€46 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |7 mai 1791.) légistatif n’ont pas encore été par vous entièrement déterminées, nous nous abstenons de vous proposer ici une loi générale, et nous nous renfermons dans la lettre de votre décret, en considérant uniquement l’arrêté du directoire en tant qu’il s’applique à la ville de Paris. C’est dans c< tte vue qu’ayant pris en considération et la demande que nous fait le directoire d’une loi pénale contre ceux qui, sous prétexte d’a�semblees religieuses oseraient attaquer la loi, et enfin l’exécution entière de l’arrêté, nous vous proposons de rendre le décret suivant : « Art. l8r. L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution sur l’arrêté du 11 avril, du directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse, qui l’ont dicté, sont les mêmes qu’elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits, et décrète que le défaut de prestation de serment prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une eglise paroissiale, succursale, et oratoire national, pour y dire la messe seulement. « Art. 2. Les églises consacrées à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l’inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu’il y aura été fait quelque discours contenant des provocations directes contre la Constitution du royaume, et en particulier contre la constitution civile du clergé : l’auteur du discours sera, à la requête de l’accusateur public, poursuivi criminellement dans les tribunaux comme perturbateur du repos public. » {Vifs applaudissements.) M. Dupont. Je demande qu’il soit décrété que le rapport du comité de Constitution sera mis au rang d. s livres classiques de la nation, comme le premier monument ae la liberté religieuse établi sur la déclaration des droits. Je demanderais qu’il fût gravé sur le marbre, s’il ne valait pas mieux encore le confier à la mémoire de nos enfants et des enfants de nos enfants. ( Applaudissemen ts . ) (L’Assemblée décrète l’impression du rapport de M. Talleyraud-Péngord et son envoi à tous les départements du royaume.) M. l’abbé Sieyès. Messieurs, ce n’est pas aux éternelles vérités qui vous oot été présentées par M. le rapporteur, dans un style brillant et ferme, que je viens opposer des doutes : quiconque oserait nier ces principes ou les méconnaître serait à coup sûr un ennemi de la liberié. Je me renferme dans la question de compétence. La tournure ingénieuse et flatteuse que M. le rapporteur a employée pour trouver le directoire du département digne en même temps de louange et de blâme, ne m’a point séduit. Je ne me rangerai point à son avis, même pour recevoir son compliment. Peut-être môme prouverai-je que le point sur lequel nous différons a été mal saisi par le comité ; et cependant je suis très disposé à passer condamnation sur tout ce qui n’appartient pas au fond de la question, si c’est un moyen d’afiai-blir la résistance et de faire remporter plus sûrement la victoire aux bous principes. Si l’on veut avoir une juste idée de la conduite du directoire, on se souviendra d’abord, et c’est ici une vérité historique, que le moment où il a donné son arrêté n’a point été de son choix, qu’il n’a point eu à se déterminer librement entre différentes époques. La mesure qu’il a prise le 11 avril, il était tenu de la prendre, ou d’eo substituer une autre ; un commode retard n’était pas en sa puissance : ainsi qu’on ne vienne pas répéter que le temps n’était pas mûr, qu’on n’a pas pris le moment le plus favorable. Forcée d’agir, qu’a dû faire l’ad mi nitration? A-t-elle pu s’appuyer d’une loi, se fortifier d’un principe? ou bien aurait-elle dû, s’avançant au hasard, puiser des conseils illégitimes dans l’horrible histoire de l’intolérance? Le fait est qu’au commencement d’avril, une multitude d’assemblées religieuses, non paroissiales, non conformistes, se sont formées dans Paris, et s’établissaient soit dans des maisons particulières, soit dans des édifices appartenant au public. Le fait est que ces réunions religieuses étaient menacées d’une manière scandaleuse par des attroupements malintentionnés ou malfaisants, attroupements que nous nous accoutumerons enfin a ne plus appeler du nom de peuple. ( Applaudissements à gauche.) Voilà dune des citoyens troublés dans leurs réunions. Il est vrai qu’elles avaient un objet religieux; mais existe-t-il une loi qui défende les assemblées qui ont un but religieux, lorsqu’elles sont d’ailleurs paisibles et sans armes? Nous ne connaissons point une telle loi. Au contraire, l’Assembiée nationale a dit à tous : « Vous ne serez point inquiétés dans vos opinions religieuses ; vous n’êtes soumis qu'à la loi : dans toutes celles de vos actions qui ne sont pas défendues par la loi, vous êtes libres. Elle a dit à tous : votre liberté vous est garantie ; comptez qu’elle sera efficacement protégée, et, s’il le faut, par tous les moyens de la force publique. » Lorsque des citoyens viennent réclamer cette protection que vous leur avez promise, que faut-il leur répondre? Dirons-nous que les opinions sont libres, mais seulement dans l’esprit, mais seulement dans la manifestation orale, seulement quand on est seul, ou qu’on n’est que peu de personnes? Dirons-nous que les signes, les actions extérieures, isolées ou combinées, que ces opinions commandent, ne sont point renfermées dans la liberté des opinions? Mais qu’aurait donc fait l’Assemblée nationale de plus que ce qui existait déjà sous l’ancien régime ? Est-ce que l’opinion, ainsi réduite aux petites coteries de société, n’y était pas libre avant 1789 ? Ce seul raisonnement répondrait à nos adversaires, si l’on voulait en tirer tout le parti qu’il présente, et en faire l’application à leurs prétendues difficultés {Applaudissements.) ; mais cen’est pas avec cette arme que je veux me défendre aujourd’hui. Je dis qu’à des citoyens qui viennent réclamer protection dans l’exercice d’une liberté quelconque, l’administration ne peut faire que l’une ou l’autre de ces réponses : Vous n'avez pas la liberté dont vous réclamez la jouissance ; ou bien, l'action et la force publique vont à votre secours. Je sais que les événements ne se présentent pas toujours dans ce degré de simplicité, et qu’ainsi, par exemple, si l’exercice de telle liberté est, soit par les circonstances, soit par elle-même, susceptible d’enfanter des chances de troubles, l’administratiou devra dire : Il est juste que vous ne soyez point attaqués dans vos droits; mais pour mieux gouverner les moyens de protection qui vous mettront à l’abri de vos ennemis, pour que nous puissions eu même temps vous surveiller autant que le demande Jâ (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. p mai 1T91.