154 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2-1 septembre 1791.] avec la plus grande activité. Ou me remettra les cloches en morceaux, dont le plus fort ne devra point excéder le.poids de 20 livres. Je me servirai des fourneaux et des coupoirs qui sont dans les hôiels des monnaies. Il faudra seulement me servir des moules. Les pièces qui proviendront de ma fabrication seront, pour le moins, aussi belles que celles qui se fabriquent auxBarnabites. Et je me garderai bien, Messieurs, d’en altérer la valeur intrinsèque, en ajoutant à la matière des cloches, du cuivre jaune. « Quoique j’eusse eu l’honneur de vous proposer, dans mon dernier mémoire, d’adjuger cette fabrication au rabaisse n’ai point balancé àfaire depuis, au ministre, la proposition que je viens de vous renouveler. En voici le motif: d abord je défie que qui que ce soit se charge de cette fabrication pour le même prix et aux mêmes conditions, et jose avancer qu’aucun des protégés que j’ai désignés, ne fera à l’adjudication, si vous en ordonnez une, des offres aussi avantageuses de 3 sols par livre pour la nation, surtout. Messieurs, si vous décrétez que les adjudicataires ne pourront, sous aucun prétexte, réclamer aucune indemnité. A laquelle condition je me soumets moi-même sans balancer. « Ma proposition tranchait donc toutes les difficultés, et remplissait votre but, et celui de la nation, qui est d’avoir promptement et en abondance de la basse monnaie. Voilà, pourquoi, Messieurs, je me suis hâté de la faire. * Le ministre a, selon son usage, dédaigné cette dernière proposition ; il aurait cependant dû considérer qu’il résultait deux grands avantages de l’économie que je lui offrais, car d’abord il en coûtera à la nation peut-être plusieurs millions de moins pour les frais de fabrication; et ensuite, s’il arrive que la quantité de cette monnaie soit surabondante dans la suite, la rétraction d’une partie sera moins onéreuse pour la nation. Mais qu’a fait le ministre depuis que je lui ai fait cette offre? Bien loin de s’y arrêter, il ne s’est occupé que d’envoyer dans différents endroits, des personnes pour établir des ateliers et y opérer, quoiqu’il vous eût écrit, il n’y a pas longtemps, qu’il serait en état de faire procéder incessamment à l’adjudication de cette fabrication. Il faut établir des moutons pour frapper les nouveaux sous, tandis que les balanciers des hôtels des monnaies frapperaient toutes les 24 heures pour 300,000 livres de cette monnaie en pièces de 2 sols, si on pouvait les leur fournir. Les dépenses que le ministre fait faire pour cette fabrication sont donc, Messieurs, en pure perte pour l’Etat ; terminez tout ce tripotage suspect pour les intérêts de la nation, en adoptant ma proposition. « Je ne demande, Messieurs, qu’à vous donner des preuves de mon zèle et de mon activité. Donnez des ordres pour qu’on transporte incessamment du cuivre dans les monnaies et qu’on procède à une adjudication en règle, pour la descente des cloches. Et bientôt en envoyant dans chaque hôtel des monnaies des personnes qui y mettront en usage les procédés que je leur indiquerai, et sous la surveillance qui est déjà établie, je ferai cesser presque en même temps dans tout l’Empire la pénurie de la basse monnaie, dont la continuation ne peut qu’être funeste au bien que vous nous avez fait. « Ne vous en rapportez plus au ministre, Messieurs, il vous a assez trompés, ainsi que la nation. Gela ne suffit-il pas, pour que vous et elle lui refusiez votre confiance ? Je dis plus, faut-il que les ministres aient attenté à la liberté individuelle, violé les propriétés, livré nos places fortes et dissipé de nouveau nos finances, pour mettre en vigueur la loi de la responsabilité ? Cette loi qui, en mettant les citoyens à l’abri des coups de l’autorité ministérielle, a acquis tant de partisans à la Révolution ; cette loi, qui semble dispenser même du courage, ceux qui vomiront et seront fondés à dénoncer les ministres prévaricateurs ; et enfin cette loi dont l’exercice et la sévérité peuvent seuls nous garantir de retomber dans l’abîme d’où votre sagesse et votre courage nous ont tirés ! « Si on laisse faire les ministres, Messieurs, ils parviendront bientôt à faire détester le nouveau régime autant que l’ancien. Bientôt les bases de i’é iifice que vous avez construit seront ébranlées ; bientôt l’arbre de la liberté ne sera plus qu’un frêle arbrisseau que le despotisme commencera