12 juillet 1791.] 667 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] passer chez l'étranger; il vous offre ses deux bras. M. Philogène-Charles de Montfort, membre de la députation capitaine d’invalides , ancien mousquetaire noir. Monsieur le Président, mon fils officier dan-; la colonelle générale, infanterie, me comble de désespoir : il vient de pa-ser de Dun-kerqueàFurnes. Je l’abandonne; maisj’aiun autre enfant à l’école militait e de Brienne : je vous supplie de croire mon patriotisme vrai. J’ai encore deux bras; mon autre fils en a deux; donnez-nous les moyens de remplacer ce malheureux. Je vous donne ma parole de l’élever dans les sentiments que j’avais jurés; mon cœur navré réclame vos bontés. M. le Président. Vous venez d’entendre, Messieurs, le récit qu’on vient de vous faire : les décrets rendus par l’Assemblée nationale mettent dans le cas de placer le fils de ce brave homme. Un membre : Il est à l’école militaire. M. le Président. Je crois qu’il suffira qu’il soit fait mention dans le procès-verbal de l’offre du sieur de Montfort et d’en envoyer l’extrait à l’un des généraux de l’armée, pour que celui-ci s’empresse de mettre ce jeune homme au nombre des sujets qui méritent d’être employés. (Oui! oui!) (L’Assemblée décrète la motion de M. le Président.) M. Defermon. Je demande l’impression du discours de la députation et de la réponse du président et leur insertion dans le procès-verbal. (Cette motion est décrétée.) M. Brisont-BarnevIIIe (Nicolas - François-Denis), commissaire de guerre, est admis à la barre et prête le serment décrété le 22 juin. M. le Président. J’ai reçu une lettre des administrateurs de Saint-Malo, ainsi conçue : <> Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de vous adresser un paquet contenant 87 lettres qui ont été arrêtées au retour de Jersey sur un bateau d’un particulier de ce port, très'suspect, et notoirement connu pour avoir transporté depuis quelque temps un nombie considérable d’émigrants dans cette île. Le grand rassemblement qui s’y trouve, leur correspondance habituelle avec leurs affidés en France, le nom et le caractère connu de la plupart des personnes auxquelles ces lettres sont adressées et la gravité des circonstances actuelles nous ont déterminés, Monsieur le Président, à vous les adresser. « L’Assemblée nationale jugera dans sa sages e s’il convient qu’elle prenne connaissance de leur contenu. « Nous vous supplions, Monsieur le Président, de vouloir bien lui réitérer l’hommage de notre dévouement et de la fermeté inébranlable que les citoyens de ce district ont juré d’opposer aux coupables efforts des ennemis de la patrie. « Nous sommes, etc. « Signé : Les administrateurs de Saint-Malo. » Plusieurs membres : Au comité des recherches ! M. Bouche. En d’autres temps je serais le premier à demander que ces lettres, de quelque part qu’elles vinssent, quelle que fût leur adresse, fussent envoyées à b ur destination; mais lorsque la patrie est en danger, lorsqu’elle e t menacée detoute part, cette loyauté serait une imprudence coupable. Je dem mdè que lus 87 paquets soient renvoyés au comité des recherches. (L’Assemblée décrète le renvoi aux comités des rapports et des recherches réunis.) M. le Président. Voici une note dont je dois donner connaissance à l’Assemblée; elle m’a été remise avec le panier que vous voyez sur le bureau. « Le commis de la poste, au contre-seing de l’Assemblée nationale, a l’honneur de représenter à M. le Président que les abus du contreseing augmentent tous les jours, et il en montre la preuve. Ces paquets ont été apportés par un seul député, qui n’en envoie pas moins toutes les fois qu’il vient au contreseing. » Il y a un panier plein de lettres. M. Voidel. Il y a quelque temps que le comité des recherches est prévenu de cet abus; il a cherché, autant qu’il était en son pouvoir, à vérifier s’il eu résultait du danger pour la chose publique, et il a trouvé qu’en effet la plupart de ces paquets portaient des suscriptions extrêmement suspectes. Je demande en conséquence qu’à dater de cet instant, le contreseing de l’Assemblée pour les envois soit supprimé. (Oui! oui! — Murmures.) 