| 647 tranquillité publique, afin que nous puissions, B’il est nécessaire, prévenir ou réprimer promptement une liberté dont l’exercice peut entraîner des dangers, soumettez-vous aux règles de police que l’ordre public exige que nous vous imposions. Cette dernière répoose est celle qui a élé faite ar le directoire au département; c’est le ta-leau tidèle de sa conduite. Je dis que, pour que l’administration de Paris vous parût coupable, il faudrait qu’elle eût pu faire l’antre réponse, qu’elle eût pu dire à des citoyens ui venaient réclamer la protection publique : les roits que vous vous attribuez ne vous appartiennent pas; ils sont contraires à la loi. Qu’on nous apprenne donc ouest la loi qui défend les assemblées paisibles et sans armes, quand elles ont pour objet l’exercice particulier d’un culte quelconque? Certes, si nous nous étions permis de la supposer, c’est bien alors qu’on aurait eu raison de nous dénoncer à l’Assemblée nationale; de nous y représenter comme des désolés pressés de mettre leur odieuse intolérance la place des lois ; c’est alors qu’on aurait eu raison de nous accuser d’incompétence et de nous traiter d’usut pâleurs du pouvoir législatif. (Applaudissements.) La liberté religieuse, dit-on, est une consé-séquence trop éloignée au principe pourquoi n’y ait pas eu, de la part du directoire, un peu de législation à l’avoir tirée. Quoil est-ce qu’une honteuse prohibition vous aurait paru plus facile, plus innocente à déduire du principe? Est-ce que dans votre déclaration des droits il se trouverait telle vertu cachée, qu’il nous eût été permis d’en faire sortir à notre gré une loi de persécution ? Est-ce quel’horrible intolérance appartiendrait de plus près au principe ; de sorte que, dans l’alternative forcée où je suppose le directoire de tirer du principe ou la liberté ou l’intolérance, on lui eût plus facilement pardonné d’y avoir trouvé la seconde conséquence que la première? A ce prix, on nous aurait donc épargnés, et nous n’aurions pas été traduits devant vous comme des envahisseurs de votre autorité 1 Peut-on s’arrêter à une telle pensée I ( Applaudissements .) Je ne saurais comprendre le degré de force que quelques personnes attribuent à la difficulté que je combats en ce moment. Qu’on me permette de l’examiner sous toutes ses faces. Otl dit : la liberté religieuse a été reconnue, cela est vrai ; mais de là à l’exercer publiquement, il y avait un Intervalle immense ; cet intervalle, il était réservé à l’autorité législative de le franchir. Vous ne deviez pas vous montrer plus courageux ou plus philosophes que nous. Accordez-moi un peu d’attention : d’abord il ne s’agit pas, dans notre prétendue hardiesse, du culte public. Il n’v a encore de religion exercée publiquement à Paris que celle des paroisses. Là, l'édifice, les ornements, toutes les dépenses sont nationales, et, ce qui caractérise encore plusla publicité, les portos eu sont ouvertes à tout le monde. Là est bien véritablement un service public offert à tous ceux qui veulent y recourir. Il n’est pas de même des édifices particu'iers appartenant à une ou plusieurs personnes. Ces sociétés sont, comme les clubs, maîtresses chez elles. Rien ne les empêche de fermer leurs portes à tout ce qui n’est pas actionnaire. On dirait à tort que le lieu de leur assemblée est public lorsqu’ils ne le ferment pas, ou bien il n'y aurait point d’édifice qui ne fût public, car le propriétaire le plus exclusif dans sa maison a bien la liberté d’y faire entrer les passants, s’il lui plaît, et à eux aussi. Pour mettre de la précision dans le langage, ce qui est toujours utile, il faudrait s’accoutumer à dire que le culte des paroisses est public et commun à tous; que celui des chapelles-oratoires payées par la naiion à certains établissements, est public, sans être commun à tous; enfin que celui des sociétés particulières n’est ni public, ni commun, autrement que pour les actionnaires ou ceux qu’il leur plaît d’y admettre. Une paroisse est publique par sa fondation, elle est nationale, elle vient du public. Elle est publique encore par sa destination , nul n’en est exclu. Aucun de ces deux caractères n’appartient aux établissements particuliers dont il s’agit ici. Je vais donc reprendre la difficulté, dépouillée de l’idée de publicité. De la liberté religieuse reconnue, à son exercice, y a-t-il véritablement un intervalle immense? A qui était-il réservé de le remplir? La même réponse servira aux deux questions. Ce n’est pas le directoire qui avait besoin de liberté religieuse. Les administrateurs ne demandent en cette qualité d’autre faculté que celle de remplir les fonctions qui leur sont déléguées. C’est pour les citoyens que vous avez recounu le principe; c’est à eux à jouir de tous leurs droits; ce sont les citoyens qui ont tiré ces conséquences que nos adversaires regardent comme si éloignées, et qui, dans le vrai, ne sont autre chose que le principe lui-même. Daignez remarquer, Messieurs, que, par cette observation, la question peut enfin être mise à sa véritable place. Ecar-to >s Je directoire, qui n’a eu ni à consacrer des principes, ni à tirer des conséquences, ni à franchir des intervalles, grands ou petits. Etablissons la discussion où elle doit être : entre l’Assemblée nationale, qui reconnaît la liberté religieuse, et les citoyens qui, en conséquence, se mettent en jouissance de cette liberté. Vous me pardonnerez des répétitions, si elles deviennent nécessaires. Y a-t-il une loi qui défende aux citoyens de se mettre en possession d'une liberté que le législateur leur a reconnue? Pouvez-vous dire qu’en promulgant de la manière la plus solennelle le grand principe de la liberté religieuse, votre intention secrète était qu’on en fût privé jusqu’à nouvel ordre? Croyez-vous que la jouissance d’un droit reconnu et proclamé est un acte réservé au pouvoir législatif, qu’aucun individu ne peut se permetire sans devenir un usurpateur de la souveraineté? Entre le principe de la liberté et sa réalisation individuelle, y a-t-il d’autre intermédiaire à placer que la volonté de l’individu? On parle de détacher les conséquences du principe. Est-ce qu’une liberté peut être en principe, sans être en conséquence? Et de quoi jouiront les citoyens, quand vous leur dites qu’ils sont libres, si ce mest des conséquences de cette liberté, c’est-à-dire de la seule chose réelle, des applications du principe? (. Applaudissements.) Je ne croirai jamais que nos adversaires aient mûrement réfléchi aux raisonnements qu’ils nous opposent; ils seraient étonnés eux-mêmes des maximes inconstitutionnelles où ils nous conduisent. Car prétendraient-ils, par exemple, que chaque application d’un principe, chaque acte de liberté n’est permis qu’autant qu’il a été détaillé et nominativement énoncé dans une loi particulière? La liberté ne serait-elle, suivant eux, qu’un dépôt d’abstractions dont le législateur se serait réservé les clefs pour n’en laisser sortir que peu à peu et à son gré quelques par- (U8 |Aasemblée national a.