(Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j u. 1793 635 tels que les chefs de bureaux, les secrétaires, les commis de la Convention, du conseil exécutif, des diverses Administrations publiques, de toute autorité constituée, ou de tout fonctionnaire public qui a des employés, seront punis par la suspension du droit de citoyen pendant trois ans, et par une amende du tiers du revenu du con¬ damné pendant le même espace de temps pour cause personnelle de toutes négligences, retards volontaires, ou infractions commises dans l’exé¬ cution des lois, des ordres et des mesures de gou¬ vernement, de salut public et d’administration i ont ils peuvent être chargés. Art. 8. « Tout© infraction à la loi, toute prévarica¬ tion, tout abus d’autorité commis par un fonc¬ tionnaire public, ou par tout autre agent prin¬ cipal et inférieur du gouvernement et de l’ad¬ ministration civile et militaire qui reçoivent un traitement, seront punis de cinq ans de fers et de la confiscation de la moitié des biens du con¬ damné; et pour ceux non salariés, coupables des mêmes délits, la peine sera la privation du droit de citoyen pendant six ans, et la confiscation du quart de leurs revenus pendant le même temps. [. Art. 9. « Tout contrefacteur du « Bulletin » des lois sera puni de mort. Art. 10. « Les peines infligées pour les retards et né¬ gligences dans l’expédition, l’envoi et la récep¬ tion du « Bulletin des lois » sont pour les mem¬ bres de la Commission de l’envoi des lois et pour les agents de la poste aux lettres, la condamna¬ tion à 5 années de fers, sauf les cas de force majeure légalement constatés. Art. 11. « Les fonctionnaires publics, ou tous autres agents soumis à une responsabilité solidaire, et qui auront averti la Convention du défaut de sur¬ veillance exacte ou de l’inexécution d’une loi, dans le délai de quinze jours, seront exceptés des peines prononcées par ce décret. Art. 12. « Les confiscations ordonnées par les précé¬ dents articles seront versées dans le Trésor pu¬ blic, après toutefois avoir prélevé l’indemnité due au citoyen lésé par l’inexécution ou la vio¬ lation d’une loi, ou par un abus d’autorité (1). » (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 360 à 378. Compte rendu du Moniteur universel (1). Suite de la discussion sur V organisation du gouvernement révolutionnaire. Billaud-Varenne. Plus le comité de Salut public a médité la loi qu’il vous présente en ce moment, plus il en a senti l’importance et la né¬ cessité de la perfectionner. La nouvelle rédaction qu’il va soumettre à la Convention offre plusieurs changements qui tendent à perfectionner cette loi. Ces changements donnent plus d’activité, plus de nerf au gouvernement. La Convention va faire un grand acte de législation : tout dé¬ pend de cette activité, de cette stabilité que vous allez donner au gouvernement révolu¬ tionnaire. Avant de vous lire la loi, je crois devoir ré¬ pondre à quelques objections qu’on a faites pour prévenir le peuple contre la nécessité d’un gouvernement plus stable. On a dit : « Pourquoi toujours un gouverne¬ ment provisoire, au lieu de nous donner un gou¬ vernement définitif? » C’est parce que ne pou¬ vant procéder tout à l’heure à l’exécution de la Constitution, il faut un gouvernement révolu¬ tionnaire qui empêche que l’action du corps politique ne soit le résultat de l’arbitraire. On a dit : « Pourquoi un gouvernement pro¬ visoire, lorsque les nations pouvaient être ef¬ frayées, écartées par ce mot de provisoire? » Cette objection est nulle; car ce qui peut écarter les nations, c’est l’absence de gouvernement; mais elles attendent plutôt celui que nous vous proposons. On a paru craindre la concentration des pou¬ voirs dans la Convention; mais est -il une auto¬ rité où la responsabilité soit plus terrible? Tous les politiques savent qu’une grande As¬ semblée ne peut arriver au despotisme; ce dan¬ ger est surtout moins à craindre quand ses discussions sont publiques. D’ailleurs par qui ces objections ont-elles été faites? Par ceux qui ont voulu enlever au peuple jusqu’à sa mo¬ ralité, ou qui, par un perfide modérantisme, ont cherché à tuer la République et la liberté. La loi que nous proposons est nécessaire; elle tend à vous procurer des alliés dans les puis¬ sances étrangères, en prenant une attitude ferme, en écrasant les conspirateurs du dedans, en faisant peser sur la tête des coupables toute la rigueur du gouvernement. Billaud lit les articles précédemment décrétés. La rédaction en est adoptée. Il fait lecture des dispositions subséquentes. Fayau. Quand le comité de Salut public a présenté ce projet de décret, la Convention l’a ajourné, pour que chacun de ses membres pût le méditer. Déjà deux fois le rapporteur est venu le soumettre à la discussion, deux fois il nous a présenté des rédactions différentes. Dans une séance on a décrété plusieurs articles; ils se trouvent ici avec de nouveaux changements* (1) Moniteur universel fn° 76 du 16 frimaire an II (vendredi 6 décembre 1793), p. 307, col. 3]. D’autre part, voy. ci-après, annexe n° 2, p. 646. le compte rendu de la même discussion d’après divers jour¬ naux. 636 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, \ lj �rnairlc “ 1 J (4 décembre 1793 La Convention doit apporter à cette discussion l’attention la plus suivie. Je suis effrayé du danger des nominations d’agents nationaux attribuées au comité de Salut public. Bourdon (de l'Oise). Comme la crainte de Fayau n’est pas fondée, comme il n’a pas en¬ tendu le projet de décret, je demande l’ordre du jour. Barère. Pour abréger la discussion et empê¬ cher les méprises, il ne s’agit que de rappeler un fait. Lorsque le comité a présenté la pre¬ mière fois son projet à la discussion, Danton et quelques autres membres firent les propositions que vient d’attaquer Fayau. Le comité s’éleva contre elles ; il persiste dans son opposition. Le comité ne veut point être chargé de la nomina¬ tion d’agents nationaux; car alors il deviendrait un foyer d’intrigues. Le comité n’a entendu parler que de la confirmation d’agents locaux nommés par les communes. Comme il pourrait y avoir de mauvais choix, des intrigants, on remédiera à cot inconvénient, en nationalisant en quelque sorte ces fonctionnaires, en les tirant hors de ligne : voilà pourquoi la liste de ces agents sera lue à la Convention. Fayau. Je demande comment seront rempla¬ cés les administrateurs destitués? Merlin (de Thionville). Ils le seront de la même manière qu’ils ont été nommés, c’est-à-dire par les assemblées électorales. TJn membre. Dans l’organisation d’un gouver¬ nement révolutionnaire, confier au peuple l’élec¬ tion des fonctionnaires publics est une mesure contre-révolutionnaire. ( Murmures.) On demande l’ordre du jour. Un membre : J’explique ma pensée. Je dis que dans un moment de révolution, convoquer des assemblées électorales, c’est fournir l’occa¬ sion à tous les intrigants, à tous les aristocrates, d’exciter des troubles; ils ne manqueront pas de se glisser dans les assemblées, et les choix qu’ils peuvent faire par leurs manœuvres, ne manqueront pas d’être funestes à la liberté. (de Thionville). Recourir au peuple est le mode le plus simple, le plus conforme au principe. Ne craignez pas les intrigues, le peuple vous a prouvé qu’il savait aussi bien se défaire des intrigants que de ses ennemis déclarés. Cambon. J’appuie l’article du comité, et je demande l’ajournement du mode de rempla¬ cement. Barère. Quel moyen devons-nous prendre pour remplacer des administrateurs infidèles? Celui que nous trouvons dans les mains du peuple; prenons les procureurs de commune dans les conseils généraux des communes, et les procureurs de district parmi les membres des conseils généraux de district; c’est là qu’il faut puiser; ce sont des réservoirs populaires. Les assemblées électorales sont des institutions monarchiques ; elles tiennent au royalisme. Il faut surtout les éviter dans un moment de révolution. Coilthon. Le droit d’élection appartient essentiellement au peuple souverain. On ne peut y porter atteinte sans crime, à moins que des circonstances extraordinaires ne le demandent pour le bonheur même du peuple : or, nous nous trouvons dans des circonstances extraordi¬ naires; car la faction qui voulait rétablir le des¬ potisme et donner de nouveaux fers au peuple, n’est pas totalement anéantie; elle a encore des agents très actifs dans les départements, où ils épient le moment de se montrer. Si les assem¬ blées électorales sont convoquées, ils s’en ren¬ dront les