par faire fléchir, et finira par arracher. « Les abus ne sont pas détruits, Messieurs, ou du moins ils renaissent; eux seuls, si vous les tolérez, peuvent ternir votre gloire ; eux seuls, si vous les réprimez, peuvent rendre vos noms à jamais chers à la patrie. « Excusez ma rudesse, Messieurs, je parle le langage de la liberté. Et j’espère que vous louerez, ainsi que tous les bons citoyens, la fermeté et la franchise qui régnent dans mes observations. « L’intérêt public a droit d’attendre de vous une nouvelle preuve de votre zèle, pour tout ce qui le concerne. « Daignez donc prendre en considération l’offre que j'ai l’honneur de vous faire, pour la fabrication de la monnaie des cloches. Ma proposition ne compromet en rien les intérêts de la nation ; et elle remplit parfaitement vos vues. « Faites aussi éclater votre justice envers les ci-devant juges gardes des monnaies. La plupart d’entre eux sont pères de famille. Si, pour excuser leur expulsion, on ose vous dire que leur probité était suspecte, reprochez à votre comité monétaire de vous avoir fait adopter des moyens� de surveillance vicieuse, puisqu’ils peuvent être éludés par la cupidité. Et vous ajouterez à la gloire que vous vous êtes acquise en régénérant ce vaste Empire. « Signé : Soüton. » (Cette lecture est fréquemment interrompue par des exclamations et des rires.) M. d’André. Messieurs, un courrier arrivé du département des Bouches-du-Rhône a apporté des nouvelles très importantes; la députation s’est assemblée aussitôt; elle pense que les circonstances exigent des mesures très promptes. Je demande donc à l’Assemblée de renvoyer sur-le-champ au comité des rapports pour demain matin présenter un rapport sur cette affaire. Plusieurs membres : De quoi s’agit-il? M. d’André. Gela est bien facile à dire. Vous vous rappelez, Messieurs, qu’un arrêté du département des Bouehes-du-Rhône avait ordonné le désarmement de la ville d’Arles. Vous renvoyâtes cet arrêté au pouvoir exécutif, qui prit les mesures convenables; mais, avant que ces mesures fussent exécutées, le département avait déjà donné suite à son arrêté. Le corps électoral s’en est mêlé depuis ; il s’est déclaré assemblée permanente; il a envoyé 14 députations consécutives [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1791.] {55 au département sur le désarmement de la ville d’Arles. Vous voyez qu’il est important d’y remédier bien vite* (L’Assemblée, consultée, décrète le renvoi au comité des rapports en lui ordonnant de faire son rapport demain.) M. le Président fait lecture d’une lettre de MM. les membres de la commission des monnaies par laquelle ils lui envoient un mémoire en réponse à la dénonciation de M. Souton et dont ils le prient de donner lecture à l'Assemblée immédiatement après cette dénonciation. Voix diverses : Lisez! lisez! Non! non! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il sera fait lecture de ce mémoire.) M. Darche, secrétaire , fait lecture de ce document, ainsi conçu : Eclaircisseménts présentés à V Assemblée nationale par la commission des monnaies sur les dénonciations de M. Souton1 directeur de la monnaie de Pau. « Messieurs, « La commission des monnaies, instituée par l’Assemblée nationale et nommée par le roi, a vu avec reconnaissance, dans les décrets de son établissement, l’obligation de rendre compte de ses travaux aux représentants de la nation, à des époques déterminées : elle était assurée qu’en méritant leurs suffrages, elle fixerait l’opinion publique sur l’utilité de son institution. « Ses premières occupations ont été d’exécuter vos décrets; et c’est au commencement de ses travaux qu’elle est attaquée par un directeur des monnaies. Pour vous mettre à portée de juger du mérite des inculpations de M. Souton, il est peut-être nécessaire de remonter à l’époque où il fut question d’employer le métal des cloches à faire de la monnaie moulée. Nous ne vous offrirons, Messieurs, qu’une suite de faits dont vous reconnaîtrez facilement l’exactitude : heureux que cette circonstance nous procure l’honneur de vous offrir l’hommage de notre respect et de notre dévouement à la patrie et à la loi; plus heureux encore si notre conduite obtient votre approbation. « La commission des monnaies, Messieurs, n’avait encore manifesté de vœu en faveur d’aucune des propositions qui vous étaient faites pour employer le métal des cloches à la fabrication des monnaies, lorsque vous rendîtes le décret du 25 