256 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE piques, et hors d’état de jamais gagner sa vie, décrète ce qui suit : I. Sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Antoine Vignard la somme de 200 liv. à titre de secours provisoire. II. La Convention nationale renvoie la pétition au comité de liquidation, pour le règlement de la pension s’il y a lieu. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (1). La séance est levée à 4 heures. Signé, Merlin (de Douai), président ; P. Barras, Le Vasseur (de la Meurthe), Fréron, Legendre (2). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 53 DELACROIX (de la Marne); au nom des comités des domaines et des finances : Citoyens, vous avez renvoyé à vos comités des domaines et des finances une multitude de réclamations qui vous ont été présentées contre les inconvénients qui résultaient de l’exécution littérale de la loi du 10 frimaire (3). Les ordonnances domaniales, dont cette loi n’est que le renouvellement, ont dans tous les temps paru d’une rigueur excessive; et les tentatives de l’ancien gouvernement pour les faire exécuter ont toujours excité les plus vives réclamations. Gardons-nous cependant de confondre celles qui s’élèvent contre la loi du 10 frimaire avec celles qui, dans différentes circonstances, fatiguèrent le despotisme, et neutralisèrent l’ardeur avec laquelle il accueillait tous les projets qui présentaient quelques réformes à son insatiable avidité. Il n’existait alors aucune classe qui ne fût intéressée à laisser les domaines publics dans l’état de désordre où l’incurie du gouvernement les avait plongés. Quelques pauvres cultivateurs, quelques sans-culottes des villes avaient pu en profiter pour se procurer un champ, une chaumière; mais les sangsues qui environnaient le trône, qui commandaient les armes, qui déshonoraient le siège de la justice, en tiraient des revenus immenses; et leurs clameurs firent aisément oublier les projets des traitants qui eussent procuré quelque avantage à l’Etat, en assurant d’immmenses profits à leurs auteurs. Aujourd’hui la scène est totalement changée. Vous n’avez entendu la voix d’aucuns grands propriétaires : ils ont senti qu’elle se perdrait sous les voûtes du temple de la liberté, et que leurs intrigues, favorisées autrefois par la corruption, seraient impuissantes contre la loi. (1) P.-V., XLIII, 94. Décret n° 10 278. Rapporteur: Me-nuau. (2) P.-V., XLIII, 95. (3) Voir Arch. pari, t. LXXX, p. 392-393. Une multitude de sans-culottes ont réclamé, les uns la vigne, les arbres qu’ils ont plantés, les champs qu’ils ont arrosés de leurs sueurs, la prairie qu’ils ont desséchée et fertilisée; les autres, la chaumière, la maison, l’usine qu’ils ont construite sur la foi des titres que l’usage faisait regarder comme suffisants. Les circonstances qui accompagnent ces réclamations, l’état de dénûment ou de médiocrité de ceux qui vous les présentent, semblent dicter d’avance les décisions que nous avons à vous proposer. En conservant au domaine national ce que lui assuraient les anciennes ordonnances, vous ne voudrez point l’enrichir aux dépens des bons citoyens; vous les mettrez à l’abri des entreprises du génie fiscal; vous ne souffrirez pas qu’il survive au despotisme qui l’avait fait naître, et dont il était le plus ferme appui. Les terres vaines et vagues, palus et marais, les fossés et remparts devenus inutiles, pouvaient seuls, d’après les anciennes lois domaniales, être concédés à perpétuité. Vous avez maintenu la concession de tous ceux qui ont été mis en valeur; leurs possesseurs les ont utilisés et pour eux-mêmes et pour la société. Par là, ils ont rempli la première et la plus sacrée des conditions qu’ils avaient souscrites. Vous avez également conservé à leurs possesseurs les terrains épars au-dessous de 10 arpents, pourvu qu’indépendamment de l’objet concédé, ils ne jouissent pas d’un capital de plus de 10 000 liv. : ainsi la pauvreté, la médiocrité ne réclament jamais en vain la bienfaisance nationale. Vous avez assujetti tous les détenteurs de terres démembrées du domaine, de quelque espèce qu’elles fussent, auxquels vous en conserviez la possession, à rapporter leurs certificats de résidence, de non-émigration et de civisme. La bienfaisance que vous exercez au nom de la patrie ne doit jamais s’étendre qu’à ses vrais enfants. Vos comités de salut public et de sûreté générale vous présenteront sans doute des moyens sûrs et prompts pour empêcher que cette précaution révolutionnaire ne devienne, entre les mains de quelques faux patriotes, une arme terrible dont ils se serviraient pour dépouiller des citoyens laborieux et pauvres de l’héritage défriché par leurs pères, et qu’ils continuent à féconder par leurs travaux. Il n’appartenait pas à vos comités des domaines et des finances, témoins, comme vous l’avez été tous, des avantages que ces certificats ont procurés à la révolution, de s’occuper des inconvénients de détail qu’ils ont pu entraîner; ils ont dû vous proposer de les demander à tous ceux qui profiteraient des nouveaux adoucissements que la loi du 10 frimaire leur paraît exiger. Depuis les ordonnances qui furent le résultat du vœu des anciens états généraux, et que l’on a toujours regardées comme le fondement des principes qui devaient régir le domaine, il s’était introduit bien des usages qui s’en écartaient, et qui, par le laps du temps, avaient acquis force de loi. Ainsi les concessions à perpétuité étaient bornées, par l’ordonnance de Moulins, aux terres, prés, palus et marais vagues. Elles ne 256 