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1791.] celles, suivant les circonstances? Si telle est la liberté que ces Messieurs veulent nous donner, elle ne valait pas la Révolution. ( Applaudissements .) Ce n’est pas le législateur, c’est le citoyen qui tient la clef de sa propre liberté, avec ïa seule obligation de ne jamais désobéir à la loi. (Applaudissements.) Si j’avais besoin d’appliquer ma pensée à un exemple, je prendrais le premier qui se présente. Il n’est pas brillant; mais il ne s’agit pas de comparer les degrés d’importance. 11 n’existe pas de loi particulière qui fixe la longueur de nos habits ou la forme de nos coiffures : la liberté dont nous usons en ce genre tient au principe le plus général, que hors la loi tout est permis, et que la loi ne s’occune que des actions qui nuisent au droit d'autrui. Si donc, armé de cette absence de loi particulière, on venait vous dire que vous n’avez pas le droit de déterminer la forme de l’habit ou de la coiffure que vous portez en public; que vous devez attendre que le législateur ait tiré du principe la conséquence que vous réclamez, à travers des intermédiaires plus ou moins longs... Je m’arrête; vous ririez de cette ridicule prétention ; et si vous aviez besoin que l’autorité tutélaire vînt à votre secours pour vous préserver de la rage de quelques fanatiques, sûrement vous ne trouveriez pas mauvais que les corps administratifs vous protégeassent de toute la force publique; sûrement vous ne leur reprocheriez, ni de tirer des conséquences trop éloignées d’un principe, ni d’empiéter sur le pouvoir législatif... Non, il n’est pas possible que l’on ait une idée nette de ce que l’on dit, quand on se permet des objections de cette nature. Peut-être, ajoutera-t-on, l’exercice de la liberté religieuse est plus susceptible qu’un autre de troubler l’ordre public. Je réponds que cette différence s’accroît malheureusement de tous les efforis que l’on oppose, dans cette Assemblée, à l’établissement d’une tolérance universelle. Je réponds que cette différence, telle qu’elle soit, prouve seulement que la police doit y veiller avec plus de soin. Eh ! ne voit-on pas qu’avec des observations de ce genre, on anéantirait peu à peu toutes les libertés ? Car, de l’une à l’autre, il serait aisé de leur trouver ou d’en faire sortir des inconvénients souvent très graves. Si la liberté des individus n’avait jamais de suites fâcheuses, nous n’aurions presque pas besoin d’un établissement public ; le Code civil et pénal se réduirait à rien. ( Applaudissements .) Lorsqu’une liberté est trop susceptible de sortir de ses limites, c’est au législateur à voir s’il la laissera subsister. S’il se tait, les magistrats, les administrateurs ont des fonctions plus pénibles à remplir; mais, quand ils s’y livrent avec zèle, doit-on troubler les assiduités et les détourner d’un travail essentiel, par des accusations légères ou irréfléchies ? On s’étonnera bien davantage des coups qu’on a voulu porter au directoire, si l’on daigne remarquer que ceux à qui nous avons affaire se montrent, d’ailleurs, extrêmement faciles sur la liberté générale des cultes. Ici percent leurs véritables motifs : il me serait pénible de les dévoiler ; mais puis-je ne pas faire sentir l’étrange contradiction qui se trouve entre leurs sentiments et ces reproches d’incompétence dont ils font tant de bruit. Quoll vous trouvez bon, je parle à nos adversaires, vous trouvez bon rétablissement de toutes les religions; vous nous invitez, sous main, à les favoriser ; vous pensez, à cet égard , que le directoire est très compétent pour leur donner protection et aide ; ce n’est qu’au moment où cette protection s’étendant sur tous, parvient à celui dont l’exercice blesse vos projets, que vous nous retirez toute faveur, que vous nous dénoncez, que nous sommes coupables à vos yeux ! Je ne crois pas qu’on ait jamais affiché une contradiction plus manifeste. ( Applaudissements .) Sans doute l’opinion publique de toutes le3 professions est mûre pour la liberté des cultes; (je parle du département de Paris) il n’est qu’une seule religion dont l’ignorance ou d’autres causes ( lus ou moins criminelles tentent encore de proscrire le libre exercice. Je ne doute point que le rapport qui vient de vous être fait, que la discussion qui suivra, ne soient très suffisants pour dissiper ce reste de ténébreuse malveillance; mais, dussiez-vous adopter d’autres idées; dussiez-vous, au lieu de favoriser les progrès de la raison, la soumettre vous-mêmes à des complots d’intolérance qui n’ont pu naître et se combiner que chez des nommes méprisables et méchants, il est certain que vous ne pouvez pas accueillir l’accusation d’incompétence relativement à la protection accordée aux chapelles particulières du culte romain, si vous n’apercevez pas, en même temps, cette incompétence dans la protection que le directoire accorde aux autres culte*. Si parmi les religions vous en distinguez une à laquelle vous vouliez retirer toute liberté, ayez soin de porter, à cet égard, une loi prohibitive très claire, très expresse ; car vous vous trompez si vous croyez qu’il existe en France une seule administration qui voulût se charger du rôle odieux de persécuteur. Vous pouvez être assurés que les directoires n’ont point envie de se mettre, à cet égard, en communion de sentiment avec votre comité ecclésiastique; ou, pour être plus exact, avec cette partie du comité ecclésiastique qui semble n’avoir vu, dans la Révolution, qu’une superbe occasion de relever l’importance théologique de Port -Royal et de faire enfin l’apothéose de Jansénius