650 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE leurs, le repos est nécessaire aux membres qui composent maintenant le comité de salut public. Nous avons plus d’une fois gémi de ne pouvoir suivre la marche de vos opérations. Il faut, après un long travail, rentrer dans le sein de la Convention, pour s’y reposer de ses fatigues. Je m’oppose à l’ajournement. On demande que la discussion soit fermée. L’assemblée ferme la discussion. Plusieurs membres insistent pour l’ajournement. MERLIN (de Thionville) : Je demande la priorité pour la proposition de Barère. L’opposition que j’y vois fait que j’y tiens davantage. Aux voix la proposition de Barère ! Le président met aux voix, et la Convention décrète le principe du renouvellement des comités par quart, tous les mois. (De toutes les parties de la salle s’élèvent des applaudissements plusieurs fois réitérés, avec des cris de vive la république !) DELMAS : Vous venez de tarir la source de l’ambition des hommes. Pour compléter votre mesure, je demande que vous décrétiez que nul membre ne pourra rentrer dans un comité qu’un mois après en être sorti. (On applaudit). Je réclame cette disposition pour le bonheur du peuple. La proposition de Delmas est décrétée au milieu des applaudissements. BARERE présente la liste des membres proposés par les comités pour composer le tribunal révolutionnaire. ... :Je demande l’impression et l’ajournement jusqu’à ce qu’on ait des renseignements sur chacun des individus proposés. L’impression et l’ajournement sont décrétés (l). Cette proposition a été adoptée ainsi qu’il suit : « La Convention nationale décrète que tous ses comités seront renouvelés par quart chaque mois, et par appel nominal ; et que les membres qui sortiront chaque mois, ne pourront être réélus qu’un mois après » (2). 7 MERLIN (de Douai), au nom du comité de législation : Votre comité de législation vous a déjà présenté par mon organe plusieurs projets de décrets sur des réclamations élevées contre diférents jugements émanés de la ci-devant commission soi-(1) Mon., XXI, 362-363; Débats, n° 679, 237-242. A propos de la composition du tribunal révolutionnaires, 3 gazettes font des commentaires : « Barère présente ensuite la liste des membres qui doivent, provisoirement, composer le tribunal révolutionnaire. Il propose Sellier pour président; pour accusateur public Fouquier-Tinville; parmi les juges, nous avons remarqué Maire, Bravet, Félix, Laporte, etc; pour substitut de l’accusateur public, Royer; pour jurés, Gauthier, Topino le-Brun, Brochet, Dix-Août, Devise, Duquesnel, Dupeyra etc. Il s’est élevé quelques murmures... » (J. Perlet). Pour Ann. patr. et C. Eg., seuls les noms de Fouquier-Tinville et de Royer auraient provoqué des protestations. (2) P.V., XLII, 265. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 169. Reproduit dans Bm, 12 therm. Mentionné par F.S.P., n° 391 ; M.U., XLII, 201 ; J. Mont., n° 94, 778; -J. Paris, n° 577 ; C. Eg., n°712. disant révolutionnaire que Saint-Just et Lebas avaient érigée à Strasbourg, pendant leur mission près l’armée du Rhin. En adoptant ces projets de décrets, en accueillant ces réclamations, vous avez chaque fois manifesté votre indignation contre les jugements qui en étaient l’objet et contre les juges qui les avaient prononcés. Je viens aujourd’hui vous en énoncer deux autres que l’esprit contre-révolutionnaire a également dictés, et qui exciteront également toute votre horreur. Pendant l’invasion du département du Bas-Rhin par les satellites des tyrans du Nord, le comité de surveillance de Strasbourg, mis depuis lui-même en arrestation, fit envisager l’éloignement de l’état-major de la garde nationale de cette place comme une mesure importante à la sûreté générale. En conséquence, le citoyen Hecht, apothicaire, fut, en sa qualité de commandant de bataillon, transféré dans le département de la Côte-d’or, et la manutention de sa boutique fut