maîtres par leurs sourdes menées, et vous n’aurez que des intrigants; et, citoyens, dans ce moment non seulement il faut éviter d’avoir des fonctionnaires publics dangereux, mais il faut encore écarter les douteux. Quant à la proposition de Barère, elle ne peut être admise; elle est contraire et au gouverne¬ ment ordinaire, et au gouvernement exigé par les circonstances. Dans le gouvernement ordinaire, au peuple appartient le droit d’élire; vous ne pouvez l’en priver. Dans le gouverne¬ ment extraordinaire, c’est de la centralité que doivent partir toutes les impulsions, c’est de la Convention que doivent venir les élections. Nous sommes donc dans des circonstances extraordinaires. Ceux qui invoquent les droits du peuple, veulent rendre un hommage faux à sa souveraineté. Lorsque la machine révolution¬ naire roule encore, vous lui nuiriez en lui con¬ fiant le soin d’élire des fonctionnaires publics, parce que vous l’exposeriez à nommer des hom¬ mes qui le trahiraient. Je demande que l’épurement des administra¬ tions se fasse à la tribune, et que la Convention nomme elle-même à la place des administra¬ teurs qui seront destitués; mais je demande qu’elle déclare que les nominations ne seront que provisoires. Maulde. La Convention ne doit pas oublier que la France est en révolution, c’est-à-dire dans des circonstances où elle doit agir avec vi¬ gueur; trop de force ne peut nous nuire. Je demande que les nominations soient faites par la Convention. La discussion est fermée. La proposition de Couthon est adoptée. La suite des articles de la seconde section du projet de décret est adoptée. Ramel. Je 'demande à proposer un’ article additionnel, c’est de décréter que les agents nationaux ne font point partie de l’Adminis¬ tration. Leurs fonctions doivent se borner à faire des réquisitions pour l’exécution des lois dans les dispositions desquelles ils auront toute leur force. Il faut qu’ils ne puissent ni influencer les Administrations ni être influencés; on ne doit point les voir à la tribune, mais placés dans la galerie; ils rappelleront l’Administration à l’exécution de la loi, si elle s’en écarte. Bourdon (de l'Oise). Ce sont encore des défi¬ nitions de pouvoirs qu’on veut vous faire consa¬ crer, qu’est-il besoin de dire que les agents na¬ tionaux ne feront pas telle et telle chose; il suffit qu’ils se tiennent renfermés dans les fonc¬ tions qui leur sont établies. Je demande l’ordre du jour sur la proposition de Ramel. L’ordre du jour est adopté. Le rapporteur lit la section troisième, Bourdon (de l'Oise). Je désire, comme la | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j �maire an II 537 J i 4 décembre 1793 Convention, que le gouvernement révolution¬ naire soit promptement organisé; mais on y laisse une roue qui en arrêtera le mouvement; je veux parler des ministres; que voulez-vous en faire, puisque la monarchie est abolie? Cette vermine royale que je voudrais voir écrasée, ne peut qu’entraver le mouvement révolu¬ tionnaire; sans eux ne pourrons-nous pas con¬ duire la liberté au port? Dans notre constitu¬ tion répubbcaine, il n’y a pas de ministre, mais un conseil exécutif aussi populaire qu’il puisse l’être; pourquoi conserveriez-vous plus longtemps ces dix gants aristocratiques qui ar¬ rêtent le feu électrique de la révolution? Fixez seulement vos regards sur le ministre de la guerre, à quel usage est -il bon, d’après l’aveu même du comité de Salut pubbc? Il reçoit un ordre du comité qu’il transmet à un commis qui ne le met point à exécution. J’ajou¬ terai que pour moi, j’ai toujours rencontré au¬ tour des armées une foule d’agents envoyés par les ministres, et qui ne font qu’y entraver la marche et les mesures prises par les commis¬ saires de la Convention. Au surplus, quand je propose la suppression des ministres, c’est une idée que j’aime à faire germer; car si vous la rejetez aujourd’hui, il no se passera pas trois mois sans que vous sentiez la nécessité de l’adopter. Je me résume à demander la discussion, ar¬ ticle par article, de la section qui vient de vous être lue, et que si vous ne croyez pas le moment encore venu de prononcer la suppression des mi¬ nistres, ma proposition soit renvoyée au comité de Salut public, pour la méditer et la mûrir. Robespierre. Sous