11 n’y a pas d’autre moyen; car celui de faire signer pourrait compromettre le meilleur citoyen, par la facilité qu’on a de contrefaire une signature. M. Gaultier-Biauxat. M. Voi iel et moi, et plusieurs autres membres, avaient été témoins, la semaine dernière, que deux envois aussi considérables que celui-là, ont été portés par un prêtre de nos confrères que je ne connais pas de nom, car je le nommerais. C’est ainsi qu’on envoie h s libelles les plus dangereux à tous les éuergumènes des départements. (Applaudissements.) Les municipalités et les corps administratifs payeront avec plaisir le port des lettres que vous leur adresserez. (Non! non!) Par là vous faites un mal infini; et je vous déclare que le ci-devant évêque de mon département n’a gâté nos contrées que par ce moyen-là. Si vous ne voulez pas le supprimer entièrement, du moins que le commis ne contresigne aucun paqud qu’il ne le fasse signer en sa présence par le député; et enfin, Messieurs, pour faire un exemple qui puisse arrêter, ordonnez que tous ces paquets qui sont sous vos yeux seront mis à la poste sans affranchissement. M. Barnave. Je ne dirai rien, Messieurs, sur la dernière proposition du préopinant, tendant à ce que ces paquets, soient remis à la poste : le succès de ceite motion m’est absolument indifférent, mais je demande l’ordre du jo ir formellement sur le fond de la motion tendant à supprimer le contreseing. Je crois, Messieurs, que la question n’est pas de savoir si les produits de la poste rendront à la nation quelques centaines de mille livres de plus ou de moins; que le fond de la question n’est pas même de savoir si une poignée d’aristocrates dans les différentes parties du royaume pourront être encore un p u plus irrités qu’ils ne le sont par les mauvais papiers qui leur sont adressés, et dont ils auraient vraisemblablement 668 [Assemblée nationale.] eu connaissance, quand même le contreseing aura i été supprimé; la véritable quesiion e-t que, vu la multitude de papiers qui se répandent dans le royaume à t:ès peu de frais, qui ont des abonnements avec la poste, et qui sont dictés, dans le moment actuel, soit par l’exaltation des têtes, soit par différents autres motifs, pour y travailler les citoyens dans un sens absolument opposé aux principes de l’Assemblée nationale et aux véritables intérêts de la nation, il importe, dans un moment semblable, de ne pas empêcher les députés qui sont ici, qui connaissent le véritable état des choses et les motifs qui font mouvoir ceux qui égarent les opinions, il importe, dis-je, de ne pas ôter à ces membres de l'Assemblée les moyens les plus faciles, les plus prompts de porter la lumière dans leurs départements. Le salut de l’Etat, la conservation de la monarchie, l’intégrité des principes constitutionnels sont beaucoup plus importants à nos yeux que la légère économie qui pourrait résulter de soumettre au port les paquets. Je dt mande doue, Munsieur le Président, que l’Assemblée nationale passe immédiatement à l’ordre du jour sur des motions très dangereuses sous leur véritable point de vue. M. Defermon. Je suis loin de combattre les principes du préopinant; mais je crois qu’il serait un moyen pour l’Assemblée de prévenir les abus qu’on vient de lui dénoncer, et auxquels une partie des membres de l’Assemblée désire trouver le remède, c’est d’ordonner que tous les paquets d’imprimés ne soient cachetés que sous bandes. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) Une députation des écoliers de l' Université est introduite à la barre. V orateur de la députation s’exprime ainsi : «< Législateurs, « Nos pères ont juré de mourir pour la défense de la Constitution que vous avez donnée à la France : animés des mêmes sentiments, leurs enfants viennent à leur tour vous promettre de marcher sur leurs traces. Eh! pourrions-nous ne pas imiter leur dévouement généreux! lis ont essuyé les orages inséparables u’une grande Révolution ; et, plus heureux, nous en recueillerons les fruits. Elèves de la liberté, instruits sous ses auspices, si notre âge est encore tendre, il n’en est pas moins mûr pour elle. Nos condisciples, dont nous sommes ici les organes, brûlent de déposer sur l’autel de la, patrie le serment d’être fidèles à la nation et à la loi; et ce serment, nos cœurs l’avaient formé depuis longtemps.»