[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] fluence de? gardes nationales, qui se rendent, de toute part, sur le passage du roi pour l’escorter, et dont nous devons louer le zèle et la conduite prudente et généreuse. « Nous sommes, avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs. « Signé : PÉTION, LATOUR-MAUBOURG, Barnave, Dumas. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. le Président. Messieurs, vous avez ordonné ce matin que quatre commissaires iraient chez M. de Montmorin relativement au passeport donné à Mme de Korff. Les commissaires ont fait tout à l’heure leur rapport à l’Assemblée; comme il y avait très peu de monde, ils vont le répéter à présent que l’Assemblée est plus nombreuse. M. Rœderer, l'un des commissaires , prend la parole et dit : « Messieurs, nous nous sommes fait représenter le registre où l’on inscrit les passeports. « Nous y avons vu que le 5 juin il a été délivré, sous le nom de Mme la baronne de Korff, un passeport tel que celui dont il s’agit. <• Il est annoté dans une colonne du registre destinée à contenir les motifs des demandes, que ce passeport a été demandé par M. de Simolin, ministre de Russie, à qui M. de Montmorin ne pouvait le refuser. « Nous avons requis la représentation de la demande de M. de Simolin. Elle nous a été produite à l’instant, revêtue de la signature de ce ministre étranger; nous Pavons rapportée pour la présenter à l’Assemblée nationale, et nous la mettons sur son bureau. « Dans le carton qui contenait cette demande, s’est trouvée une seconde lettre de M. de Simolin à M. de Montmorin, et dans cette lettre, un billet de MMe la baronne de Korff à une tierce personne, dent le nom ne se trouve point dans la lettre, et qui sans doute Pa fait passer à M. de Simolin. « Par ce billet, Mme de Korff dit qu’elle a brûlé, par mégarde, le passeport qui lui a été délivré le 5 juin; elle prie la personne à qui elle écrit, d’obtenir, de M. de Simolin qu’il en demande un nouveau à M. de Montmorin. « M. de Simolin, en adressant le billet de Mme de Korff à M. de Montmorin, lui demande un second passeport. « Conséquemment, il a été délivré un duplicata de celui du 5 juin. « Nous apportons et mettons aussi sur le bureau de l’Assemblée les 2 pièces, dont nous ve-nous de parler. « Le compte que nous venons de rendre explique comment et pourquoi le roi a été pourvu do passeport qu’il portait. Ce compte nous paraît ne laisser aucun nuage sur la conduite de M. de Montmorin. » M. Legrand. Les explications données par M. Rœderer me paraissent satisfaisantes, et cela en deux maniérés : la première, c’est que M. de Montmorin a été trompé ; et la seconde que M. de Montmorin n'a pas pu refuser, à la demande de M. de Simolin, le premier passeport et le duplicata qui lui étaient demandés. M. Trellliard. Il est si important d’envi-491 ronner de la confiance publique un ministre qui n’a pas mérité de la perdre, que je pense qu’il est convenable d’ordonner l’impression et l’affiche de ce rapport. ( Oui ! oui !) M. Legrand. Cela ne suffit pas; je demande qu’il soit donné ordre à la municipalité de le proclamer à son de trompe. Plusieurs membres ; C’est fait! c’est fait! (L’Assemblée, consultée, décrète l’impression et l’affichage du rapport de M. Rœderer). M. d’AiguilIon. Les commissaires que vous avez envoyés sont encore dans la maison de M. de Montmorin. J’en viens. Tout y est tranquille : Il ne se manifeste aucune intention d’exercer des violences. Beaucoup de monde est sur la route; mais la contenance de tous est telle qu’elle doit être, c’est-à-dire tranquille. La lecture du décret que vous avez rendu a été faite par les commissaires à un groupe très considérable qui l’a écouté avec silence et l’a vivement applaudi. M. Treilhard, ex-président , prend place au fauteuil. M. Dupont, au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, je viens vous donner connaissance du projet d'adresse aux Français sur les nouvelles impositions, que vous avez chargé votre comité des contributions publiques de rédiger; le voici (1) : L'Assemblée nationale aux Français , relativement aux contributions publiques. « Citoyens, « Après le devoir de vous donner une Constitution libre, la plus importante obligation que vous ayez imposée à vos représentants était de pourvoir à vos besoins publics avec la moindre dépense et la moindre gêne qu’il serait possible. « En effet, chacun de vous a l’intérêt, le droit et la volonté de trouver, dans le bon emploi de la force commune, et dans un système de finances sage, humain, clair, économique, peu susceptible d’abus, une suffisante, une puissante garantie pour la liberfé de ses actions, pour la sûreté de sa personne, pour la propriété de ses biens, et des moyeus abondants pour l’amélioration des propriétés nationales indivises, telles que les routes, les forteresses, les ports, et pour l’institution et la conservation de tous les établissements d’une utilité générale. « Considérées sous cet aspect, et dirigées vers ce but salutaire, les contributions publiques, loin de vous être onéreuses, sont le moyen le plus efficace de ménager votre temps et vos richesses, le seul qui puisse vous assurer le loisir, la faculté de vous livrer en paix et avec succès au travail, à l’administration rie vos biens, à la direction de vos affaires, à l’augmentation de votre fortune. « Sans elles, vous ne pourriez tirer aucun revenu de vos terres, aucun profit de vos manufactures ni de votre commerce ; car il n’y aurait aucune sûreté pour vos propriétés, aucune force à l’appui de la justice et de la raison, pour faire respecter la Constitution et les lois. Nous n’au-(1) Ce document n’est pas inséré au Moniteur . 492 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.) rions ni armée de terre, ni armée de mer; nos frontières seraient exposées aux incursions de l’ennemi, et quand la valeur des par les nationales le repousserait du point qu’il aurait attaqué, leurs frères �d’armes des autres départements ne pourraient pas arriver à leur secours, parce qu’on serait dénué de fonds et d’approvisionnements pour préparer leur subsistance, et. les entretenir en campagne loin de leurs foyers. « Calculez, citoyens, à combien de dangers de toute espèce vous seriez exposés, à quelles dépenses énormes vous seriez entraînés, par l’impuissance de conserver et d’améliorer ce qui vous appartient, à laquelle vous réduirait le défaut u’assistance mutuelle et de communication réciproque. La nation ne peut y pourvoir pour tous, qu’aux frais de tous. Il faut donc faire ces frais; rien ne serait plus ruineux pour vous que leur cessation. Votre subsistance, votre aisance, votre bonheur, votre gloire, votre existence politique tiennent à ce que chaque citoyen, par la quote-part qu’il y fournit proportionnellement à ses revenus, se procure un partage utile dans les bons effets de tous les services publics, payés par les contributions pareilles que tous ses concitoyens mettent en commun avec lui. « Pourquoi les anciennes impositions, dont une partie au moins servait à procurer la sûreté publique et Je bon ordre de la société, étaient-elles devenues odieuses? C’est qu’elles étaient des impositions établies par un pouvoir arbitraire, et non par des contributions déterminées par la volonté générale ; c’est qu’elles excédaient les véritables besoins publics ; c’est qu’elles étaient réparties avec injustice ; c’est qu’elles étaient perçues, ou avec cruauté, ou avec un insolent dédain des droits et de la liberté des hommes; c’est que vous aviez une mauvaise Constitution. « Nul de vous ne se refuse, ni ne se refusera jamais à payer la juste part des dépenses publiques faites à son profit, sans déprédation, avec une sage économie, que vos représentants ont sévèrement jugées, dont ils vous rendent et vous font rendre compte, et qui ne sont trop à charge à personne, lorsque tout le monde y concourt à raison de ses facultés, dans UDe équitable proportion. « Il n’y a que vos ennemis et ceux de la Révolution qui puissent supposer, contre l’entretien à frais communs de la puissance nationale, une mauvaise volonté qui n’existe pas, qui n’est pas dans la nature de l'homme raisonnable, moins encore dans le caractère noble et généreux du Français. « Depuis que la nouvelle Constitution vous a donné une véritable patrie, dont tous les intérêts sont présentés sans voile à vos yeux ; depuis qu’il ne peut plus y avoir de dépenses arbitraires ; que des ministres responsables sont et seront perpétuellement surveillés par une législature dont vous renouvellerez les membres tous les deux ans, et que la liberté de la presse, tous tes hommes éclairés pourront sans cesse appeler l’inspection générale sur toutes les opérations publique-, vous n’avez point à craindre que les contributions aient aucun autre objet, ni aucun autre emploi que votre plus grande utilité. Vous avez la certitude que, dès aujourd’hui et chaque année, elles sont et seront limitées à ce que commandent ou commanderont impérieusement le service et les intérêts de la nation, et qu’elles ne pourraient être diminuées davantage, sans vous priver de quelque service qui vous vaut plus que ne vous coûte la portion de votre contribution qu’on y applique. « Déjà les dépenses ont été restreintes, et les ressources multipliées au point que l'Assemblée nationale a pu vous soulager de la dîme et de plusieurs autres charges très pesantes, et trouver, dans des contributions inférieures à la somme des