766 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1790.] Adresse des marins et militaires de l’armée navale de Brest à l’Assemblée nationale. Messieurs, pénétrés de la plus vive reconnaissance, les marins et militaires de l’armée navale croient devoir manifester les sentiments dont ils ont toujours été animés : ils osenten offrir l’hommage à la nation entière. La renommée, rarement exacte, a pu exagérer au loin le désordre qui a été senti dans l’escadre: mais quoiqu’il en soit, les véritables marins, les véritables militaires n’ont pris aucune part à ces mouvements de trouble. S’ils ont eu des réclamations à présenter à l’auguste Assemblée nationale, ils savaient que le moyen de les faire accueillir, avec bonté, était de les joindre aux protestations du plus parfait respect pour tous ses décrets, et à l’assurance d’être capables de tous les sacrifices pour montrer l’obéissance aux lois et pour continuer de servir honorablement la patrie. Que des hommes, étrangers jusqu’à ce jour à la mer et au service, séduits par l’erreur, ou égarés par l’ignorance, aient méconnu les règles de la subordination, les vrais marins, les vrais militaires ont été les premiers à les condamner. Ils ont l’honneur de vous assurer qu’ils n’ont pu entendre les discours de MM. les commissaires du roi, et les conseils de leurs généreux concitoyens, de leurs frères, sans en être vivement pénétrés ; et que loin d’être sourds à la voix de la patrie, qui leur disait: « Notre commerce est « anéanti, nos colonies perdues, nos ports aban-« donnés : il ne nous reste plus qu’à gémir, si « nous ne pouvons en imposer par nos forces « maritimes aux puissances rivales de notre Gon-« stitution », ces motifs puissants sur des cœurs français ont entièrement déchiré le voile qui les enviionnait: et lorsque les lois, leurs devoirs et la subordination leur ont été présentés sous des couleurs vraies, nécessaires et belles, ils ont juré d’un accord unanime d’obéir à leurs chefs, de remplir leurs devoirs, et de se soumettre aux lois qui émanent de votre auguste Assemblée. Ges sentiments des marins et militaires sont ceux de la France entière : pourraient-ils en avoir d’autres sans briser tous les liens sociaux? Seraient-ils assez ingrats, assez dénaturés pour méconnaître vos bienfaits ? N’ont-ils pas, comme tous les Français, leur bonheur particulier attaché au bonheur général qui dirige toutes vos actions ? Croyez, Messieurs, que les braves et généreux marins et militaires, citoyens de l’armée, vouent au plus grand mépris, ceux qui, par l’esprit d’insubordination, ou tout autre motif que ce puisse être, tendraient à bouleverser l’ordre qui doit régner sur les vaisseaux; et nous demandons au nom de l’honneur qui nous anime, qu’ils soient déclarés indignes de naviguer sous le pavillon national que vous venez d’adopter pour la régénération de cet Kmpire. Nous jurons que pavillon, symbole de la Constitution et de nRiberté, ne sera pas souillé par la licence et le mépris des lois. Voilà, Messieurs, les véritables sentiments qui animent les marins et les militaires, et avec lesquels ils défendront la Constitution et la liberté jusqu’à la dernière goutte de leur sang, et ont l’honneur d’être avec le plus profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs. fît ont signé : les membres de la commission et les députés des vaisseaux. MM. La Montagne, président. Coatlosquet, secrétaire, timonier de la Fauvette. Joseph Madelaine. Saint-Julien. Marin, canonnier. Jean-Baptiste Leneindre. Pierre Rinbaux, du Patriote. Jaquet, idem. huprat, dit Toulouse, de l’Apollon, J. Brochard. Simon Robert. Claude Allaire. Redeller, maître canonnier de l’ America. Leclerc capitaine d’armes. Jacou Sergent, premier, second canonnier. François Gui Morel, canonnier. Jean-Marie Thébault, timonier. Pierre-Louis Tourez, matelot. François-Nicolas Gréval, canonnier. Miehel-Allain Gubier. Yves Cotar. Pierre-Joseph Le Canu. Rancourt, dit Vive le Roi, appointé du régiment de Rouergue. Jean-Baptiste Godard. Pierre Aubert, chef de pièce. Jean-Antoine Launois. Elie Labbé. Jean-Claude Cloitre. Pierre Duhin, soldat. Etienne Canton. Baudry. Simon Millet. Nicolas Enguéhard. Charles Patin. Levêque, soldat de marine. J.