[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. port était inexact, l’exécution du décret a été suspendue. Dans cet état de choses, la législature finit, le comité disparaît, et l’accusation subsiste. Je pense qu’il est de mon devoir, de ma délicatesse, et surtout de l’intérêt national, de demander acte à l’Assemblée nationale de la déclaration suivante que j’ai écrite au bas du rapport que j’avais fait : « Ayant été accusé devant l’Assemblée nationale de l’avoir induite en erreur par le présent rapport, et par l’elfet de cette accusation, l’exécution du décret qui ordonne une restitution considérable étant suspendue jusqu’à ce que les faits soient vérifiés, je déclare que j’entends demeurer garant et personnellement responsable de l’exactitude des faits avancés dans ce rapport ; que j’en ai dans mes mains les pièces justificatives, et que je les remettrai à toute réquisition du Corps législatif qui va nous succéder. » M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély). La manièie d’agir proposée par le préopinant n’est pas aussi peu importante qu’on le croit; il faut examiner si l’intéiêt public peut accepter ce que la délicatesse de M. de Batz exige de lui. Je vous observe, Messieurs, que c’est une exception à la règle que l’Assemblée a établie, à savoir que tous les membres de celte Assemblée ne doivent compte de leur conduite qu’à elle. Je demande donc l’ordre du jour. (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) M. le Président fait lecture d’une lettre du ministre de la guerre, ainsi conçue : « Monsieur le Président, « J'ai eu l’honneur d’annoncer le 26 de ce mois à l’Assemblée nationale une demande de fonds relativement à la dépense à faire pour les gardes nationales qui ont été levées pour la défense de l’Etat. « Il est essentiel, Monsieur le Président, que le décret pour la remise de ces fonds soit rendu aujourd’hui; sans quoi, ce serait s’arrêter sur-le-champ dans les mesures les plus instantes. « Je prie donc l’Assemblée nationale de se faire représenter ma demande et les états à l’appui. « Je suis, etc. « Signé : DüPORTAiL. » M. Chabroud. J’observe que la demande du ministre est une chose déjà vérifiée au comité militaire; je ne crois pas qu’elle puisse avoir besoin d’un examen nouveau et je demande que, dès à présent, on accorde les fonds au ministre. M. Guillaume. Sur sa responsabilité. M. Emrnery. Ce que dit M. Chabroud est très raisonnable. M. Prieur. J’appuie la proposition de M. Chabroud. (L’Assemblée décrète que le Trésor public fournira au ministre de la guerre tous les fonds nécessaires pour l’habillement et l’armement des gardes nationales et pour subvenir à tous les frais nécessaires pour la défense de l’Etat, conformément a�ix états fournis par le ministre.) M. le Président fait lecture d’une lettre du ministre de l'intérieur , ainsi conçue : lr# Série. T. XXXI. [29 septembre 1791.] 593 « Monsieur le Président, « Pour satisfaire au décret de l’Assemblée nationale du 12 de ce mois, M. Thévenard (t) avait fait commencer un travail qui n’a pu être achevé à l’époque de sa retraite. Ce travail vient de m’être remis par le commis des fonds de la marine qui en certifie l’exactitude; je me hâte de vous l’adresser pour le mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale. « L’Assemblée verra que les fonds remis au département de la marine depuis le lep mai 1789 jusqu’au Ier de ce mois, forment une masse de 169,253,916 1. 11 s. 7 d., dont 152,759,585 1. 17 s. 3 d. ont été consommés par états de distribution, tant au payement de ses dépenses arriérées qu’à celles de son service courant, et que 16,494,3301. 