sur la tombe de se* ennemis. ( Applaudissements ). Eh 1 qu’il eût été plus convenable et plus doux de faire hommage de tant de sacrifices à la raison humaine et à l’intérêt général! Il faut, je le répète, il faut, si vous voulez excepter le culte romain de la liberté générale, que vous fassiez vous-mêmes cette loi d’exception ; sans cela, inutilement attendriez-vous que les directoires vous suppléassent. Ils savent très bien qu’ils se rendraient coupables en usurpant le pouvoir législatif; et s’ils venaient jamais à mériter ce reproche, il est extrêmement vraisemblable que ce ne serait pas pour renouveler sous vos yeux des lois dignes du quatorzième siècle. Je passe à celui des griefe qui a le plus alimenté l’éloquence de nos adversaires. Ils ont cherché à semer la défiance, à inspirer des craintes. L’e-prit d’indépendance, ont-ils dit, s'emparera des corps administratifs, chaque département se regardera comme un Etat à part; de là cette fédération républicaine, dont l’idée seule est devenue comme un objet d’épouvante. Nous sommes témoins que tous les partis se servent successivement et avec toute l’habileté possible, de cette accusation, comme d’un expédient très propre à jeter de la défaveur sur les opinions et les personnes qu’on a besoin de décrier. [ Assemblée nadooale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |7 mai 1791.1 Pour quiconque n'a pas perdu la mémoire, il reste démontré que ceux-là n'ont point voulu une république fédérative, qui ont proposé de diviser le royaume en 83 départements plutôt qu’en 9 à 10 grandes provinces. Cette unique remarque anéantit tous les soupçons. Pour quiconque sait examiner et juger, une simple assertion ne doit nas suffire pour motiver une accusation, alors même qu’on aurait eu l’adresse de ne lui présenter que les assertions les plus propres à réveiller sa défiance. En tout raisonnement, s’il suffisait de prouver, comme on dit, la majeure ou la première proposition, il n’est personne qu'on ne pût trouver, à son gré, innocent ou coupable. Tout le monde convient du reste que les départements ne doivent pas se permettre de faire des lois, qu’ils ne doivent pas viser à l’indépendance : ce n’est point là ce qu’il faut s’attacher à retourner de 20 manières. Prouvez la mineure ; montrez-nous que le directoire du département veut se rendre indépendant; montrez-nous comment ses moyens d’exécution sont de véritables lois, réservées, par leur nature, à la puissance législatrice. Mais ce point, le seul qu’il eût été necessaire de justifier a été mis à l’écart. Ceux qui connaissent la tactique des grandes assemblées prétendent que cette marche est souvent heureuse. Ils se sont aperçus, disent-ils, que lorsqu'on a entendu soutenir assez longtemps une opinion qui nous est chère, l’on devient d’autant moins difficile sur les conclusions; nous ne songeons plus qu’on a oublié de prouver la mineure. Je ne dirai point, Messieurs, qu’il soit impossible de changer la France en une république fédérative, car je connais deux moyens assurés pour arriver à ce but. Le premier est de donner au royaume un système d’administration où l’on n’ait su, ni classer, ni limiter les pouvoirs; où l’on n’ait point établi les véritables rapports, d’une part, avec les supérieurs, de l’autre, avec les administrés; où la multitude des roues et des agents superflus étouffe l’action utile, etc. C’est à vous à juger de la valeur du système administratif que vous avez imposé à la France. A cet égard comme à tout autre, je ne regretterai point d’avoir tenu deux langages, et je suis sûr qu’on finira par me pardonner mes vieilles plaintes. Mais si c’était dans la considération de vos décrets que vous puisez vos appréhensions, il serait assez juste d’ajouter qu’il y aurait une erreur de plus à inculper les corps administratifs. Le mécanicien ne doit pas s’en prendre à sa machine des irrégularités qui ne sont que son ouvrage. ( Applaudissements .) Le second moyeu assuré de transformer la monarchie en république fédérative, serait de nous conduire d’abord à l’anarchie. Deux causes peuvent produire cet effet parmi nous : la désobéissance des administrés, facilitée, favorisée, autorisée par l'insuffisance d’une force légale ou l’incertitude de son action, comme aussi par l’idée bizarre où sont beaucoup de gens oisifs, qu’à ce titre seul, et sans autre mission, ils peuvent partager activement tout s les fonctions politique'. Si ce désordre existait réellement, vous penseriez qu’il tient surtout aux vides qui se trouvent encore dans la Constitution, et vous en accuseriez peut-être le temps, qui vous a manqué, et non les directoires de département. La dernière cause, qui ne serait pas moins propre à nous plonger dans le chaos et l’anarchie, serait l’inaction de vos nouveaux corps administratifs. Qui de nous ignore que toutes les anciennes 649 administrations sont tombées, ou par vos suppressions, ou par la retraite, ou par les refus et la mauvaise volonté des anciens administrateurs? Qui de nous ignore que le chaos doit être l’effet inévitable de la suspension du service public dans ses principales parties? Il est donc nécessaire que la nouvelle administration se montre partout pour remplacer l’ancienne. Vous n’avez pas encore tout réglé : n’importe; que tous les départements, tous les districts se hâtent de soutenir un édifice qui ne peut s’écrouler sans les plus désastreuses calamités. Je veux que notre situation momentanée soit inévitable au moment d’une révolution, et avant que le nouvel ordre social puisse être parfaitement établi; mais si vous vous intéressez à l’établissement de la Constitution, prenez garde d’accuser l’empressement des corps administratifs ; c’est leur inaction qui est redoutable, et non pas leur zèle. Gardez-vous de ralentir l’action publique. Eh! ne voyez-vous pas qu’il existe 2 partis, qui, pour arriver, l’un a la dictature, l’autre à l’anarchie, voudraient rendre l’administration impossible ? Ne discernerez-vous pas d’où viennent les calomnies dont on cherche à couvrirtoutes lesautorités?quelssontleshommes qui, sous le voile, ou du mécontentement ou du patriotisme, osent ériger en principe qu’il ne faut cesser de décrier tous les corps dont la surveillance attentive peut seule garantir la sûreté générale? quels hommes semblent ne travailler qu’à provoquer la jalousie des commettants contre leurs délégués, à inspirer enfin au peuple une telle défiance, gu’il en vienne, dans fexcès