368 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790. ministralion du district, si elle est formée, ou par la commission établie par le présent décret, si l’administration du district n’est pas encore formée. « 8° Les dix députés seront pris dans les communautés de Mauléon, Obérante, Barens, Tur-dets, flaux, Montory, Sainte-Angrasse, Larraux, Àussurucq et Dome?ain. » M. l’abbé Gouttes, autre membre du même comité des finances , rappelle à l’Assemblée que les anciens officiers municipaux de la ville de Besançon lui avaient déjà demandé d’être autorisés à faire un emprunt de cent cinquante mille livres, sans intérêts, pour être employés tant en achats de grains destinés au soulagement de la classe indigente du peuple, qu’à des travaux d'utilité publique pour occuper les journaliers ; il ajoute que la nouvelle municipalité ayant réitéré cette demande, le comité a vu d’autant moins de difficulté à l’accueillir, que la ville de Besançon présente dans ses mémoires et requêtes des moyens sûrs de remboursement. 11 présente en conséquence un projet de décret qui est adopté, et qui est conçu en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des * finances sur la demande des maire, officiers municipaux et conseil général de la commune de la cité de Besançon, les a autorisés et autorise à faire un emprunt de 150,000 livres sans intérêts, pour cette somme être employée tant en achats de blés, qu’à des travaux d’utilité publique, à la chargé de rembourser cette somme tant sur le produit des ventes, que sur les 20,000 livres que cette ville a reçues en pur don; et, en cas d’insuffisance seulement, sur les revenus de la commune, après je compte qui sera rendu de ces ventes, dans la forme ordinaire. » M. de Cernon , autre membre du même comité des finances, propose un décret du même genre pour la ville de Valenciennes ; ce projet, qui est décrété par l’Assemblée, est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, et vu la délibération prise le 30 décembre dernier par les membres composant ci-devant le grand conseil de Valenciennes, la délibération confirmative du 1er de ce mois, prise par la nouvelle municipalité, et sur la pétition de cette dernière, en date du 20 de ce même mois, a décrété et décrète que les officiers municipaux de Valenciennes sont et demeurent autorisés à faire l’emprunt d’une somme de cent vingt mille livres, pour être employée en achats de grains, et parvenir à soulager la classe indigente du peuple, à la charge de rembourser celte somme sur le produit des ventes ; et, en cas d’insuffisance seulement, sur les revenus de la commune, après le compte qui sera rendu delà vente des grains, en la forme ordinaire. » M. Meynier de Salinelles, membre du comité d'agriculture et de commerce, propose, au nom de ce comité, un projet de décret relatif à la franchise actuelle du port de Lorient. Par le traité de commerce de 1778, on avait promis aux Etats-Unis d’Amérique deux ports francs; en exécution de cette promesse, par arrêt du conseil du 14 mai 1784, la franchise a été accordée aux ports de Lorient et de Bayonne. Le 29 décembre 1787, tous les ports ont été ouverts aux bâtiments des Etats-Unis; ainsi cette espèce de faveur est devenue non seulement inutile à la ville de Lorient, mais encore nuisible à cette même ville, aux habitants des campagnes, aux manufactures et au Trésor public : la province de Bretagne et le commerce en général ont exprimé le voeu de la suppression de cette franchise. MM. de Croix et de Sérent demandent des éclaircissements pour savoir si le décret ne contrevient pas aux traités et si l’administration a été entendue. MM. La Ville-Leroux et de Bonnay répondent que les ministres ainsiquele Président des Etats-Unis ont été consultés et qu’ils ont reconnu l’utilité de la suppression de cette franchise.