601 [Assemblée nationale,) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791.1 Des équitations royales. « Les directeurs brevetés d’académies d’équitation sont déclarés susceptibles des récompenses et pensions accordées aux fonctionnaires publics pour raison de leurs services. » (Ce décret est adopté.) M. Verchère de Reffye, secrétaire, donne lecture d’une lettre des administrateurs faisant les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin. Cette lettre est ainsi conçue: « Strasbourg, le 25 mai 1791. <- Messieurs. « Le fanatisme, l’intérêt monacal, le désespoir des nobles émigrés, les fureurs du cardinal de Rohan, et toutes les passions que peut produire le délire de l’aristocratie, nous environnent de tant de pièges, de tant de malheurs qu’avec un zèle infatigable il nous est impossible de faire triompher la bonne cause et de soutenir la chose publique dans ce département, sans des mesures extraordinaires que notre position réclame impérieusement aujourd’hui et qui ne peuvent être différées. « Ce que nous avons l’honneur de vous propo-poser consiste à nous accorder un renfort considérable de gardes nationales tirées de l’intérieur de la France, et dont le patriotisme puisse déjouer les intrigues des ennemis de la Constitution que nous avons le malheur de nourrir au milieu de nous. Nous sommes forcés d’en convenir à regret, mais nous devons, à la vérité, cet aveu qui nous coûte. Parmi les excellents patriotes qui vivent dans ce département, qui sont animés pour la Constitution du dévouement le plus sincère et qui brûlent d’en donner les preuves, il est encore malheureusement des esprits subjugués par les prêtres qui croient défendre la religion lorsqu’ils ne font qu’obéir aveuglément aux impulsions des ecclésiastiques réfraciaires : ce ne sera qu’avec bien du temps et des difficultés que la raison triomphera de leurs vieux préjugés couverts par l’ignorance , et soigneusement entretenus par l’ancien clergé. Us évitent toute communication avec les prêtres assermentés et constitutionnels ; les églises sont vides lorsque ceux-ci célèbrent l’office divin, tandis qu’elles présentent un concours prodigieux d’assistants à une simple messe basse dite par un moine réfractaire à la loi. Plusieurs curés, qui ont prêté le serment à leur arrivée dans leurs paroisses pour en prendre possession, ont risqué d’être massacrés par le peuple; et peu s’en est fallu qu’ils ne scellassent de leur sang les actes publics d’obéissance à vos décrets. Quelques-uns ont été obligés de quitter leurs cures, où les curés rebelles continuent leurs fonctions comme s’ils n’étaient pas remplacés. « Les paroisses se sont organisées et les curés ne sont nombreux encore que dans le seul district de Strasbourg. Ceux de Haguenau, Benfeld et Wissembourg présentent des obstacles beaucoup plus dilficiles à vaincre pour le remplacement des curés, soit par la rareté des sujets, soit par la mauvaise disposition des habitants de campagne. Pour prévenir les malheurs et pour assurer l’exécution de la loi, il a fallu détacher des troupes de ligne dans les communautés et les distribuer dans les parties de ce département où les habitants paraissent opposer le plus de résislance à l’acceptation du nouveau régime, Les détachements divers, forment un total de 2,400 hommes. Si, par suite d’une attaque du dehors et d’une invasion d’ennemis, les troupes détachées étaient forcées de rejoindre leurs drapeaux, si elles étaient rappelées par le général, le désordre le plus désastreux se manifesterait à l’instant dans la campagne; on y verrait éclater le feu de l’insurrection, et tout bientôt retomberait dans le tumulte de l’anarchie. Les prêtres fidèles deviendraient les premières victimes de la vengeance de leurs anciens confrères, et les bons patriotes, accablés par le nombre, périraient en regrettant le peu d’attention qu’on aurait apporté à la conservation de leurs jours et à la garde de leurs propriétés. « Les préparatifs qui se font du côté droit du Rhin et le rassemblement de troupes dans le voisinage de Worms et de Mannheim, le bruit de guerre qui retentit constamment sur nos rives, tout annonçe une attaque du dehors. Le projet peut échouer, mais il y aurait trop de. sécurité à braver légèrement les apparences. Il est donc infiniment essentiel de conserver l’ensemble des troupes de ligne et de ne point affaiblir la partie