impositions anciennes et dans les revenus des biens nationaux, de quoi suffire à toutes les dépenses de la société, aux intérêts de la dette nationale, aux frais du culte considérablement augmentés en faveur de la plupart des curés et des vicaires, aux pensions des religieux, à celles des autres ecclésiastiques dont les fonctions ne subsistent plus. « Pour asseoir ces contributions modérées, vos représentants se sont prescrit plusieurs lois de justice, d’intérêt public, de respect pour vos droits et votre liberté. « C’est leur devoir que de vous exposer ces principes de leur conduite, ces bases des résolutions qu’ils ont prises et dû prendre en votre nom. « Ils ont trouvé les impositions divisées eu 5 classes principales. « Premièrement, les impositions directes qui comprenaient les dîmes, la taille réelle, les vingtièmes, la taille personnelle et la capitation. « Secondement, les impositions de monopole et de privilège exclusif, qui étaient la gabelle dans les deux tiers du royaume, le tabac qui s’étendait presque sur sa totalité, la vente de l’eau-de-vie et d’autres boissons dans un p-dit nombre de provinces. -< On pourrait aussi ranger dans cette classe ce que le Trésor public retirait des jurandes et des maîtrises d’arts et métiers, par lesquelles l’Etat ne faisait pas directement le monopole, mais vendait celui de chaque profession. « Troisièmement : Les impositions qu’on appelait à l'exercice sur différentes espèces de consommations et d’industrie; telles que les droits d’aides sur les boissons dans un tiers du royaume; ceux de même nature, nommés équivalent en Languedoc, impôts , billots et devoirs en Bretagne, et des quatre-membres en Flandres ; ceux d'inspecteurs aux boucheries , qui embrassaient en effet ou par abonnement presque toutes les provinces; ceux de marque des cuirs et à la fabrication des cartes et des amidons, qui se percevaient avec une rigueur extrême chez tous les fabricants et les débitants de ces marchandises, dans toute l’étendue de l’Empire; ceux de marque des fers et à la fabrication des huiles, qui n'avaient lieu que sur environ la moitié du territoire de l’Etat. « Quatrièmement: Les impositions sur le transport des marchandises, qui comprenaient les droits à l’entrée et à la sortie du royaume; les péages; une multitude incroyable de droits de traite de toute dénomination, au passage d’une province à l’autre; et ceux d’entrée dans les villes. « Cinquièmement enfin, les impositions sur les actes, droits de contrôle, insinuation, centième denier, formule, greffes, consignations, lettres de ratification, etc., etc. « L’Assemblée nationale n’a conservé d’impositions qui portassent sur les capitaux, dans l’intérieur du royaume, que celles qui correspondent à cette cinquième classe; les droits d’enregistrement, de timbre et d’hypothèque. « Elle les a préférés aux autres impositions indirectes; et quoiqu’ils ne soient en proportion qu’avec la circulation des capitaux, au lieu de 493 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] l’être avec les revenus, elle a cru pouvoir les admettre dans le nouveau système de finance, à côté des contributions régulières, parce qu’ils n’exigent pas que le percepteur aille troubler la paix du citoyen; et qu’ils donnent au contraire au citoyen motif et intérêt d'aller chercher le percepteur dont il reçoit un service public, utile pour assurer la date des actes qui constatent ses propriétés, et pour donner à ces actes une authenticité plus grande. De sorte que ces droits unissent, à une imposition, une fonction de magistrature, que l’on paye seulement plus qu’elle ne vaudrait par elle-même, afin d’établir sur l’excédent du salaire de ses agents une recette nationale qui atteigne les capitalistes, qui ne porte presque pas sur les citoyens les plus indigents, et qui diminue d’autant les autres contributions publiques. « Mais, en adoptant cette espèce d’imposition sur les actes, vos représentants se sont appliqués à en simplifier le plan et la législation. « 16 droits différents, établis par 16 lois differentes sous autant de dénominations, étaient aggravés par une foule de lettres patentes, d’arrêts du conseil, d’ordonnances et de décisions contradictoires qui s’obscurcissaient, se compliquaient mutuellement et formaient un grand nombre de gros volumes dont l’étude surpassait les forces de l’entendement même des hommes habiles; leur interprétation était livrée à tous juges d’attribution devant lesquels le redevable n’avait point d’accès, et qui écrivaient leurs jugements sous la dictée du percepteur même. « Tout ce qu’il y avait de clair dans ces lois, était au désavantage du pauvre. Les 100 premières livres d’un acte payaient double droit ; on payait le droit simple depuis 100 francs jusqu’à 10,D00 francs, et, ce droit acquitté, toutes les sommes qui excédaient les premiers 10,000 francs n’étaient assujetties qu’à un droit léger. Ainsi, les riches qui contractaient pour de grosses sommes, payaient dans une proportion faible; et les pauvres qui ne faisaient que de petites affaires, dans une forte proportion avec leur capital. & Ces abus sont cessés. Les 16 droits anciens ont été réunis en un seul, sous le litre de droit d’enregistrement, réglé par une seule loi claire et de peu d’étendue, et par un seul tarif dont l’application est soumise au jugement des magistrats qui, choisis par le peuple, exercent la justice nationale sur tous les intérêts et sur toutes les têtes. La taxe étant à raison des sommes qui font l’objet des actes, on a pu baisser le tarif pour les actes de peu de valeur et pour ceux qui sont le plus ordinaires, comme les baux et les contrats de mariage : ce qui rejette avec équité sur les actes plus rares et plus particuliers aux riches le fardeau de l’impôt que les riches peuvent mieux supporter. « Le droit de timbre a été joint à celui d’enregistrement dans l’unique vue de profiter de ses formes, de ses administrateurs, de ses employés, des dépenses de sa régie pour procurer sans perquisition contre les citoyens, et presque sans frais de perception, un revenu public sur des richesses fugitives qui échappaient aux autres contributions, et de mettre ainsi en deux manières, parle produit de celle-ci, et par le peu que coûtera sa levée, à portée de rendre les autres contributions moins pesantes. « Le droit d’hypothèque est relatif, comme celui d’enregistrement, à un service public d’une grande importance. Il a pour objet d’empêcher les créanciers d’être frustrés par leurs débiteurs, et d’assurer, sans contestation, l’ordre dans lequel ils doivent être payés. Ce droit avait lieu sur bs biens-fonds seulement, et s’exerçait lors de leur vente par les oppositions que les créanciers pouvaient mettre à l’expédition des lettres de ratification données au nom de l’Etat, pour consolider les ventes et préserver les acquéreurs de toute répétition. Mais il fallait, pour prernhe rang parmi les créanciers, avoir stipulation d’hypothèque; cette stipulation se faisait par des actes ignorés de chacun de ceux qui en avaient de pareils; elle était toujours générale, et les créanciers ne sachant pas toujours en quelle province leurs débiteurs possédaient des biens, ces biens pouvaient être vendus, et les lettres de ratification accordées sans qu’ils en eussent connaissance. Il arrivait souvent encore, que lorsqu’ils se présentaient, ils se trouvaient -primés par d’autres créanciers dont le titre était antérieur an leur, ou dans une forme plus favorable. Il en résultait des procès très dispendieux, pour le règlement d’ordre entre les créanciers dont les actes étaient passés en différentes provinces ou à différentes conditions. « L’Assemblée nationale, voulant que toute créance légitime puisse prétendre à l’hypothèque, et que l’ordre entre les hypothèques soit invariablement réglé, s’occupe “de la législation propre à rem dir une vue si utile, et la publiera incessamment. « Dans des temps plus heureux, on pourra, si on le croit avantageux, réduire successivement et par gradation le salaire du service public des hypothèques et de celui de l’enregistrement au simple remboursement de leurs frais, mais lorsque les besoins de la nation sont très considérables, et que l’opinion la plus générale demande qu’on ait des impôts de diverse nature, afin que leur poids paraisse moins sensible, on est obligé de joindre quelques-uns d’entre eux à des services publics que bs citoyens vont réclamer d’eux-mêmes; ce qui donne l’avantage si précieux d’intéresser les contribuables à venir sans contrainte payer l’impôt. « C’est par la même raison qu’on a conservé le revenu de la poste aux lettres, seule partie de l’ancienne finance qui ait paru ne devoir souffrir aucune altération. Certainement les lettres coûtent bien plus cher à ceux qui les reçoivent, qu’il n’est nécessaire pour payer les courriers, les voitures et les chevaux qui les portent, puisque, ces frais acquittés, l’Etat en retire un revenu de douze millions. Cependant, le voyage se faisant pour une multitude de lettres, il n’y a pas un citoyen qui ne profite extrêmement de cette institution, et qui ne doive être surpris et reconnaissant lorsqu’il compare le peu que lui coûte une lettre, avec ce qu’elle lui coûterait s’il fallait l’envoyer par un exprès. Telle est en général et sur tous les points la grande utilité que nous retirons tous de cette heureuse union de forces et d’intérêts qui constitue la société politique. Nous aimons la patrie comme ses enfants ; mais c’est qu’elle est pour nous une véritable mère. « Le droit de patentes correspond aux jurandes, auxmaîtrises, aux vingtièmes d’industrie, à la portion de taille personnelle qu’on faisait payer aux artisans et aux marchands, de plus qu’aux autres citoyens, et aux droits d’entrée des villes. Il est bien plus modéré, car les droits d’entrée des villes seuls rendaient à l’ancien gouvernement quarante-cinq millions de revenu, et les patentes ne doivent en produire que vingt ou vingt-quatre. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [M juin 1791.] 494 [Assemblée nationale.) Elles sont jointes à un grand avantage bien longtemps désiré : celui d’établir pour tout le monde la liberté de toute espèce d’industrie et de commerce; et de proportionner l’impôt, qu’on se voit dans la nécessité d’y attacher, à la durée du temps pendant lequel on s’y livre, comme à l’importance des capitaux qu’on y emploie et des prolits qu’on en retire, qui se manifeste par l’étendue, la beauté et le prix du logement de l’entreprise et de l’entrepreneur. « Anciennement, lorsqu’un homme voulait faire un métier dans une viile, il était obligé de débourser, pour la maîtrise, une somme considérable qui lui aurait été très utile pour son commerce. Si, faute de cette somme retirée de son commerce ou par toute autre cause, il ne réussissait pas; s’il était obligé de quitter, ou bien s’il venait à mourir, le capital employé à sa maîtrise était perdu pour lui et pour ses enfants. « Si, croyant trouver plus de ressources, espérant plus de succès dans un autre métier ou un autre commerce, il se déterminait à les embrasser ; si, étendant ses combinaisons, il voulait eu cumuler plusieurs, il fallait, pour chacun d’eux, payer une nouvelle maîtrise. « Il ne pouvait exercer cette maîtrise que dans la ville où il avait été reçu. S’il passait dans une autre ville, il lui fallait une maîtrise nouvelle, et, dans chacune de ces villes, il était soumis, pour sa propre consommation, pour celle de ses ouvriers, commis ou compagnons, et pour plusieurs marchandises de son commerce, à payer des droits d’entrée. « Aujourd'hui, ni lui, ni ses ouvriers, ni ses marchandises ne payent de droits d’entrée dans aucune ville. Il peut changer de séjour et de métier comme il lui plait ; il peut réunir autant de professions qu’il juge convenable. Au lieu d’une avance en pure perte, il n’acquitte qu’une redevance annuelle, faible, si son commerce est de peu d’importance, qui augmente ou qui diminue avec le succès de son établissement, qui cesse le jour où il veut se retirer. « Les droits de traite dans l’intérieur du royaume et les péages sont supprimés purement et simplement ; et les droits d’entrée des villes l’étant de même, au lieu des visites et des taxes auxquelles on était précédemment assujetti, un citoyen, une voiture de marchandises peuvent traverser la France dans tous les sens, aller de Bordeaux à Strasbourg, de Calais à Perpignan, d’Antibes à Brest, sans éprouver la moindre visite, sans acquitter ia moindre taxe. « Le prolit de cette franchise n’est pas seulement pour les commerçants. Ils y gagnent, il est vrai, de faire leurs affaires plus vite, de n’être pas soumis à des traitements arbitraires et désagréables de la part des employés, et d’essuyer moins d’avaries ; mais forcés par la concurrence les uns des autres, que la liberté du commerce rendra chaque jour plus active, de se contenter d’un bénéfice modéré, ils prennent le parti, afin de mériter la préférence dans chaque marché qu’ils font, d’acheter plus cher, et de vendie à plus bas prix; de sorte que le soulagement occasionné par la suppression de l’impôt se partage entre le producteur qui fournit la marchandise et le consommateur qui en fait usage. « 11 ne reste plus de droits de douane qu’à l’entrée du royaume, principalement sur quelques marchandises manufacturées; et, à la sortie, sur quelques matières premières. L’opinion la plus générale a demandé que nous suivissions, sur ce point, l’exemple des autres peuples. On ne peut savoir avec une entière exactitude quel sera le produit des droits de douane, de patentes, d’hypothèqm s, de timbre etd’enregis-tremenl. S’ils rendent plus qu’on ne l’a présumé, ou baissera l’année prochaine quelques-uns de ieurs tarifs, ou bien l’on diminuera le taux de la contribution foncière et de la contribution mobilière. Car, sous le nouveau gouvernement que vous avez institué, avec la Constitution que vos représentants ont décrétée en votre nom, aucune augmentation de revenu public ne pourra être ignorée, et toutes celles qui auront lieu amèneront le soulagement du peuple. « Vous voyez, citoyens, que toutes les contributions nouvelles, dont l’Assemblée nationale vient de vous exposer les motifs et les principes, comparées aux anciennes impositions de la même nature, présentent de grands soulagements pour les contribuables, et un respect attentif pour la liberté. L’un et l’autre avantage sont plus marqués encore dans la contribution foncière et la contribution mobilière, qui ont été substituées aux dîmes, à la taille réelle, à la taille de propriété, aux fouages et autres impositions analogues, aux vingtièmes, aux décimes, à la taille mixte, à la taille d’exploitation, à la taille personnelle, à la capitation, à la gabelle, au tabac, aux droits d’aides sur les boissons, sur les bestiaux, sur la marée, au droit de marque des cuirs, à celui de marque des fers, à celui de fabrication sur les huiles et les savons, et à quelques autres semblables. « Vos représentants, regardant comme leur premier devoir d’établir et de consolider votre liberté, sachant par leur expérience et par les instructions que vous leur aviez données, que les visites domiciliaires et les vexations qu’elles entraînent sont insupportables à des hommes libres, se sont crus religieusement obligés de repousser toute idée, tout projet d’impositions dont la perception aurait exigé que l’on pût violer l’asile sacré que chaque citoyen a droit de trou-verdans sa maison lorsqu’il n’est prévenu d’aucun crime. Vous leur aviez dit unanimement combien vous étiez indignés de pouvoir êire injuriés chez vous par le soupçon réel ou simulé d’une fraude que vous n’aviez pas commise; de pouvoir être poursuivis de jour et de nuit, troublés dans votre travail, troublés dans les plus intimes douceurs de votre vie domestique ; forcés d’ouvrir votre porte à des inconnus qui venaient chez vous, quelquefois sur la dénonciation calomnieuse d’un ennemi ; mais toujours avec intérêt de vous trouver coupables de quelque usage de votre liberté, transmué par des lois absurdes en délit fiscal, et qui devenait contre vous le sujet d’un procès ruineux, ou d’un accommodement coûteux et per fide. « Les droits d’aides et tous ceux de marque et de fabrication ont été proscrits par cette sainte loi de la liberté domiciliaire. « L’Assemblée nationale ne pouvait pas laisser subsister davantage les impôts de monopole ou de privilège exclusif, tels que la gabelle, le tabac, la vente de l’eau-de-vie, etc. L’ancien gouvernement regardait ces impôts comme d’admirables institutions financières, parce que la perception s’y confondant avec le prix de la marchandise, le produit en était difficile à supputer d’avance, qu’il excédait ordinairement la spéculation, et qu’il donnait ainsi au lise et à ses agents un plus gros revenu moins connu du peu- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] 495 pie, plus applicable à des dépenses de fantaisie. Mais indépendamment de ce que ces impôts exigeaient comme les aides la violation du domicile, ils portaient atteinte au droit que vous avez tous d’être fournis au seul cours fixé par la liberté du commerce, et par conséquent au meilleur marché possible, des denrées qui vous sont utiles, et au droit que vous avez tous encore de vous livrer aux spéculations de commerce pour lesquelles vous vous sentez des dispositions et des lumières. Les principes de la nature et de la raison, ceux qui ont servi de règle à vos représentants défendent de laisser subsister aucun autre privilège exclusif, que ceux qui sont des dépendances nécessaires de la souveraineté nationale, parce qu’ils portent sur des objets qui demandent la garantie publique de la société. « L’Assemblée nationale n’en a réservé que deux à la nation; celui de frapper monnaie, parce qu’il faut que l’autorité publique en constate et en certifie le titre et le poids; et celui de la fabrication et des magasins de poudre à tirer, parce que l’administration de Ci tte munition de guerre, qu’on a soumise à l’inspection locale des municipalités et autres corps administratifs, intéresse essentiellement la sûreté sociale et publique. Il est sage de combiner ces deux branches d’administration de manière qu’elles donnent plutôt du profit que de la perte aux finances; mais elles doivent être principalement considérées comme des devoirs de politique et de police. « Quant aux anciennes impositions territoriales et personnelles, l’Assemblée nationale n’a pas cru pouvoir en conserver aucune ; car aucune d’elles n’était générale, aücune d’elles n’avait une bonne règle d’assiette et de répartition. « Les dîmes ne portaient pas sur toutes les productions. Elles pesaient inégalement sur celles qu’on y avait assujetties : inégalement, à raison de ce que le taux de la dîme variait dans le royaume et selon les localités, depuis le septième jusqu’au trente-deuxième : inégalement encore, en ce que la dîme étant prélevée sur le produit total, avant qu’on en eût défalqué les frais de culture, sa proportion avec le produit net ou revenu variait dans la même paroisse d’un champ à l’autre, selon que ces divers champs sont plus ou moins fertiles. « Dans une bonne terre où 240 livres de récolte ne coûtent que 120 livres de frais de culture, la dîme au quinzième prenant 16 livres, ce n’était que le huitième du revenu. Dans une terre médiocre où 240 livres de récolte coûtent 160 livres, la dîme de 16 livres était au cinquième durevenu, qui n’était alors que de 80 livres. « Dans les mauvaises terres où 240 livres de récolte coûtent jusqu’à 192 livres à faire naître, la dîme tou jours au quinzième, toujours de 16 livres, prenait le tiers du revenu. « Les représentants du peuple ne pouvaient conserver un impôt qui pesait sur les uns au huitième, et sur les autres au tiers, lors même qu’il paraissait égal, et qui, d’ailleurs enlevant à tous les cultivateurs les pailles que les riches seuls pouvaient racheter, tendait à porter toujours les engrais sur les terres des riches, à en priver toujours celles des pauvres, à augmenter sans cesse ainsi l’inégalité de la culture, celle des fortunes, celle de la proportion de la dîme elle-même. * La taille réelle n’avait lieu que dans quelques provinces. Dans celles où elle était connue, elle ne frappait que sur certains héritages; d’autres héritages en étaient exempts. <« La taille personnelle ou mixte était divisée en taille de propriété, que les privilégiés ne payaient jamais; et en taille d’exploitation qu’ils ne payaient point pour leurs prés, leurs vignes, leurs bois, ni pour 4 charrues de terres labourables lorsqu’ils les faisaient valoir par eux-mêmes; qu’ils ne payaient qu’iudirectement lorsqu’ils donnaient leurs terres à loyer. « Les autres citoyens, qui semblaient soumis à cette imposition avec un principe d’égalité entre eux, ne l’étaient au contraire qu’avec beaucoup d’inégalité. « Plusieurs villes en étaient exemptes, et leurs habitants, en faisant dans ces villes leurs pâques et quelques autres actes publics de domicile, étendaient leur exemption à la campagne, au moins pour la taille de propriété, et même ordinairement pour l’exploitation de leurs préset de leurs bois, quand ils la faisaient par leurs mains. « Les habitants même des autres villes, et en général les riches qui avaient des biens-fonds éloignés du lieu de leur domicile n’en acquittaient presque jamais la taille de propriété, parce que, l’imposition suivant les personnes, on ne faisait payer dans le lieu de la situation des biens que la taille de leur exploitation. Et quoi' que les propriétaires dussent être imposés à leur domicile pour la taille des facultés que leur procuraient leurs domaines, quelque part qu’ils fussent situés, comme on ignorait quelles étaient leurs propriétés lointaines, on ne pouvait leur en demander la légitime imposition. Ainsi, les pauvres qui n’avaient de terre que dans une seule communauté, où toutes leurs facultés étaient connues, portaient rigoureusement la taille de propriété et celle d’exploitation, et les riches ne payaient le plus souvent que cette dernière pour toute la portion de leurs biens dont on n’avait as connaissance dans la communauté qu’ils Imitaient. « La taille personnelle était arbitraire, et les citoyens craignaient de se livrer à quelques jouissances, parce que tout signe d’aisance attirait sur eux une augmentation désordonnée d’imposition. Il en résultait dans la plupart des habitations champêtres une négligence, un dénuement, une insalubrité très nuisibles au bonheur et à la conservation des cultivateurs. « La capitation était divisée en trois branches. Celle des taillades, dans les pays de taille personnelle et mixte, était répartie au marc la livre de la taille, et en partageait toutes les injustices. Celle des villes franches était pour les artisans une addition aux frais de jurandes, pour les autres citoyens une taxe purement arbitraire. Celle des officiers publics et des privilégiés, au lieu de suivre l’échelle des fortunes, seule base équitable de toute imposition, était réglée par les titres. Enfin les ecclésiastiques, formant ce qu’on appelait le clergé de France , en étaient entièrement exempts, quoiqu’ils y eussent été soumis dans son origine, et qu’aucune loi n’eût formellement prononcé leur exemption. « Les vingtièmes même qui étaient la moins imparfaite et la moins vexatoire des anciennes impositions, puisqu’elle présentait une borne qui ne pouvait pas être excédée, étaient encore très inégalement répartis. Les ecclésiastiques du clergé de France ne les payaient pas ; quelques pays, quelques villes, quelques corporations, et même quelques particuliers puissants avaient obtenu des abonnements tout à fait disproportionnés avec leur revenu et avec la charge que supportaient les autres citoyens. Enfin cette imposition étant individuelle, sans aucun rap- 496 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [U juin 1791.] port avec la totalité des contribuables de chaque province, ni de chaque communauté, personne n’avait intérêt de vérifier si son voisin était ou non taxé comme il aurait dû l’être ; personne ne se trouvait offensé de ce qu’un autre échappât, en tout ou en partie, à l’imposition; chacun avait la tentation et la facilité de cacher sa fortune et de tromper le percepteur. Les riches surtout y parvenaient. Plusieurs parlements n’avaient pas eu honte de prétendre que c’était un délit que de perfectionner la répartition ; qu 'un vingtième ne devait pas être un vingtième pour tout le monde ; que ce ne devait être qu’un moyen de lever une certaine somme dans lequel les erreurs de la première assiette devaient être éternelles. Ils avaient effrayé les directeurs et les contrôleurs; et il en résultait que les pauvres sans protection acquittaient les vingtièmes avec exactitude, mais qu’aucun noble, qu’aucun magistrat, qu’aucun officier public, même qu’aucun riche que l'on pût supposer en liaison avec quelques magistrats, ne payait plus de moitié ou des deux tiers de ce qu’il aurait dû. « Tels étaient les inconvénients de nos moins mauvaises impositions. L’Assemblée nationale a dû les bannir de celles qu’elle y substitue. Elle a cru que le système de finance d’une nation, telle que la nôtre, devait avoir trois grands caractères : l’équité, l’égalité, l’uniformité. « La contribution foncière embrassera tous les biens-fonds. Toujours cotisés dans la communauté où ils sont situés, aucune propriété ne pourra échapper à sa juste taxe. On imposera sur l’héritage les champarls ou rentes foncières dont il pourrait être grevé, sauf au propriétaire Je droit de faire à son créancier la retenue de la contribution qu’il aura été obligé d’avancer. De sorte que les remboursements ne dérangeront point les tôles, que le titre de perception sera toujours clair et localement connu, et que la nation ne pourra être frustrée de ses droits. Ses agents ne pourront non plus les appesantir sur personne, ni accorder à personne une faveur illicite. La contribution étant en sommes fixes et déterminées d’avance pour chaque départements, chaque district, chaque communauté, il est sensible que ftous les contribuables auront intérêt à ce qu’aucun d’eux ne se procure une diminution qui augmenterait la charge de tous les autres. Néanmoins cette contribution ne portera sur aucun bien qu’en proportion de son revenu, puisque chaque propriétaire pourra réclamer lorsque sa cote montera en principal au-dessus du sixième du produit net ou de la valeur locative de ses biens, et obtenir, en conséquence, une modération dont les autres feront les frais jusqu’à ce qu’ils soient tous taxés pareillement au sixième. « Ainsi l’on réunira et l’on perfectionnera, l’un par l’autre, les avantages des impositions en sommes fixes et ceux des impositions proportionnelles ; et la contribution foncière arrivera en peu de temps à un degré de sagesse et d’équité qui n’a, jusqu’à présent, été atteint dans aucune imposition, à celui que vous avez droit de prétendre. « L’Assemblée nationale a voulu, elle a dû appliquer, autant qu’il était possible, les mêmes principes aux revenus que tirent de leurs fonds mobiliers les capitalistes qui, au lieu d’acheter des terres, prêtent leur argent, ou font des entreprises de commerce et d’industrie. « En effet, tout homme qui par son économie, celle de ses ancêtres, ou de toute autre manière, est devenu propriétaire d’un capital, peut, en le louant ou en l’aliénant pour favoriser un travail utile, se procurer un partage dans le profit de ce travail. Il n’en est aucun qui n’exige des avances et une manipulation; il n’en est aucun pour lequel il ne se fasse une société entre les capitalistes et les travailleurs ; ou, si le capitaliste travaille lui-même, une sorte de décompte entre ce qui est dû au salaire du travail, et ce qui doit être donné à l’intérêt des avances. « G’est cette seconde portion qu’on appelle le revenu des capitaux mobiliers, et que l’opinion publique a demandé qu’on soumît à une contribution. L’Assemblé" nationale a voulu que ce fût avec plus d’équité que ne le faisait la taille personnelle arbitraire, et d’une manière plus spéciale, comme aussi dans une plus juste proportion que ne le faisaient les droits de consommation qui, pour tâcher d’obtenir quelque contribution despossesseursdecapitaux mobiliers, arrachaient une contribution toute pareille aux propriétaires des terres qui avaient déjà