(A;?y>ûm-dissements.) M. le Président répond : « Messieurs, « Quand votre civisme vous conduit auprès des repœsentants de la nation, c’est une jouissance que vous leur procurez ; car ils voient en vous l’espérance de la patrie; ils voient en vous ceux pour lesquels ils ont plus particulièrement travaillé. Une grande Révolution n’a pu se faire qu’au prix d’un grand nombre de sacrifices. Le nivellement des distinctions n’a pu s’établir sans causer des regrets à tous ceux qui devaient leur élévation à des préjugés. Mais, pour vous qui ne connaîtrez pointlapnvationdequelquesavantages [2 juillet 1791.J illusoires, l'égalité aura tous ses charmes, la liberté aura tout son prix. Suivez donc avec intérêt les travaux dont vous êtes l’uhjet; suivez les progrès de l’art social ; étudiez avec s<>in ces prin ip�s qui sont la base des bons gouvernements, ces principes que, dans la théorie, l’on ne saurait combattre, et qu’une assemblée d’hommes libres, qui fut le fléau des grands, osa mettre en pratique pour le bonheur du peuple; voyez avec enthousiasme la carrière nouvelle et’ brillante qu’une Constitution libre offre aux talents. Ce ne sont plus des places achetées, briguées, obtenues par l’intrigue ou par la faveur; cest te vœu d’une nation qui vous élèvera à la dignité de fonctionnaires publics; ce sont les intérêts de tout un peuple sur lesquels vous aurez à prononcer. C’est désormais, enfin, avec la conscience de vos vertus, que vous aurez à jouir de vos succès. « Soyez donc les umis de notre Constitution ; soyez ses plus zélés défenseurs. Aimez la patrie avec enthousiasme : cette passion, la volupté des grandes âmes, donnera du ressort, de i’energie à toutes vos vertus, et vous éprouverez que lu premier de tous les biens, comme le dernier terme de l’ambibon, c’est la gloire d’être citoyen dans un pays libre. ( Applaudissements répétés.) t L’Assemblée regrette que l’étendue du lieu de ses séances ne lui permette pas de vous accorder les honneurs de sa séance; elle espère cependant qu’un certain nombre d'entre vous voudra bien y assister. » M. le Président lit la formule du serment. Les membres de la députation : Nous le jurons! (L’Assemblée décrète l’impression du discours de la députation et de la réponse du Président et leur insertion dans le procès-verbal.) M. le Président. Voici une lettre du sieur Vaudron , entrepreneur de bâtiments : « Messieurs, « Les jeuues gens qui doivent être un jour les soutiens de l’Empire viennent de jurer en ce moment d’obéir aux lois que vous avez faites : me sera-t-il permis, Messieurs, de déposer dans le temple de la Constitution une somme de 300 livres, somme faible, il est vrai, mais relative à mes facultés. Si des circonstances impérieuses me forcent à rester dans mes foyers, ne me permettent pas de voler sur la frontière et d’y verser mon sang pour la défense de la patrie, je n’oublierai jamais que l’amour de la liberté exige de moi des sacrifices d’une autre nature. *i Oui, Messieurs, cet enthousiasme passe dans le cœur des femmes : j’ai vu avec transport mon épouse vouloir contribuer aux dépenses de l’Etat : Les soldats du despotisme sauront un jour que la devise d’un pays libre et généreux sera toujours de vaincre ou mourir. (Vifs applaudissements.) « Je suis etc... « Signé : VAUDRON. » M. le Président. Le citoyen qui fait cette offre généreuse est eu ce moment à la barre. Plusieurs membres : La séance ! M. le Président. Monsieur, l’Assemblée vous accorde les honneurs de la séance. (Applaudissements.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES.