m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] RAPPORT FAIT AU NOM DU COMITÉ DE JUDICATURE SUR LE REMBOURSEMENT DES OFFICES DES RECEVEURS DES CONSIGNATIONS ET COMMISSAIRES AUX SAISIES RÉELLES, Par M. HENRY DE LOMEI1JÈVE, Président du comité, député d’Orléans. (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, Les receveurs des consignations et les commissaires aux saisies réelles forment, dans la masse des officiers ministériels, une classe particulière sur laquelle il est important que l’Assemblée nationale daigne fixer son attention. Ils ont été assujettis à l’évaluation prescrite par l’édit de 1771, et au centième denier qui en était la suite; mais, d’après les considérations les plus importantes, c’est une grande question de savoir si l’évaluation doit fournir la base de leur remboursement, ou s’il convient d’en adopter une autre. On connaît généralement les fonctions que ces officiers exerçaient auprès des tribunaux. La date de leur établissement est de 1578 pour les receveurs des consignations. Les commissaires aux saisies réelles furent établis en 1626. Les motifs qui déterminèrent leur création sont énoncés dans les lois mêmes dont elle émane. Le désir de prévenir la dilapidation des biens saisis réellement fit attribuer le soin de leur régie à des officiers en titre. Les abus qui résultaient des dépôts de deniers arbitrairement confiés par les juges à leurs greffiers ou autres personnes de leur choix provoquèrent l’établissement d’un dépôt légal, unique et forcé, auprès de chaque juridiction principale et importante. Il n’est pas de notre sujet d’examiner si ces établissements ont rempli perfaitement, ou non, les vues qui les avaient fait former; si les abus qu’on voulait prévenir n’ont pas été remplacés par d’autres, ou maintenus d’une manière plus sûre encore à l’ombre de la loi qui devait les proscrire. Tel est le sort des législateurs qu’ils ne peuvent se flatter jamais d’opérer le bien sans mélange; et dans les plus utiles institutions, il se glisse toujours des inconvénients que la prudence humaine n’a pu prévoir, ou que les efforts du temps parviennent à y introduire malgré elle. Nous vous épargnerons, Messieurs, autant qu’il dépendra de nous, la fastidieuse nomenclature de tous les édits et règlements qui ont influé sur l’existence et les droits des offices dont il s’agit. Nous nous bornerons à fixer vos regards sur les résultats principaux de ces lois accumulées, et sur les différentes variations par lesquelles les receveurs des consignations et les commissaires aux saisies réelles étaient arrivés jusqu’à nous, quand il vous a plu d’en ordonner la suppression. C’est, comme nous l’avons dit, en 1579 que les receveurs des consignations furent créés. On leur adjoignit en 1579 des contrôleurs de leurs caisses. En 1639, on créa des offices alternatifs et triennaux, tant pour eux que pour les commissaires aux saisies réelles établis en 1626. 6 ans après survint une nouvelle création de trois commis principaux pour chacun de ces offices, et de 3 contrôleurs anciens, alternatifs et triennaux des commissaires aux saisies réelles. A peine un mois s’était écoulé, et déjà le génie créateur de l’administration avait enfanté des offices quatriennaux de la même nature que les précédents, et en avait attaché à tous les tribunaux du royaume. Mais il était beaucoup plus facile de créer des offices que de trouver des acquéreurs pour les prendre. Une grande partie était à concéder surtout en Normandie, lorsqu’en 1685 on supprima tous ceux établis dans cette province. On les remplaça sur-le-champ par une nouvelle création de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 43 receveurs et de commissaires anciens, alternatifs et triennaux; mais il fut ordonné que la même personne réunirait tous ces titres, sans qu’il fût par la suite permis de les désunir. C’était, comme vous voyez, Messieurs, déployer bien en pure perte un grand luxe de fécondité, que d’établir ainsi une foule d’offices près de chaque tribunal, pour les réunir forcément sur la tête d’un seul titulaire .• mais on voulait de l’argent; et on croyait sans doute déguiser ce besoin, ou le satisfaire d’une manière plus facile, en multipliant les titres, qu’en exigeant des suppléments de finance des précédents titulaires. Quoi qu’il en soit, au surplus, du succès de ce système, on le crut assez avantageux, pour que l’opération, exécutée d’abord dans la seule province de Normandie en 1685, fût étendue à tout le royaume en 1689. Une loi de cette année réunit en un seul corps d’offices, et ordonna la revente au profit de l’Etat, sous un seul titre, de tout ce qui tenait, dans chaque siège, à la recette des consignations, ou au commissariat des saisies réelles. Ce titre nouveau fut déclaré héréditaire et domanial. Vous croirez, peut-être, Messieurs, que celte dernière opération d’un gouvernement qu’elle annonçait dégoûté de la fureur des créations avait fixé définitivement l’état des officiers dont il s’agit; mais l’habitude de créer l’emporta plus d’une fois encore sur la crainte de se contredire ; et si la force irrésistible de ce penchant vous étonne, il est une chose plus surprenante à nos yeux, c’est qu’il pût se présenter encore des acquéreurs. Il paraît aussi qu’il s’en présenta peu; mais le fisc avait toujours une ressource assurée. Il forçait les titulaires anciens à réunir les offices nouveaux ; et l’on devait être assez accoutumé à cette rotation perpétuelle de suppressions et de rétablissements, pour que les ofliciers ne vissent, dans toutes les lois génératrices, qui se succédaient si rapidement, qu’un impôt qui arrivait sur eux par un circuit plus long, et sous un déguisement inutile. Ainsi, en 1696, on créa des contrôleurs aux saisies réelles, et en 1698 on les réunit aux commissaires. Ainsi encore en décembre 1701 , on réunit aux commissaires et aux receveurs des consignations des offices d’auditeurs de leurs comptes, qui venaient d’être créés au mois de septembre précédent. Là parut cependant se fixer cette variation si prolongée dont vous venez de parcourir les résultats; mais elle ne fit que changer d’objet. Depuis l’édit de 1704, les offices dont il s’agit restèrent ce qu’ils étaient encore au moment de leur suppression ; mais l’activité de l’administration, lasse de déposséder les officiers, s’exerça rapidement sur la nature de leur possession. Vous avez remarqué, Messieurs, que, par les édits de 1689, ces offices avaient été revendus au nom du roi. Cette revente indiquait suffisamment par elle-même la qualité domaniale qui leur avait été originairement imprimée, et qui conservait au roi la faculté du rachat perpétuel, parce qu’elle rangeait les offices dans la classe des domaines im orporels. Ce principe fut plus solennellement établi encore dans les lois de 1689, puisqu’elles contiennent une recréation formelle et complète en offices héréditaires et domaniaux. Or, il est, comme vous le savez, de l’essence des offices domaniaux de n’être assujettis, ni à la casualité, ni à aucune des charges dont les autres offices sont grevés. L’édit de 1709 anéantit cette disparité ; et toutes les charges, en France, furent rétablies à titre de survivances. Mais, en 1622, les survivances furent abolies; la casualité fut étendue à tous les offices, et les droits de prêt et d’annuel furent rétablis. Il y eut quelques exceptions aux dispositions de cette loi ; mais elles ne portèrent, ni sur les receveurs des consignations ni sur les commissaires aux saisies réelles. L’édit de 1771, en remplaçant les droits annuels par le centième denier, n’excepta pas plus ces officiers de la casualité que ne l’avait fait la déclaration de 1722 ; en sorte que, depuis cette première époque, ils possèdent leurs offices au même titre et avec la condition de la casualité. C’est dans cet état qu'il s’agit d’examiner s’ils peuvent espérer de votre justice un remboursement supérieur à l’évaluation qu’ils ont faite. Cette question, au premier aperçu, semble n’en n’être pas une. La loi générale, que vous avez portée sur le remboursement des offices, admet l’évaluation comme la seule mesure de payement pour tous les offices évalués. Personne n’ignorait, lorsque vos décrets ont été rendus, que beaucoup de titulaires avaient, pour échapper au centième denier, évalué bien au-dessous du prix naturel de leurs offices; mais, comme cette réduction avait été volontaire, comme elle avait été le résultat d’une sorte de convention avec le fisc, qui compensait les risques et les avantages, vous n’avez pas cru devoir entrer dans la considération d’une perte que les titulaires, qui, libres d’évaluer bien haut, avaient évalué trop bas, ne pouvaient s’imputer qu’à eux-mèmes. Ce serait donc inutilement que, sous ce point de vue, les receveurs des consignations et les commissaires aux saisies réelles viendraient réclamer un prix plus fort que celui qu’ils ont eux-mêmes donné à leurs offices, et sur le pied duquel ils ont acquitté le centième denier. Ce serait inutilement encore que, se fondant sur l’article 21 de l’édit de 1771. ils demanderaient qu’on leur accordât l’indemnité promise par cet édit à tous les officiers qui avaient payé une ou plusieurs taxes pour posséder en survivance. Nous ne voyons pas que jamais ils aient été taxés à aucune somme pour être affranchis de la casualité. On reconnaît bien