payé l’impôt foncier, et les surchargeaient ainsi doublement. « Les profits des capitaux mobiliers ne sont point faciles à connaître, surtout dans un pays où la Constitution, les principes, les droits, les lois et les mœurs proscrivent toute espèce d’inquisition. « Cependant, ils ont une indication, sinon parfaitement exacte, du moins assez régulièrement approximative. Cette indication est le logement destiné à l’habitation personnelle. Il est si naturel à l’homme de chercher à embellir le séjour où il passe la plus grande partie de sa vie, que presque personne n’est arrêté dans ce penchant que par l’impuissance de le satisfaire, et qu’à très peu d’exceptions près, le prix des logements d’habitation indique la graduation des richesses. « On observe néanmoins que plus les hommes sont pauvres, et plus leur logement absorbe une portion considérable de leur petite fortune : car le besoin de se loger étant indispensable, et le prix du loyer ne pouvant être restreint au-dessous de ce "qui est moyennement nécessaire pour rembourser aux propriétaires l’intérêt du capital de leurs maisons, les citoyens très pauvres sont obligés de pariager leur dépense enire leur subsistance et leur logement. « On a examiné quelle était la proportion la plus ordinaire du loyer avec les différents degrés de richesses ; et l’Assemblée nationale a fait dresser une table qui, à partir des citoyens qui n’ont que cent francs de loyer et au-dessous, et qui sont supposés n’avoir en revenu que le double du prix annuel de leur logement, s’élève par 18 gradations, jusqu’à ceux qui ont plus de douze mille francs de loyer ou de valeur locative d’habitation, et dont on estime que le revenu est de douze (ois et demie cette valeur. « L’Assemblée nationale, en adoptant cette table qui a paru l’expression des faits les plus communs, et qu’elle a placée comme règle à l’article 18 de son décret sur la contribution mobilière, n’a cru devoir l’appliquer qu’au prix des logements d’habitation, qu’elle a entendu qui fussent distingués de ceux qui servent au travail ou au commerce. Ceux-ci sont soumis au droit de patentes, plus particulièrement relatif au travail. L’Assemblée nationale a jugé convenable de, les exempter de la contribution qui a pour objet le revenu des capitaux mobiliers, à quelque usage qu’on les emploie. « C’est ce revenu jusqu’à présent, fugitif, et qui n’avait encore pu être spécialement imposé, que [.Assemblée nationale. ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Ui juin 1791.] 497 l’Assemblée nationale a voulu atteindre par la cote de contribution relative aux facultés mobilières; elle a voulu que celte cote ne portât précisément que sur cette espèce de revenu, comme la contribution foncière ne porte que sur les revenus territoriaux. C’est la loi qu’avait clairement dictée le vœu public. On y a satisfait avec une entière exactitude, en autorisant les propriétaires fonciers, dont les facultés mobilières auraient été présumées par le prix de leur logement, à prouver, par la quittance de leur contribution foncière, que ces facultés leur viennent, en tout ou en partie, de leurs biens-fonds, et à obtenir en conséquence déduction proportionnelle. 11 en résulte que les facultés mobilières qui PROVIENNENT DE CAPITAUX FONCIERS, ne sont assujetties qu’à la contribution foncière ; et que celles qui viennent de capitaux mobiliers, ne pouvant prouver leur origine, restent exclusivement soumises à la cote de contribution four facultés mobilières . « S’il paraissait juste de porter sur les revenus des capitaux mobiliers, une contribution qui leur fût spéciale, il ne l’aurait pas été d’élever celte contribution au même taux, sur la simple apparence de ces revenus, que la contribution foncière a pu l’être sur les revenus très clairs et très connus des biens-fonds. « Les terres se louent en raison de leur produit net. On ne compte, pour leur revenu, que leur valeur locative; et cette valeur n’existe qu’après qu’on a prélevé sur les récoltes le payement de tous les frais et l’intérêt de toutes les avances de la culture. « Le propriétaire foncier touche ou est le maître de toucher son revenu chez lui, sans peine. S’il loue sa terre, ce qu’il y a de casuel dans les récoltes est estimé, abonné et payé dans les conventions de son bail, et lorsqu’il cultive lui-même, il cumule 2 professions dans lesquelles on peut encore distinguer ce qui lui appartient à raison du capital de la terre comme propriétaire, de ce qui lui est dû pour ses avances rurales et pour son travail, comme cultivateur. « Le profit, au contraire, de la plupart des capitaux mobiliers est nécessairement lié à un exercice de facultés industrielles qui ne présentent point de valeur locative. Le possesseur de cos capitaux les fait valoir par son esprit, son labeur, ses dépenses, ses soins, toutes choses variables qui exigent une rétribution et qui rendent casuel le produit du capital. Cette casualité est encore augmentée parce que le possesseur de capitaux mobiliers n’a pas, de la conservation de son capital, une caution aussi solide que la terre. Il ne travaille qu’avec des hommes qui peuvent éprouver des accidents, et qui de plus peuvent se tromper ou le tromper. Il est donc indispensable de retrancher du produit apparent d’un capital mobilier, la rétribution due à son possesseur pour les peines qu’il se donne, et une prime d’assurance pour le risque qu’il court; prime qui paraît hausser le revenu des capitaux mobiliers, mais qui n’en est que la garantie, et qu’un calcul équitable doit à ce titre comprendre dans les frais d’exploitation. « Il résulte de ces observations, que l’Assemblée nationale n’a pu considérer le revenu des capitaux mobiliers, soumis à des hasards inévitables, et liés à un emploi nécessaire de peine et d’industrie, que comme on ferait une récolte avant que les frais de culture eussent été payés. Or, à prendre les récoltes en masse, elles ne donnent qu’un tiers de leur produit brut en produit net. 4" Série. T. XXVII. « Il a paru à l’Assemblée nationale que cette proportion devait avoir lieu entre la contribution sur le revenu apparent des capitaux mobiliers chargé de ses frais et de son assurance, et celle qui porte sur le revenu net et liquide des biens-fonds. « Elle a jugé qu’il y aurait d’autant plus de danger d’excéder cette proportion, que le revenu des capitaux mobiliers n’est indiqué que d’une manière approximative par le seul signe qu’il ait été possible de saisir, celui de la valeur des logements; et que si l’on abusait de ce signe fugitif et conjectural pour élever trop haut la cote des facultés mobilières, on risquerait d’exciter à la fraude, de faire disparaître une partie du signe et d’enlever à la nation le produit le plus important de la principale branche de la contribution mobilière : ce qui serait encore plus onéreux aux propriétaires des terres qui se trouveraient à la tin obligés de couvrir le déficit, puisque leurs biens, toujours ostensibles, sont les seuls qui ne puissent jamais éviter les contributions nécessaires aux besoins publics. « La contribution foncière a été fixée au sixième du revenu. « Toutes les raisons qui viennent de vous être exposées, et qui ont déterminé l’Assemblée nationale, ne permettaient donc pas d'élever celle sur les facultés mobilières, au-dessus du dix-huitième ; mais comme, par les mêmes raisons et dans le doute, il vaut mieux imposer moins que d’imposer trop, l’Assemblée nationale a décrété que l’on commencerait par n’imposer que le vingtième des facultés mobilières, indiquées par le prix des logements, et qu’on n’irait au dix-huitième, que dans le cas où il se trouverait un déficit dans la somme à fournir pour la contribution mobilière. « L'Assemblée nationale aurait voulu pouvoir excepter de cette cote de facultés mobilières, les capitaux prêtés sur des biens-fonds et dont le revenu est soumis à la retenue de la conlribu-tion foncière, à laquelle les débiteurs, sont autorisés, comme en ayant fait l’avance à la nation ; mais elle a craint de porter atteinte aux mœurs, en faisant naître la tentation de mentir à la patrie, et de se procurer de prétendues quittances de retenue foncière , pour échapper à Ja contribution des capitaux mobiliers. Et considérant de plus que les capitaux prêtés sur les terres, qui participent à la nature des capitaux fonciers, ayant été sollicités par les emprunteurs qui ont acheté, outre l’usage de ces capitaux, la complaisance du prêteur , produisent toujours à celui-ci un intérêt supérieur de plus d'un vingtième , même de plus d'un dix-huitième, à celui procuré par les terres à leurs propriétaires véritables; elle a cru ne devoir pas hésiter à soumettre le revenu de ces capitaux, comme celui des autres capitaux mobiliers, à la contribution du vingt-tième ou du dix-huitième, selon la nécessité. « On ne peut pas savoir d’avance laquelle des deux proportions sera définitive; car on n’a pas de notions assez précises sur la valeur totale des logements d’habitation, et sur la somme à laquele pourront monter les défalcations que les revenus fonciers occasionneront dans le produit apparent des capitaux de toute espèce, indiqués par la valeur locative de ces logements. Il a donc fallu réserver quelque latitude; il a fallu même préparer encore au delà une ressource, afin d’assurer, dans tous les cas, le complément de la contribution nécessaire aux besoins publics. Trois branches de contribution mobilière, dont 32 498 