-E. Fleury. Biget. Leblond, fusilier de Normandie. Etienne Endeline. Adresse de la Société des amis de la Constitution , établie à Brest , aux citoyens , composant les équipages de V armée navale. Frères et amis, l’amour de la patrie, ua dévouement sans bornes à la nouvelle Constitution, l’attachement le plus inviolable pour de braves marins, de braves militaires, qui ont tant de fois répandu leur sang pour la défense dé leur pays, nous engagent à vous ouvrir nos cœurs. Nous venons déposer dans votre sein nos douleurs et nos craintes. Ecoutez, amis, là voix de vos concitoyens, de vos frères; ils ne vous tromperont pas; leurs intérêts et les vôtres sont les mêmes. Comme vous, ils ont été esclaves et malheureux; comme vous, ils ont brisé leurs fers; comme vous, ils voient l’aurore de la liberté, et éprou-veot déjà les bienfaits de notre heureuse Constitution. Cette Constitution assure à l’homme les droits imprescriptibles qu’il tient de la nature. D’une foule d’esclaves, elle a fait des hommes, des citoyens. Elle ne sera pas seulement la Constitution des Français : objet de l’admiration de tous les peuples, elle deviendra un jour celle de l’Univers; et nous aurons la gloire d’être le modèle de toutes les nations, et d’avoir fixé sur la terre le bonheur et la liberté. ‘ Cette Constitution a proscrit à jamais toutes les vaines distinctions ; elle a déclaré tous les citoyens également admissibles aux dignités, places et emplois. Une action de' bravoure ne restera donc [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (23 octobre 1790.1 707 plus ignorée, et le prix qui y était attaché, ne sera plus le partage de la naissance. Les talents et la valeur auront toujours une récompense assurée; la nation juste et généreuse saura distinguer également celui qui obéit avec courage et celui qui commande avec succès. Ainsi, nos frères et amis, vous ne rencontrerez plus d’obstacles; et depuis le grade de matelot jusqu’à celui d’amiral, tout vous est ouvert. Cette Constitution a détruit l’autorité arbitraire, et lui a substitué des lois sages, fondées sur la nature et la raison. Désormais, la loi existe pour tous, soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse; désormais, la honte est attachée à la faute et non au châtiment. Ni les caprices d’un chef, ni ses passions ne présideront plus à aucun jugement, et ne décideront point arbitrairement de la vie et de l’honneur d’un citoyen. Les peines ordonnées par la loi ne pourront être infligées que lorsque vos camarades, vos frères auront eux-mêmes reconnu et déclaré que l’accusé est coupable. Mais cette Constitution qui doit assurer le bonheur des Français, la laisserions-nous s’anéantir? Verrions-nous, sans douleur, s’évanouir d’aussi belles espérances?... Non, nous avons tous juré de la-maintenir. Tout ce qui en émane est sacré comme elle, et nous répandrons pour elle jusqu’à la dernière goutte de notre sang. Elle nous ordonne le respect et la soumission à la loi; le roi lui-même en reconnaît l’autorité; il ne règne que par elle, et cé n’est qu’en son nom qu'il peut exiger l’obéissance. C’est sur la loi que repose la sûreté de chacun et la liberté de tous ; sans la loi, il n’existe plus d’union entre les citoyens, sans elle il n’est plus de subordination, et par conséquent plus de force publique. Si la subordination est nécessaire au' maintien de la société, elle l’est bien davantage à la mer, où un seul homme, en un seul instant, peut, par sa désobéissance, sa négligence ou sa paresse, causer la perle d’un vaisseau et de son équipage. Supposez-vous dans une tempête; si l’ordre ne règne pas à bord, si le chef qui ordonne n’a pas le pouvoir de faire exécuter, si tout le monde croit avoir le droit de commander, nul ne se croira forcé d’obéir; chacun voudra faire sa manœuvre, on n’en fera aucune; et pendant ce temps, la tempête augmente, le danger s’accroît, le vaisseau s’engage et périt. Si le même désordre a lieu en présence de l’ennemi, celui-ci profite de vos lenteurs, prend une position avantageuse, vous accable de son feu, et le vaisseau de la nation que vous deviez défendre, passe au pouvoir d’une puissance étrangère. Tel est aujourd’hui, frères et amis, T’ état de la France : l’Assemblée nationale est le pilote de ce grand vaisseau; tous les Français en sont les matelots : nous avons