que leurs offices, d’abord domaniaux, furent rétablis en survivance, et ensuite en casualité; mais c’est en 1722 que les titulaires auraient pu réclamer contre cette innovation, et soit qu’ils Paient fait ou non, le laps de temps qui s’est écoulé depuis cette époque jusqu’en 1771 annonce qu’ils s’étaient soumis à posséder en casualité. Or, comme tous les offices de France furent assujettis alors au même régime, il est clair que l’indemnité, as-* surée par l’article 21 de l’édit de 1771, n’a pu, dans l’intention du gouvernement, comme dans les termes qui l’énoncent, s’appliquer qu’à ceux qui, ayant acheté depuis 1722 une exception particulière, se trouvèrent privés en 1771 du privilège utile qu’on leur avait vendu. Nous ajouterons quelques développemenls sur cette prétention, parce qu’il a paru à votre comité qu’elle est une de celles que les receveurs des consignations élèvent avec le plus de complaisance. Selon eux, non seulement iis ont droit à une indemnité en vertu de l’article 21 de l’édit de 1771; mais cette indemnité doit être de toute [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes. la somme dont leur évaluation se trouve au-dessous de leurs quittances de finance. D’abord, Messieurs, en supposant qu’il fût dû à ces officiers une indemnité, nous ne voyons pas en vertu de quelle règle cette indemnité devrait couvrir toute la différence de leur évaluation à la finance, c’est-à-dire, comment le titulaire d’un office de 100,000 livres, qui ne l'aurait évalué que mille livres, pourrait démontrer au gouvernement qu’on lui doit 99,000 livres d’indemnité, parce que cet office, d’héréditaire qu’il était, serait devenu casuel: mais il est inutile de s’appesantir sur ce point de demande, si l’on peut prouver qu’il n’est pas même dû d’indemnité, et cette preuve est infiniment facile. C’est d’après la loi de 1722 que les receveurs des consignations possédaient en casualvté. Cette même loi en avait excepté un certain nombre d’offices qui avaient continué d’être possédés en survivance; et depuis 1722, plusieurs autres officiers s’étaient rachetés de la casualité par des taxes, au moyen desquelles ils avaient aussi possédé en survivance ou hérédité. L’article 20 de l’édit de 1771 supprime toutes les hérédités, sauf quelques-unes qu’il conserve nommément; et par l’article 21, il est dit qu’il sera pourvu, s’il y échoit, au remboursement en principal et intérêts des finances qui pourraient avoir été avancées par les officiers pour jouir des hérédités ou survivances supprimées par le précèdent article. 11 est clair que celte seconde disposition n’assure n’indemnité qu’à ceux que la première avait dépouillés des droits d’hérédité, pour les assujettir à posséder casuellement. Or, les receveurs des consignations possédaient en casualité depuis 1722; donc l’article 21 de l’édit de 1771 n’a rien changé à leur état, ne leur a causé aucune espèce de préjudice; donc ce n’est pas à eux qu’est assurée l’indemnité qu’ils réclament. Ainsi donc, Messieurs, votre commission de ju-dicature n’aurait pus dû hésiter un seul instant à appliquer aux offices, dont il s’agit, les règles par vous adoptées pour tous les offices casuels, si les titulaires avaient seuls des droits à leur remboursement; mais il existe dans cette affaire un intéiêt au moins égal et peut-être plus sacré aux yeux de la loi, que celui des propriétaires des offices; c’est celui des créanciers de leurs caisses. Nous ne craignons pas de dire que, sous ce rapport, les offices de receveurs des consignations et de commissaires aux saisies réelles formaient une classe absolument séparée, et qui jamais, en principe, n’eût dû être assimilée aux autres offices; qu’elle n’eût dû éprouver aucune de ces variations qui pouvaient, d’un moment à l’autre, compromettre les droits d’une foule de tiers intéressés à retrouver toujours, dans son intégrité, le gage sur la foi duquel ils avaient été contraints de confier leurs capitaux aux préposés du gouvernement. C’est cette considération, également importante en morale et en jurisprudence, qui a porté votre comité à examiner si l’édit de 1771 était ou non applicable au remboursement que vous avez à décréter. 