[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mai 1791.] 221 gaats décrétés par l’Assemblée nationale, jusqu’à la concurrence de 100 millions ne suffiraient pas pour rétablir le royaume entier dans cette circulation si désirable, et que la mesure auxiliaire des compagnies patriotiques donnant en échange des billets de confiance, tels que plusieurs villes nous en offrent des modèles, était parfaitement conciliable avec l’existence des nouveaux assignats. Il a pi-nsé surtout qu’il était utile que ces petits billets de conliance précédassent la grande émission des assignats de 5 livres afin d’empêcher les accaparements si difficiles à prévenir, lorsque des assignats de fortes sommes seront reçus par le gouvernement en échange des nouveaux petits assignats. Les principes de liberté consacrés par tous vos decrets autorisent sans doute les etablissements particuliers qu’on serait tenté de former. Mais ce n’est pas en sif nce que vous devez espérer des institutions si utiles; le patriotisme attend un signal, et c’est à vous qu’il appartient de le donner. 11 est d’ailleurs des encouragements dont vous seuls pouvez être les dispensateurs. Les associations qui se formeront auront des actes ue société à dresser, elles auront à émettre des billets au porteur très ressemblants à des lettres de chauge, et les droits de timoré et d’en-registrement, si vous ne les en exemptiez pas, leur îuiposiTaieni une chai g décourageante. Le motue surveillance des corps administratifs se trouvait dans le projet de décret de M. de Montes-quiou ; le comité y a substitué celui de protection spèciale , dans la crainte que, par l’abus du mot, il ne s’établît dans quelques endroits une sorte d’in-quisitiou destructive de la iioerté qui seule peut entreprendre et diriger des opérations de confiance. Gependaut nous avons cru devoir insister sur quelques précautions iai.es puur garantir les citoyens ue toute turprise.En conséquence, nous vous proposons de prescrire aux compagnies qui requerraient la protection publique, ou la remise d’un cautionnement, ou le dépôt ue l’acte de société qui, communiqué à tous les citoyens, leur ferait connaître les hommes qu’ils auraient pour garants de leur contiance. Nous avons cru aussi que l’échange à bureau ouvert ét au pair, des fractions d’assignats contre leur valeur eu monnaie de cuivre, devait être la loi fondamentale de tous les établissements de ce genre, et en conséquence l’approvisionnement et l’entretien d’une quantité suffisante de sous pour cet échange est une condition expresse dont nous n’avons pas cru devoir nous départir. En même temps que votre comité s’occupait de ces détails, il ne négligeait pas ceux que vous lui avez confiés par votre décret du 6 mai. Les commissaires ont travaillé avec ceux de nos collègues qui ont dirigé la dernière fabrication, et sous très peu de jours iis seront en état de prendre les ordres définitifs de i’Assemhlee pour les nouveaux assignats, iis espèrent qu’il sera possible d’en imprimer 20 sur une seule feuille, et d’un seul coup ; de sorte qu’un million de feuilles de papier suffira pour les 100 millions que vous avez décrétés en assignats de 5 livres. Ce procédé reunira la célérité a l’économie, et les calculs exagères que l’on a déjà faits sur la durée de cette fabrication, ainsi que sur sa dépense, se trouveront en défaut. La valeur bientôt démontrée des domaines nationaux prouvera que dans aucun genre l’Assemblée n’a entrepris pius qu’elle ue pouvait. Bientôt une libération complète de nos nombreux engagements sera aussi facile à exécuter qu’elle a été hardie à concevoir. Cette étonnante opération qui paraît aujourd’hui si simple à ceux mêmes qui la croyaient gigantesque, prouve que, dans un siècle éclairé, rien n’est impossible à des hommes libres qui, stipulant les droits et les devoirs de la nation, savent s’oublier eux-mêmes pour ne s’occuper que du salut de la patrie. Voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer : « L Assemblée nationale, ouï le rapport du comité des finances, décrète ce. qui suit : « Art. lor. L’Assemblée natiouaie met sous la protection spéciale