- Le projet de décret est mis aux voix et adopté en la teneur suivante : « L’Assemblée nationale, considérant que la franchise accordée à la ville de Lorient, par arrêt du 14 mai 1784, n’avait pour objet que de procurer aux Etats-Unis de l’Amérique un entrepôt particulier, devenu inutile depuis l’arrêt du 29 décembre 1787, qui leur a accordé cet entrepôt dans tous les ports ouverts au commerce des colonies, et dont Lorient fait partie, et que cette franchise, aussi lâcheuse pour les habitants de cette ville et des campagnes voisines, que uuisible aux manufactures nationales, est encore destructive des revenus de l’Etat, et occasionne pour son maintien une dépense qu’il est instant de faire cesser,/ a décrété et décrète ce qui suit : * Art. 1er. A compter de la publication du présent décret, la ville et le port de Lorient rentreront, quant aux droits de traite, au même état où ils étaient avant l’arrêt du 14 mai 1784. Art. 2. Le roi sera supplié de faire prendre des précautions suffisantes pour que les marchandises étrangères qui se trouveront dans la ville de Lorient, ne puissent point entrer dans le royaume, soit en contrebande, soit en fraude des droits. » M. Lanjuinais. Depuis quatre mois M. Pétion de Villeneuve a demandé la parole pour présenter un plan de finances qui serait de la plus grande utilité s’il était mis à exécution. Je ne crois pas qu’on puisse refuser d’entendre aujourd’hui M. Pé-lon de Villeneuve. (Cette demande est accueillie par l’Assemblée.) M. Pétion de Villeneuve donne lecture du discours suivant (1) sur Y établissement de caisses territoriales en France , suivi d’un projet de décret (2) : Messieurs, je ne vous retracerai pas ici tous les malheurs occasionnés par le désordre affreux de nos finances, vous le savez : l’agriculture languit, notre commerce dépérit, nos ateliers sont déserts, des essaims de malheureux parcourent la France et demandent du pain, le numéraire est rare, l’intérêt de l’argent excessif, l’Etat est sans crédit, et les nations rivales profitent de sa détresse ; vous le savez, et vous en gémissez, et vous vous oc-(1) Ce discours n’est qu’un simple aperçu. J’ai cru qu’il suffisait de donner en un instant une idée générale du projet, et d'en faire sentir toute l’importance. Je me suis réservé de donner, par la suite, les éclaircissements nécessaires, d’entrer dans les détails, et de résoudre les objections qui peuvent se présenter. (Note de M. Pétion de Villeneuve.) (2) Le Moniteur ne contient qu’un sommaire du discours de M, Pétion de Villeneuve. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] Qg9 eupez sans relâche à découvrir des remèdes salutaires pour prévenir d’aussi grands maux. Plusieurs projets vous ont été présentés : les uns, vastes dans leur étendue, erabrassentle système général de nos finances; les autres, plus circonscrits, ne s’attachent qu’à des brandies particulières, n’attaquent que des abus isolés; tous ont pour objet d’alléger le fardeau des impôts, de faire disparaître les formes vexaloires et ruineuses de la perception, d’établir l’équilibre entre la recette et la dépense. Sans examiner ces projets, sans en faire l’apologie ni la critique, je dirai seulement que quel que soit le nouveau régime d’administration que vous adoptiez, dans tous les temps, dans toutes les circonstances, l’établissement que j’ai à vous proposer ne peut produire que les plus heureux effets. Je vous prie de vouloir bien m’écouter avec indulgence, et me prêter quelques moments d’attention. L’idée que je vais vous soumettre est belle par sa simplicité, riche dans ses développements, et infiniment précieuse dans ses résultats. Je puis en faire l’éloge avec d’autant moins de répugnance, qu’elle ne m’appartient pas. L’auteur a bien voulu me la confier; elle m’a frappé par son grand caractère d’utilité, j’y ai donné mes soins, je m’en suis pénétré, puissiez-vous en juger aussi favorablement que moi ! Depuis longtemps, on parle de l’établissement d’une Banque nationale en France. On sent la nécessité de multiplier le numéraire, d’accélérer sa circulation, de faire baisser l’intérêt de l’argent, afiu de rouvrir toutes les sources de la prospérité publique qui sont aujourd’hui taries. On attribue à la banque d’Angleterre le commerce immense que fait cette lie dans toutes les parties du monde, le crédit dont elle jouit, les belles manufactures qu’elle renferme, la richesse de ses habitants, et on a conseillé, dans une multitude d’ouvrages, d’introduire parmi nous une banque à peu près semblable. Je ne cherche point à affaiblir les avantages que l’Angleterre a retirés de sa banque ; elle y a trouvé, dans toutes les circonstances difticiles, des ressources incalculables. La fidélité, la bonne foi, rexactitudeaveciesqueliescette banquea rempli ses engagements, commandeut de la juger avec une grande circonspection. Cependant, ne peut-on pas avancer sans témérité que ses billets se sont multipliés avec une profusion effrayante; qu’il n’existe aucune proportion dans le numéraire tictif et le numéraire réel; que le gage ne peut plus répoudre de la dette, et que si une crise violente survenait, si tous les porteurs se précipitaient en foule pour faire réaliser leurs effets, alors l’impuissance de satisfaire serait absolue et la banqueroute inévitable ? Je ne sais par quelle fatalité les banques s’écartent toujours des vraies limites dont elles ont été environnées. L’ambition, la soif de l’or, portent les administrateurs à des entreprises au-de.