11 vous supplie de peser attentivement, dans votre sagesse, les motifs dont lui-même a été frappé. Il est constant, rions le répétons, que les receveurs des consignations et des commissaires aux saisies réelles ont évalué leurs offices en exécution de l’édit de 1771 ; mais, si le désir de ramener à des règles et à des prestations uniformes tous les offices du royaume, avait fait englober dans les dispositions de cet édit tout ce cjui portait le nom d’officiers, peut être ne serait-il pas difficile de prouver que l’édit de 1771 n’a pu avoir d’autre effet, à l’égard de ceux dont nous parlons, que de les faire contribuer au centième denier pendant leur jouissance, sans que leur évaluation ait pu rien préjuger sur la forme éventuelle de leur remboursement. Il est deux raisons bien puissantes qui rendent cette assertion sensible. Nous vous avons déjà indiqué la première : c’est que, par les édits de création et par toutes les lois postérieures, la finance de ces offices a été solennellement déclarée ainsi que tous les suppléments payés depuis, destinée à former à perpétuité le gage des dépôts versés dans les caisses. Cette disposition essentielle, eo matière de dépôts forcés, se trouve répétée dans toutes les provisions successivement expédiées aux titulaires à chaque mutation. Elle est une condition essentielle, sans laquelle l’Etat n’aurait pu exiger qu’on remît dans les mains de ses préposés des deniers que rien n’aurait garantis. Or, a-t-il pu dépendre ainsi de la volonté des titulaires, ou plutôt des spéculations fiscales du gouvernement, de dénaturer le gage que lui-même avait établi ? Les créanciers, sans l’aveu desquels, contre l’intérêt desquels cette espèce de transaction s’est faite, peuvent-ils être contraints à l’approuver ? C’est, Messieurs, ce que nul homme éclairé ne saurait prétendre. Ce système serait tout à la fois injuste et déraisonnable ; mais il est repoussé par une seconde confi dération également décisive. C’est un fait notoirement connu que toutes les finances successivement arrachées aux titulaires à titre de supplément, ou du moins la majeure partie d’entre elles, ont été puisées dans la caisse même des dépôts ; en sorte que, comme elles représentent doublement aujourd’hui les dépôts reçus, il n’a pas plus été au pouvoir des officiers de restreindre par une évaluation le gage de leurs créanciers, qu’il ne doit être permis au gouvernement, après avoir tiré des caisses, à nifiérentes époques, les finances qu’il a exigées, de se libérer tout à la fois envers les titulaires eux-mêmes et envers leurs créanciers, par le payement d’une évaluation inférieure qui anéantirait toute garantie pour ce qui aurait été déposé au delà de la somme évaluée. L’injustice serait d’autant plus criante qu’on ne serait pas fondé à imputer aux titulaires la violation du dépôt, par laquelle les suppléments de finance, exigés de leurs prédécesseurs, en ont été tirés. D’aOord, le fait de leurs auteurs, en supposant qu’il fût répréhensible, ne peut les exposer à être punis de ce qu’ils n’ont pu empêcher, ni de ce qui est antérieur à leur gestion ; mais il est d’ailleurs certain que cette violation des dépôts ne s’est jamais faite à l’insu du fisc. On sait, au contraire, que les nouveaux offices n’étaient créés, les taxes imposées, les suppléments de finances exigés qu’aux époques où l’administration savait que les caisses étaient dans une situation avantageuse. Ce serait donc en se refusant à l’évidence qu’on supposerait que la finance de l’office n’a rien de commun avec les dépôts que cet office autorisait à garder sous l’autorité des tribunaux; qu’on voudrait distinguer entre les titulaires et les créanciers de leurs caisses. L’espèce de punition qu’on croirait infliger aux uns en les réduisant à leur évaluation, ce serait les autres qui la supporteraient seuls, puisque le montant total des [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 45 finances, après avoir commencé par être le gage et le cautionnement des dépôts, a fini par en être le résultat; et que, confondu maintenant avec eux, il doit servir à les rembourser. Peu importe à ceux que la justice a contraints de déposer leurs deniers, qu’ils aient été conservés scrupuleusement dans les caisses, ou employés à d’autres usages; tout ce qui s’est fait sans leur aveu est, pour eux, comme s’il n’existait pas. L’Etat est là pour en répondre; et toutes les fois qu’il sera prouvé que le gouvernement a reçu, ils doivent retrouver dans ses mains, comme caution nécessaire de ses préposés, tout ce qu’ils ne trouveront pas dans Jes mains de ces derniers. Ce principe a même une bien plus grande étendue; ce n’est pas seulement jusqu’à concurrence des finances reçues, ce n’est pas pour avoir vidé les caisses des receveurs que l’Etat est responsable envers les créanciers. Il l’ert indistinctement à leur égard, et pour toutes les sommes déposées, et de tous les événements qui les auraient fait disparaître. Quand des causes qui lui seraient absolument étrangères, quand la seule malversation des préposés aurait porté atteinte aux dépôts, lescréanciersdevraienttoujourslesretrouver intacts; il suffit qu’ils aient