ARCHIVES PARLEMENTAIRES, f J nivôse an 0 ( 26 décembre 1793 364 [Convention nationale.] Art. 69. Si le défunt n’a pas laissé d’héritiers descen¬ dants de son père, la portion paternelle sera attribuée, pour une moitié, aux descendants de l’aïeul paternel, et pour l’autre aux descendants de l’aïeule maternelle. Art. 70. Si le défunt n’a pas laissé d’héritiers descen¬ dants de sa mère, la portion maternelle sera pareillement partagée entre les descendants de l’aïeul paternel et ceux de l’aïeule maternelle. Art. 71. Il en sera de même, si le défunt n’a pas laissé d’aïeul ou d’aïeule, soit dans l’une, soit dans l’autre branche; les descendants du bisaïeul et ceux de la bisaïeule prendront chacun une moitié dans la portion qui aurait appartenu à l’aïeul ou à l’aïeule. Art. 72. Il en sera de même encore pour les descen¬ dants des degrés supérieurs, lorsque le bisaïeul ou la bisaïeule n’auront pas laissé de descen¬ dants. Art. 73. Ces règles de représentation seront suivies "dans la subdivision de chaque branche; on par¬ tagera d’abord la portion qui lui est attribuée en autant de parties égales que le chef de cette branche aura laissé d’enfants, pour attribuer chacune de ces parties à tous les héritiers qui descendent de l’un de ces enfants, sauf à la sub¬ diviser encore entre eux dans les degrés ulté¬ rieurs, proportionnellement aux droits qu’ils représentent. Art. 74. La loi n’accorde aucun privilège au double lien ; mais si des parents collatéraux descendent tout à la fois des auteurs de plusieurs branches appelées à la succession, ils recueilleront cumu¬ lativement la portion à laquelle ils sont appelés dans chaque branche. Art. 76. A défaut de parents de l’une des lignes pater¬ nelle ou maternelle, les parents de l’autre ligne succèdent pour le tout. Sur la proposition d’un membre [Billaud-Va-RENNE (1)] : « La Convention nationale rapporte son décret (1) D’après les divers journaux de l’époque. portant établissement d’une Commission pour s’occuper uniquement de la mise en liberté des gens suspects (1). » Suit le texte du rapport fait par Barère au nom du comité de Salut publie, et en vertu du décret du 30 frimaire, rapport qui a donné lieu au décret que nous insérons ci-dessus d'après le procès-verbal. Rapport (2) fait au nom du comité de Salut PUBLIC SUR LES MOYENS D’EXÉCUTION DU DÉCRET DU 17 SEPTEMBRE (3), CONCERNANT LES PERSONNES SUSPECTES, ET DU DÉCRET RENDU LE. 30 FRIMAIRE (4), DANS LA SÉANCE DU 12 NIVÔSE, AN II DE LA RÉPUBLIQUE, par B. Barère. ( Imprimé par ordre de la Convention nationale pour être envoyé aux comités de surveillance de la République.) Citoyens, je viens, au milieu des victoires sur nos ennemis extérieurs, vous proposer d’en remporter une autre sur nos ennemis de l’inté¬ rieur. L’aristocratie incorrigible nous accuse d’injustice, parce que les aristocrates ne sont pas libres d’arrêter nos succès. Voici la réponse qu’elle provoque. Vous avez fondé une Répu¬ blique, vous avez dû être d’une sévérité in¬ flexible. Vous êtes venus après deux mille ans changer des lois despotiques ; vous avez dû être d’un courage audacieux; vous avez changé tout à coup les usages, les mœurs, le gouvernement, les habitudes d’une grande nation; vous avez dû calculer toutes les résistances pour les vaincre. Vous avez aboli pour jamais la servitude et le despotisme; vous avez dû incarcérer les esclaves et les partisans de la tyrannie. Si, le 14 juillet 1789, quand le plus juste des incendies consumait les châteaux de la féoda¬ lité, et détruisait la noblesse, cette rouille des sociétés politiques; si à cette époque première, mais éludée, où la crainte des brigands arma tous les citoyens, les représentants du peuple avaient secondé les mouvements révolutionnaires, tous les abus monarchiques auraient disparu et les crises successives et violentes qu’éprouve la liberté eussent été moins violentes. Si le 21 juin 1791, quand la nation, unanime¬ ment indignée, demandait la République à l’Assemblée constituante, mais monarchique, les représentants du peuple eussent été à la hauteur des circonstances, le trône d’un roi parjure et fugitif aurait disparu avec les suppôts ordinaires, les aristocrates, les prêtres, les nobles et les fripons. Si le 10 août, à jamais célèbre, les représen¬ tants du peuple avaient mis en état d’arrestation tout ce qui tenait à ces castes privilégiées et dévorantes qui pullulent à l’ombre des trônes, alors une bienfaisante déportation aurait dé¬ blayé le sol de la liberté de tout ce dangereux mobilier de despotisme et la Convention, au (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 115. (2) Bibliothèque nationale : 14 pages, in 8°, Le38, n° 635 Bibliothèque de la Chambre des Députés ; i Collection Parliez (de l’Oise), t. 206, n° 22. (3) Voy. Archives Parlementaires, lre série, t. LXXIV, séance du 17 septembre 1793, p. 303. (4) Voy. ci-dessus ce décret, séance du 30 fri¬ maire an’ II (vendredi 20 décembre 1793), p. 35. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j nr 365 lieu de s’asseoir sur des ruines et des terres vol-canisées, aurait, dès ses premiers pas, élevé pai¬ siblement et en peu de temps la première Répu¬ blique du monde. Mais trois fois la République, jetée dans le moule brûlant de la Révolution, a été manquée, a été défectueuse dans les mains de ses artistes, mal habiles ou corrompus; trois fois la matière est sortie difforme de ses ateliers. Le 31 mai, on vit enfin se forger, au milieu des froissements de toutes les passions, de tous les intérêts, de tous les complots, une constitu¬ tion républicaine, simple et énergique. Des cons¬ pirateurs qui s’étaient opposés à la construction de' cette arche sainte ont été punis, et la patrie a dû, pour se sauver, mettre la terreur à l’ordre du jour. Le parti de l’étranger et des conjurés domes¬ tiques ont pris alors une marche nouvelle. C’est en. vain que des généraux traîtres, des députés parjures, des fédéralistes incorrigibles, étaient traduits devant le tribunal révolution¬ naire; l’intrigue redoublait dans les cités, le fanatisme se propageait dans les campagnes, le faux patriotisme triomphait dans les Sociétés populaires, les étrangers étaient partout et la trahison couvrait nos côtes et nos frontières. Où étaient donc les citoyens suspects à la République? Ils étaient partout; ils comman¬ daient nos armées et nos escadres ; ils traînaient notre artillerie et nos vivres, ils réchauffaient ou attiédissaient à leur gré la Vendée, ils fai¬ saient de Lyon et de Toulon des foyers contre-révolutionnaires. Où étaient les citoyens suspects à la liberté? Ils prenaient le costume des sans-culottes, ils inondaient les places publiques, ils égaraient les groupes de citoyens, ils corrompaient l’esprit public, ils correspondaient avec les puissances étrangères ; nobles, ils donnaient des secours aux émigrés; fanatiques, ils recélaient les prêtres conspirateurs ; incrédules, ils se plaignaient sans cesse de la perte de la religion ; aventuriers, ils se masquaient en révolutionnaires; étrangers, ils s’attendrissaient en apparence pour la Répu¬ blique, et la sapaient par leurs motions exagé¬ rées; opulents, ils recélaient avec un soin avare leur inutile fortune; pauvres, ils se plaignaient sans cesse et avec amertume du nouvel état de choses; citadins,, ils tuaient l’esprit de la Révo¬ lution, en le maudissant; habitant les cam¬ pagnes, ils égaraient l’agriculteur crédule, et décriaient les lois nouvelles; politiques, ils accu¬ saient le gouvernement; marchands, ils s’en¬ graissaient de la substance la plus précieuse du peuple; banquiers, ils avilissaient la fortune publique et alimentaient nos ennemis; élo¬ quents, ils prêchaient le fédéralisme; indiffé¬ rents, ils formaient l’apanage des contre-révo¬ lutionnaires et présentaient à la liberté une nation étrangère au milieu des Français; écri¬ vains périodiques, ils corrompaient les sources de l’opinion; lettrés, ils pleuraient l’esclavage académique et stipendiaire du despotisme; leur plume était paralysée pour la liberté. Il n’est pas jusqu’à cette classe utile et mal¬ heureuse du peuple, qui vit des travaux jour¬ naliers, que ces scélérats n’eussent corrompue : des cordonniers étaient entourés de promesses, de séductions, pour cartonner leurs souliers; des fournisseurs, pour altérer les substances et les matières premières; les charretiers, pour couper les traits et livrer les canons; les mar¬ chands d’eau-de-vie, pour l’altérer; les ouvriers de l’habillement, pour donner des vêtements insuffisants, mesquins, ou de peu de durée; les armuriers, pour donner des armes de mauvaise trempe. Ils avaient tout couvert de crimes et de corruption; ils avaient tout altéré, tout dénaturé, tout armé de soupçons. Il n’est pas jusqu’aux femmes qu’ils n’eussent attiré dans le parti suspect ou contre-révolution¬ naire. Si l’orgueil ou les vices des femmes d’une caste noble ou corrompue ont prêché, fomenté, encouragé l’émigration, les autres classes ont été employées, les unes à atténuer le courage de nos armées, les autres à servir de moyen de correspondance à nos ennemis extérieurs. Ainsi l’épidémie contre-révolutionnaire avait semé partout des symptômes, et des maux que le législateur a été obligé d’examiner et de guérir. Une institution terrible, mais nécessaire, a été formée tout à coup; une institution qui a sauvé