-sus de leurs forces ; les règlements les plus sages sont des digues impuissantes qu’ils rompeut sans cesse. Au surplus, quand l’Angleterre devrait sa splendeur à sa banque, quand cette institution résisterait aux ravages des temps et à tous les orages qui pourraieut l’affaiblir, ce ne serait pas une raison pour la transplanter en France. Je ne vois même pas qu’aucune des banques fondées jusqu’à ce jour dans les divers gouvernements de l'Europe nous puisse servir de modèle. Aussi, l’établissement sur lequel je vous prie de fixer vos regards ne ressemble-t-il en rien aux banques ordinaires. 11 participe à leurs avantages, il en réunit plusieurs autres qui lui sont propres, sans en avoir les inconvénients ni les dangers. Il semble surtout qu’il soit particulièrement destiné pour un pays agricole, comme l’est la France. Introduire dans la circulation un nouveau signe représentatif plus précieux que le métal même, dont le gage soit infailliblement assuré, que le gouvernement ne puisse jamais multiplier ni altérer, qui soit toujours proportionné aux besoins, qui ne laisse pas la plus légère inquiétude au possesseur, qui force la confiance et en soit la mesure, qui fasse baisser d’une manière invincible l’intérêt de l’argent, qui régénère l’agriculture et le commerce en leur portant les plus puissants secours, qui répande également ses heureuses influences sur toutes les parties de l’empire, qui éteigne le foyer de l’agiotage et les calamités affreuses et les maux que répand ce fléau destructeur, qui, enfin, offre à l’Etat une grande ressource et jette dans ses coffres un numéraire considérable; tel est le but de cet établissement. Eh bien ! tant et de si importants services peuvent se rendre à la chose publique par la création de caisses territoriales dans chaque département, caisses où tout propriétaire de biens-fonds pourrait venir et tirer en contrats sur Sun propre héritage les sommes nécessaires à ses spéculations et à ses besoins, moyennant 4 0/0 par an, sans aucune retenue : ces contrats s’éteindraient ou se renouvelleraient annuellement au gré des propriétaires; ils s’endosseraieut, circuleraient dans le ruyaurae et chez l’étranger comme les lettres de change et seraient payables en tout temps et à vue, dans toutes les caisses territoriales de France. Ces caisses seraient en même temps destinées à servir de dépôt aux deniers p îblics des départements, et les mêmes administrateurs rempliraient aussi les fouettons qu’exercent aujourd’hui les receveurs particuliers des finances. Le bénéfice provenant de l’intérêt de 4 0/0 tournerait au protit de la nation, la rétribution aecordée à ces administrateurs, prélevée. Je n’entrerai ici dans aucun détail sur l’organisation de ces caisses territoriales, sur les précautions que leur manutention exige, je terminerai ce discours par l’exposé d’un projet de règlement qui renferme les vues et les dispositions relatives à ces objets. J’avais eu raison de vous le dire, Messieurs, cette idée est si simple qu’elle paraît à peine remarquable. Mais vous allez juger combien elle est digne de vous attacher, combien elle est admirable dans ses conséquences. Vous voyez d’abord que, par un cours facile et naturel, des fonds se versent sans cesse rlans ces caisses pour les alimenter; ce sont les deniers publics qui, dans leur marche, enrichissent 1 Etat. Aujourd’hui ils s’arrêtent dans les coffres de financiers avides, qui en vendent chèrement l’usage au public, au gouvernement même, à qui ils appartiennent : ainsi, désormais ces deniers seraient productifs pour la nation, et utiles aux citoyens qui les trouveraient sans cesse à leur disposition. Il suffirait aux propriétaires, sans vendre leurs héritages, de les affecter par des contrats authentiques qu’ils seraient maîtres tous les ans de détruire, qu’ils seraient maîtres de faire revivre %\ 1“ SÉRIE, T. XII. 370 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] sans cesse jusqu’à ce que leurs facultés leur permissent de s’en passer. Ces contrats auraient toute la valeur de la terre qu’ils représenteraient : un semblable