des corps administratifs et des municipalités tous les etablissements particuliers qui se chargeraient de mettre en émission des billets de confiance, représentant des fractions d’assignats, et de les donner eu échange, à volonté et au pair, contre des assignais nationaux, à la condition expresse que lesdits établissements se pourvoiront aux différentes Monnaies du royaume de la quantité de sous nécessaire pour entretenir au pair l’échangé, à bureau ouvert, desdits billets de confiance contre des sous, et des sous contre ces mêmes billets. « Art. 2. Lesdits établissements seront tenus de déposer au greffe de la municipalité, ou un cautionnement suffisant pour la sûreté de leur gestion, ou l’acte de leur société, lequel sera communiqué à tous ceux qui voudront en prendre connaissance. « Art. 3. Lesdits actes de société et les billets de contiance mis en émission ne seront p int assujettis aux droits de timbre et d’enregistrement. » M. Rœderer. Je demande l’ajournement à après-demam et la prompte impression du rapport. 11 faut bieu prendre garde a quoi vous engagerait ce décret. L’ Assemblée, en plaçant sous la protecuou immédiate des corps administratifs tous les banquiers qui voudront changer les gros assignats contre des petits billets garantis du sceau de leur crédit personnel, devient en quelque sorte caution de leur administration. Il est évident que des particuliers pourront fournir un cautionnement de 2 millions et faire une émission de 10 millions de billets. C’est ainsi que des banquiers, à la faveur de l’urgence des circonstances, usurperont un crédit qui ne sera pas un crédit libre, puisqu’il sera forcé par la nécessité des circonstances. Après avoir décrété des assignats de 5 livres au nom de la nation, sous la responsabilité des domaines nationaux, il laut prendre garde de ne pas mutiler cette grande opération, de ue pas la tronquer en quelque sorte par 1 extrémité inférieure qui doit traduire dans le peuple la grande utilité du sommet de l’opération. M. Fréteau de Saint-Just. Le rapport qui vient de vous être fait contient les vues les plus utiles. Mais comment peut-ou espérer de déterminer l’Assemblée à quelque chose qui peut avoir des conséquences aussi considérables que celles que vient de développer M. Rœderer? Je désirerais donc qu’un député soit de Bordeaux, soit de Lyon, veuille bien prendre la parole et vous rendre compte des précautions qui ont été prises dans ces vilies pour l’émission des petits billets, afin que nous puissions délibérer en connaissance de cause. M. de Folleville. Je demande la question préalable sur le projet du comité des finances, parce que, comme l’a observé M. Rœderer, voua 222 [Assemblée nationale.] ne devez descendre dans aucune mesure particulière; et je pense que la seule chose que vous puissiez décréter est ceci : « L’Assemblée nationale déclare que l’échange des assignats contre des billets de confiance remboursables en sous,’ est une opération de banque louable, et à laquelle la loi accorde la protection la plus spéciale. » ( Applaudissements .) M. Salle. Depuis longtemps le comité des finances aurait pu vous présenter les moyens de faire promptement fabriquer des assignais de 5 livres que vous avez décrétés; il n'aurait pas fallu plus de temps pour cette mesure définitive, que pour la mesure provisoire qu’il vous propose. M. Hairac. Voici le plan qui s’exécute maintenant à Bordeaux, avec ie plus grand succès. La disette d’argent a fait trouver le moyen de former une caisse, que l’on appelle une caisse d’échange. On a créé des actions de 100 pistoles : chaque particulier a été admis à apporter à la caisse 1,000 livres d’assignats, on lui a délivré, en échange de ces 1,000 livres d’assignals, 900 livres de mandats de 25 livres ; et chaque actionnaire a laissé conséquemment 10 0/0 pour faire un fonds capable de suppléer aux dépenses de la caisse. La caisse successivement s’est élevée à 7 et 800,000 livres, et on a fait des mandats de 25 livres que l’on a délivrés au porteur ou aux actionnaires ; ils ont été à cette même caisse faire un échange de ces mandats de 25 livres contre des bons de