tous chacun notre manœuvre, et nous ne devons la faire mouvoir que par l’ordre de celui qui nous gouverne. Mais si, sourds à sa voix, si, rebelles à ses ordres, nous refusons d’obéir, nous devenons les auteurs de la perte générale; et le vaisseau, à la merci des flots et de la tempête, va périr sur lés écueils et les rochers, qui vous offrent l’image des ennemis du bien public. Yoilà un faible tableau des maux que peuvent entraîner l’insubordination et l’oubli de ses devoirs. Mais il ne suffit pas de considérer ces maux par rapport à vous-mêmes, voyez encore la ruine et la désolation générales qui en seraient la suite inévitable. Si la France ne peut plus en imposer à ses ennemis; si nos escadres, autrefois tant redoutées, deviennent, par l’indiscipline, un objet de mépris pour les autres nations, vous verrez nos colonies perdues, notre commerce anéanti, nos côtes, nos port8 abandonnés, des milliers de pères de famille, sans état, sans ressources, réduits à la plus affreuse misère ; vous-mêmes alors, en rentrant dans vos familles, vous n’y trouverez que l’indigence, le désespoir et la mort. Au nom de la patrie, que nous devons tous défendre; au nom de la liberté, que nous avons conquise, obéissons à la nation, obéissons aux chefs, qui ne tiennent leurs pouvoirs que d’elle, et qui lui doivent compte de toutes leurs actions. Souvenez-vous que ces chefs auxquels vous êtes subordonnés, sont eux-mêmes soumis à la loi, dont ils ne sont que les organes. Rendez-leur cette confiance, sans laquelle il n’existe aucune force dans le gouvernement. Citoyens français, comme vous, ils ont juré d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi : ils ne sauraient être parjures, sans oublier leurs intérêts les plus chers. N’ont-ils pas, comme nous, des propriétés à conserver et à défendre? N’existent-ils pas, comme nous, par les bienfaits de la nation ? N’ont-ils pas enfin, comme nous, des familles, des amis?... Et si quelqu’un concevait le téméraire projet de violer ses serments, de trahir ses devoirs, pourrait-il échapper au glaive de la loi? Braves marins, braves militaires, la France entière a les yeux fixés sur vous; c’est de votre conduite, dans cette circonstance, que dépend le succès de la Constitution, et c’est sur elle que repose la félicité des Français. Offrons à nos ennemis, s’il s’en présente, un front tranquille et imposant, par la bonne intelligence entre tous les citoyens, par l’union intime des chefs et des équipages. Surtout ne perdez jamais de vue que nos ennemis calculent vos fautes, et qu’ils établissent leur triomphe sur l’abandon de vos devoirs. Votre patriotisme, votre gloire, votre propre intérêt, inséparable de celui de vos concitoyens, tout nous fait espérer que vous accueillerez les conseils de vos frères, de vos âmis. Oui, notre attente ne sera pas trompée; et nous aurons la douce satisfaction d’annoncer à tous les Français que, si, par les insinuations perfides de gens mal intentionnés, quelques-uns d’entre vous ont été pendant un moment égarés, ils ont bientôt reconnu leur erreur ; et que, ralliés au nom sacré de la patrie, tous les équipages de l’armée navale sont rentrés dans l’ordre. Fait et arrêté en Société, à Brest, lé 16 octobre 1790, et l’an deuxième de la liberté. Signé : Geffroy, président ; BELVAL, MOKAS, Jullou, Pouliquen, secrétaires. Séance de MM. les officiers des grades intermédiaires de la marine , assemblés extraordinairement à l’hôtel du commandant , te 13 octobre 1790. Un d’eux a dit : Messieurs, l’égalité d’opinion que nous avons trouvée dans plusieurs de nos camarades, nous a fait désirer d’êtrè tous réunis, pour vous communiquer notre manière de voir sur les grands événements qui se passent sous nos yeux; car nous ne doutons pas que vous ne sentiez comme nous combien la France doit gémir de voir les progrès de l’insubordination qui, pour ainsi dire, paralyse notre armée. Mais croyez-vous, Messieurs, que nous devons nous reposer sur la pureté de nos sentiments dans une position aussi délicate? Non, Messieurs; et quoique le silence ne nous rendrait jamais véritablement coupables, 768 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES* |23 octobre 1790.) nous devons craindre que des gens mal intentionnés nous supposent des vues ambitieuses, méditées