gage serait à l’abri de tous les événements, il ne pourrait pas être enlevé, il ne pourrait pas disparaître de mille manières * comme le numéraire qui repose dans le lieu en apparence le plus sûr. Ces contrats seraient créés par les propriétaires, par eux seuls ; il serait impossible au gouvernement d’en augmenter le nombre, de sorte que cette crainte trop légitime, trop justifiée par de cruels exemples d’abus et de prévarications dans la fabrication d’un papier-monnaie, ne peut pas agiter ün instant les esprits. Ce nouveau genre d’espèces se mettrait sans cesse de niveau avec les besoins de la classe immense des propriétaires, c'est-à-dire de tous les citoyens sur le sort desquels la richesse foncière a l'influence la plus absolue; il en suivrait le cours, augmenterait ou décroîtrait dans la même proportion, et cet avantage, il faut l’avouer, est inappréciable. Jetez au hasard dans la société, et en circulation, un papier-monnaie ordinaire, vous ne pouvez jamais être sûr d’atteindre cette proportion. Ou vous n’arriverez pas au but, ou vous le passerez; dans le premier cas, vous ne porterez que des secours faibles, insuffisants ; vous communiquerez à la machine un mouvement qui mettra en jeu quelques ressorts, mais qui n’animera pas l’ensemble, la langueur bientôt se répandra dans toutes les parties et les choses reviendront à leur premier état ; dans le second, vous occasionnerez une secousse trop subite et trop violente ; à l’instant tout augmentera de prix, les comestibles surtout s’élèveront à une valeur que les classes industrielles et pauvres ne pourront pas atteindre ; avec plus de numéraire, vous ne serez pas plus riches. Vous ne saurez dans quels canaux verser utilement cette surabondance et vous n’aurez pas assez de mains préparées et en activité pour en faire des emplois avantageux. Et si cette monnaie fictive avait un terme, une époque fixe, à laquelle elle disparut de la circulation, quelque nécessaire qu’elle y fût encore our la favoriser, vous n’auriez produit qu’un ien fugitif qui laisserait à sa suite des maux et des regrets. Au lieu que le papier territorial doit durer autant que les besoins, doit s’élever et s’abaisser avec eux d’une manière graduée et insensible. Je le demande, peut-on imaginer un signe de représentation plus précieux et plus digne de la confiance des peuples ; je l’ai dit et je le répète, il serait préférable au métal même; moins coûteux dans sa fabrication, plus facile, plus commode pour le transport, offrant de tous les gages, le plus assuré, le p>lus exempt de vicissitudes, pouvant se réaliser à chaque instant, que laisserait-il à désirer? Il serait possible encore, et j’oubliais d’en parler, il serait possible de lui donner un nouvel avantage d’un grand prix, ce serait, par un mot d’ordre connu au propriétaire et des administra-trateurs, d’empêcher que, tombé entre des mains infidèles, l’injuste possesseur ne pût en toucher le montant; il n’offrirait alors aucun appât au ravisseur, et il le trahirait, à la différence de l’or et de l’argent qui ne peuvent jamais indiquer le maître qui en a été dépouillé. Avec quelle rapidité, avec quelle force irrésistible, une pareille institution ne ferait-elle pas tomber l’intérêt de l’argent : il ne serait aucun moyen possible de l’empêcher, et toutes les combinaisons les plus raffinées seront vaines et impuissantes. Cette baisse tant désirée, cette baisse à laquelle on attache avec raison la prospérité de l’empire est donc entre nos mains. Lorsque le citoyen pourra se procurer, en tout temps et dans toute la France, de l’argent à 4 0/0, il ne l’achètera pas à plus haut prix. Le spéculateur le plus avide sera obligé de recevoir cette loi ou de conserver ses deniers oisifs dans ses coffres. Cette loi deviendra générale par la nature impérieuse des choses, et quand la nation voudra, elle amènera avec la même facilité et la même puissance l’intérêt de l’argent à un taux plus modéré encore. Quelle utile révolution pour l’agriculture et le commerce, quelle ressource abondante et inépuisable s’offrirait â leurs développements ! Les terres sont maintenant sans valeur, la culture en est négligée ; Eh 1 pourquoi? C’est que leur produit n’est pas dans la proportion de l’intérêt exorbitant de l’argent; c’est que le propriétaire fait à regret des avances trop coûteuses dont il ne recueille qu’un faible bénéfice. Il préfère porter ses capitaux dans les jeux scandaleux d’effets publics, où l’espérance offre des