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] 2 certaines et une éventuelle, y ont été consacrées. « Les 2 branches certaines ont quelque rapport avec la capitation; mais elles ont sur elle l’avantage de n’être aucunement arbitraires. « La première, est la taxe équivalente à 3 journées de travail, qui doit porter uniformément sur tous les citoyens actifs, quelle que soit leur fortune, indépendamment des autres contributions relatives à leurs richesses; et qui doit s’étendre aussi sur les femmes jouissant ae leurs droits, et sur les mineurs contribuables, quoiqu’ils ne soient pas citoyens actifs. « La seconde est la taxe progressive sur les domestiques, et sur les chevaux qui ne sont pas employés aux exploitations rurales. On a regardé cette taxe comme un surcroît de contribution qui ne serait pas regretté par la richesse, et qui tendrait d’autant au soulagement de la pauvreté. « Ainsi l’on imposera comme contribution mobilière : « 1° La valeur de 3 journées de travail sur tous ceux qui sont dans le cas de supporter cette taxe; « 2° Les sommes prescrites, à raison du nombre de domestiques et de chevaux, sur ceux qui en ont; « 3° Le vingtième du revenu des capitaux présumés parla valeur des logements. « Si, après qu’on aura retranché sur la troisième cote ce qui devra l’être à raison des revenus fonciers qui auront acquitté la contribution foncière, les 3 cotes de contribution mobilière réunies produisent la somme principale demandée par les besoins généraux de la société, on n’imposera rien de plus. « Si le total est au-dessous de ce principal, on poussera la cote à raison des facultés mobilières, au dix-neuvième, et même, s’ils est nécessaire, jusqu’au dix-huitième. « Si par cette opération le principal de la contribution n’était point encore complété, on aurait recours pour opérer ce complément à la ressource éventuelle, qui est la cote d'habitation , également imposée dans ce cas sur les propriétaires de biens-fonds, et sur ceux de capitaux mobiliers. « En effet, la principale charge sociale ayant été égalisée autant qu’elle pouvait l’être entre ces deux espèces de propriétaires, par la contribution foncière sur ceux qui ont des terres ou des maisons, et par la cote à raison des facultés mobilières sur ceux qui n’ont que des capitaux mobiliers, il est juste que tout surcroît de taxe nécessaire pour assurer le service public, porte également et dans les mêmes proportions sur les uns et sur les autres. « Il a paru certain à l’Assemblée nationale que ce complément, s’il faut y recourir, n’obligera pas à porter la cote générale d'habitation au-dessus du quarantième de la valeur des reveuus qu’indiquent les logements. Elle a mis à l’impôt cette borne rassurante contre les inquiétudes que les ennemis du bien public pourraient chercher à répandre parmi vous; elle lui a prescrit cette règle pour arriver à une répartition parfaite, à laquelle on ne peut manquer d’atteindre par degrés lorsqu’il y a une limite inflexible qui renvoie sur les contribuables, dont la cote ne s'y serait point élevée, tout l’excès des cotes pour lesquelles on l’aurait outrepassée. « Vous voyez, citoyens, que vous ne pourrez pas être imposés en principal pour vos biens-fonds, au-dessus du sixième de leur valeur locative. « Pour votre contribution personnelle, au-dessus de votre cote de citoyen actif , et de ce que vous devrez à raison de vos domestiques, de vos chevaux ou de vos autres animaux de trait ou de selle. « Pour vos facultés mobilières, au-dessus du dix-huitième de leur revenu, calculé d’après votre logement d’habitation. »» Pour le complément des besoins du Trésor public, au-dessus du quarantième de tous vos revenus, évalués par le même élément. « Comparez cet état régulier, clair, sans arbitraire et sans vexations, avec les anciennes impositions de toute espèce qui vous accablaient. « Ces anciennes impositions, dont la plupart violaient outrageusement votre liberté, coûtaient cent treize millions de frais de perception ou de régie, et une somme incalculable de frais litigieux; tandis que celles qui auront lieu à l’avenir n’occasionneront que trente-trois millions de frais : encore sera-ce à cause des douanes nationales et des loteries, qui seules obligent à plus d’un tiers de cette dépense, dont les secondes ne sont qu’une imposition supplémentaire, et dont les premières existent moins comme impositions levées pour le Trésor public, que comme primes qu'on a cru nécessaires à vos manufactures. « Vos représentants ne se sont permis aucun arbitraire dans la distribution des deux contributions foncière et mobilière entre les départements. Il les ont soulagés tous dans la même proportion, par un même marc la livre des impositions de toute espèce que l’ancien gouvernement avait mises sur chacun d’eux, dans le temps où il avait quelques lumières, et lorsqu’à loisir, après une longue paix, il s’était appliqué à égaliser, autant qu’il l’avait pu, leurs charges pour leur faire supporter toute la somme d’impôt qu’il leur était possible d’acquitter. « C’est le taux indiqué par cette somme et par celle qu’auraient produite les mêmes impositions étendues aux privilégiés, que l’Assemblée nationale a modéré proportionnellement pour vous tous, avec l’impartialité que vous aviez droit d’attendre d’hommes qui, chargés par vous des fonctions législatives, n’ont vu dans leurs concitoyens que des frères égaux qui, avec une égale confiance, leur ont remis le soin de leurs intérêts. « S’il y a des erreurs, comme on peut le croire, du moins aucune d’elles ne saurait être imputée à vos représentants ; ils n’auraient pu vouloir faire mieux sans tomber dans l’arbitraire, et sans s’exposer à commettre d’autres erreurs qui vous auraient été plus préjudiciables. « Celles qu’il ne leur a pas été possible d’éviter ne sauraient être très grandes ; elles sont bornées par la règle sixième du revenu pour la contribution foncière, et du quarantième pour la quotité d’habitation : elles seront réparées par un fonds de dix millions , applicable aux décharges et aux modérations dont la justice sera reconnue. « Jamais l’ancien gouvernement n’a consacré plus de onze à douze millions à cet acte de raison et de bienfaisance. « 11 n’y a donc donc pas un seul point sur lequel la position dans laquelle vous laissera l’Assemblée nationale, ne soit préférable à celle dans laquelle elle vous a trouvés. « Vous êtes soulagés de la dîme en entier; « De la milice en entier; « De quatre-vingts millions , sur les cent treize qu’il fallait acquitter pour les frais de percep- [Assemblée aatioaale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] 49a tioa et de régie des anciennes impositions; « De tous les procès dispendieux qu’occasionnait leur perception compliquée ; « De tout le temps perdu, de toutes les vexations qu’entraînaient leurs formes inquisitoriales ; « De toute la portion des droits féodaux, supprimée sans indemnité, et de tous les procès qui en étaient la suite ; « De la charge qu’imposait à votre commisération la mendicité des moines aujourd’hui pensionnés, jusqu’à leur décès, sur les fonds publics. « Ces soulagements se montent en impositions, dont le calcul est certain, à cent cinq millions. « En autres perceptions, dont la pesanteur ne peut être qu’estimée à soixante et dix-huit millions. « Le Trésor national vous demande donc cent quatre-vingt-trois millions de moins que vous ne payiez, il y a 3 ans, au Trésor royal, ou aux articuliers qui partageaient avec lui les contri-utions du peuple. « Mais, outre la participation à ce soulagement général, les contribuables les plus indigents, et la majeure partie de la nation, celle qui a fait la Constitution, celle qui a conquis la liberté, celle qui n’avait point de privilèges, éprouveront deux autres soulagements particuliers. « D’une part, le fonds pour les décharges et modérations d ues aux contribuables qui ont essuyé quelque calamité, ou qui auraient été lésés dans la répartition, est augmenté de six millions et demi. C’est un secours assuré par l’aisance des bons patriotes à leurs concitoyens accablés par des malheurs imprévus, ou opprimés par une erreur involontaire. « D’un autre côté, la perfection de la répartition rejette sur les concitoyens ci-devant privilégiés, trente-six millions qu’ils n’acquittaient point autrefois, et qui tournent au soulagement de ceux des anciens contribuables qui n’étaient pas privilégiés. « Il n’y avait pas plus de deux cent mille privilégiés de tout âge, de tout sexe et de toute fonction. C’est donc véritablement la nation, presque en sa totalité, qui est soulagée de deux cent vingt-cinq millions. « Le tableau détaillé en est joint à cette adresse. « Les ci-devant privilégiés ne sont cependant pas surchargés ; car, s’ils payent trente-six millions dont ils étaient précédemment exempts, ils en retrouvent l’indemnité et au delà dans la suppression de la dîme, et dans celle des procès auxquels l’ancienne nature de leurs biens les exposait plus que personne. « Ainsi le nouvel ordre de choses sera bon pour tout le monde, aussitôt que l’union des esprits et des cœurs, et la paix sociale seront rétablies. « Vous désirez tous d’y concourir. L’Assemblée nationale est donc certaine que les contributions seront payées et que le service public sera fait. Vous êtes également certains que par les mesures qu’elle a prises, ces contributions, ce service, sans lesquels il n’y aurait point de société, ne seront pas plus onéreux pour aucun de vous