[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 juin 1791.J (L’Assemblée, consultée, passe à l’ordre du jour.) M. Camus, au nom des commissaires de la caisse de l'extraordinaire. Messieurs, vos commissaires viennent ne taire procéder, comme à l’ordinaire, au brûlement des 10 millions d’assi-gnais qui avaient été annulés; mais comme ils étaient à la caisse de l’extraordinaire, ils se sont aperçus qu’il y avait de la difficulté à l’exécution du décret d’hier (1) pour le payement de la contribution patriotique, relativement aux effets au porteur, et aux letires de change. Inutilement exigeriez-vous la quittance des contributions soit pour les effets au porteur, soit pour les lettres de change, parce qu’on passerait sur-le-champ la lettre de change à son voisin, qui aurait payé la contribution. Je demande donc qu’il soit ajouté au décret d’hier, que l’Assemblée n’a pas entendu comprendre les effets au porteur et les lettres de change. Après cela, je demanderai que M. le président veuille bien donner des ordres pour que le décret soit porte au ministre de la justice aujourd’hui; qu’il soit revêiu du sceau de l’Etat aujourd’hui, et affiché demain, afin que lundi on l’exécute. (La motion de M. Camus est adoptée.) En conséquence, le décret rendu hier est modifié comme suit : « L’Assemblée nationale décrète qu’à compter de ce jour il ne sera fait, soit au Trésor public, soit à la caisse de l’extraordinaire, soit dans les différentes caisses nationales, à aucun Français, ayant traitement, pension ou créance à exiger, aucun payements moins qu’il ne se présente eu personne,' ‘ même à la charge de faire certifier par la municipalité des lieux, ses nom et qualités, s’ils ne sont pas connus. Dans le cas où ledit Français ne pourrait pas se transporter en personne aux caisses où les payements doivent s’exécuter , il ne pourra toucher son payement que par un fondé de procuration spéciale, à laquelle sera joint un certificat que la personne qui a donné la procuration est habituellement domiciliée dans le royaume ; le certificat sera expédié par la municipalité du lieu du domicile, visé par le directoire du district. « Et dans le cas où il serait question d’un fonctionnaire public, le certificat qui sera joint à sa procuration, justifiera qu’il est actuellement à son poste. Dans tous les cas, et avant de faire aucun payement, le trésorier chargé de l’acquitter se fera représenter la quittance du payement fait par la partie prenante, tant de ses impositions pour l’année 1791) et les années antérieures, que des deux premiers tiers de sa contribuiion patriotique, ou déclaration qu’il n’a pas été dans le cas d’en faire. Si la partie prenante n’avait pas encore acquitté ses impositions ou sa contribution patriotique, il lui sera libre d’en offrir la compensation avec ce qui lui est dû, auquel effet ladite partie ou son fondé de procuration rapporteront le bordereau certifié par la direction du district, de ce dont ils seront débiteurs, soit pour impositions, soit pour contribution patriotique. « L’Assemblée déclare ne pas comprendre dans les dispositions du présent décret, les effets payables au porteur, les lettres de change, la solde des troupes suivant les revues descommis-525 saires, les sommes dues aux ambassadeurs étrangers, créanciers ou pensionnaires de l’Etat. » Un de MM. les commissaires chargés de concourir à la rédaction des procès-verbaux , représente que le procès-verbal du 21 juin contient le décret qui ordonne qu’eu l’absence du roi, les décrets rendus et à rendre par l’Assemblée nationale, auront force de loi sans qu’il soit besoin de sanction ; qui enjoint au garde des sceaux de l’Etat de les sceller et d’en signer les minutes déposées aux archives et à la chancellerie, ainsi que les expéditions adressées aux corps administratifs, et qui autorise les ministres à s’assembler pour faire les proclamations et autres actes de même nature, relatifs à l’exécution des lois. (L’Assemblée, ouï la lecture du décret et des motions dont il a été la suite daos le procès-verbal du 21 juin, reconnaît qu’il n’y a point d’omission dans ce procès-verbal, et retire le décret qu’elle a rendu ce matin, et qui en faisait mention.) Un membre expose qu’il s’est