de son égarement jusqu’à prendre ses défenseurs pour ses assassins, et ses assassins pour ses défenseurs? {Vifs applaudissements.) Certes, ceux-là vous trompent, qui vous empêchent d’apercevoir le plus grand danger que la Constitution ait eu à courir, là ou il est, dans le chaos qui résulterait à coup sûr du dégoût et du découragement où l’on s’efforce de jeier les directoires des départements et des districts. La position des magistrats, des administrateurs, est bien différente aujourd’hui de ce qu’elle sera dans quelques années, lorsque la machine politique ordonnée suivant ses véritables lois, aura toute énergie dans ses mouvements. Alors le sentiment ou devoir suffira sans doute de la part de l’administrateur. Aujourd’hui, qui ne voit que le zèle, que la vertu la plus active ne sont pas de trop, pour contenir les nombreux éléments de désordre qui nous environnent ? Ceux-là vous trompent, qui voudraient vous insinuer que, placés au milieu de tous les embarras, les délégués du peuple ne cherchent pas à h-s vaincre; qu’ils n’attendent pas avec avidité toutes vos lois pour y trouver un remède aux maux publics, ou qu’iis négligent de le chercher dans celles que vous avez déjà faites. Vous qui craignez la fédération républicaine des départements, ne laissez pas introduire l’anarchie. Au lieu de réprimer les prétendues hardiesses des mandataires publics, exigez au contraire, commandez la plus grande activité pour l’exécution de vos lois; commandez aux corps administratifs de ne point répugner aux mesures foi tes et vigoureuses ; qu’ils soient plutôt courageux que timides; et lorsque l’ordre public troublé en fait un devoir, lorsque toutes les parties de l’établissement politique sont au moment de se désorganiser, ne trouvez pas mauvais qu’ils prennent avec prompitude des mesures I QMk lAuemblM ültionalé.] AACBITKfl PAKUMËMTAIIiK�. [l mai ITOi.) rovisoires pour sauver 16 chose publique, en (tendant que la main du législateur ait définitivement réglé toutes les parties de l’ordre social. A cette condition, nous pourrons espérer d’éviter les horreurs du chaos et de l’anarchie, et par conséquent, aussi, eette fédération républicaine que vous semblés redouter avant tout, et qui, j'ose le dire, au lieu d’être ie dernier terme du mal, en deviendrait alors le vrai remède. (Ap* plaudissements.) Bn adoptant le projet de décret du comité, je crois qu’il serait bon d’y ajouter pour article premier, la disposition Suivante, parce qu’il me paraît que le rapport ayant été déterminé par une dénonciation, on ne peut se dispenser d’arranger le décret dans cette supposition ! • L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur l’arrêté du directoire du département de Paris, en date du 11 avril, déclare que les principes de liberté religieuse qui l’ont dicté, sont les mêmes Su’elle a reconnus et proclamés dans sa déclara-on des droits, et renvoie, pour les mesures d’exécution, aux administrations de départe ment et de district. » ( Vifs applaudissements.) (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. l’abbé Sieyès.) M, Lanjalttais (1). Il faut honorer sans doute les corps administratifs : il faut «ans doute les excuser quand leur zèle les emporte au delà des ‘ustes bornes; mais il est important à la cause de a liberté de ne pas consacrer, par un décret du Corps législatif, les actes de ces corps lorsque, dans leurs dispositions, ils sont directement contraires à vos aécrets. 11 faut ici, Messieurs, fixer votre attention sur un grand danger qu’on a voulu pallier, mais qui exisie réellement, sur l’exercice du pouvoir législatif que s’arrogent les Corps administraiifs, je veux dire l’inliiative. Vous connaissez l’arrêté du département de Paris, tin autre a prononcé un exil contre les prêtres qui ne prêteraient pas le serment, un autre encore a défendu aux religieux d’user l’habit de leur ordre. Quelles sont les limites de l’autorité des corps administratifs ? 11 doit leur être défendu de faire rien de contraire à la loi, de rien décréter sur des objets qui ne sont pas encore des lois. (Murmures.) Que propose le comité auquel vous avez renvoyé l’arrêté du directoire du département de Paris, c’est-à-dire les deux membres qui ont eux-mêmes fait cet arrêté ? Ils proposent de décréter l’exécution de cet arrêté dans l’étendue du département de Paris. D’abord Vous vous êtes fait la loi de ne rien décrète? de particulier pour un département. La loi doit être une; elle doit exister également pour tout le royaume. Plusieurs membres : Oui ! oui 1 MXânjalnaU. Dé plus, vous ne pouvez donner à personne l’initiative Jevo6 lois. Vous avez demandé au comité, non le règlement d’un corps administratif, mais une loi; la lot doit sortir tout entière du Corps législatif. Permeitez-moi quelques observations sur la question religieuse. Le département de Paris vous a dit : Nous avons loué l'église des Théatins pour exercer le eu fie des catholiques non conformistes ; (1) Le discours do M. Loajuinais est incomplet au Moniteur. nous avons fait cela pour que les non conformistes n’aillent pas dans des greniers, dans des Caves; ainsi tout étant connu, leur conduite étant au grand jour, il n’y aura point de danger. — Voilà la logique de la semaine passée; voici celle d aujourd’hui ; ou dit aujourd'hui : L’église due nous leur louerons sera un lieu fermé, une espèce de club ouvert seulement aux actionnaires ; ce n’est donc pas même un culte public que nous prétendons vous demander, c’est la liberté de penser. — Assurément cette explication d’aujourd’hui, quoique appuyée de grands efforts de raisonnement, est bien directement contraire à ce que le même opinant vous disait dans cette tribune, il y a peu de jours; elle ne peut être admise. Il y a évidemment dans la doctrine du département et dans sa nouvelle législation deux sortes d’églises publiques, des églises appartenant à la nation et des églises ne lui appartenant pas. (Murmures.) Examinons si cette expression : un culte quelconque , n’a pas quelque chose d’alarmant, même pour les latitudinaires en fait d’exercice religieux. Ce n’est pas seulement dans l’antiquité qu'on a connu un culte que je n’indiquerai qu’en nommant la déesse qui y préside, le culte de Vénus (Rire général.) \ ce culte-là pourrait être renouvelé par certains philosophes ou plutôt antiphtlo-sophee ; et cet Inconvénient exige que l’expression de votre décret soit claire ét que ces mots : un culte quelconque soient