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE piques, et hors d’état de jamais gagner sa vie, décrète ce qui suit : I. Sur le vu du présent décret, la trésorerie nationale paiera au citoyen Antoine Vignard la somme de 200 liv. à titre de secours provisoire. II. La Convention nationale renvoie la pétition au comité de liquidation, pour le règlement de la pension s’il y a lieu. Le présent décret ne sera imprimé qu’au bulletin de correspondance (1). La séance est levée à 4 heures. Signé, Merlin (de Douai), président ; P. Barras, Le Vasseur (de la Meurthe), Fréron, Legendre (2). AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 53 DELACROIX (de la Marne); au nom des comités des domaines et des finances : Citoyens, vous avez renvoyé à vos comités des domaines et des finances une multitude de réclamations qui vous ont été présentées contre les inconvénients qui résultaient de l’exécution littérale de la loi du 10 frimaire (3). Les ordonnances domaniales, dont cette loi n’est que le renouvellement, ont dans tous les temps paru d’une rigueur excessive; et les tentatives de l’ancien gouvernement pour les faire exécuter ont toujours excité les plus vives réclamations. Gardons-nous cependant de confondre celles qui s’élèvent contre la loi du 10 frimaire avec celles qui, dans différentes circonstances, fatiguèrent le despotisme, et neutralisèrent l’ardeur avec laquelle il accueillait tous les projets qui présentaient quelques réformes à son insatiable avidité. Il n’existait alors aucune classe qui ne fût intéressée à laisser les domaines publics dans l’état de désordre où l’incurie du gouvernement les avait plongés. Quelques pauvres cultivateurs, quelques sans-culottes des villes avaient pu en profiter pour se procurer un champ, une chaumière; mais les sangsues qui environnaient le trône, qui commandaient les armes, qui déshonoraient le siège de la justice, en tiraient des revenus immenses; et leurs clameurs firent aisément oublier les projets des traitants qui eussent procuré quelque avantage à l’Etat, en assurant d’immmenses profits à leurs auteurs. Aujourd’hui la scène est totalement changée. Vous n’avez entendu la voix d’aucuns grands propriétaires : ils ont senti qu’elle se perdrait sous les voûtes du temple de la liberté, et que leurs intrigues, favorisées autrefois par la corruption, seraient impuissantes contre la loi. (1) P.-V., XLIII, 94. Décret n° 10 278. Rapporteur: Me-nuau. (2) P.-V., XLIII, 95. (3) Voir Arch. pari, t. LXXX, p. 392-393. Une multitude de sans-culottes ont réclamé, les uns la vigne, les arbres qu’ils ont plantés, les champs qu’ils ont arrosés de leurs sueurs, la prairie qu’ils ont desséchée et fertilisée; les autres, la chaumière, la maison, l’usine qu’ils ont construite sur la foi des titres que l’usage faisait regarder comme suffisants. Les circonstances qui accompagnent ces réclamations, l’état de dénûment ou de médiocrité de ceux qui vous les présentent, semblent dicter d’avance les décisions que nous avons à vous proposer. En conservant au domaine national ce que lui assuraient les anciennes ordonnances, vous ne voudrez point l’enrichir aux dépens des bons citoyens; vous les mettrez à l’abri des entreprises du génie fiscal; vous ne souffrirez pas qu’il survive au despotisme qui l’avait fait naître, et dont il était le plus ferme appui. Les terres vaines et vagues, palus et marais, les fossés et remparts devenus inutiles, pouvaient seuls, d’après les anciennes lois domaniales, être concédés à perpétuité. Vous avez maintenu la concession de tous ceux qui ont été mis en valeur; leurs possesseurs les ont utilisés et pour eux-mêmes et pour la société. Par là, ils ont rempli la première et la plus sacrée des conditions qu’ils avaient souscrites. Vous avez également conservé à leurs possesseurs les terrains épars au-dessous de 10 arpents, pourvu qu’indépendamment de l’objet concédé, ils ne jouissent pas d’un capital de plus de 10 000 liv. : ainsi la pauvreté, la médiocrité ne réclament jamais en vain la bienfaisance nationale. Vous avez assujetti tous les détenteurs de terres démembrées du domaine, de quelque espèce qu’elles fussent, auxquels vous en conserviez la possession, à rapporter leurs certificats de résidence, de non-émigration et de civisme. La bienfaisance que vous exercez au nom de la patrie ne doit jamais s’étendre qu’à ses vrais enfants. Vos comités de salut public et de sûreté générale vous présenteront sans doute des moyens sûrs et prompts pour empêcher que cette précaution révolutionnaire ne devienne, entre les mains de quelques faux patriotes, une arme terrible dont ils se serviraient pour dépouiller des citoyens laborieux et pauvres de l’héritage défriché par leurs pères, et qu’ils continuent à féconder par leurs travaux. Il n’appartenait pas à vos comités des domaines et des finances, témoins, comme vous l’avez été tous, des avantages que ces certificats ont procurés à la révolution, de s’occuper des inconvénients de détail qu’ils ont pu entraîner; ils ont dû vous proposer de les demander à tous ceux qui profiteraient des nouveaux adoucissements que la loi du 10 frimaire leur paraît exiger. Depuis les ordonnances qui furent le résultat du vœu des anciens états généraux, et que l’on a toujours regardées comme le fondement des principes qui devaient régir le domaine, il s’était introduit bien des usages qui s’en écartaient, et qui, par le laps du temps, avaient acquis force de loi. Ainsi les concessions à perpétuité étaient bornées, par l’ordonnance de Moulins, aux terres, prés, palus et marais vagues. Elles ne