de l’armée vouée à notre défense par des détachements dans les villages, où le soldat, quelquefois entraîné à la licence, oublie aisément la discipline, s’écarte si aisément d’un genre de vie sévère, qui seul convient à un militaire prêt à combattre et à repousser l’ennemi. D’un autre côté, nous croyons avoir prouvé qu’il était indispensable et nécessaire que nos communautés eussent un nombre suffisant d’hommes armés destinés à protéger la nomination des nouveaux curés contre les entreprises perfides des malveillants et seconder les efforts de notre administration. « Nous vous prions, en conséquence, Messieurs, de décréter qu’il sera incessamment envoyé 5,000 gardes nationales, tirés de l’intérieur de la France, dans le département du Bas-Rhin, pour être répartis dans les communautés qui le composent. Nous vous demandons 5,000 hommes, parce que c’est à peu près le nombre qui est nécessaire à nos besoins pour assurer la Constitution et la tenue exacte du service : nous vous prions de les faire tirer des parties intérieures de la France, parce que nous avons besoin, dans ce département, d’hommes, d’un caractère bien prononcé qui puissent servir de modèle à ceux de nos compatriotes, dont l'opinion vacillante ne repose point encore sur des principes invariables, dont le patriotisme bien décidé, et à toute épreuve, ne se laisse pas séduire par de vaines promesses, épouvanter par de fausses alarmes, ralentir par des nouvelles forgées à plaisir; mais qui, inébranlables au milieu du choc des contrariétés, des intérêts et des passions, marchent d’un pas ferme et rapide au but proposé par la Constitution. « Nous regrettons bien sincèrement que la situation des finances de ce département ne nous permette pas de subvenir à la paye des gardes nationales; c’est un sacrifice de plus que nous aurions eu le bonheur de faire à la patrie commune : mais, nous regardant comme les barrières de l’Empire, il paraît évident que les dépenses occasionnées par la nécessité d’une juste défense soient supportées par le Trésor public. « Il ne nous reste qu’à vous prier d’accélérer, autant qu’il sera possible, la décision que nous sollicitons à cet égard; car chaque jour de péril devient plus proche, et malheureusement nos 602 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 mai 1791.] ressources diminuent à mesure que le danger nous menace. L’ennemi du dehors peut nous attaquer en face ; l’ennemi du dedans nous mine sourdement. Les prêtres rebelles, plus dangereux, sentant l’avantage qu’ils ont, redoublent leurs manœuvres. En accueillant la demande que nous avons l’honneur de vous faire, vous donnerez une nouvelle preuve de votre sollicitude paternelle pour un département que sa position rend tous les jours plus digne d’attirer votre attention et de ressentir les effets de vos bontés. « Nous sommes avec respect, etc... « Signé : Les administrateurs faisant les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin. » M. Regnaud(ete Saint-Jean-d'Angèly). Il n’est pas nécessaire de s’étendre sur l’urgente nécessité de prendre une détermination relativement à la lettre dont vous venez d’entendre la lecture. Je ne doute pas qu’une des principales mesures qu’il y ait à proposer ne paraisse à vos comités, à qui je fais la motion de la renvoyer, possible à adopter; et je ne doute point, moi personnellement, de son succès. Je suis convaincu qu’une très grande portion de la garde de l’intérieur du royaume, et particulièrement de la garde nationale parisienne, s’empressera d’aller porter à nos frères du Bas-Rhin le même courage, le même zèle, la même énergie qu’elle a développée. {Applaudissements des tribunes.) Je crois devoir rappeler que déjà un très grand nombre de citoyens, d’amis de la liberté et surtout d’amis de la paix qu’on veut troubler sur les confius de l’Empire, pour pouvoir la troubler ensuite au milieu ; qu’un très grand nombre de citoyens, dis-je, se sont déjà fait inscrire pour cette mission honorable et glorieuse, et je ne doute pas qu’aussitôt que vous leur aurez permis de partir, vous n’ayez plus d’autre embarras que celui de choisir parmi ceux qui s’offriront; mais, pour qu’on puisse prendre une détermination aussi prompte que la nécessité semble l’exiger, je demande que la lettre dont vous venez d’entendre la lecture soit renvoyée aux comités diplomatique et militaire réunis pour en faire le