sourdement, et des raisons particulières pour désirer l'éloignement de nos chefs. Cette idée, quoique absurde et sans nul fondement, ne laisserait pas de s’accréditer, si nous ne faisions tous nos efforts pour détruire un soupçon que notre délicatesse repousse avec indignation. Telles sont à peu près, Messieurs, les expressions dont nousallons vous donner connaissance, et que nous n’avons pas cru devoir livrer à l’impression, sans vous les faire connaître, et vous témoigner tout le cas que nous ferions de votre suffrage, si vous croyez devoir nous l’accorder. Un autre sentiment, non moins puissant, nous a guidés dans celle adresse; c’est de nous voir tous réunis pour coopérer, par notre ensemble, au rétablissement de l’ordre et de la tranquillité publique. Après ce discours, on fit la lecture de l’adresse suivante : Plus je vis d’ennemis, plus j’aimai ma patrie... L’honneur qui fut toujours notre seul guide, pourrait-il nous abandonner dans le moment où il doit nous sauver du plus grand des malheurs? L’idée d’un soupçon diffamant est accablante; la honte et le mépris qui l’accompagnent n’en sont que mieux sentis, quand on n’a aucun reproche à se faiie. Alarmés de propos indiscrets que des hommes mal intentionnés accréditent sourdement, pourrions-nous garder un silence criminel aux yeux delà nation? Animés du zèle et du patriotisme pur qui caractérisent de vrais Français, nous aimons, nous désirons prouver, par notre exemple, l’oubli généreux de quelques torts particuliers, résultats indisptnsables d’un régime vicieux et d’anciens préjugés détruits, et désavoués aujourd’hui par la raison. Réfléchissez donc, ô vous qui ne suivez qu’un sentiment aveugle!... En supposant que l’égalité rende tous les hommes habiles aux premiers emplois,... croy»z-vous que ceux a qui vous aviez si justement accordé votre confiance puissent avoir démérité par la raison même que nous avons droit d’y prétendre? Non, nos cœurs désavouent d’aussi absurdes prétentions, et nous rougirions d’être soupçonnés capables de seconder de telles vues. Ne faites donc plus de vains efforts, ou dirigez-les vers un objet plus digne de cœurs vraiment civiques; inspirez laconfianceànos braves marins, faites-leur sentir l’avantage que nous retirerons d’un ensemble parfait, sans lequel nos forces formidables se tourneraient contre nous ; secondez nos efforts, éclairez nos équipages, imprtraez-leur l’amour de l’ordre et celui ae leur devoir, dont ils ne peuvent s’écarter sans devenir parjures. Et vous, braves marins et soldats, serez-vous sourds aux cris de la patrie? N’oublirz pas que c'est autant à la subordination et à la discipline qu’à votre courage, que la France doit quatorze siècles de triomphes. Les Anglais sont armés, bientôt ils couvriront nos côtes... Disposons-nous donc à lesrepousser et àleur prouver qu’une na-tiou libre est toujours redoutable, si ou l’attaque injustement. Profondément affectés des maux qui nous accablent, nous ne pouvons nous borner à gémir sur les plus grands malheurs que nous entrevoyons : et ne fussions-nous pas assez heureux pour nous faire entendre, nous aurons au moins rempli les devoirs de fidèles citoyens. Témoins des désordres affreux dont les suites sont incalculables, nous nous croirions indignes de l’honorable emploi de défendre la patrie, si, dans un moment où nous voyons s’accroître les désordres, nous ne faisions tous nos efforts pour découvrir les causes qui vont détruire notre marine, si l'Assemblée nationale et le roi ne s’empressent d’arrêter les suites funestes de l’insubordination. Nous ne voyons de toutes parts que cabales, que des trames ourdies sous la forme des plus méprisables fictions; et des gens qui se disent Français osent les répandre dans un peuple bon et facile à séduire, surtout quand il croit voir le bien de son pays; nous voyons, avec la plus vive douleur, nos braves marins aveuglés de mille idées fantasques, établies sur des principes aussi faux qu’absurdes... Voilà donc le noble emploi que nous faisons de cette sainte liberté qu’un monarque, plus en père qu’en roi, vient d’accorder à nos désirs ; et vous ne retirez donc de votre triomphe que l’anéantissement de vos forces! Pouvez-vous vous oublier assez, pour préférer au bunheur de votre patrie le coupable