glissé une erreur dans la rédaction de l’article 6 du décret rendu ce matin sur les précautions à prendre à l'arrivée du roi , et que cette erreur consiste en ce que le décret substitue les commissaires de la trésorerie, qui ne sont pas encore en fonctions, au directeur du Trésor public, dont les fonctions doivent être continuées jusqu’après la clôture de l’inventaire et la remise aux commissaires. Il propose, en conséquence, de réformer ainsi la rédaction de l’article : Art. 6. « Les ministres, le directeur du Trésor public, jusqu’à l’entrée en fonctions des commissaires de la trésorerie nationale, le commissaire du roi à la caisse de l’extraordinaire et le directeur de la liquidation sont de même autorisés, provisoirement, à continuer de faire, chacun dans leur département et sous leur responsabilité, les fonctions du pouvoir exécutif. » (L’Assemblée adopte cette rédaction et ordonne qu’elle sera substituée à celle du décret précédemment rendu.) La séance est suspendue à trois heures du soir elle est reprise à cinq heures. M. Jacques de Menou, ex-président, occupe le fauteuil. M. le Président donne lecture d’une lettre de Mmo Pagnon (de Sedan), qui, après avoir exprimé les sentiments du patriotisme le plus pur, fait la soumission de fournir annuellement la solde de deux soldats citoyens du département des Ardennes, ainsi que leur armement complet; et pour remplir ce dernier objet, elle auresse à l’Assemblée un assignat de 300 livres. (Applaudissements.) (L’Assemblée décrète qu’il sera fait une mention honorable dans le procès-verbal du zèle patriotique de Mme Pagnon.) M. de Broglie. J’étais à Strasbourg, en conséquence d’un congé que vous m’aviez donné, lorsque la nouvelle du départ et de l’arrestation du roi y est arrivée. Cet événement à la fois si alarmant, mais si propre à ranimer le patriotisme et le zèle des Français libres, a rempli ce dernier objet surtout, d’une manière qui surpasse toute (1) Voy. ci-dessus, séance du 24 juin 1791, page 477. 526 [Assemblée nationale.) expression : les gardes nationales, les troupes de ligne se sont juré une fidélité à tonte épreuve; les troupes de la garnison ont promis, au nom de la patrie, d’ot server une di cipline inaltérable. Sur ma routn, j’ai trouvé paitout une surveillance et un patriotisme dont jamais un grand peuple n'a eu occasion de donner un aussi bel exemple. Dans chaque village, à chaque pas, j’ai été arrêté, questionné, cousu té sur les moyens à prendre pour rendre la défense complète et sûre; et je puis assurer que, de Strasbourg à Paris, j’ai vu plus de 500,000 gardes nationaux protégeant la tranquillité intérieure et prêts à repousser les ennemis qui pourraient se présenter. J’atteste, eu finissant, qu’il est faux que le régiment Royal-Allemand ait montré des dispositions contraires au bien public. ( Applaudissements .) J’apprends que les militaires de l’Assi mblée ont prêté un serment; je demande à y êire admis. M. le Président fait la lecture du serment. M. de Broglie. Je le jure! M. Emmery. Messieurs, je crois devoir vous rendre compte des nouvelles que j’ai reçues de Metz. Les nouvelles sont arrivées le 22, au matin de la fuite du roi et de son arre.-tation à Varennes. Aussiiôt on a fait partir 12 pièces de canon avec 100 hommes de gardes nationales et 50 hommes du régiment de Con ié pour alier à Verdun, et de là où il serait ne ces aire. On a ordonné que 400 hommes de gardes nationales seraient prêts à partir. Effectivement,, ils sont partis peu de temps après; mats les nouvelles subséquentes ont déterminé leur retour. Tluon ville a envoyé 200 gardes nationales pour se porter vers la lron-tière de la M Use. On a mis les scellés chez M. Bouillé, ainsi que chez M. Chéimann. On a piis toutes les précautions possibles pour découvrir les complots qui ontopéré l’évasion du roi : voilà, Messieurs, les fans que je viens d’apprendre. Je dois aussi rendre compte d’un fait qu’on m’assure être vrai. On vous fait des histoires; il ne taut croire que celles qui sont vérifiées. Il m’est attesté que le régiment Royal-Allemand n’était point à Stenay, comme ou l’a prétendu, mais à Saint-Avaux. M. de Broglie. La nouvelle qu’on vient de vous dire est véritablement fausse. J’ai passé, il y a 