appâts à son avarice, où le gain est souvent la récompense de la mauvaise foi. Notre commerce est dans un état de dépérissement absolu, celui avec l’étranger surtout : Eh pourquoi? Une des principales causes, c’est que le négociant français est obligé d’emprunter le3 fonds dont il a besoin à 6, 7 0/0, et plus, tandis que le négociant anglais et celui de Hollande en trouvent a 3 1/2 et 4 0/0 ; il lui est impossible dès lors de soutenir la concurrence avec l’étranger, et comme, en définitive, il faut solder en marchandises ou en espèces, notre numéraire fuit au dehors, et la balance du commerce nous est défavorable. A l’instant où le cultivateur et le négociant trouveront del’argentà un intérêt modique, tout changera de face, et nous verrons refleurir les premiers comme les plus utiles des arts. La richesse et le bonheur se répandront dans les campagnes, des marais seront désséchés, des landes défrichées, la terre portera d’abondantes récoltes, les villages se peupleront, et l’habitant ne désertera'plus le sol qui Î’avunaître pour vivre oisif et malheureux au sein des villes, les manufactures prendront une nouvelle vie, de nombreux ouvriers seront mis en activité ; ils donneront à nos productions ces formes heureuses si appropriées à nos besoins et à nosgoûts, si variées, si agréables, et qui rendent les nations étrangères tributaires de notre industrie. Avec quel empressement les citoyens se rendraient de toutes parts aux caisses territoriales ; les uns pour arrêter les poursuites rigoureuses de créanciers impatients, les autres pour réparer et améliorer des biens qui dépérissent insensiblement, faute d’avances et d’entretien ; ceux-ci pour réaliser des projets qui flattent leurs espérances, ceux-là pour rembourser des dettes dont ils paient des intérêts accablants; presque tous pour affranchir leurs héritages de ces servitudes odieuses, derniers vestiges des siècles d’esclavage et de barbarie. Une jeunesse inconsidérée n’achèterait plus au poids de l’or des secours perfides pour satisfaire ses prodigalités. Le négociant, pour jouir d’un instant de crédit, ne serait plus forcé de consentir des emprunts onéreux qui finissent par consommer sa ruine, et les banqueroutes seraient moins fréquentes» Qu’on juge enfin de la quantité prodigieuse d’engagements qui seraient [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.J Sli. passés, et par l’immense territoire de la France, et par la situation généralement peu aisée de tous les propriétaires. L’intérêt de 4 0/0 sur ces contrats verserait dans le trésor national une somme immense, et ce ne serait peut-être pas l'exagérer que de la porter à cent millions, lorsque l’établissement sera une fois consolidé. Cette grande ressource ne serait pas la seule. L’Etat lui-même pourrait se présenter comme propriétaire, et convertir ses biens domaniaux en contrats ; l’intérêt qu’il paierait serait bien plus modique que celui supporté par les autres citoyens, puisqu’il se bornerait à la rétribution due aux administrateurs. Il trouverait, dès lors, facilement et à volonté, des fonds pour sortir de l’état fâcheux où il est plongé pour rembourser ses dettes les plus onéreuses; et le temps viendrait où, avec des profits aussi considérables, il pourrait alléger sensiblement le fardeau des impôts toujours insupportables pour les peuples. Des caisses territoriales seraient distribuées dans les diverses parties de la France ; partout elles seraient à la proximité des besoins, partout elles offriraient des secours à l’industrie ; chaque propriétaire s’y rendrait lui-même et sans frais de déplacement, il ne serait pas obligé d’acheter au loin les services d’un intermédiaire dont la vigilance et l’exactitude laissent quelquefois des doutes alarmants. A ces avantages vraiment précieux vientse joindre une considération générale très puissante, c’est que l’argent et les affaires ne se concentreraient pas éternellement dans la capitale. Depuis nombre d’années, tout s’engloutit dans ce vaste gouffre; les provinces s’épuisent sans cesse à le combler, le numéraire de la France entière vient s’y rendre par mille canaux différents pour enrichir des capitalistes, des financiers et leurs vils suppôts, une quantité innombrable d’agioteurs, d’usuriers, et cette foule non moins grande d’artisans du luxe et du vice. Là, sont tous les établissements publics qui attirent l’argent, tous les arts qui flattent la sensualité du riche, les plaisirs de toute espèce qui