624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790.] « L’Assemblée nationale décrète : 1° qu’elle s’occupera d’abord du sort des religieux qui sortiront de leurs maisons ; 2° qu’elle examinera, ayant tout, s’il faut admettre à cet égard une différence entre les ordres rentés et les ordres non rentés ; 3° qu’elle examinera ensuite si , parmi les individus du même ordre, il sera fait quelque différence relativement à leur âge, à leurs titres et qualités dans leur ordre, ou dans leurs maisons. » M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. ANNEXES A LA SÉANCE de l'Assemblée nationale du 17 février 1790. Nota. Nous insérons ici plusieurs pièces qui ont été imprimées et distribuées à tous les membres de l’Assemblée nationale et qui font partie des documents parlementaires de l’année 1790. première annexe. Projet de décret sur la question militaire (1), précédé d’un discours, par M. le baron Félix de Wiinpfen, député de Caen (2). Messieurs, je ne monte pas à la tribune pour réfuter, une à une, des propositions qui me semblent de véritables hérésies militaires; je vais les combattre en masse, parce que cela sera plus court, et parce qu’il en est même plusieurs qu’il serait dangereux d’y discuter; car, ce que quel-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Le 3 du mois d’août de l’année dernière, j’ai fait une motion tendant à prévenir l’anéantissement du pouvoir exécutif, si nécessaire au maintien de l’ordre, hors duquel il n’y a point de liberté. On a jugé à propos de n’adopter de ma motion que le serment militaire, que je n’y avais ajouté que dans la vue de concilier la liberté publique avec les moyens que le pouvoir exécutif doit être le maître d’employer pour rétablir ou maintenir l’ordre public. Mais il est des personnes tellement aveuglées par l’amour de la liberté, que je tremble qu’elles ne nous précipitent dans le despotisme dont elles ont une si sainte horreur. Au mois de septembre, je proposai de former un comité militaire, chargé de présenter des bases d’après lesquelles le pouvoir exécutif donnerait uu nouvel être à l’armée que je voyais en fusion. Après trois semaines d’attente et de débats, ma motion fut enfin décrétée ; mais presque toujours seul de mon avis, mes opinions sont restées sans inflence. Au moment où je me flattais qu’on décréterait enfin quelque chose, de nouvelles motions, de nouveaux projets semblent nous rejeter au premier jour où il fut question de l’armée, et le retard que les auteurs occasionnent m’effraie autant que le résultat qui doit émaner de leurs .diverses théories, parce que plus l’attente d’un sort se prolonge, plus l’impatience de le connaître s’accroît, et fait porter un jugement plus sévère sur ce qu’on nous a fait acheter par les agitations d’une longue incer titude ; que si des praticiens, dénués d’intérêt personnel et du fol arnour-propre, se rallient facilement au centre commun de l’expérience; des théoriciens, au contraire, manquent de point de réunion, s’égarent dans le vague de l’imagination et ne produisent que de ces systèmes qu’un a dit du peuple, peut, eu changeant un seul mot, tout aussi bien s’appliquer à l’armée, qu’il est plus aisé d’égarer que d’organiser: et ce n’est pas d’une organisation d’armée que vous avez chargé votre comité militaire, c’est de vous présenter des bases d’après lesquelles le pouvoir exécutif devra organiser l’armée comme il le jugera bon. Voilà, Messieurs, la mission que vous avez donnée, la seule mission que vous avez pu donner à votre comité militaire, parce que l’organisation d’une armée devant être la savante combinaison d’un génie militaire, elle appartient à un seul, à celui entre les mains duquel la nation dépose la force défensive de l’Etat contre les ennemis de l'Etat. Les bases qu’il vous convient de déterminer sont connues; elles sont simples, elles sont constitutionnelles, elles sont à la portée de tous les esprits; il n’est pas nécessaire d’être militaire pour les juger avec connaissance de cause. Les meilleures qui vous ont été proposées sont deMM.de LamethetdeNoailles,quoiquejen’adopte pas tous les articles proposés par M. de Noailles, et que j’eusse désiré qu’il n’eût pas ajouté un mode au fond de quelques autres; mais au moyen d’une légère réforme que je me permettrai de faire à son décret, et en dégageant certains de ses principes des parties hétérogènes qui les défigurent, je n’en serai peut-être que plus d’accord avec ce qu’il vous eût offert s’il n'avait pas eu des coopérateurs. J’ai dit que la détermination des bases appartenait au pouvoir législatif, et l’organisalion au pouvoir exécutif; et j’ajoute que passer cette ligne de démarcation qui sépare les pouvoirs serait blesser les principes que vous avez établis, renverser l’ordre des choses que vous vous efforcez de fixer, et vous engager dans un labyrinthe de détails d’où il ne sortirait qu’une monstrueuse production qui ferait le désespoir de cette armée dont vous désirez tant faire le bonheur. S’il est vrai, comme l’a dit Montesquieu, que les plus grandes têtes se rétrécissent en se rassemblant, c’est surtout dans la discussion d’un sujet inépuisable en détails. S’il est vrai que les septavortons de constitution militaire, qui, depuis la paix de 1763, ont convulsionné l’armée jusqu’à l’épuisement, et qui toutes ont été l’ouvrage de plusieurs, viennent encore à l’appui de la sentence de Montesquieu, il est facile de préjuger quel ouvrage émanerait d’une assemblée aussi nombreuse que la nôtre, et dont les huit-dixièmes des membres qui la composent n’oitf pas la connaissance des premiers éléments de l’organisation d’une armée, d’une organisation où il n’est pas un seul objet de détail d’une seule arme, qui n*ait sa ressemblance et sa dissemblance avec l’objet de détail correspondant d’une autre arme; des rapports immédiats ou médiats avec des objets de la plus haute importance, et dont l’œil de la pratique seul voit l’enchaînement. Oui, quand je songe que, pour vous empêcher de défendre votre dignité de législateurs, pour entrer dans la carrière subalterne, où l’on essaie où le nombre des incohérences donne celui des conceptions qui y ont contribué. Plaise au ciel que je me trompe encore et que ma prévision soit fautive f mais, pour l’acquit de ma conscience, j’ai cru devoir rendre public, par la voie de l’impression, ce que je ne puis parvenir à dire à la tribune. (Note de M. le baron de Wimpfen). i