été forcés, pour que l’Etat, qui a contraint les citoyens à verser dans une caisse par lui établie, soit garant envers eux de toutes les sommes reçues. Ces principes ne sont pas révoqués en doute en matière d’impôts, et à l’égard des receveurs, payeurs et trésoriers. Ce sont eux qui ont déterminé" en 1771 une opération dont l’exemple est du plus grand poids dans cette affaire. Lorsque les receveurs des tailles furent contraints d’évaluer, ils furent remboursés de l’excédent de leurs finances, toutes les fois qu’elles se trouvèrent plus fortes que l’évaluation. La même chose ne put avoir lieu alors à l’égard des receveurs des consignations et des commissaires aux saisies réelles, non que leurs droits fussent moins certains, mais parce que leur position n’était pas la même. Les receveurs des tailles étaient remboursés d’après l’apurement de leurs comptes; or, la nature de la comptabilité des consignations s’opposait à ce que leurs comptes pussent être aussi promptement rendus. On ne pouvait les faire qu’en y appelaut tous les créanciers des dépôts, et cette opération était d’un détail immense et d’une difficulté effrayante : telle est la seule raison qui ne permit pas de faire pour les uns ce qu’on avait fait pour les autres. Mais, comme les principes sont les mêmes, comme aujour’dhui, de même qu’alors, l’excédent des finances sur l’évaluation appartient aux créanciers, ou n’a pu, sans compte préalable, altérer la somme du cautionnement, ni fixer par une sorte de transaction la mesure du remboursement éventuel. Nous croyons, Messieurs, que personne ne s’élèvera pour contester aux créanciers leur droit invincible à la totalité des finances créées pour leur servir de cautionnement; mais il se présente ici contre les titulaires une objection dont nous avons senti toute la force. L’Etat,, nous dira-t-on, ne peut opposer aux créanciers l’évaluation faite par les officiers, mais la seule conséquence qui en dérive, c’est qu’il doit compter à ceux-ci de toute la valeur des finances, et non qu’il doive à ceux-là quelque chose de plus que leur évaluation. En un mot,, de ce qu’il peut arriver que quelques-uns des titulaires doivent au delà de leur évaluation, il ne s'ensuit pas qu’on doive assurer, à ceux qui ne doivent pas, un bénéfice inutile en les remboursant de leurs quittances de finance, auxquelles ils ont volontairement dérogé. Nous conviendrons, Messieurs, qu’en spéculation il serait difficile d’éluder ia force de cet argument; mais, dans l’application, vous reconnaîtrez facilement qu’il ne peut déterminer votre décision. Il faut d’abord vous observer que les receveurs des consignations et les commissaires aux saisies-réel les ne seront libérés, et n’auront droit à aucun remboursement, qu’après l’apurement de leur compte. Lors de ce compte, ils devront représenter en nature, ou remplacer par des décharges valables, tout ce qu’ils ont touché par eux ou leurs prédécesseurs. Il faudra que ce qu’ils ne pourront rapporter aujourd’hui, parce que le fisc l’a reçu, se joigne à ce qui leur reste entre les mains, et aux quittances de ce qu’ils ont légitimement payé, pour qu’on connaisse définitivement ce qui doit leur revenir: raisonnons maintenant dans cette hypothèse. Supposons un titulaire qui, avec des quittances de finance pour 100,000 livres n’ait évalué que 50,000 livres. Ou, par le résultat du compte, le titulaire devra juste le montant de ses quittances de finance, ou il devra plus, ou enfin il devra moins. S’il doit justement le montant de ses finances, alors l’Etat n’a rien à gagner en ne comptant à son prolit que les 50,000 livres de son évaluation; car il est clair qu’il devra les 50,000 livres de surplus aux créanciers, S’il doit plus, il est également constant que le résultat sera au moins le même; car, avant de le forcer en recette pour son débet, il faudra rapporter à sa décharge, au profit des créanciers la totalité des finances. Il ne reste donc que le cas où il devrait moins que son évaluation, pour offrir au Trésor national un bénéfice quelconque; mais nous osons vous assurer, Messieurs, qu’il est purement hypothétique, et que vous ne trouverez pas un seul de ces officiers qui, pour balancer son compte, n’ait besoin d’y comprendre sa quittance de finance comme un actif qu’il déléguera sur vous à ses créanciers. Nous vous rendrons cette assertion palpable en arrêtant un instant vos regards sur l’inégalité fâcheuse qui résulterait entre les titulaires qui n’auraient rien tiré de leurs caisses, et ceux qui y auraient puisé pour le payement de leurs finances, ou même pour leurs propres affaires. L’un, pour avoir été juste et délicat, serait réduit à son évaluation ; l’autre pour avoir été moins scrupuleux, recevrait effectivement le montant de ses finances intégrales, car ce serait les recevoir, Messieurs, que de les voir servir au payement des créanciers de sa caisse. Croyez-vous qu’il se trouvât beaucoup de titulaires capables de résister à l’effet funeste de cette comparaison ? Nous ne cherchons sûrement à inculper personne, à jeter sur qui que ce puisse être la plus légère défaveur ; mais il faudrait connaître bien mal le cœur humain pour croire qu’il soit facile à la délicatesse de résister aux séductions de l’intérêt; quand, d’une part, elle ne peut même prétendre au mérite dusaciüce qu’elle s’impose; quand, de l’autre, la cupidité lui présente les moyens de céder impunément. Or, qui de vous, Messieurs, pourrait refuser de voir qu’il ne serait que trop facile à des dépositaires, sous la main exclusive desquels reposent les dépôts, de se soumettre dans une position telle que, sans paraître aucunement répréhensibles, ils fussent payés par [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [ Annexes .] 4ô leurs mains du montant total de leur finance? Nous ne croyons pas que vous deviez exposer personne à une tentation de ce genre : ce serait une grande faute en morale, que de décourager ainsi la probité, en [(réparant des succès à l’injustice ; ce serait une erreur non moins grave en politique que de faire des lois qui, portant en elles-mêmes les plus grandes facilités pour les violer sans se compromettre, ne vous laisseront pas même l’espoir d’atteindre le but pour lequel vous les auriez établies. Nous croyons donc que les vues de sagesse, qui vous dirigent, s’accordent avec l’intérêt bien entendu de l’Etat, pour vous porter à écarter évaluation des offices dont il s’agit, et à les rembourser sur le pied des quittances de finance. Les mêmes motifs rendraient également inadmissible le remboursement sur le pied du dernier contrat authentique d’acquisition. D'un côté, les titulaire actuels dont le contrat faisait le titre, sont responsables de la gestion de leurs prédécesseurs : et cette garantie est entrée dans la fixation du prix des ventes ; de l’autre, ce prix a été entre le vendeur et l’acheteur, ce que l’évaluation a été entre le titulaire et le fisc, unesorie de transaction étrangère aux créanciers et incapable d’atténuer ou d’anéantir leur gage. Nous sommes cependant forcés de convenir que ce moyen aurait moins d’inconvénients que l’évaluation : 1° parce que le prix des contrats se rapproche beaucoup plus qu’elle de la valeur des offices; 2° parce que, d’après cette première considération, et avec la certitude d’offrir à chaque titulaire ce qu’il a réellement payé, on pourrait, sans inconvénient, exercer un recours contre lui pour tout ce dont il se trouverait débiteur au ada du prix de son contrat : ce qui nous eût paru injuste, si on remboursait le seul prix d’évaluation. Mais il faudrait savoir si ce mode de remboursement ne serait pas en masse aussi considérable que celui des quittances de finance, nous ne le croyons pas. Il faudrait savoir encore si, dans cette classe d’officiers, il en est beaucoup dont la fortune ne soit pas placée tout entière dans leurs offices ; car, alors, le recours contre eux deviendrait impossible pour tout ce que les créanciers réclameraient au delà du prix d’acquisition. Au reste, ce dernier inconvénient est commun à tous les modes de remboursement, et dès lors, il ne pourrait contrarier aucune de vos vues. Mais, au milieu de tant d’incertitudes inévitables, Messieurs, votre comité à dû se rattacher aux grands principes. Si une fois, et nous croyons avoir démontré qu’on le doit, on écarte l’évaluation, la vraie règle du remboursement a faire par l’Etat, est le montant de ce que l’Etat a reçu; et c’est sur ce pied qu’il vous proposera de l’ordonner. Mais, quelque parti que vous adoptiez, le préalable nécessaire de tout remboursement sera le compte à rendre par chaque titulaire, alin que la nation puisse retenir, sur les sommes qui lui reviennent, le montant de ce qu’il devra à la caisse dont il avait l’administration. Il faut donc s’occuper actuellement de la forme de ces comptes et de leur objet. C’est d’abord un point convenu qu’ils doivent porter non seulement sur la gestion personnelle du rendant, mais aussi sur celle de ses prédécesseurs. La question est de savoir jusqu’à quelle époque on devra remonter pour l’origine du compte. Pour éclairer à cet égard votre décision, il est essentiel de vous rappeler, Messieurs, que par l’effet du système désastreux de Law, les caisses des consignations et des saisies réelles se trouvèrent engorgé s de billets ue banque à l’époque où ces billets, abandonnés