que pour les autres. Cette sûreté réciproque est le gage de la prospérité publique. « C’est une grande consolation pour l’Assemblée nationale, c’était le but de ses travaux que l’état où elle va vous laisser, semblable à celui d’une famille libre, unie par la raison et par un intérêt visiblement commun, tandis qu’elle a trouvé la plupart d’entre vous opprimés comme par une conquête et dans une sorte de guerre avec votre propre patrie. « Les impôts étaient arbitraires, excessifs et insuffisants; leurs formes tyranniques révoltaient les âmes libres ; leurs frais étaient énormes, et leurs vexations également odieuses et ruineuses. « Les nouvelles contributions, modérées au delà de vos espérances, suffiront. Leurs règles sont simples. Vous y voyez à chaque article un profond sentiment d’équité, d’égalité, d’amour pour la liberté de tous et de chacun. « Aux exactions du despotisme, succèdent les conventions amiables d’une société véritablement fraternelle. « Vos représentants, qui vont rentrer dans votre sein, acquitteront comme vous, comme de bons et fidèles Français, les contributions qu’ils ont proposées et décrétées en votre nom. « Ils se sont interdit tout objet d’ambition; ils se sont interdit même l’honneur de votre choix pour continuer de vous représenter dans la prochaine législature. « Ils ne se sont réservé que le spectacle et le partage de votre liberté, de votre bonheur et de votre gloire. « Les événements récents dont vous êtes témoins, et pendant lesquels vous avez montré une si profonde et si honorable sagesse; le nouvel ébranlement qu’a éprouvé le corps politique, par la suite des conseils pernicieux qui ont entraîné le roi jusqu’à lui faire abandonner le soin de la chose publique et le séjour où l'appelait la Constitution; les mesures qu’une résolution si extraordinaire, même avortée, peuvent forcer de prendre; les dangers que vous pouvez avoir à repousser, vous montrent la nécessité d’être inviolablement unis, alin que peu d’efforts de chacun de vous, mais bien d’accord, produisent la plus imposante puissance publique. « La conservation de la liberté et celle de la patrie sont dans vos mains. Leur salut est donc assuré : car les Français ont toujours fait ce qu’ils ont dû; ils ont toujours été l’admiration du monde, lorsqu’un intérêt manifestement général et uue circonstance périlleuse ont exigé de leur honneur le déploiement d’une grande vertu, d’un grand courage, d’un éminent patriotisme. « L’Assemblée nationale n’est donc point inquiète du zèle avec lequel vous soutiendrez, par vos contributions, comme par votre valeur, l’existence de l’Etat et la dignité du nom français. « Elle compte que ceux d’entre vous qui pourraient avoir laissé arriérer le payement de leurs impositions, feront les plus grands efforts pour s’acquitter; et quand vous voyez que le retard des rôles de la présente année n’a eu d’autre cause que le désir de vous rendre justice à tous, en perfectionnant la répartition, elle espère que vous vous porterez à l’envi à offrir, sur la contribution foncière et sur la contribution mobilière, tous les acomptes qui seront en votre pouvoir. Elle donnera pour ces acomptes, que réclame le service public, une règle générale, et ne sera point surprise que la plupart d’entre vous fassent, pour la patrie, encore plus qu’il ne vous sera prescrit. « L’Assemblée nationale connaît vos sentiments, parce qu’ils sont les siens, parce que vos représentants sont vos frères et plus que vos frères, une partie de vous-mêmes, parce que le noble amour du bien public, qui élève vos âmes, brûle également dans leurs cœurs. » 500 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* 124 juin 1791.) NATURE ET MASSE des anciennes IMPOSITIONS OU PERCEPTIONS. liv. Impositions réelles, personnelles ou mixtes, et représentation de ces impositions levée sous d’autres formes dans les pays d’Etats ............. ............. 223,709,282 Dîmes ecclésiastiques et inféodées. 133,000,000 Milices ........................... 6,500,000 Impôts affermés ou régis par la Ferme générale ................. 174,202,000' Caisse du commerce .............. 705,000 Droit sur les soies au profit de la ville de Lyon .................. 750,000 Impôts perçus par la Régie générale ..... ....T .................. 59,601,000 Droits des quatre membres de la Flandre ........................ 1 , 000 , 000 Frais particuliers des impôts billots et devoirs de Bretagne, compris quant à leur produit net dans le premier article, avec les impositions directes dont ils tenaient lieu ............................ 855,000 Droits d’aides qui étaient perçus au profit de la maison d’Orléans. 1,782,000 Ferme de Sceaux et de Poissy... 900,000 Droits régis par l'administration des domaines .................. 46,300,000 Droits régaliens du Clermontois. . 450,000 Droits domaniaux perçus au profit de la maison d’Orléans ......... 730,000 Postes et messageries ............ 17,310,000 Régie des poudres et salpêtres... 950,000 Monnaies et affinages ....... . ..... 754,000 Revenus casuels et marc d’or ..... 5,665,000 Loteries .......................... 15,200,000 FRAIS DE LEUR RÉGIE. liv. Des pays d’élection ............... 8,408,660 Des Etats de Languedoc .......... 976,055 Des Etats de Bretagne ........... 616,046 Des Etats de Bourgogne ........... 536,092 Des Etats de Provence ........... 332,851 Des receveurs particuliers du Rous-„ „ sillon ........................... 67,670 Du receveur général de Pau , Bayonne et pays de Foix ....... 44,973 30,000,000' .................................. 6,500,000 Traitement et bénéfices de 44 fermiers généraux ................ 6,365,366 Perception de l’impôt du sel ...... 10,600,000 Perception de l’impôt du tabac, y compris les remises des débitants. .......................... 12,500,000 Perception des droits de traite ..... 6,500,000 Perception des entrées de Paris.. 2,200,000 ....... ........................... 75,000 .................................. 50,000 Traitement et bénéfices de 28 régisseurs généraux .............. 1,894,250 Perception des divers droits confiés à cette régie, non compris le traitement des régisseurs.... 9,750,000 177,000 855,000 ......... ......................... 282,000 .................................. 270,000 Traitement et bénéfices des 28 administrateurs des domaines ..... 1,918,325 Perception des divers droits régis par cette administration , non compris le traitement des administrateurs ..... , ................ 4,200,000 ................... . ........ . ..... 50,000 80,000 4,210,000 150,000 134,000 50,000 4,000,100 Total des anciennes impositions ou perceptions, sur lesquelles on a des éléments certains.... 691,363,282 Total des frais connus.... 113,798,288 Autres perceptions au profil de l'étranger ou de différents particuliers, qui ne peuvent être connues que par évaluation. Impôt payé par les consommateurs aux contrebandiers, et frais litigieux relatifs à la contrebande .......................................................... ... Capitaineries, dégâts causés par le gibier, et procès pour fait de chasse ....... Péages, minages, banalités et autres droits seigneuriaux supprimés sans \ indemnités, frais de leur perception et frais litigieux y relatifs ............ I Autres Irais litigieux qui résultaient du degré inutile de juridiction, auquel f on était soumis par les justices seigneuriales, et par les exactions des pra-( ticiens de campagne ................................... ... ............... 1 Epices des juges, exactions des secrétaires, et autres dans les tribunaux ..... } Frais en cour de Rome et aux chambres ecclésiastiques ........................ Mendicité des moines, au moins ............................................... Casuel des curés, environ ...................................................... 14,000,000 liv. 15,000,000 36,000,000 2,000,000 8,000,000 3,000,000 Total des perceptions qui ne peuvent être qu’évaluées ............ 78,000,000 liv. OBSERVATIONS. Le comité ecclésiastique n’avait estimé les frais de perception des dîmes, qu’à 23 millions de livres ; mais, vérification faite sur un grand nombre de dîmes, il a été reconnu que les frais de leur perception totale ne pouvaient être au-dessous de de 30 millions de livres. Dans le tableau publié le 6 décembre de l’année dernière, les frais de perception des impositions directes et ceux des droits affermés ou régis par la ferme générale, la régie générale et l’administration des domaines avaient été calculés d’après le livre de l’administration des finances . Ils ont depuis été vérifiés en détail, et le tableau ci-contre en présente l’état au vrai. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES# [24 juin 1791. j 501 NATURE ET MASSE des CONTRIBUTIONS ET PERCEPTIONS NOUVELLES,. Contributions. RECETTE FRAIS de PERCEPTION ou DE RÉGIE. Iiv. liv. EFFECTIVE pour LE TRÉSOR NATIONAL les DÉPARTEMENTS. liv. Contribution foncière en principal.... Contribution mobilière en principal... Sous pour livre additionnels que les directoires de département sont autorisés à imposer pour les dépenses de la justice, pour celles de 1 administration et pour celles des travaux publics ........ . .............. 240,000,000 60,000,000 60,000,000 Fonds pour subvenir aux remises de charges ou modérations que pourront réclamer les contribuables qui auraient éprouvé quelque calamité ou qui auraient été lésés par quelque erreur dans la répartition ...... Frais de perception à la charge des communautés .................... ... Autres frais de perception pour les trésoriers de district à la charge des départements et compris dans les cinquante -quatre ou soixante millions de sols pour livre additionnels. 18,000,000 8,000,000 368,200,000' I 8,000,000 1,800,000 OBSERVATIONS. Plusieurs départements qui ont trouvé utile de ne pas trop multiplier le nombre de leurs tribunaux, ou dont les travaux publics sont d’une nature moins dispendieuse, n’useront pas en totalité de la liberté de pousser jusqu’aux 4 sous pour livre du principal de leur contribution foncière et mobilière les sous et deniers additionnels destinés à leurs dépenses communes. Il y a lieu de croire que ces différents départements pourront économiser entre eux tous, 5 ou 6 millions sur les 59 millions de dépenses diverses que le comité des finances a pensé et que l’Assemblée nationale a décrété, qui seraient renvoyées à leur charge. On peut donc espérer que cet article de contribution, quoique calculé dans la possibilité qu'il s’élève à 60 millions, ne montera pas au-dessus de 54. Ce fonds excède de plus de 6 millions�ce que l’ancien gouvernement imposait pour le même objet. Loin d'être une augmentation de charges, c’est un soulagement de 6 millions pour les citoyens les plus indigents et les plus malheureux, fourni par ceux à qui leur aisance donne le moyen d’y satisfaire. Perceptions sur les services , les arts et le commerce. Droit d’enregistrement ................ Droit de timbre ....................... Droit d’hypothèque ................... Droit de patentes ..................... Douanes nationales ................... Postes et messageries ................ Poudres, salpêtres, monnaies, marque d’or et d’argent, affinages, etc ...... 53,000,000 23,000,000'. 5,000,000' 23,000,000 29,370,000 16,000,000 1,415,000 Total des contributions et perceptions durables ......... 538,585,000 5,670,000 75,330,000 575,000 8,670,000 4,000,000 20,182,500, 20,700,000 12,000,000 415,000 1,000,000 Revenus fonciers Forêts nationales. Salines et salins. . 15,000,000 3,000,000 Et pour les municipalités, 2,242,500 livres. Total des revenus réguliers 505,412,500 Suppléments. Contribution patriotique pendant deux années ........... . ................. Loteries .............................. Total des contributions et per-ceptions régulières et supplémentaires des revenus réguliers et des frais .......... 35,000,000 13,316,390 437,500 3,316,390 586,901,390 32,881,890 34,562,5001 10,000,000\ 549,975,000 Les frais de la loterie, détaillés dans le compte des revenus et des dépenses fixes au 1« mai 1789, se montent indépendamment des remises, à .................................. 1,766,390 liv. Ces remises sont estimées dans le livre de l’administration des finances de 15 à 1,600,000 francs et passées ici au terme moyen ................ 1,550,000 Total ......... 3,316,390 liv. Autres suppléments. Créances sur les Etats-Unis d’Amérique, sur le Duc des Deux-Ponts et quelques autres, dont on recevra, pendant plusieurs années, au moins quatre millions par année... Valeur présumée! suivant le rap-/ Tabac.. 39,379,184 1. 1 port du 20 mars! Sel ..... 15,000,000 [54,379,184 1., dont 1791 de ventes! Ustensiles. Mémoire \ de } 1 on suppose qu’il n’y aura de réalisé en 1791 que ........ Total des voies et moyens décrétés ........... Le comité des finances n’a estimé les besoins de l’année 1791 qu’à ....... . ............................................. Est-il vraisemblable, comme on l’a remarqué dans la première observation ci-contre, que les départements économiseront cinq ou six millions sur les dépenses mises à leur charge. Si cette économie a lieu, l’excédant serait de.... ....... . Si elle n’a pas lieu, ou est compensée par d'autres dépenses imprévues, il ne sera que de ............................ 4,000,000 30,000,000 583,975,000 581,000,000 7,975,000 2,975,000 502 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [24 juin 1791.] OBSER\A TIONS GÉNÉRALES. Les anciennes impositions et perceptions exactement connues se montaient à .......................... 691,363,282 liv. Les autres perceptions, que l’on ne peut qu’évaluer, coûtaient au peuple au moins ..................... '58,000,000 Total ................................................. 769,363,282 liv. Les contributions et perceptions durables ne coûteront que ............... . ......... 538,583,000 1. 1 Les contributions et perceptions supplémentaires, savoir:! L® contribution patriotique. l 586,901,390 ( IjvS loteries •••••««•*•••»•• îOj olujOcv ] Le soulagement général de la nation sera donc, au moins, de .......................................... 182,461,892 liv. Il pourra être de cinq ou six millions plus considérable, si, comme on a lieu de l’espérer, ies dépar-partements parviennent à économiser cette somme sur les dépenses mises à leur charge ; et si au lieu d’imposer pour ces dépenses, comme ils y sont autorisés, jusqu’à quatre sols pour livre des deux contributions foncière et mobilière, ils peuvent y suffire, en imposant quelques deniers pour livre de moins, suivant leur plus ou moins grande facilité locale. Les contribuables indigents, et ceux qui n’avaient point do privilèges, éprouveront deux autres soulagements : 1» L’augmentation du fonds pour décharges et modérations, environ .................. 6,500,000 1. i 2» Ce que les anciens privilégiés payent de plus qu’ils ne le faisaient autrefois, et qui } 42,632,851 liv. tourne encore au soulagement des contribuables qui n’avaient point de privilèges ..... 36,132,851 J Total de la diminution réelle des charges publiques pour les contribuables indigents, qui n’étaient pas privilégiés .................................................... 225,094,743 liv. En 1792, on aura moins de recette extraordinaire, parce qu’on aura touché, dans la présente année, la plus forte partie des ventes de tabac, de sel et d’autres effets mobiliers, qui étaient entre les mains des fermes et régies. Mais on aura profité d’environ quatre millions d’extinctions sur les traitements viagers et rentes viagères. De plus, le haut prix de la vente des domaines nationaux et les remboursements effectués avec le produit de ces ventes auront libéré la nation d’une somme d’intérêts fort supérieure au revenu que produisent aujourd’hui ces biens-fonds; ce qui opérera une bonification d’un nombre de millions assez considérable. Enfin, il y a lieu d’espérer que les droits d’enregistrement, de timbre et d’hypothèque, complètement établis, rendront, plus qu’on ne l’a calculé, et achèveront de prévenir tout déficit. Arrêté au comité des contributions publiques , le 22 juin 1791. LA ROCHEFOUCAULD, d’AUCHY, ROEDERER, DEFERMON, d’ALLARDE, TALLEYRAND-PERIGORD, ancien évêque d’Autun, JARRY, DUPONT (de Nemours). M. Ixegrand. Cette adresse renferme trop de grandes phrases et de belles expressions pour pouvoir être entendue par tous. Un membre : Elle sera entendue, puisque l’objet sur lequel elle porte a écrasé le royaume pendant bien longtemps. M. Liegrand. J’aurais plutôt souhaité une adresse qui rehaussât le patriotisme des citoyens, que cette longue énumération des impôts détruits. M. Dupont, rapporteur. Quand on aurait fait deux colonnes, l’une des impôts détruits, l’autre des impôts établis, on aurait fait l’adresse la plus patriotique. Voici le projet de décret que votre comité vous propose : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des contributions publiques, a adopté le projet d’adresse aux Français, qu’il lui a proposé, et en a ordonné l’impression et l’envoi dans les 83 départements. » {Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères, entre dans la salle; il est accueilli par de vifs applaudissements. M. le Président. Monsieur, l’Assemblée vous témoigne les sentiments dont elle est pénétrée, et je me félicite, dans ce moment, d’être son organe. M. de Montmorin, minis tre des affaires étrangères. Je voulais témoigner à l’Assemblée ma reconnaissance de la justice qu’elle a bien voulu me rendre et de la bonté qu’elle a mise dans les formes qu’elle a employées. Je puis le répéter et je suis enchanté de trouver cette occasion de le faire : je n’ai aucune espèce de part quelconque à l’événement qui nous afflige tous et personne n’en ressent une douleur plus profonde que moi. J’ai déjà eu l’honneur de le dire à l’Assemblée, je le répète et tout le prouvera : je ne perdrai aucune occasion de témoigner à l’Assemblée mon entier dévouement et mon attachement sans bornes à la Constitution. {Applaudissements.) M. Ricard de Séalt. En vertu des ordres quenous avons reçus de l’Assemblée, MM. Roger, Gourdan, Francovîlle et moi, nous nous sommes rendus chez M. de Montmorin. L’affluence du monde qui s’y trouvait n’était pas bien considérable. Nous nous sommes avancés; nous avons montré la loi ; nous l’avons fait connaître au peuple; il a témoigné par ses applaudissements combien il était satisfait de ce que la conduite de M. de Montmorin était irréprochable, et il s’est dissipé dans l’instant. Notre mission aurait été dès lors terminée si notre devoir ne nous avait imposé l’obligation de vous en rendre compte. {Applaudissements.) Un de MM. les secrétaires fait lecture de la suite du procès-verbal de la séance permanente commencée le mardi 21 juin courant. Une députation des 6 tribunaux criminels de Paris est introduite à la barre. L'orateur de la députation s’exprime ainsi : « Messieurs, « Dans ces jours de crise, où le premier ci-