abandonnée à un commis. Quelques jours après sa translation, un inconnu se présenta à sa boutique, et demanda deux onces de manne en larmes et de rhubarbe. Le commis d’Hecht s’empressa de les lui fournir, et se les fit payer 54 onces. Aussitôt, plainte de la part de l’accusateur public Schneider, de ce prêtre autrichien, de ce scélérat, dont un jugement du tribunal révolutionnaire a fait tomber la tête, pour les crimes dont il s’était couvert dans le tribunal de Saint-Just et de Lebas. Sur cette plainte, sans entendre, sans assigner même le citoyen Hecht, alors fort loin de Strasbourg, il intervient à l’instant un jugement aussi monstrueux dans la forme qu’horrible au fond. Voici comme il est conçu : SÉANCE DU 21 BRUMAIRE « Le premier commis de la pharmacie du citoyen Hecht, accusé d’avoir vendu deux onces de rhubarbe et de manne à 54 sous ; condamné lui, citoyen Hecht, propriétaire de ladite pharmacie, à une amende de 15,000 liv. » « Signé WEISS, secrétaire-greffier. » Ainsi, point d’instruction, point d’examen, point de signature de juges; voilà les vices que ce jugement présente dans la forme; au fond, arbitraire, absolu, et à peine comparable au despotisme des tribunaux de Turquie. La loi du 29 septembre 1793 (vieux style), qui était alors dans toute sa vigueur, n’assujettissait point les drogues au maximum. Où est donc le délit ? où est donc, je ne dis pas le motif, mais le prétexte de cette condamnation ? Eh ! que sera-ce si vous considérez que, par une délibération de la municipalité de Strasbourg, du 14 ventôse, il est prouvé que le citoyen Hecht avait payé plus de 40 sous ce que son commis avait revendu 54 ? J’en ai dit assez pour vous déterminer à anéantir cet infâme jugement. Votre comité vous proposerait de sévir contre les juges dont il est l’ouvrage, s’il n’était pas informé que déjà la loi en a frappé quelques-uns, et qu’elle poursuit les autres (l). (1) Mon., XXI, 357; Débats, n° 679, 222-224; M.U., XLII, 216-218. 650 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE leurs, le repos est nécessaire aux membres qui composent maintenant le comité de salut public. Nous avons plus d’une fois gémi de ne pouvoir suivre la marche de vos opérations. Il faut, après un long travail, rentrer dans le sein de la Convention, pour s’y reposer de ses fatigues. Je m’oppose à l’ajournement. On demande que la discussion soit fermée. L’assemblée ferme la discussion. Plusieurs membres insistent pour l’ajournement. MERLIN (de Thionville) : Je demande la priorité pour la proposition de Barère. L’opposition que j’y vois fait que j’y tiens davantage. Aux voix la proposition de Barère ! Le président met aux voix, et la Convention décrète le principe du renouvellement des comités par quart, tous les mois. (De toutes les parties de la salle s’élèvent des applaudissements plusieurs fois réitérés, avec des cris de vive la république !) DELMAS : Vous venez de tarir la source de l’ambition des hommes. Pour compléter votre mesure, je demande que vous décrétiez que nul membre ne pourra rentrer dans un comité qu’un mois après en être sorti. (On applaudit). Je réclame cette disposition pour le bonheur du peuple. La proposition de Delmas est décrétée au milieu des applaudissements. BARERE présente la liste des membres proposés par les comités pour composer le tribunal révolutionnaire. ... :Je demande l’impression et l’ajournement jusqu’à ce qu’on ait des renseignements sur chacun des individus proposés. L’impression et l’ajournement sont décrétés (l). Cette proposition a été adoptée ainsi qu’il suit : « La Convention nationale décrète que tous ses comités seront renouvelés par quart chaque mois, et par appel nominal ; et que les membres qui sortiront chaque mois, ne pourront être réélus qu’un mois après » (2). 