expliqués. Il faut que le culte soit connu et approuvé par la police; il faut donc dire dans l’article: « un culte religieux quelconque approuvé pur la police ». La question s Vstélevêe il y a quelque temps dans cette Assemblée de savoir si l’on décréterait que le culte catholique serait le seul culte public en France. Et alors vous avez dit précisément le contraire de ce qu’a dit le département. Il est donc législateur? Plusieurs membres : Ce n’est pas vrai ! M. Lanjuinais. Je sais bien ce que plusieurs personnes auraient voulu dire; mais je sais bien aussi ce que l’Assemblée a dit; elle a dit qu’elle ne pouvait pas délibérer. Le directoire fait ce que l’Assemblée n’a pas voulu faire; il a rédigé son arrêté avec une telle négligence — ce qui vient de ce que les circonstances étaient pressantes — qu’on ne sait pas s’il a bien compris la matière qu’il traitait; il a dit, par une proposition négative universelle, et on connaît le danger des propositions négatives universelles, comme celui des propositions universelles affirmatives; il a dit qu’il n’y aurait d’excepté que les églises paroissiales. Vous avez décrété, par exemple, la conservation de l’église de Saint-Louis comme succursale. Plusieurs membres: Aux voixl aux voix! M. lianjuinais. Il est donc certain que le département n’a pas bien examiné la matière sur laquelle il travaillait. Je dis donc que le directoire a attaqué V03 lois. (Murmures.) Je demande la même liberté d’opinion que les préopinants. Je dis donc que l’arrêté du directoire porte atteinte au pouvoir législatif, et que d’ailleurs il est rédigé de manière à ne pouvoir obtenir les honneurs d’une loi. On a également contrarié vos décrets par Une disposition relative aux religieuses. [Assemblé* nationale.] AftCtttTE» PARLKüteNTÀtllfeS. [7 tftifl ITM.) M{ Plusieurs membres .* Aux voix ! aux VOiX ! M. Lanjulnais. Ne me sommez donc pas de donner des preuves, si vous ne voulez pas les en* tendre. Cet arrêté est encore contraire à vos décrets en d'autres points. Vous avez décrété constitutionnellement qu’il ne serait pas créé d’officiers publics sans un décret du Corps législatif et vous avez appliqué cette loi particulièrement aux paroisses; cependant ce directoire crée des officiers publics et il vous propose une exception qu’il regarde nécessaire pour que les ecclésiastiques non assermentés puissent célébrer la messe dans les églises parios-iales. Voyez où aboutirait cette loi. Si vous admettez cette exception, la loi du serment qui nous a coûté tant de troubles, tant d’embarras, tant de millions et surtout tant d’angoisses (Applaudissements à droite.), cette loi n’aura servi à rien ; cette exception n’aboutira qu’à restreindre, qu’à gêner voire liberté. D’autre port, dans la circonscription des paroisses, votre comité a eu égard à différentes remontrances qui lui ont été faites. Les corps administratifs vous ont dit: Nous avons dans notre voisinage tel monastère qui servira dans notre arrondissement; laissez-oous-le, sinon donnez-nous un oratoire. — Vous avez dit que ces oratoires seraient publics; l’arrêté dit qu’ils seront fermés. L’arrêté est encore contraire à loi du 26 mars, en ce qu’il doit aux maisons religieuses la jouissance de leurs églises. (Murmures.) J’aurais encore bien d’autres observations de cetie nature à vous présenter, mais je veux bien finir. Je demande donc que l’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer s ir le projet de décret que lui présente son comité de Constitution; il faut demander à ce comité un projet, s’il le croit nécessaire, mais regarder comme non avenu l'arrêté du département de Paris, sauf à prendre des précautions générales, s’il y a lieu. (Murmures.) M. d’André. Comme je ne crois pas que l’opinion du préopinant ait détruit l’impression du discours éloquent de M. Je rapporteur et de la démonstration géométrique de M. l’abbé Sieyès, je serai très court. Le préopinant a cru mettre l'Assemblée dans l’embarras en plaçant dans la mê ae catégorie le directoire du département de Paris et les autres directoires qui ont fait des actes contraires à la liberté et il vous a dit qu’on ne pouvait pas accorder d’initiative aux départements. Or je supplie l’Assemblée de se rappeler qu’il ne s’agit pas ici d’initiative. Le département a rendu un arrêté; cet arrêté a été dénoncé à l’Assemblée comme contraire, comme attentatoire à la liberté ; ce n’est donc pas une initiative qu’a eue le département. Il faut examiner en deux mots si cet arrêté est conforme à la Constitution ou s’il ne l’est pas ; sur ce, voici comme je raisonne. Votre Constitution repose sur la liberté ; la liberté consiste, d’après votre définition, à faire ou à pouvoir faire tout ce que les lois ne défendent pas ; les corps administratifs, qui sont établis pour soutenir la Constitution, sont aussi établis Ïiour défendre notre liberté ; les corps adminis-ratifs doivent donc protéger tout citoyen qui fait ce qui n’est pas défendu par la loi. Est-il défendu par la loi de se réunir pour professer un culte quelconque? Non, Messieurs ; non seulement cela n’est pas défendu par la loi; mais c’en expressément permis. Le départemeut de P&rig, en accordant une protection, n’a dono fait que Bè renfermer dans la loi ; s’il avait fait autrement. il aurait été parjure ; il n’a donc fait que oé qu’il avait à faire. D’après cette seule observation, je demande que ce soit le projet de M. l’abbé Sieyès qui ait la priorité, parce que ce projet est conforme aux principes. Le projet de M. l’abbé Sieyès intervient dans une dénonciation qui a été faite de l'arrêté du directoire ; ce projet déclare que le directoire B’est renfermé dans les principes de la déclaration des droits ; par conséquent, ce projet doit être adopté. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. l’abbé Couturier. Je ne me permettrai aucune réflexion sur la complaisance de M. le rapporteur, qui, attaché par état au sanctuaire, n’hésiie point à prêter sou ministère à un rapport aussi contrastant avec son caractère. Assez d’autres, sans moi, feront des réflexions Bür ce sujet. (Murmures prolongés.) Plusieurs membres : A l’ordre ! à l’ordre I M. Talleyrand - Périgord , rapporteur . Gomme je n’ai rien avancé qui fût inuiguô dé mon caractère, et que je n’ai parlé d’ailleurs qu’au nom du comité de Constitution, je demande que M. l’abbé Couturier soit entendu sans interruptions. (Applaudissements.) M. l’abbé Couturier (1). J’ai l’honneur de prévenir l’Assemblée nationale, que je Ue parle point ici contre un projet de décret qui est rendu, mais contre un projet de décret qui lui est présenté : or, tant que le décret n’est pas rendu, et qu’il n’est que projet, il est permis à chacun des membres de l’Assemblée de le combattre par les moyens qu’il jugera à propos. Pusieurs membres: Oui ! oui ! M. l’abbé Couturier. Si le décret était porté, je saurais ce que je devrais penser, mais ie saurais me taire. Je parle contre l’article 11 de l’arrêté du département de Paris, du 11 avril 1791, lequel article est adopté par votre comité de Constitution, et conçu en ces termes: « Tout édifice, ou partie d’édilice, que des particuliers voudront destiner à réunir un grand nombre d’individus pour l’exercice d’un culte religieux quelconque, portera sur la principale porte extérieure Une inscription pour indiquer son usage, etc...» C’était peu à peu qu’on préparait les esprits pour Jes amener au but qu’on s’était proposé ; le moment est enfin arrivé ; on lève hardiment le masque. C’est maintenant qu’en termes formels on vous propose d’établir, pour me servir des paroles ae l’Ecriture sainte, on vous propose d’établir l’abomination de la désolation dans le lieu saint. (Murmures et rires ironiques à gauthe.) Il est étonnant, Messieurs, que, dans une assemblée où se trouvent réunies tant de lumières, on se permette des murmures et des huées, lorsqu’on vous cite les propres paroles de l’Ecriturê (1) Lo discours de M, l’abbé Couturier n’a pas ét£ inséré au Moniteur. 682 (Assemblée nationale� ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |7 mai 1791.] sainte, et dans le sens même dans lequel elles ont été proférées. Messieurs les militaires citent les ordonnances militaires ; Messieurs les jurisconsultes citent le Code et le Digeste , et Barthole et Cujas ; ne me serait-il pas permis de citer l’Bcriture sainte, qui est ma loi et qui est aussi la vôtre? Un membre à gauche : Malouet. (Rires.) M. l’abbé Couturier. Non, ma loi qui est aussi la vôtre. On vous propose donc d’établir l’abomination de la désolation dans le lieu saint, 8our me servir du langage de l’Ecriture. (Rires.) n vous propose donc aujourd’hui de permettre par un décret formel d’établir dans nos ci-devant églises toutes sortes de cultes, un culte quelconque ; de les convertir en mosquées, en synagogues, en temples de luthériens, d’anabaptistes, en pa-odes (Rires prolongés .), où les Arméniens, les hinois, les Turcs et les Persans viendront adorer leurs fausses divinités. Généreux fondateurs qui avez consacré une partie considérable de votre fortune pour ériger des temples au seul et vrai Dieu, pouviez-vous prévoir que ces maisons de Dieu seraient un jour converties en temples de Baal? Tel est cependant le décret qu’on sollicite aujourd’hui de l’Assemblée nationale. Eh ! Messieurs, quels effrayants et funestes progrès n’ont pas faits les idées depuis dix-huit mois 1 S’il y a deux ans, quelqu’un eût osé vous proposer de convertir, par un décret, une église, une seule église, en une mosquée, ou en un temple de protestants, n’eussiez-vous pas rejeté avec indignation une pareille proposition? Plusieurs membres : Non ! non ! M. l’abbé Couturier. Vous l’eussiez qualifié d'impie; faut-il donc que nous nous familiarisions tellement avec les nouvelles idées, que nous entendions avec indifférence des orateurs demander que de pareils projets soient adoptés, déclarés dignes d’éloges, comme renfermant les principes de la plus saine philosophie, et envoyés aux 82 autres départements pour leur servir de modèle. Est-ce donc ainsi qu’on vous propose de marquer par les faits ce respect si vanté pour la religion de nos pères; si connu, si public, que d’en faire un sujet de délibération, c’eût été l’affaiblir? Est-ce ainsi qu’on vous propose de prouver par les faits, que l’attachement ae l’Assemblée nationale au culte catholique, apostolique et romain, ne saurait être mis en doute? (Murmures.) Est-ce ainsi qu’on prétend faire briller la religion de tout réclat de sa pureté primitive, comme on ne cesse de nous le répéter? Voici, dit-on, tous les jours, voici le vrai triomphe de la religion ! Le triomphe de la religion, c'était lorsque les temples des fausses divinités étaient convertis en temples du vrai Dieu ; lorsque le Panthéon, cet édifice si célèbre, par un assemblage monstrueux de tous les cultes, dépouillé de ses idoles qui étaient brisées, de ses autels qui étaient renversés, lorsque le Panthéon, dis-je, ce réceptacle de toutes les erreurs, de toutes les idolâtries, a été consacré au vrai Dieu, au Dieu vivant, au Dieu de nos pères ; mais ici on vous propose d’enrichir l’erreur et l'idolâtrie des dépouilles, je dirais même d'\s débris de notre sainte religion ; et ou osera nous dire après cela que c’e3t ici le momeut de son triomphe ! (Murmures.) Messieurs, je parle avec franchise; si j’étais coupable d’un infâme machiavélisme; si j’étais ennemi de la Constitution, je dirais : Adoptez les projets de décret qu’on vous propose, comblez la mesure qui vous est présentée. (Je vous prie, Messieurs, de vous rappeler que je parle seulement contre un projet de décret, et non contre un décret déjà rendu.) Quel avantage ne donnerez-vous pas à vos ennemis? Quelle occasion ne leur fournirez-vous pas d’accuser l’esprit qui aurait dicté un pareil décret? Ne craignez pas, Messieurs, que le peuple, revenant un jour de cet enthousiasme dans lequel on a cherché à l’égarer ; ce peuple pressé, entassé dans le peu d’églises qu’on lui conserve, n’y trouvant ni la tranquillité, ni le silence nécessaires au recueillement et à la prière, ne fasse de tristes réflexions sur ce qui s’opère aujourd’hui. Que pensera-t-il lorsqu’il verra ces anciennes églir-es où il allait satisfaire à ses devoirs de religion, et dans les mouvements d’une remière ferveur, épancher son âme devant le eigueur ? Que pensera-t-il lorsqu’il les verra converties en temples des idoles? Que dira-t-il, lorsqu’il verra profaner, par des sacrifices impurs, ces autels sur lesquels a été immolée la victime sainte, ces chaires de vérité d’où il recevait des leçons de vertu, lorsqu’il les verra converties en chaires de pestilence; ne craignez-vous pa* que, se rappelant alors celte antique vénération pour la religion de ses pères, il ne charge de malédictions ceux qui auront osé profaner des temples, et porter des mains sacrilèges sur des autels qu’il avait appris à respecter dès