par la confiance, perdirent toute espèce de valeur. Le gouvernement ne vit alors d’autre remède que d’ordonner l'apport au Trésor royal, de toutes les sommes déposées dans les caisses en billets de banque, et de les convertir en contrats, portant 2 1/2 0/0 d’intérêt, qui seraient délivrés aux créanciers des dépôts. Piusieurs receveurs prétendent que cette opération faite en 1721, a été le résultat d’un compte général fait et jjugé alors pour chaque caisse, et que, par conséquent, les nouveaux comptes ne doivent partir que de cette époque. .Votre comité, Messieurs, n’a point été de cet avis. Il convient que partout où il se trouvera un compte général dûment approuvé et arrêté en justice, on sera dispensé de remonter plus haut; mais ce serait une grande erreur de croire que l’opération de 1721 puisse tenir lieu de compte, ou qu’elle-même ait été précédée d’un compte général des dépôts faits depuis la création des offices jusqu’en 1720: les contrats passés en 1721 ne furent représentatifs que des sommes qui se trouvèrent alors dans les caisses en billets de banque, et non le résultat d’un compte rendu et jugé de l’universalité des dépôts. A moins donc qu’on ne justifie du contraire, nous pensons que ces officiers sont comptables aujourd’hui, non seulement des contrats qu’ils ont été charges de distribuer, mais encore de tous les dépôts antérieurs. Nous observons à cette occasion que le Trésor public est encore redevable envers ces caisses et leurs créanciers, d’une partie de ces contrats qui n’ont pas été délivrés aux créanciers, soit parce qu’ils ne se sont pas présentés soit parce qu’ils n’ont pas encore été mis en état de toucher ; c’est une partie de la dette publique arriérée, que les comptes des receveurs des consignations et commissaires aux saisies réelles vont liquider prochainement, mais dont il est bon qu’en attendant on se rappelle l’existence. Pour revenir à notre objet, nous pensons donc, Messieurs, que les comptes doivent daterde l’origine de chaque office : nous sentons tous les inconvénients d’une comptabilité remontée à plus de 200 ans; mais le principe est constant et sacré : c’est que la prescriptions ne peut avoir lieu pour les dépôts judiciaires ; et ses conséquences sont telles, de l’aveu même de cette classe d’officiers, que, malgré le compte le plus authentique et le plus soigneusement apuré, les sommes versées dans leurs dépôts pouvant être perpétuellement réclamées, ils répondent à toujours de toutes les erreurs et omissions de leurs prédécesseurs à l’égard des créanciers. Ces règles ne permettent pas de restreindre aux 70 années courues depuis 1721, les comptes d’une régie beaucoup plus ancienne; et à moins qu’il n’existe un compte général bien régulier définitivement jugé en justice à cette époque, il faut remonté plus haut; car, dans le cas même de l’existence d’un compte général en 1720, ce ne sera pas parce qu’il date de cette année qu’il dispensera d’aller plus loin, mais uniquement parce qu’il existe, abstraction faite de son existence. Il n’est, à cet égard, qu’une exception à faire : elle est de toute justice. Elle s’applique aux titulaires d’office, qui, pour raison de i’ab- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Annexes.] 47 sence ou faillite de leurs prédécesseurs, out acquis l’office en justice et n’ont pu être chargés que de leur administration personnelle. Ceux-là n’ont réellement à compter que du jour de l’adjudication de l’office ; et c’est l’Etat qui doit directement aux créanciers antérieurs le montant de leurs dépôts. Mais tout titulaire d’office, ainsi acquis en justice, n’a conséquemment aussi à répéter que le prix de son adjudication, et des finances ou taxes postérieurement exigées : leur résultat sera sûrement inférieur au montant total des finances réunies depuis la création; c’est ainsi que tout se compense pour l’Etat entre le produit et les charges. Il est juste d’accorder à ces officiers les mêmes droits de réception que l’Assemblée a accordés aux autres titulaires. Les raisons qui l’ont déterminée s’appliquent également à tous, et nous croyons superflu d’y rien ajouter, parce qu’elles vous sont sûrement présentes. Mais le remboursement que vous ordonnerez fera naître quelques questions de détail qu’il est possible et même utile de prévoir. Il est certain d’abord que les offices dont il s’agit étant comptables, leur remboursement ne peut s’effectuer que d’après l’apurement de leurs comptes, et cela est même, à leur égard, physiquement nécessaire, puisque la somme à rembourser ne sera définitivement connue que par le résultat du compte. Il faut donc fixer, dès à présent, le délai dans lequel le