7 MERLIN (de Douai), au nom du comité de législation : Votre comité de législation vous a déjà présenté par mon organe plusieurs projets de décrets sur des réclamations élevées contre diférents jugements émanés de la ci-devant commission soi-(1) Mon., XXI, 362-363; Débats, n° 679, 237-242. A propos de la composition du tribunal révolutionnaires, 3 gazettes font des commentaires : « Barère présente ensuite la liste des membres qui doivent, provisoirement, composer le tribunal révolutionnaire. Il propose Sellier pour président; pour accusateur public Fouquier-Tinville; parmi les juges, nous avons remarqué Maire, Bravet, Félix, Laporte, etc; pour substitut de l’accusateur public, Royer; pour jurés, Gauthier, Topino le-Brun, Brochet, Dix-Août, Devise, Duquesnel, Dupeyra etc. Il s’est élevé quelques murmures... » (J. Perlet). Pour Ann. patr. et C. Eg., seuls les noms de Fouquier-Tinville et de Royer auraient provoqué des protestations. (2) P.V., XLII, 265. Minute de la main de Barère. Décret n° 10 169. Reproduit dans Bm, 12 therm. Mentionné par F.S.P., n° 391 ; M.U., XLII, 201 ; J. Mont., n° 94, 778; -J. Paris, n° 577 ; C. Eg., n°712. disant révolutionnaire que Saint-Just et Lebas avaient érigée à Strasbourg, pendant leur mission près l’armée du Rhin. En adoptant ces projets de décrets, en accueillant ces réclamations, vous avez chaque fois manifesté votre indignation contre les jugements qui en étaient l’objet et contre les juges qui les avaient prononcés. Je viens aujourd’hui vous en énoncer deux autres que l’esprit contre-révolutionnaire a également dictés, et qui exciteront également toute votre horreur. Pendant l’invasion du département du Bas-Rhin par les satellites des tyrans du Nord, le comité de surveillance de Strasbourg, mis depuis lui-même en arrestation, fit envisager l’éloignement de l’état-major de la garde nationale de cette place comme une mesure importante à la sûreté générale. En conséquence, le citoyen Hecht, apothicaire, fut, en sa qualité de commandant de bataillon, transféré dans le département de la Côte-d’or, et la manutention de sa boutique fut abandonnée à un commis. Quelques jours après sa translation, un inconnu se présenta à sa boutique, et demanda deux onces de manne en larmes et de rhubarbe. Le commis d’Hecht s’empressa de les lui fournir, et se les fit payer 54 onces. Aussitôt, plainte de la part de l’accusateur public Schneider, de ce prêtre autrichien, de ce scélérat, dont un jugement du tribunal révolutionnaire a fait tomber la tête, pour les crimes dont il s’était couvert dans le tribunal de Saint-Just et de Lebas. Sur cette plainte, sans entendre, sans assigner même le citoyen Hecht, alors fort loin de Strasbourg, il intervient à l’instant un jugement aussi monstrueux dans la forme qu’horrible au fond. Voici comme il est conçu : SÉANCE DU 21 BRUMAIRE « Le premier commis de la pharmacie du citoyen Hecht, accusé d’avoir vendu deux onces de rhubarbe et de manne à 54 sous ; condamné lui, citoyen Hecht, propriétaire de ladite pharmacie, à une amende de 15,000 liv. » « Signé WEISS, secrétaire-greffier. » Ainsi, point d’instruction, point d’examen, point de signature de juges; voilà les vices que ce jugement présente dans la forme; au fond, arbitraire, absolu, et à peine comparable au despotisme des tribunaux de Turquie. La loi du 29 septembre 1793 (vieux style), qui était alors dans toute sa vigueur, n’assujettissait point les drogues au maximum. Où est donc le délit ? où est donc, je ne dis pas le motif, mais le prétexte de cette condamnation ? Eh ! que sera-ce si vous considérez que, par une délibération de la municipalité de Strasbourg, du 14 ventôse, il est prouvé que le citoyen Hecht avait payé plus de 40 sous ce que son commis avait revendu 54 ? J’en ai dit assez pour vous déterminer à anéantir cet infâme jugement. Votre comité vous proposerait de sévir contre les juges dont il est l’ouvrage, s’il n’était pas informé que déjà la loi en a frappé quelques-uns, et qu’elle poursuit les autres (l). (1) Mon., XXI, 357; Débats, n° 679, 222-224; M.U., XLII, 216-218.