[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er septembre 1191.] 143 tes les frontières, que l’Assemblée nationale, non-seulement ne fût pas induite en erreur, mais même ne pût pas l’être à l’avenir, au sujet de dispositions militaires insuffisantes pour la sûreté publique. Enfin, j’observe que déjà les commissaires de l’Assemblée qui ont visité le cours de la Meuse, ont contredit par leur rapport les exposés de M. Duportail et du comité militaire; et qu’ainsi il était enfin nécessaire d’avoir des explications publiques sur ce sujet. On me demandera maintenant, avec M. Le Chapelier, pourquoi j’ai tant tardé à parler à l’Assemblée de cette lettre que j’avais reçue, suivant lui depuis 3 semaines, quand j’en ai parlé. J’observe d’abord, qu’il n’y avait pas 3 semaines, mais 14 jours seulement, que j’avais reçu cette lettre, quand j’en ai parlé à l’Assemblée nationale. On ne reçoit ici les lettres de Thionville que le quatrième jour : or, celle dont il s’agit, est du 13 août. Je n’ai donc pu la recevoir que le 17 au soir. Or, du 17 au 31, il y a 14 jours. En second lieu, les raisons pour lesquelles je n’ai pas porté plus tôt cette lettre à l’Assemblée, et je les ai écrites à Thionville, ont été : 1° de ne point jeter au milieu des travaux de la Constitution et de la révision un objet qui n’y avait pas rapport; 2° la crainte de voir renvoyer simplement ma lettre au comité militaire, où elle serait restée ensevelie; 3° l’intention où j’étais de demander incessamment au comité un nouveau rapport sur l’etat des frontières et de l’interpeller alors, suivant l’intention de Thionville, sur l’état des munitions et fournitures de cette ville. On va me demander encore, avec M. Le Chapelier, pourquoi ayant cru avoir de bonnes raisons pour différer la présentation de la lettre dont il s’agit, je l’ai commencée jeudi; pourquoi j’ai interrompu l’ordre du jour par cette annonce, et si ce n’était pas uniquement pour jeter de vaines alarmes dans le peuple ? Voici mes réponses : D’abord je pensais jeudi, comme je pense encore aujourd’hui, que ma proposition était non-seulement à l’ordre du jour de jeudi, mais même était impérieusement commandée par l’ordre de ce jour . En effet il s’agissait d’un décret qui, changeant l’état du roi, rendait extrêmement nécessaire à la sûreté et à la liberté du roi même, que nos frontières fussent dans l’état de défense ou l’Assemblée nationale avait voulu qu’elles fussent. Je réponds ensuite, qu’exposant le sujet de mes inquiétudes personnelles, de celles de beaucoup d’autres citoyens, de celles d’une ville frontière de première ligne, qui m’en avait chargé, je ne devais pas craindre de m’entendre imputer le dessein de répandre gratuitement l’alarme dans le peuple. Grâce au ciel, j’ai mal profité des exemples qui m’ont été souvent donnés à la tribune et ailleurs, pour exciter le peuple par des motions incendiaires; et tout le monde sait qu’heureusement tout ce qui tient à, l’art des émeutes commence à se perdre depuis que certaines gens n’ont plus d’intérêt à s’en mêler. Voilà, Messieurs, ce que j’avais à dire de moi. Venons maintenant à la chose publique qui est plus importante. Que j’aie eu tort ou raison de parler de ma lettre jeudi ; que je l’aie plus ou moins exactement rapportée, que j’en aie parlé ou trop tôt ou trop tard, il n’importe. Celte lettre reste : elle contredit le ministre et le comité, sur des faits importants ; elle vient d’une ville frontière ; elle est d’un homme public, d’un bon citoyen ; elle est appuyée par une société nombreuse de patriotes; elle est soutenue de pièces justificatives ; elle a frappé les oreilles de l’Assemblée nationale, il faut donc que les faits soient authentiquement éclaircis. Et c’est ce qué je demande. Je le répète, Messieurs, je n’entends dénoncer ni le comité militaire, ni surtout le ministre. Je crois sans peine qu’un ministre, comme on vous l’a dit l’an passé, peut /aire le mort , pour donner à croire que sa puissance est insuffisante, et la faire augmenter ; mais je pense aussi que plusieurs personnes, dont le devoir serait de soutenir son activité, fort occupées de l’espoir de le remplacer, ne le sont point du tout du soin de le réveiller, et seraient au contraire fort aises de lui donner vivant les honneurs de la sépulture. Je suis, en conséquence, fort disposé à attendre, pour juger un ministre, qu’il ait été essayé quelque temps par la nouvelle législature, qu’il ait perdu tout espoir de faire changer la mesure de son pouvoir, et qu’il soit affranchi de l’oligarchie de comités, pleins de gens intéressés à ce qu’il fasse de3 fautes, ou ne fasse rien. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 1er SEPTEMBRE 1791. Projet de rédaction des articles adoptés par l’Assemblée nationale sur t’EXERClCE DU POUVOIR de révision, proposé par M. Frochot. TITRE VII (A ajouter à Pacte Constitutionnel). De la souveraineté nationale, dont l'exercice n’est pas constamment délégué. CHAPITRE UNIQUE. De la révision de la Constitution. Section lre. Du pouvoir de la nation à cet égard, et de sa délégation. La nation ayant le droit imprescriptible de changer entièrement sa Constitution, a aussi le pouvoir de la réformer en la soumettant à une révision. Lorsqu’il lui plaît d’exercer ce pouvoir, elle le délègue à une Assemblée de révision. Section II. De l'Assemblée de révision. L’Assemblée de révision est l’Assemblée des représentants ayant le pouvoir de réformer, par des changements, suppressions ou additions, une ou plusieurs parties déterminées de la Constitution. Elle se compose de la représentation au Corps législatif augmentée par le doublement de la représentation attachée à la population. En sorte qu’elle est portée en totalité à 994 représentants. 144 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [i«r septembre 1791.1 Section 111. De la demande de l’Assemblée de révision et de la nomination des représentants. L>'s citoyens peuvent adresser en leur nom, au Corps legislatif, des pétitions individuelles pour demander une Assemblée de revisioo. (Cet article n’est pas textuellement décrété, m;iis il est de droit, et surtout il est utile à rappeler, dans la circonstance, pour éviter les inductions malveillantes.) Mais le Corps législatif peut seul déclarer, au nom de la nation, qu’il pense que ce rassemblement est néces-aire. Il ne peut délibérer sur cet objet que dans les 2 derniers mois de sa seconde session. Il fait sa déclaration par un acte pubic. Cet acte doit contenir l’énonciation précise des articles de la Constitution que le Corps législatif pense devoir être examinés, ou l’objet de l’addition qu’il juge nécessaire. (Cet article et le précédent ne sout pas décrétés positivement, mais ils sont une conséquence nécessaire des articles adoptés.) Mais le Corps législatif ne peut, dans aucun cas, ajouter à cette exposition le détail de ses motifs, ni indiquer le sens de l’addition, de la réforme ou des changements. (Cet article n’est pas décrété.) La législature suivante pourra mettre cet acte en délibération dans les 2 derniers mois de la seconde session. Si elle ne juge pas à propos de s’en occuper, ou si elle décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer, la proposition sera regardée comme si elle n’avait pas été faite. Si la législation admet la proposition, elle la déclarera en ces termes : « L’Assemblée nationale législative, conlirmant le vœu de la précédente législature, pense qu’il y a lieu d’appeler une Assemblée de révision, pour prendre en considération les objets énoncés dans l’acte proclamé par la précédente législature, et dont le détail suit. » Dans ce cas, la législature qui succédera immédiatement, sera tenue de délibérer dans les 2 premiers mois de la seconde session, sur la même proposition. Si elle la rejette, elle le décrétera, et alors cette proposition sera regardée comme si elle n’avait pas été faite. Si cette troisième législature approuve la proposition, elle le décrétera en ces termes : « L’Assemblée nationale législative confirme définitivement le vœu émis par les deux législatures précédentes, et, en conséquence, décrète que la prochaine Assemblée des représentants sera formée en Assemblée de révision, pour prendre en considération les objets indiqués dans l’acte de (tel jour) proclamé par l’Assemblée nationale législative de (telle année) dont le détail suit. » En vertu de ce décret, la représentation ordinaire du royaume sera augmentée nour la prochaine Assemblée nationale, de 249 représentants répartis entre les départements dans la proportion de leur population. Ces 249 membres seront élus dans chaque département, après la nomination des représentants au Gorps législatif, t par procès-verbal séparé. » (Je n’emploie ces dernières expressions, que parce qu’on m’assure qu’elles sont textuellement décrétées ; je les regarde comme très dangereuses. Que ferait-on de plus si l’on nommait une seconde Chambre?) Les membres de la troisième législature, qui a proclamé ce décret, ne peuvent être élus mem-br< s de l’Assemblée de révision. Les actes, déclarations ou décrets du Corps législatif, concernant la demande de la Convention nationale, sont indépendants de la sanction du roi. (Cet article, très important, n’a pas été textuellement décrété.) Section IV. De la réunion des représentants en Assemblée de révision. Les représentants se réuniront; ils procéderont à la vérification de leurs pouvoirs et se constitueront en Assemblée de révision, aux mêmes époques, dans le même lieu, sur les mêmes formes et d’après les mêmes règles prescrites par la Constitution pour les législatures ordinaires. Et, néanmoins, pendant tout le cours du mois de mai, ils ne pourront se constituer en Assemblée de révision s’ils sont au-dessous de 499 représentants. (Ces 2 articles, de pure forme, sont très nécessaires.) Les représentants, après s’être constitués, prononceront tous ensemble, au nom du peuple français, le serment de « vivre libres ou mourir.» Ils prêteront ensuite individuellement le serment de maintenir de tout « leur pouvoir les bases fondamentales de la Constitution du royaume, décrétée par l’Assemblée constituante aux années 1789, 1790 et 1791, et de se borner à statuer sur les objets énoncés dans l’acte de (tel jour) proclamé par l’Assemblée nationale législative (de telle année. » (Cette formule ne doit pas être négligée, puisqu’on ne peut employer celle usitée pour les législatures.) L’Assemblée de révision entrera, dès lors, en pleine activité. Elle prononcera, sans passer à d’autres actes, sur les changements, réformes ou additions proposées à la Constitution par les 3 dernières législatures. Aussitôt que l’Assemblée de révision aura rem pli sa mission et terminé son travail, elle enverra une députation au roi pour le prier de se transporter auprès d’elle, pour faire en sa présence, à la Constitution, sur la minute déposée aux archives, les changements qui auront été décrétés. La Convention nationale se dissoudra aussitôt par la retraite des 249 représentants extraordinaires. (Si on n’avait pas décrété l’élection de ces 249 représentants par procès-verbal séparé , je proposerais ici l’article suivant : la réduction sera faite par la voie du sort.) Après la séparation, les représentants restants se constitueront en Assemblée nationale législative; ils prêteront le serment prescrit par la Constitution et vaqueront à la législation. L’Assemblée nationale constituante aux années 1789, 1790 et 1791, considérant que de vives agitations accompagnent presque toujours les moindres changements à l’organisation sociale, que, surtout après la crise que le royaume vient d’éprouver, une révision trop prochaine réveillerait des passions mal éteintes, et qu’enfin c’est du temps et de l’expérience que doit sortir la nécessité d’une réforme de la Constitution, se [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 septembre 1791.] 145 borne à déclarer à ia nation que son intérêt l’invite à suspendre pendant*$0 années l’exercice de son pouvoir de révision, mais décrète formellement, qu’il ne pourra être fait aucune motion tendant à reviser la Constitution, ni être pris aucune délibération à cet égard, dans la législature subséquente et la suivante. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. VERNIER. Séance du vendredi 2 septembre 1791 (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du mercredi 31 août, qui est adopté. M. Bouche remet sur le bureau un mémoire des procureurs au ci-devant bailliage de Versailles, tendant à obtenir des indemnités à cause de la suppression de leurs offices ; il en demande le renvoi au comité de judicature. (L’Assemblée, consultée, déérète qu’elle passe à l’ordre du jour sur cette proposition.) M. Pierre Dedelay ( ci-devant Delley-d’Agier). Vous voyez, Messieurs, la difficulté d’établir promptement te nouveau mode de l’os-siette des contributions directes. Je demande que celles qui se perçoivent encore sur l’ancien pied continuent à se percevoir de la même manièie pendant les 6 premiers mois de la législature. (Cette proposition est renvoyée au comité des contributions.) Un membre demande que le comité d’imposition soit chargé de proposer ses vues sur les dégrèvements à accorder aux départements dont les récoites ont été les plus mauvaises. (Cette proposition est mise aux voix et adoptée.) M. le Président annonce qu’il vient de recevoir un mémoire relatif à l’éducation nationale. (L’Assemblée, consulté J, ordonne le renvoi de ce travail au comité de Constitution.) Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre de la garde nationale du bataillon de Seine-et-Oise à l’ Assemblée nationale, ainsi conçue : « Messieurs, « La garde nationale de Versailles formant plusieurs compagnies de volontaires qui composent le bataillon du département de Seine-et-Oise, nous ont députés vers vous pour déposer dans votre sein , leurs inquiétudes et leurs alarmes : appelés par vos décrets au secours de la patrie, ils se sont empressés de s’enrôler sous les drapeaux de la liberté. Les commissaires proposés à leurs formations y avaient concouru avec ardeur. Déjà un bataillon est prêt à marcher; mais, Messieurs, vous n’avez prescrit aucune règle pour leur réception. Plusieurs d’entre eux (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. lre Série. T. XXX. n’avaient pas la faculté de pourvoir à leur équipement et à leur habillement ; ils avaient offert une retenue sur leur solde, et cet offre paraissait être acceptée. Bientôt après, la revue des inspecteurs et le départ sont annoncés ; bientôt aussi le commandant général , M. d’Affry , annonce qu’il ne peut recevoir ce bataillon que quand il sera équipé. « Ne nous aurait-on assemblés que pour nous désunir? Faites, Messieurs, cesser nos inquiétudes : dites-nous, avec franchise, si notre service est encore utile à la patrie ou si nous devons retourner dans nos foyers. Servir et secourir la patrie est notre suprême bonheur; il n’est aucun sacrifice qui nous coûte pour lui prouver notre entière soumission aux lois émanées de votre sagesse. « Décrétez, Messieurs, cette retenue que nous vous offrons avec zèle. Le directoire du département pourrait, d’après vos ordres, fournir à cet équipement. Secondez, Messieurs, notre empressement et notre zèle. Quel que soit le poste que vous nous assigniez, nous y volerons avec courage. Hâtez notre départ; déjouez les ennemis du bien public qui, pour nous décourager, annoncent hautement que vous ne nous avez assemblés que pour nous licencier. La cause de la liberté est celle du monde entier. Nous combattrons les satel lites et les tyrans, s’ils osent se montrer, nous les vaincrons ou nous mourrons. Nous mourrons en hommes libres, pour le maintien de votre ouvrage; nous mourrons pour la Constitution, que nous avons juré de défendre aux dépens de notre vie. » ( Applaudissements .) M. d’André. Les comités diplomatique, militaire et des rapports, se réunirent il y a quelques jours. Il fut question de cet objet-là, on discuta ïe point de savoir si, moyennant une retenue de 3 ou 4 sous par jour, il ne serait pas possible de faire les avances d’habits et d’équipements nécessaires à ceux qui n’auraient pas d’autres moyens de se les procurer. Plusieurs membres des comités furent de cet avis ; quant à moi, je pense que cela serait très utile. Je ne sais pourquoi on n’a pas adopté ces objets à l’Assemblée nationale; je demande que les comités militaire et des rapports, auxquels cet objet sera renvoyé, soient tenus de faire le rapport demain. S’il y a des inconvénients, nous les examinerons et nous les discuterons; s’il n’y en a point, il est nécessaire que l’Assemblée prenne une mesure à cet égard, atin de pouvoir presser le départ des gardes nationales. On a déjà fait une observation à laquelle on n’a pas encore répondu ; on se plaint de ce que les gardes nationales de Paris qui sont partis sont encore àVerberie; or, je dis à l’Assemblée qu’elles sont où elles doivent être. Vous avez décrété, et très justement, outre les 3 corps d’armée pour les frontières, un corps de réserve de 15,000 hommes de gardes nationales, qui serait porté entre Senlis, Compiègne et Soissons. Vous avez désigné les départements qui doivent fournir les corps de réserve. Le département de Paris est de ce nombre; ainsi, si nous avons à nous plaindre des gardes nationales, ce n’est pas que les gardes nationales de Paris soient à Verberie, mais c’est que les 15,000 hommes n’y sont pas. J’ai dit cela afin quon ne s’inquiétât pas. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de l’adresse de la garde nationale du bataillon de Seine-et-Oise aux comités militaire et des rap-10