juin qui ordonnait que ce métal serait fondu et converti en monnaie moulée; elle s’occupait sans relâche, à cette époque, des expériences qui lui avaient paru nécessaires pour constater les avantages ou les inconvénients de cette monnaie; pour connaître le degré de célérité et d’économie dont sa fabrication était susceptible. Un de ses membres avait annoncé sur cette matière une opinion très formée, et la commission avait ordonné l’impression de son rapport pour s’éclairer et éclairer l’Assemblée nationale, en livrant cette opinion au choc de la critique et de la discussion. Franpés des avantages que cette opération semblait promettre, vous accueillîtes, Messieurs, cette opinion ; et tandis que votre comité et la commission ne se croyant pas encore suffisamment éclairés, différaient de vous proposer une décision, le désir pressant de satisfaire aux besoins publics vous la fit adopter. « Il n’était plus possible de s’occuper d’aucune autre proposition, et la commission n’avait qu’à préparer les moyens d’exécuter la loi. Elle dis* posait avec ta plus grande activité un atelier qui pût servir de modèle et de règle à tous ceux qui voudraient entreprendre cette fabrication et lui faire connaître à elle-même les conditions et les charges qu’il convenait d’imposer aux adjudicataires. Déjà les principales dispositions étaient achevées ; mais les coins manquaient, et le graveur général n’était point encore nommé ; pendant ce temps, l’opinion publique parut s’inquiéter sur la nouvelle monnaie que vous aviez adoptée; elle n’était point encore fabriquée et de toutes parts on se hâtait de la décrier. « Vous le sentîtes, Messieurs, il était nécessaire d’écarter le discrédit que l’on cherchait à jeter sur la nouvelle monnaie, et la commission, empressée de concourir à vos vues, fit constater, par des expériences multipliées, les moyens les plus faciles et les plus avantageux d’employer le métal des cloches, en l’alliant à une proportion de cuivre suffisante pour le mettre en état de recevoir la pression du balancier. Ces nouvelles expériences dans lesquelles le métal des cloches a été allié d’un sixième, d’un cinquième, d’un quart, d’un tiers et de moitié de cuivre pur, ont convaincu la commission que, pour rendre la fabrication plus facile et plus sûre, il fallait porter dans cet alliage la proportion de cuivre pur jusqu’à la moitié du mélange. « Vous avez adopté, Messieurs, ce dernier procédé par votre décret du 3 août, et vous avez reconnu qu’il vous offrait un moyen de tirer un parti beaucoup plus avantageux de la matière des cloches, puisqu’en soumettant cette monnaie à l’action du balancier, vous pouviez, sans craindre la contrefaçon, doubler presque la valeur que vous lui aviez donnée par votre décret du 25 juin, et eu diminuer considérablement le volume. La commission atteste ici tous les artistes et les citoyens même qui, sans connaître les procédés de l’art, ont cru pouvoir proposer quelques vues utiles, et elle ne craint point d’être démentie en assurant qu’elle a accueilli avec reconnaissance toutes les lumières qui lui ont été offertes. M. Souton se plaint de n’avoir pas reçu de la commission toutes les facilités que méritait l’importance de ces projets et lui reproche ainsi qu’à votre comité, de ne vous avoir point rendu compte de ses propositions, dans l’intention de favoriser MM. les intéressés à la manufacture de Romilly; il reproche encore à la commission de vous avoir laissé ignorer l’expérience qu’elle lui a fait faire sur la matière des cloches alliée d’un quart de cuivre, parce qu’il n’a pas voulu faire connaître le procédé par lequel il rend cette matière susceptiblede supporter la pression du balancier. Permettez-nous, Messieurs, d’entrer à ce sujet dans quelques détails. « M. Souton a fait une première proposition au comité des monnaies avant la formation de la commission. A cette époque, il voulait extraire le cuivre du métal des cloches par des procédés qui ont, suivant lui, le mérite de la nouveauté et il offrait de payer le métal qui lui serait livré, à raison de 18 sous la livre; mais par le mémoire qu’il a présenté à la commission, le 24 mai dernier, il a annoncé qu’il ne pouvait plus se charger de cette opération, parce qu’il eût été obligé de construire des ateliers exprès, cette décomposition ne pouvant se faire dans les hôtels des monnaies; que ces ateliers eussent été d’autant plus coûteux qu’ils auraient dû être construits