caisse de 10 francs et de 15 francs. Cette même caisse, lorsque l’on paye ces mandats, les paye à bureau ouvert en sois. Celte opération a tellement réussi que, quoiqu’elle eût été faite pour la ville, tout le département, et tout ce qui environne la ville de Bordeaux vont chercher des mandats de 25 livres et des bons de 15 et de 10 livres, parce que, par ce moyen-là, on se procure de l’argent. Le projet que le comité présente aujourd’hui détruira vraisemblablement cet établissement, parce qu’il exige un cautionnement et bien des formalités qui mettraient dans le cas de porter hors de la circulation ces billets, de façon qu’il faut se borner à décréter les 100 millions d’assignats, et laisser à chaque département à faire les dispositions particulières, en adoptant l’amendement de M. de Folleville. M. Anson, rapporteur. Vous devez apercevoir qu’il n’existe pus une grande diversité d’opinions, et que nous ne différons que sur la rédaction. Nous ne voulons pas prescrire la forme des billets de confiance, mais nous voulons les mettre sous la protection des corps administratifs. Nous croyons qu’une condition essentielle est que ces billets puissent être échangés à bureau ouvert, contre de la monnaie de cuivre ; enfin, il faut que les corps administratifs fassent déposer au greffe de la municipalité l’acte de la société, ce que nous proposons en alternative avec le cautionnement. Par cette nécessité d’échanger à bureau ouvert contre de l’argent, les sous se trouveront ramassés à mesure de la fabrication, et il n’y aura pas d’accaparements. M. Duport. Je demande la question préalable sur le projet de décret du comité, elle ine paraît absolument nécessaire. Je ne conçois pas même comment on ne voit pas qu’il n’y a que deux sortes d’établissements possibles, des établissements publics ou des établissements .particuliers'. [19 mai 1791.] Il y a des établissements publics, dans lesquels la nation pourvoit aux besoins des particuliers, en faisant des assignats ou en établissant des caisses d’échange. Elle est garantie de la suite et du succès de cet établissement, et elle institue des surveillants, afin que cette garantie soit réelle, ou bien il y a des établissements particuliers licites, qui ne reposent que sur la confiance, et dans lesquels la nation ne doit entrer pour rien. Il y a même quelque chose d’extraordinaire à ce qu’à ce mot de confiance, l’on joigne des précautions ; car si c’est une caisse de confiance, aussitôt qu’elle ne payera pas à bureau ouvert, elle n’aura plus de confiance. Si, au contraire, l’Assemblée nationale y joint une protection particulière, elle fait d’abord un grand mal général, parce que vous n’avez pas le droit de rien protéger en particulier. Vous devez une protection générale à tout ce qui est permis, à tout ce qui est honnête. Je vais plus loin : en protégeant cet établissement particulier, il est évident, par les soins que vous prenez afin que cétte protection ne soit pas inutile, que vous vous constituerez dans une correspondance semblable à cell-que vous avez eu malheureusement pendant six mois avec la caisse d’escompte. ( Applaudissements .) La caisse d’escompte avait commencé par être un élablis.-e-ment libre et particulier, et ensuite elle a pris avec le gouvernement je ne sais quelle relation, qui la rendait en même temps une institution bâtarde, et cependant dans un établissement utile. Vous avez voulu faire cesser, le plus tôt possible, cette manière extrêmement mauvaise de présenter les institutions, et vous l’avez livrée au sort de toutes les banques particulières ; on vous propose ici la même relation ; cela me parait absolument impossible, et nous devons les laisser à elles-mêmes. M. Chabroud. Il me semble que les observations du préopinant sont très justes et que le projet du comité repose sur des bases extrêmement peu solides. En donnant inconsidérément l’autorisation de la nation aux établissements dont il est question, en leur accordant une protection spéciale, vous les assimilez à l’opération des assignats; et il est alors à craindre que, si elles viennent à croûler, leur discrédit ne rejaillisse