charment l’ennui et l’oisiveté opulente et fixent dans ce séjour une population immense et désordonnée. Le gouvernement n’ouvre les yeux que sur la capitale (1), ne pense qu’à son bonheur, qu’à la rendre florissante; quand elle est tranquille, tout lui paraît en paix, il s’aperçoit à peine que les provinces sont ruinées. Et que deviendrait la capitale sans les provinces? Il faut donc les faire revivre, ces provinces ; il faut y penser sérieusement et, encore une fois, rétablissement des caisses territoriales est un des moyens les plus efficaces. Ces caisses s’élèveront sur les ruines de l’agiotage ; elles étoufferont cette hydre; elles anéantiront tous ces effets empoisonnés qui lui servent d’aliment. Mille pères de famille n’auront plus à déplorer leur aveugle cupidité et à se reprocher d’avoir réduit leurs femmes et leurs enfants dans un état d’opprobre et de misère; on ne connaîtra plus ces voies illégitimes pour arriver à la fortune; les contrats territoriaux ne présenteront aucun appât à des spéculations coupables et vous aurez comblé un abîme de corruption. (4) Je ne parle pas pour le moment de crise actuelle et passagère, où la capitale rient de faire les plus généreux efforts pour la liberté, où elle gémit sous les maux les plue affligeants, et où toutes les provinces de France ne peuvent pas trop s’empresser de voler à son secours. Remarquez, je vous prie, comme les principes purs de la morale s’allient naturellement à l’établissement qui vous est proposé, combien il est intéressant sous ce rapport ; que de vices, que de crimes seront anéantis par la destruction de l’agiotage 1 que de germes de vertus se développeront avec les progrès rapides de l’agriculture et du commerce ! Dans la perfection de ces arts, ce n’est pas un simple accroissement de richesses pour l’Etat que j’aperçois, mais je vois une immense carrière ouverte à l’activité et à l’industrie. Je vois des hommes sans nombre, arrachés à l’oisiveté et au vice, se livrer à des travaux paisibles et conservateurs de l’innocence; je les vois jouir d’une existence tranquille, d’une subsistance assurée, devenir chefs de famille et revivre dans une postérité façonnée de bonne heure au travail, à l’économie et à tous les goûts simples. Je les vois, contents de leur sort, ne pas troubler celui d’autrui ; plus heureux, devenir meilleurs ; élevés au rang des citoyens, devenir plus grands à leurs yeux ; je vois une prospérité générale se répandre jusque sur les classes les plus indigentes de la société. Je vois l’aisance libérale pour tous remplacer la fortune dont les faveurs ne sont réservées qu’au petit nombre ; je vois enfin, et par une conséquence nécessaire, la mendicité, cette plaie cruelle et profonde des corps politiques, se détruire insensiblement et avec elle disparaître les maux infinis qu’elle traîne à sa suite. Oui, Messieurs, toutes les considérations d’utilité publique se réunissent eu faveur de cette belle institution ; plus vous y réfléchirez, plus vous en serez convaincus, et le jour où vous l’aurez adopté sera un des jours les plus fortunés pour la France. PROJET DE DÉCRET. Art. l*r. 11 sera établi une caisse territoriale dans le chef-lieu de chaque département, et des bureaux de correspondance dans leurs divers arrondissements. Art. 2. Ces caisses seront sous la direction de assemblées de département, et les administrateurs qui les régiront rendront chaque année un compte public à la nation. Art. 3. Les deniers provenant de la levée des impositions, dans chaque département, seront versés dans ces dépôts. Art. 4. II y aura dans la capitale une caisse générale, qui servira de point centrai et de ralliement pour toutes les caisses du royaume, mais sans aucun privilège particulier. Art. 5. De chaque caisse de département, on adressera tous les mois au bureau général un état de situation. Art. 6. Tous les corps et particuliers pourront se présenter à ces caisses, et y réaliser, en signes de circulation, leurs propriétés libres dans la proportion suivante. Art. 7. Ces propriétés seront estimées par les administrateurs territoriaux, et à leurs frais. Elles seront échangées en espèces ou contrats, à volonté, jusqu’à concurrence des deux tiers de l’évaluation, si les propriétaires le désirent, mais jamais au delà, toutes les charges et hypothèques déduites (t). Art. 8. Pour connaître ces charges et hypothèques, les créanciers qui ont des biens-fonds af-(1) Plusieurs personnes pensent qoe la moitié suffi*.