sentiment de soutenir une opinion qui n’est pas celle de votre cœur, mais qui a pris naissance dans les perfides impressions de nos plus cruels ennemis? Oui, c’est uue vérité ; on alfecte de craindre ou de supposer des traîtres; on se fait une étude criminelle de faire rejaillir le mépris sur des hommes vertueux, dont une grande partie a versé son sang pour la gloire de la nation, et à qui on veut refuser aujourd’hui l’honneur de mourir pour elle. Craignons donc de tomber dans une funeste indifférence sur les dangers qui nous meuacent ; entendons les clameurs du faux patriotisme qui demandent que Je général d’Albert abandonne un poste auquel il a été cent fois porté par tous ceux qui l’ont vu combattre les ennemis de l’Etat; par une grande partie, enfin, de ces mêmes hommes qui paraissent aujourd’hui le méconnaître. Répondez, ô vous qui donnez d’aussi dangereux conseils ! Seutez-vous à combien de malheurs vous exposez votre patrie, en autorisant les demandes inconsidérées de quelques individus qui, par la suite, voudront faire une loi d’un événement malheureux, suggéré par nos ennemis? Nous frémissons, en réfléchissant que le sort futur de nos armes va peut-être dépendre d’une cabale. Quoi, Français, voudriez-vous devenir injustes !... Vous méconnaissez l’homme vertueux qui a soutenu la gloire de votre pavillon ; lui, l’émule de Suffren... lui, que nos ennemis respectent, et que nous osons même dire qu’ils craignent; mais sans s'écarter des principes, songez enfin, qu’il faut quarante années de travaux pour former un bon général, et que le siècle de Louis XIV, où le mérite fut toujours placé au premier rang, n’a produit que cinq grands hommes de mer , Tourville, Duguay-Trouin , Duquesne , Jean-Bar t et Forbin. Soyons justes, et attendons au moins que de nouveaux guerriers, auxquels vous voudriez confier nos armées, aient donné des preuves de leurs talents et de leur courage; nous disons courage, car il ne faut pas confondre les premiers feux de la jeunesse avec cette fermeté mâle et vigoureuse qui seule peut diriger les opérations dont dépend la vie de plusieurs milliers de citoyens et l’honneur de la nation. Espérons qu’il sera fait un choix dont la justice et 769 J Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 octobre 1790.] l’équité seront la base; des services signalés, des faits qui prouvent, des connaissances enfin qui nous justifieront aux yeux de la postérité. Méprise, ô ma patrie, tous ces conseils funestes qui te porteraient à méconnaître les officiers d’un corps auquel tu as tant de fois confié ta gloire, et qui ont si dignement rempli tes vœux, en protégeant ton commerce, source de ta prospérité; ne cite pas quelques malheurs qui ont fané tes lauriers. Nos ennemis ont fait aussi des fautes, et nous en ferons moins désormais, si nous savons nous renfermer dans nos devoirs : ils se bornent à suivre, respecter, maintenir les lois, et à honorer et récompenser le vrai mérite. Puisse la nation ne voir dans cette adresse que l’expression du vrai patriotisme et les vœux les plus sincères que nous ne cesserons de former pour sa gloire! Mais trop faibles pour arrêter les désordres qui nous font gémir, nous ne pouvons qu’attendre avec la plus vive impatience le moment heureux de la paix intérieure, et du bonheur général auquel nous sommes disposés à concourir jusqu’au dernier souffle de la vie. A Brest, le 13 octobre 1790. L'assemblée, ayant applaudi et approuvé unanimement l’adresse ci-dessus, a délibéré qu’après en avoir donné connaissance au commandant de la marine, il serait envoyé une députation vers la municipalité et MM. les commissaires du roi ; et que si l’un et l’autre l’approuvaient, elle serait signée sur-le-champ par tous les officiers présents, pour être livrée à l’impression. La députation, composée d’un officier de chaque escadre, s’étant rendue à l’hôtel de ville, l’un d’eux a dit : Messieurs, votre amour du bien, vos lumières et vos vertus vous ont rendu, en quelque sorte, les dispensateurs de l’estime de nos concitoyens. Nous venons d’apprendre, avec douleur, que des bruits, artificieusement répandus sur notre conduite, pourraient altérer une opinion qui ne pourrait ensuite se rétablir que lorsqu’on serait éclairé de manière à ne plus douter de notre