rapport demain saus faute à midi. (4 gauche: Oui I oui !) Un membre ; M. le procureur général syndic du département des Vosges m’écrit que ce département manque d’armes et il en demande avec les plus vives instances. Il vient de recevoir une quantité de 1 ,600 fusils pour 562 municipalités dont la plupart sont composées de 10 à 12 villages, formant une population de 10 à 12,000 hommes. Ce département n’a point de poudre, et cependant le même procureur général me marque que, dans les arsenaux et dans les magasins, il y en a de grandes quantités. Vous voyez, Messieurs, combien il est intéressant que ce département soit armé. J’ai l’honneur de vous représenter qu’il touche à l’Alsace, de toutes les provinces de la France la plus exposée. J'ajouterai même, Messieurs, qu’il y a de ce côté de nos frontières un passage où, dans la supposition d’une irruption, l’on pourrait s’introduire jusqu’au milieu du département. Je demande, avec le renvoi de la lettre de Strasbourg au comité., que l'Assemblée veuille bien ordonner quede comité prendra en considération la situation de ce département, afin de mettre le peuple à l’abri d’un coup de main. M. Rabaud-Salnt-Etlenne. On vient d’en* voyer au comité diplomatique une lettre de Pontarlier, dans laquelle on témoigne également que malgré le sang-froid que l’Assemblée nationale a gardé sur tous ces bruits, ainsi que le commandait sa dignité, bruits dont la plupart sont mal fondés, il est cependant de sa justice et de son amour pour les peuples, de terminer les alarmes qui régnent sur toutes nos frontières. J’ai reçu des administrateurs du district de Pontarlier des détails sur l’état de l’émigration. Cette ville est une de celles qui s’en rendent plus facilement compte parce qu’elle est au passage. L’on m’écrit dans cette lettre qu’il passe tous les jours quinze ou vingt berlines pleines de monde, escortées de beaucoup de domestiques, de beaucoup de gens à pied et à cheval, lesquels emportent de l’argent. Aussi la municipalité, la garde nationale et le directoire du district se sont réunis pour faire de concert cette lettre, afin quelle ait plus de poids auprès de l’Assemblée nationale. Il y a d’autres objets qu’il est inutile d’énumérer maintenant; mais je demande que cette lettre soit jointe au rapport que le comité diplomatique doit faire, puisque cela regarde la même frontière. M. Eavie. Dans les départements du Haut et du Bas-Rhin nous avons le malheur d’être infectés de moines... {Rires et applaudissements.) Je disais donc, Monsieur le Président, que dans les deux départements du Haut et du Bas-Rhin nous avons le malheur d’être infectés de moines; le terme n’est pas trop fort, Messieurs... Un membre à droite : Le terme est insolent. M. Eavîe. Ce sont vos camarades... Je disais donc que ces hommes après avoir été traités par la nation comme vous savez {Rires à droite.) avec munificence, avec générosité, puisqu’on a donné à ceux qui demandaient l’aumône 8 ou 9 livres de reote; et dans nos provinces c’est une grande somme. Ceux qui ne pensent pas comme cela sont accoutumés aux déprédations. Je dis donc, Messieurs, que ces hommes vous payent de l’ingratitude la plus monstrueuse, que ces hommes sont perpétuellement à colporter de maisons en maisons, de châteaux en châteaux, d’un côté du Rhin à l’autre, toutes sortes de pamphlets, d’écrits incendiaires, tous plus abominables les uns que les autres, et qui ressemblent à leurs auteurs. Eh bien ! Messieurs, les départements ont voulu s’eu débarrasser;onavoulu,parexemple, envoyer des capucins à Belfort, où il y a des hommes vraiment constitutionnels {Rires), et où nous saurions bien les contenir, car il y a une justice prompte. On a voulu les déplacer : ces mauvais citoyens, ces hommes, reste de ces déprédateurs de ma province qui existent encore à Colmar, ces hommes qui rendaient toujours des arrêts en faveur du riche contre le pauvre, et qui vivaient de la substance du malheureux; ces hommes ont fait entrer le peuple en insurrection, et ont empêché le département d’en venir à bout, du moins jusqu’à présent. Je demande donc que le département soit autorisé non seulement à envoyer chez nous, où nous les contiendrons, mais dans l'intérieur du royaume, ces moines incendiaires; et là, quand une fois ils y seront, ils n’infecteront plus la province. {Murmures prolongés.) Je demande premièrement que ma demande