14 s. 4 d. restaient en caisse à la disposition du ministre de ce département à l’époque du 1er de ce mois. « Je suis, etc... « Signé : Delessart ». M. Boussion. Je prie l’Assemblée de me permettre de faire une interpellation à M. Barrère sur la loi rendue, le 5 du courant, au sujet des clauses prohibitives contenues dans les testaments (2) ; c’est au nom de toutes les personnes, qui, privées de leur liberté par de pareilles clauses, aussi contraires aux bonnes mœurs qu’à la nature, ont cru et croient que la loi rendue le 5 septembre a brisé leurs chaînes; c’est aussi au nom des personnes intéressées, qui duutent de la clarté de la loi, que je prie M. Barrère, sur le rapport duquel cette loi bienfaisante, et qui va faire tant d’heureux, a été rendue, de vouloir bien donner une explication qui écarte les doutes de ceux qui, voulant profiter du bénéfice de la loi, sont retenus par la crainte que des clauses prohibitives, renfermées dans des testaments ou codicilles, puissent encore gêner la liberté à laquelle ils aspirent. Vos lois, Messieurs, doivent être exécutées; et c’est dans l’idée où je suis que l’exécution de la loi du 5 septembre pourrait éprouver quelques diflicultés que j’interpelle M. Barrère et que je lui demande s’il a entendu que le décret qu’il a fait rendre dût annuler toutes les clauses prohibitives antérieures. M. Barrère. Je vais répondre d’une manière satisfaisante pour les amis de la liberté, et pour les personnes qui ont gémi sous le joug des clauses prohibitives, si contraires, comme l’a observé M. Boussion, aux bonnes mœurs, à la liberté, aux droits de la nature. La loi dont on vient de vous parler est très claire; il est expressément dit dans le décret que toute clause impérative et prohibitive qui gênerait la liberté, etc., est réputée non écrite. Ce verbe, au présent, résout toutes les difficultés qu’on pourrait opposer à l’exécution de la loi du 5 septembre. D’ailleurs, j’ajoute que cette question a été, dans le temps, discutée avec la plus grande attention dans vos comités de Constitution et d’aliénation, et vos comités ont toujours pensé que de pareilles clauses devaient être réputées non écrites, et leurs auteurs censés s’être trompés eux-mêmes. Il n’est donc pas nécessaire que l’Assemblée donne de nouvelles explications, ni qu’elle rende (1) Ministre de la marine. (2) Voir Archives parlementaires, tome XXX, séance du 5 septembre 1791, page 216. 38 894 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [29 septembre 1791. un nouveau décret à l’appui de la loi du 5 septembre, ni qu’elle fasse consigner rinterpellatioo dans son procès-verbal : les personnes intéressées l’apprendront assez par les nouvelles publiques et elles vous béniront bientôt d’avoir brisé leurs fers. MM. Regnaud ( de Saint-Jean-d’ Angély ) , Gaultier-Biauzat et Roger appuient les observations de M. Barrère. M. Boussion déclare ne pas insister sur son observation. (L’Assemblée décrète quelle passe à l’ordre du jour.) M. Alexandre de Beauharnais, au nom du comité militaire. Messieurs, l’Assemblée a, le 30 juin dernier, reoduun décret à l’occasion du changement des drapeaux de l’armée ; une des dispositions de ce décret porte que la nouvelle forme qui sera exécutée en conséquence des autres dispositions du décret, sera communiquée à l’Assemblée par le comité militaire. Le comité, de concert avec le ministre de la guerre, a arrêté cette nouvelle forme dont je vais vous donner connaissance. Le drapeau du premier bataillon de chaque régiment dhnlanterie sera blanc avec une bande aux couleurs nationales; au haut du drapeau seront trois bandes horizontales aux couleurs nationales. Le drapeau du second bataillon sera aux couleurs affectées au régiment avec les variétés dans chaque division, à raison du rang que le régiment occupe dans la division dont il fait partie. Les changements faits dans les étendards ou guidons des troupes à cheval seront également d’après les mêmes principes : les cravates seront aux couleurs nationales. Enfin les drapeaux, étendards et guidons porteront, avec le numéro du régiment, cette inscription : « Discipline. — Obéissance à la loi. » Le comité a pensé, Messieurs, que ces changements ne pourraient qu’inspirer à tous ceux qui font partie de la force publique, l’attachement à la Constitution qu’ils doivent maintenir et à la discipline qui seule peut multiplier les forces de ceux qui les destinent à la défense de la patrie. Je prie Monsieur le Président de consulter l’Assemblée sur la question de savoir si elle adopte la nouvelle forme présentée par son comité militaire. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle adopte les nouvelles formes de drapeaux, étendards et guidons présentées par le comité militaire.) M. Pétion. Je désirerais adresser une question à M. Prugnon et lui demander pourquoi on n’a pas encore statué sur l’emplacement du tribunal criminel de Paris. M. Prugnon, au nom du comité d'emplacement. J’ai eu soin de vous et j’ai parlé de vous en votre absence; il a été décidé que votre tribunal criminel — non pas vous — serait ajourné. (Rires.) M. Pétion. Si l’on attend un décret de la prochaine législature, on se trouvera peut-être dans l’impossibilité de faire à temps les travaux nécessaires pour préparer le local, tandis que, si on désignait dès maintenant un lieu quelconque, il serait possible d’aménager aussitôt la distribution et de faire tout ce qui est indispensable. Autrement, il arrivera que l'emplacement sera désigné et que le terme de l’entrée en exercice du tribunal arrivera sans qu’on ait d’emplacement. M. Duport. J’observe que les tribunaux civils même ne sont pas logés non plus. M. Regnaud (de Saint-Jean-d’ Angély) . Les tribunaux civils sont logés provisoirement; je demande qu’on loge provisoirement aussi le tribunal criminel à la Tournelle. M. de l�a Rochefoucauld. Cette installation provisoire me paraît fort inutile; puisqu’il faut que le tribunal criminel soit logé, il n’y a qu’à autoriser le département à le placer au palais. (L’Assemblée, consultée, décrète que le directoire du département de Paris est autorisé à déterminer dans l’enceinte du palais l’emplacement du tribunal criminel.) M. Barrère. Avant que l’Assemblée nationale se sépare, j’ai à remplir un grand devoir qui est aussi le vôtre; je suis chargé de vous présenter, dussiez-vous la rejeter, une pétition faite au nom de deux millions de citoyens, qui défendent la Constitution dans les gardes nationales, et qui la défendent d’une manière bien désintéressée, puis-qu’iissontles seuls citoyensquin’en recueillent pas les bienfaits. C’est des fils de famille que je veux vous parler. Leur pétition est évidemment juste, et peut être décrétée dans le moment, puisqu’il ne s’agit que de décider que le véritable propriétaire peut jouir et disposer de sa propriété. (Murmures.) Je pourrais vous montrer les rapports politiques, civils et commerciaux qui fondent ceit ; demande ; car on pourrait vous dire que vous leur avez donné des droits illusoires, en leur permettant de devenir citoyens actifs et éligibles; vous avez donné et retenu à la fois. Comment, en effet, seront-ils citoyens actifs et éligibles, dans une Constitution qui établit l’éligibilité aux fonctions publiques par les contributions; comment seront-ils éligibles ceux à qui la loi romaine défend d’avoir aucune propriété à leur disposition et jouissance? Vous ne connaissez pas tout l’empire absolu établi par les lois romaines sur les propriétés des fils de famille. Le père a l’usufruit légal des biens donnés à ses enfants, et de ceux qu’ils acquièrent par leur industrie, leur commerce ou leur économie; c’est de ces biens que le fils de famille ne peut jouir ni disposer. De pareils propriétaires ne peuvent donc pas être contribuables; ils ne peuvent donc pas être citoyens actifs ; ils ne peuvent pas acquérir pour eux; ils ne peuvent pas recevoir pour eux. Ces principes convenaient peut-être à la Constitution romaine, où l’esclavage civil était établi dans les familles. Je remarquerai cependant qu’au milieu de ces lois despotiques, les Romains avaient déclaré que les fils de famille étaient réputés pères de famille pour toutes les fonctions publiques. Au contraire, parmi nous, les fils de famille, n’étant pas contribuables personnellement, ne peuvent être admis aux fonctions publiques, à moins que vous ne leur permettiez d’être propriétaires de leurs propriétés. Cette expression paraît bizarre; elle peint cependant l’état malheureux du fils de famille dans les pays de droit écrit, et même dans la Flandre, où la mère a aussi l’usufruit légal. Le moment est venu de les faire jouir de leurs droits incontestables; c’est une confirmation des droits civils pour la propriété, c’est favoriser la prospérité commerciale et industrielle que d’en-