compte sera rendu et apuré, et la manière dont il le sera. L’intérêt des titulaires paraît être bien évidemment de se faire liquider, et la justice de l’Assemblée ne lui permet point de reculer cette liquidation par des délais inutiles. Cependant, la nature de cette comptabilité exige un temps considérable pour l’apurer, et nous croyons que le terme de 18 mois accordé pour la rédaction du compte, serait d’autant moins excessif, que, nécessaire pour le plus grand nombre, il ne nuira point à ceux qui se seront mis plus promptement en état. Vous déterminerez ensuite le délai nouveau, pendant lequel les juges seront tenus de discuter et d’apurer le compte, et ce délai ne peut guère être moindre de 6 mois, à compter du jour de la présentation. S’il faut aux juges un délai convenable pour se livrer au travail de vérification, il faut aussi que ce travail ait un terme, et c’est pour l’accélérer, pour éviter aux juges un travail inutile et pénible que nous vous proposons d’accorder aux comptables la faculté précieuse pour eux, et sans inconvénient pour personne, de rédiger eux-mêmes leurs comptes, et d’éviter ainsi les frais énormes auxquels donneront lieu la nécessiléde les faire dresser en justice. Enfin, pour assurer l’exécution des précédentes dispositions, il sera peut-être utile que vous fassiez cesser (out intérêt de leur finance à l’égard des comptables qui n’auraient pas présenté leur compte dans le délai par vous déterminé. La fixation de cet intérêt donne lieu, Messieurs, à quelques questions, 11 est dans vos principes, parce que cela est juste, que les officiers dont il s’agit jouissent de leur état jusqu’à ce qu’il ait été pourvu à leur remplacement définitif. Il est également juste qu’à compter de leur suppression, ils reçoivent l’intérêt de leur finance jusqu’à leur remboursement. Mais sur quel capital le fixerez-vous ? Le compte seul vous apprendra quelle somme vous devez. Ceux qui ont puisé dans leur caisse une partie des finances qu’ils ont payées, n’en comptaient pas l’intérêt aux propriétaires des dépôts. Si donc vous payiez, dès à présent, l’intérêt sur le pied des finances réunies, vous vous exposeriez à trop accorder. Peut-être d’après cela eût-il élé naturel de dire que l’intérêt couru depuis la suppression, ne serait payé qu’en une seule fois lors du remboursement; mais une considération d’humanité nous empêche de vous proposer cette disposition. Il est beaucoup de comptes qui dureront 2 ans. Il est beaucoup de titulaires qui, ou ne possèdent d’autre fortune que leur office, ou ce qui est plus digne encore de votre attention, en doivent une partie; ceux-là doivent vivre et payer leurs créanciers. Il faut donc adopter une mesure provisoire qui remplisse ce double objet. Nous croyons l avoir trouvée en vous proposant de fixer l’intérêt provisoire de l’office pour le temps intermédiaire entre la suppression et son remboursement sur le pied de l’évaluation faite en 1771. Quoique sans influence sur la somme du remboursement, cette évaluation aura ainsi produit quelque effet et envers l’Etat, et envers le titulaire : pour l’un, en ce qu’elle lui a assuré depuis 1771 le payement du centième denier; pour l’autre, en ce qu’elle lui aura fourni le moyen de toucher des intérêts, que sans cela il eût été difficile de fixer. Lors du compte définitif il sera fait raison respectivement de l’excédent ou de l’insuffisance de cet intérêt, et les droits de tous auront été conservés de la seule manière qui nous paraisse praticable. Le surplus des précautions que nous soumettons à voire sagesse, s’expliquera suffisamment par la lecture des articles que nous vous proposons de décréter : Art. 1er. « Tous les offices de receveurs, contrôleurs des consignations, et autres y réunis, commissaires aux saisies réelles, et autres y réunis, seront liquidés sur le pied des finances qui seront justifiées avoir été payées au Trésor royal, tant pour prix d’iceux que pour raison des droits et gages y attachés. Art. 2. « Les propriétares desdits offices seront en outre remboursés de leurs frais de provisions, tels qu’ils sont énoncés au décret des 2, 6 et 7 septembre dernier. Art. 3. « Lesdites finances seront constatées par la représentation des quittances originales qui sont ou doivent être dans les mains des titulaires, soit dans les dépôts des parties casuelles, soit dans les comptes que les administrateurs en cette partie ont rendus à la Chambre des comptes ; le montant d’icelles, ainsi que les autres objets de remboursement, n’appartiendront et ne seront délivrés aux propriétaires desdits offices qu’a-près l’apurement de leurs comptes. Art. 4. « Les receveurs et commissaires supprimés