24 heures, de ce côté; et je sais que Roval-AlLmand, avec un détachement, est du côté de Montmédy, et que ce détach* ment s’est comporté de la manière la plus sage et la plus patriotique, ainsi que toutes h s troupes qui sont employées de te côte-là. Rien n’était plus calme que la frontière, et je vous as-sure que tuut le monde était i on moins occupé de repousser les ennemis du dehors que de maintenir la tranquillité dans le sein de la patrie. (. Applaudissements .) Un membre fait lecture d'un arrêté du directoire du département de la Haute-Marne, ainsi conçu : « Le directoire du département de la Haute-Marne s’empr« sse d’anresser aux directoires de districts et aux municipalités du département, deux décrets de l’Assemblée nationale du 21 juin, qui vien« ent de lui être envoyés par un courrier extiaordinaire. « Justement affligé de la nouvelle de l’enlèvement du roi et de la famille royale, pénétré de l’urgente nécessité de prendre les mesures les 125 juin 1791. 1 plus actives pour assurer l’exécution des deux décrets relatifs à cet événement, il a invité les corps administratifs et judiciaires de la ville de Chaumont à se réunir à lui, pour concerter avec eux la conduite que la gravité des circonstances rend nécessaire. « En conséquence, il a arrêté, après avoir entendu le procureur général syndic, les dispositions qui suivent : « 1° Les directoires de districts feront parvenir sur-le-champ, par des courriers extraordinaires, aux municipalités de leur arrondissement les deux décrets de l’Assemblée nationale du 21 juin et le présent arrêté. « 2° Aussitôt leur réception, les municipalités assembleront le conseb général de la commune, y appt lieront les chefs de la garde nationale, concerteront ensemble les moyens d’exécution desd ts décrets et du présent arrêté, qu’ils feront publier sans le moindre délai. « 3° Les directoires de districts inviteront les officiers munich aux de leur lésidence, et les officiers des tribunaux, pour concerter les mer-ûres qui doivent aSïUier, dans l’étendue de leur arrondissement, l’exécution des deux décrets de l’Assemblce nationale, du 21 juin, et du présent arrêté. « 4° Les municipalités et les gardes nationales veilleront à ce qu’il ne suit fourni aucuns chevaux par les maîtres de poste ou loueurs, à des voyageurs, quels qu’ils soient, sans s’être assurés du lieu de leur départ, de la route qu’ils tiennent, et de l’objet de leur voyage-« 5° Les municipalités feront faire, sur les routes, des patrouilles par les gardes nationales, visiteront les passeports des voyageurs, leront conduiie dans la ville, chef-lieu de district, la plus prochaine, toutes personnes qui paraîtraient susptetes, pour que les directoire sjugent s’il y a lieu ou non à leur laisser la liberté de voyager. « 6° Elles feront également escorter jusqu’aux chefs-lieux de districts les plus prochains, les routiers, voituriers et autres qui conduiraient des armes, munitions, paquets, papiers, espèces d’or et d’argent, chevaux et voitures, pour que les administrations des districts en reconnaissent la destination, et les fassent arrêter, s’il y a lieu. « 7° Les municipalités entretiendront une correspondance active avec les directoires de districts, qui, eux-mèmes, correspondront sans intervalle avec l’administration du département, et lui rendront compte journellementde la situation de leur dis'rict. » « Dans |a circonstance importante et difficile où se trouve la France, les fonctionnaires pm blics doivent réunir tous les efforts du zèle pour garantir la patrie des dangers dont ou la menace. « Les gardes nationales, ces appuis fidèles de la liberté, vont développer tous les moyens qu’inspire le patriotisme pour assurer le maintien de la Constitution. « L’union de tous les pouvoirs, de toutes les forces, de toutes les volontés, est indispensable; il faut surtout garamir soigneusement les propriétés et les personnes de toutes espèces d’at-teiutes, prévenir tous les désordres intérieurs, et se tenir dans cet état de fermeté et de calme qui convient aux courageux amis de la liberté. « Le directoire du département ne cessera pas un seul moment de veiller sur la chose publique ; il va convoquer les membres du conseil d’admi-ARCMVES PARLEMENTAIRES.