sur nos papiers nationaux eux-mêmes. Ma pen ée est donc que le gouvernement ne doit pas s’entremettre de c s entreprises. Si l’on craint gué les corpsaiministratifs ne les protègent pas, il faut déclarer, non pus qu’ils sont louables, comme l’a proposé M. de Folleville, mais qu’ils sont licites, alors toute l’autorité publique leur devra protection. M. Anson, rapporteur. J’adopte la rédaction de M. de Folleville avec l’amendement de M. Cha-broud; mais je propose quelque changement. M. de Folleville ne dit pas en termes as>ez clairs ce que je crois nécessaire. Il faut que l’Assemblée dise si elle veut, oui ou non, et c’est à cela que je réduis mon observation, que ces billets de confiance soient remboursés à bureau ouvert en monnaie de cuivre. M. Rœderer. Je continue de demander la question préalable sur le tout. Il est impossible de faire des établissements de confiance et d’en prescrire les formes. Pouvez-vous assujettir des personnes qui feraient des échanges utiles à les ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. j!9 mai 1791.] §23 faire sous un certain rapport d’une manière forcée? Ensuite il ne suffit pas de faire échanger les gros assignats contre des petits. Il faut que ceux-ci n’éprouvent pas un échec entre lés mains du pauvre, par l’insolvabilité du banquier qui, sous la protection de l’autorité publique, les aurait mis en circulation. 11 ne faut pas que, par un décret, vous invitiez les gens les moins solvables à usurper la confiance publique. M. Fréteau de Saint-Just. Ce qui doit faire la sûreté de ces établissements, c’est ia solidité connue des fortunes et la probité des entrepreneurs; Qu’est-ce qui provoquera la confiance publique? Le programme des banquiers. Ge n’est que par ces prospectus que la confiance publique doit être invitée, et non par uu décret du Corps législatif. M. de üfiontesquiou. Il me semble que nous sortons infiniment de la question. La liberté existe pour tout le monde de souscrire des billets de confiance, et pour tout le monde de les recevoir. Mais il en faut rendre : 1° l’usage utile; 2° le rendre sûr. Or, pour qu’il soit utile, il faut qu’il soit accompagné des circonstances sans lesquelles leur circulation ne saurait être avantageuse, de circonstances parfaitement conformes aux mesures que vous avez vous-mêmes adoptées. Ges mesures sont quils puissent être échangés à bureau ouvert contre une quantité égale de monnaie; et vous venez de jeter les fondements de cette opération utile, en ordonnant une fabrication de monnaie de cuivre ; 3° ce n’est que sous la condition d’un cautionnement que nous proposons de mettre ces établissements sous la protection des corps administratifs ; et c’est là le seul moyen de prévenir les inconvénients qu’on vient de nous objecter, et d’empêcher que des hommes insolvables profitent de l’urgence des circonstances pour tromper la confiance du peuple. Une société ira trouver les corps administratifs, leur dira : voilà notre projet, voilà les titres par lesquels nous croyons mériter ia confiance publique. Nous nous soumettrons à la loi générale d’échanger à volonté nos billets contre du numéraire. Les corps administratifs prendront alors connaissance de la fortune de ces particuliers, de leur solidité ; ils se feront donner toutes les garanties que peut fournir un citoyen dans la ville où il habite; ils se feront donner en dépôt les actes de l’association. Alors la confiance du peuple reposera sur des bases certaines; chacun pourra avoir à volonté de petits billets ou de la monnaie métallique. Mais, en vérité, ce n’est pas avec des questions préalables que vous remédierez aux maux qui nous affligent. M. Prieur. Je ne crois pas que ce soit la question préalable qu’il faut proposer contre l’avis du comité et je demanderais que l’Assemblée déclarât, et insérâi daus le procès-verbal, qu’attendu que tous les établissements utiles sout sous la protection de la loi, elle passe à l’ordre du jour, ne croyant pas nécessaire de les mettre sous la protection d’une loi particulière, et qu’elle dé-créiât au surplus l’exemption du timbre demandée pour les billets de banque. M. de l