désintéressement et de notre probité : dans une position aussi délicate, nous avons formé le projet de rendre compte de notre conduite, et nous venons à cet effet vous donner communication d’une adresse où nous espérons détruire tout ce que l’on a imaginé avec autant de folie que de malignité. Nous avons l’honneur de vous prier d’en prendre lecture, de l’examiner, et de comparer ensuite nos principes et nos idées avec notre conduite : si malheureusement elle se trouvait contradictoire; s’il était quelques points sur lesquels elle eût à être censurée, vous êtes suppliés de parler avec franchise, et de nous indiquer les moyens de réparer les erreurs que nous avons pu commettre; que si, au contraire, nous étions assez heureux pour être exempts de blâme ou de reproches, nous nous abandonnons, avec la plus entière confiance, à ce que vous indiquera l’équité, pour rétablir des militaires vraiment patriotes dans l’opinion de leurs concitoyens. Tels sont, Messieurs, les motifs d’une démarche que nous a prescrite peut-être moins le besoin de nous justifier, que celui d’éclairer sur notre conduite et nos intentions, et par dessus tout, la juste envie de rendre hommage à votre patriotisme. MM. les officiers municipaux ayant témoigné leur satisfaction aux députés, ils se sont rendus chez MM. les commissaires du roi, qui ont pareillement approuvé leur adresse. lw Série. T. XIX La députation ayant rendu compte à l’assemblée du résultat de sa démarche, qui se trouvait conforme au vœu général, en conséquence ont signé : MM. Trublet, Duval, Puren, Allary, Le Tourneur, Sébire, lieutenants de vaisseau et anciens capitaines de brûlots. MM. Blanchard, Kerengal, La Vieuville, Gubian, Lesquin, de Langle, Chasteignier, Plancy, Gontrepont, Pinquer, Brossard, Fustel, Nielly, Leisseguer, Coquet, La Coudraye, Ménagé, Bédée, Harscouet, Peart, Marié, Jôzéquel, Furie, La Rue-Desmarets, Villeon aîné, Villeon cadet, Martin, Gouaridoux, Kerangalet, du Drezit, Porlzampart, Barré, Rudeval, Daniel Kerféré, B<*auverger, Rheydellek, Daniel, Clément, du Fossé, Krohtn, Deloz, Deslandes, Coupé, Brochereuil, Bruiliac, La Morandais, La Carrière, Roux aîné, Le Blond-Saint-Hilaire, Brulean, Salembier, La Trouplinière, du Bonaze, Drieux, Hubert, Taillard, Lher-mite, Bertrand, Massot, Falaise, du Cellier, Flonct, Daniel Kerfaux, Gourson, Molenard, Simeon, Bruiliac cadet, Duquesne, Le Lamer, Prévost La Croix, Dulac, Poideloue, Barbier, Sauturon, Etienne, Dubreuil, Robert, Koat-nempren, sous-lieutenants de vaisseau. M. de Hoailles. Vous avez décrété qu’il serait envoyé des commissaires pour se rendre à Nancy et prendre tous les renseignements nécessaires sur cette malheureuse affaire. Ils ont fait passer leurs procès-verbaux au comité; les pièces ont été examinées avec le plus grand soin, et, comme il est du plus grand intérêt pour le public que cette affaire soit éclaircie, nous avons cru répondre aux vœux de l’Assemblée en faisant imprimer toutes les pièces. Elle y verra que M. Désilles, dont elle regrette la mort, n’avait cessé d’employer tous les moyens qui étaient en lui pour arrêter le désordre. Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier vendredi, 22 du présent mois. M. de Mirabeau. J’apprends par la lecture du procès-verbal qu’hier M. Lavenuea fait l’imprudente, l’injuste motion de faire imposer les rentes constituées et viagères. J’apprends avec plus d’étonnement encore que vous avez renvoyé au comité d’imposition cette proposition, qui méritait d’être ensevelie dans l’oubli. Je demande que le rapport nous en soit fait au plus tôt, afin de ne pas laisser plus longtemps d’incertitude sur une question qui c’aurait pas dû en faire une. Je déclare d’avance que je soutiendrai de (out mon pouvoir la théorie que l’Assemblée a consacrée sur l’indemnité absolue dont ces rentes doivent jouir. M. Prieur. Je demande la réformation du procès-verbal, parce qu’il n’a point été décrété hier que la motion de M. Lavenue serait examinée par le comité. Il a seulement été dit que le comité présenterait dans la huitaine ses vues sur les rentes. (L’Assemblée décide que le procès-verbal sera rectifié.) M. Anson. Le comité des finances m’a chargé de vous donner qnelques explications sur des objets importants. 11 s’occupe avec un zè’e con-49