attaque impétueuse et spontanée, il a fui enfin sans que sa fuite ait pu le soustraire à nos coups. Les brigands que nous avons chassés de la Vendée ne la rever¬ ront plus jamais, ils n’existent plus! Hommes, femmes, marquis, et comtesses, tout est tombé? I sous le glaive que vous nous avez remis; toute ; leur infanterie est détruite, toute leur artillerie est en notre pouvoir, et s’il s’est sauvé près de i deux cents hommes de cavalerie, c’est que nous ; n’avons pu traverser les marais qui les ont sous-' traits à notre poursuite. Ces marais ont pu re-: tarder, mais n’empêcheront pas leur juste châ-: timent. Il est nuit; demain à la pointe du jour, nous les cernerons, aucun n’échappera à la jus-: tice nationale. La République a les yeux sur ' nous, la République sera contente de nous. Nous ; avons juré dé combattre jusqu’à ce qu’elle soit 1 consolidée. Vie, santé, fortune, nous sacrifie¬ rons tout pour être fidèles à nos serments. (Suivent 108 signatures ( 2 ),) (1) Archives nationales, carton C 292, dossier 936, pièce 12. Moniteur universel [n° 99 du 9 ni¬ vôse an II (dimanche 29 décembre 1793), p. 400, col. 1], (2) Parmi ces signatures, on remarque celles de» généraux Marceau et Kléber.