sa plus tendre enfance? S’il était encore permis d’invoquer les cahiers, je demanderais quels sont ceux qui sollicitent l’admission de tous les cultes ; y en a-t-il aucun? Et s’il y en a, de quelle part viennent-ils? Si le projet de décret venait à être adopté tel qu’il vous est présenté, que nous resterait-il à faire, Messieurs ? Il ne nous resterait plus que celte dernière ressource, que notre Seigneur nous présente dans son Evangile, lorsqu’il annonce les malheurs qui sont prêts à fondre sur un peuple incrédule et rebelle ; je ne craindrai pas de vous rappeler une seconde fois ses propres paroles, lorsque vous verrez l’abomination de la désolation (Rires.) établie dans le lieu saint, qui in Judœâ sunt fugiant ad montes : fuyez ces contrées jadis 6i chrétiennes, où l’on ne connaissait qu’un seul et vrai culte ; fuyez ces contrées maintenant malheureuses, dans lesquelles on veut allier le culte du vrai Dieu au culte de Baal (Murmures.), fugiant ad montes : allez chercher votre salut et pratiquer votre religion au delà des monts, pour n’être pas les tristes témoins de la prolanation de vos temples, et du renversement de vos autels. (Rires ironiques à gauche.) Je conclus : 1° à ce que cet article soit rejeté; 2° à ce que MM. du directoire du département de Paris, qui ont osé le présenter soient mandés à la barre de l’Assemblée nationale ..... Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! oui ! M. l’abbé Contnrier ..... , et réprimandés par M. le Président ; 3° enfin à ce que Messieurs du comité de Constitution qui l’ont adopté soient rappelés à l’ordre et censurés. Il est de l’honneur de l’Assemblée nationale; il est de l’intérêt de la Constitution de m’accorder ma demande. )Rires et applaudissements ironiques à gauche.) [As semblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [7 mai 1791.] 653 Plusieurs membres (i ironiquement ) : L'impression! M. Lucas. Je prie l’Assemblée de se rappeler que celui qui nous parle aujourd'hui d’abomination et de déflation est celui qui nous a dit qu’il fallait sacrer les nouveaux évêques dans les synagogues. M. Trellhard. Je suis loin de combattre les principes éternels, posés avec tant d’éloquence et de sagacité par M. le rapporteur. Je crois aussi que, dans uneAssemblée comme la vôtre, il serait superllu de les défendre. Je propose seulement une addition qui fera sentir pour quel motif je demande la priorité pour le plan du comité. Quelques personnes ont été alarmées de voir empêcher les prêtres non assermentés de dire la messe daus les églises paroissiales. Je demande qu’à ces mots : églises paroissiales , on ajoute les mots : églises , succursales et oratoires nationaux. Le motif qui me détermine à demander la priorité pour le projet du comité, c’est que celui de M. l’abbé Sieyès laisserait quelques inquiétudes. Je demande de plus que la discussion soit fermée. (L’Assemblée ferme la discussion.) M. Lanjuinais. Je demande que l’Assemblée s’explique, et dise si elle se fera présenter un projet de loi à la place de l’arrêté du directoire. M. Brlols-Beaumetz. Plusieurs personnes demandent que l’article proposé par M. l’abbé Sieyès soit placé à la tête du projet du comité ; il est utile que l’Assemblée , en reconnaissant que l’arrêté du Directoire est conforme à la déclaration des droits, invite tous les citoyens à s’y conformer. M. l’abbé Sieyès. Je ne vois pas d’inconvénients à ce que l’on adopte l’amendement proposé par M. Treilhard. Dans ce moment-ci même, voilà des Messieurs très bien instruits qui nous assurent qu’il y a dans les églises de Paris plus de vingt prêtres non assermentés qui disent la messe. L’arrêté du directoire n’exclut pas les prêtres qui n’ont pas prêté le serment; il dit seulement qu’on ne recevra pour dire la messe que des hommes qui seront prêtres. (Murmures.) M. GoupII-Préfeln. Je demande la priorité pour le projet du comité. (L’Assemblée accorde la priorité au projet du comité.) Plusieurs membres : Mettez le projet de M. l’abbé Siéyès dans l’article premier. M . Talleyrand - Périgord , rapporteur . Cela se peut très aisément; voici, avec le projet de M. l’abbé Sieyès et l’amendement de M. Treil-hard, comment le décret serait conçu : Art. 1er. « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur l’arrêté du 11 avril, du directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse qui l’ont dicté, sont les mêmes que ceux qu’elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits; et en conséquence décrète que le défaut de prestation du serment, prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église paroi-siale, succursale et oratoire national, seulement pour y dire la messe. Art. 2. « Les édifices consacrés à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l’inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu’il y aura été fait quelques discours contenant des provocations directes contre la Constitution et en partie contre la constitution civile du clergé; l’auteur du discours sera, à la requête de l’accusateur public, poursuivi criminellement devant les tribunaux comme perturbateur du repos public. ■ (Ce décret est adopté.) (La partie droite ne prend pas de part à la délibération.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de ce soir et invite les membres de l’Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination d’un président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉ B NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. REWBELL. Séance du samedi 7 mai 1791, ou soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Civray , qui, dès l’instant de sa formation, présente à l’Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévouement. Adresse de la société des amis de la Constitution du district d’Orange , qui dénonce la violation du territoire français par les Comtadins. Plusieurs membres : Le renvoi aux comités chargés de l’affaire d’Avignon. M. de Folleville. Cette adresse tend à inculper les corps administratifs de ce pays-là. (Interruptions.) M. l’abbé Maury. Il n’y a plus à faire autre chose, relativement à Avignon, que de poursuivre devant les tribunaux M. Bouche comme calomniateur. M. Bouche. Monsieur l’abbé Maury, je vous attends. M. l’abbé Maury s’avance vers M. Bouché. A gauche: A votre place, Monsieur l’abbé! A droite : Est-ce que sa place n’est pas partout dans l’Assemblée? (L’Assemblée décrète le renvoi de l’adresse de (1) Celte séance est incomplète au Moniteur.