l’empire des rois, on se faisait applaudir en déclamant contre les mi¬ nistres, et les applaudissements étaient presque toujours mérités. Sous le règne do la liberté, les ministres ne sont plus ce qu’üs étaient, ils ne sont plus les agents d’un roi, mais de la Convention, ce sont des instruments dont le comité de Salut pubbc peut se servir avec utilité. Des législa¬ teurs sages ne s’attachent pas aux mots, mais aux choses; le mot de ministre ne doit avoir rien d’effrayant, puisqu’ils ne peuvent abuser de l’autorité dont ils sont revêtus, étant surveil¬ lés avec activité, et pouvant être des instru¬ ments utiles aux desseins de la Convention; il est donc bien important de ne pas se livrer à des déclamations qui affaibliraient les nerfs du gouvernement. Personne ne peut mieux apprécier les ministres que ceux qui sont chargés de les surveiller, et le comité de Salut public ne partage point l’opimon du préopinant. Que l’on puisse faire des reproches à tel ou tel agent du ministère; mais, sous le prétexte d’at¬ taquer un agent infidèle, il ne faut pas hasarder des reproches qui retombent sur tout le ministère et par conséquent sur un homme dont les tra¬ vaux assidus et le caractère probe et républi¬ cain seront une barrière insurmontable à tous les conspirateurs. Au surplus, le ministère actuel est une machine dont le remplacement serait difficile en ce mo¬ ment et dont la Convention et le comité de Salut public peuvent tirer de grands avantages. Cela suffit pour répondre à ce qu’a dit Bour¬ don. Barère. Aux réflexions que l’on vient de vous soumettre, j’ajoute que, dans les articles que vous avez déjà adoptés, vous ôtez aux mi¬ nistres tous les genres d’autorité que l’on pour¬ rait regarder comme des restes de la monarchie; car les ministres de la marine et de la guerre ne font plus isolément des nominations d’officiers. Je fais une autre observation. Il vous man¬ quait un moyen de presser l’exécution dans les dernières ramifications de l’autorité ministé¬ rielle. La loitdont vous vous occupez vous l’a donné en étabhssant une pénabté pour les agents jusque dans l’ordre inférieur. Arnsi, d’un côté, vous avez ôté au ministère tout ce qui lui restait d’attribut de la préro¬ gative royale; et de l’autre, vous avez établi une pénabté qui vous assure la prompte exécution de la loi Je termine par une troisième réflexion, c’est que le comité de Salut pubbc ne doit avoir que la haute pensée du gouvernement; il n’est déjà que trop surchargé de détails, que trop encom¬ bré de bureaux; ainsi n’ajoutez pas à ceux que nous avons, les bureaux de ministère Au fait, le ministère n’est qu’un conseil exé¬ cutif chargé des détails d’exécution, surveibé avec une grande activité, et dont les chefs viennent chaque jour, et à des heures indiquées recevoir les ordres et les arrêtés du comité de Salut pubbc Ainsi la proposition de Bourdon est inutile La Convention passe à l’ordre du jour Le reste du plan est adopté Un membre propose, après avoir considéré l’importance des opérations du comité de Salut pubbc, de décréter qu’aucun de ses membres ne pourra être envoyé en commission. La Con¬ vention passe à l’ordre du jour La séance est levée à 5 heures (1). Signé : Romme, Président; Frécine, Philip-peaux, Merlin (de TMonville), Richard, Roger Ducos, Reverchon, secrétaires. PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS (g AU PROCÈS-VERBAL, MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SÉANCE DU 14 FRIMAIRE AN II (MERCREDI 4 DÉCEMBRE 1793). I. Billaud-Varenne, au nom du comité de Salut public et de sûreté générale, pro¬ pose d’annuler un réquisitoire du pro¬ cureur DE LA COMMUNE DE PARIS, AINSI QUE L’ARRÊTÉ, QUI EST LA CONSÉQUENCE DE CE RÉQUISITOIRE, ET QUI A ÉTÉ PRIS PAR LE CONSEIL GÉNÉRAL DE LA COMMUNE (2). Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Billaud-Varenne. Avant de présenter à la Convention le projet de gouvernement provi-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 378. (2) La proposition de Billaud-Varenne n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 14 fri¬ maire an II; mais il y est fait allusion dans les comptes rendus de cette séance publiés par les di¬ vers journaux de l’époque. (3) Journal des Débats et des Décrets (frimaire an II,