la France, malgré quelques abus (quelle institution en a jamais été exempte?), a été disséminée dans toutes les sections, dans toutes les communes de la République. C’est après cet établissement que la loi qui fait arrêter les personnes suspectes a été et a dû être portée. L’aristocratie a frémi en voyant arrêter ses recrues et incarcérer ses émissaires. L’œil per¬ çant et scrutateur de la liberté jalouse s’est reposé sur chaque citoyen, a pénétré dans chaque famille, a percé chaque domicile. L’opinion publique, qui se compose de faits de tous genres, a passé à diverses époques de la Révolution, l’opinion a désigné la majeure partie des suspects; la loi a dû les frapper. La naissance, des préjugés orgueilleux, des habitudes aristocratiques en ont désigné un grand nombre. Des professions inutiles, dangereuses ou accoutumées à des gains illicites, à des manipu¬ lations criminelles de capitaux étrangers, ont dû en faire arrêter quelques autres. Les spéculateurs barbares sur les subsis¬ tances du peuple, les avilisseurs de la monnaie républicaine, les marchands, par leur sordide intérêt, devenus étrangers à leurs concitoyens, ont dû présenter aux comités de surveillance d’autres personnes suspectes. Les parents des émigrés, les fauteurs de leur fuite, les complices naturels de leur haine contre la patrie, sont dans une hypothèse aussi sus¬ pecte. Les prêtres insermentés, qui croyaient tout perdu, parce que leur métier était devenu inu¬ tile; les anciens magistrats ou robins, qui ne croyaient pas à une République stable, djms laquelle il n’y a ni parlements, ni bailliages; les hommes de loi qui ne voient dans les codes que les bénéfices de la chicane, et dans la justice, que le droit de ruiner les familles avec des feuilles noircies de sophismes et d’injures, devaient peupler les maisons d’arrêt d’une multitude d’hommes suspects parmi eux. Ainsi, je dirai avec plus de raison et de poli¬ tique que certains écrivains périodiques qui, sans le savoir et peut-être sans le vouloir, ont favorisé les contre-révolutionnaires et réchauffé les cendres de l’aristocratie (1), je dirai : noble, suspect ; prêtres, hommes de cour, hommes de loi, suspects; banquiers, étrangers et agioteurs (1) A propos de ce passage du rapport de Barère, le Moniteur universel (n° 98 du S nivôse an II [sa- 366 | Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j CJ “““ “ connus, citoyens déguisés d’état et de forme extérieure, suspects; hommes plaintifs de tout ee qui fait une Eévolution, suspects; hommes affligés de nos succès à Maubeuge, à Dunkerque et dans la Vendée, suspects. Oh ! la belle loi que celle qui aurait déclaré suspects ceux qui, à la nouvelle de la prise de Toulon, n’ont pas senti battre leur cœur pour la patrie, et n’ont pas eu une joie ostensible et prononcée ! Pour¬ quoi n’a-t-on pu, ce jour-là, placer des commis¬ saires des comités révolutionnaires dans les salons dorés, dans les maisons que l’orgueil appelait des hôtels, dans les clubs aristocra¬ tiques, dans les cafés inciviques, dans les groupes salariés, dans les asiles secrets des confidences de ces complices divers du despotisme? C’est là que les comités de surveillance eussent frappé sans erreur, et incarcéré sans remords. De telles arrestations n’eussent pas motivé une nouvelle traduction de Tacite, qui n’écri¬ vait que contre des tyrans sans révolution, et medi 28 décembre 1793], p. 394, col. 2) publie la note suivante : « Nous devons à nos lecteurs quelques observa¬ tions pour l’intelligence de cette partie du rapport de Barère. '< Camille Desmoulins, dans un journal qu’il vient d’entreprendre sous le nom du Vieux Cordelier, s’élève avec chaleur contre la mesure de l’arres¬ tation des gens suspects. On a vu avec quelque éton¬ nement ce représentant du peuple devenir tout à coup aussi indulgent envers les ennemis de la liberté, qu’il leur était autrefois terrible; car il faut ou pré¬ tendre qu’il n’existe plus de contre-révolutionnaires, ou préserver de leurs trahisons le berceau de la République en s’assurant de leurs personnes. Son troisième numéro a été dénoncé dans toutes les socié¬ tés populaires de Paris. Ce n’est pas que nous pen¬ sions que le tableau qu’il a fait, sous le titre de Traduction de Tacite, de la tyrannie des Césars, puisse fournir aucun moyen de parallèle avec la mesure précautionnelle de l’arrestation' momen¬ tanée des hommes suspects. Les couleurs et les expressions dont il s’est servi dans la rédaction de cet article, plutôt que les faits exposés dans sa nomenclature des victimes de la cruauté soupçon¬ neuse des tyrans romains, ont pu donner lieu aux applications perfides de l’aristocratie. Mais com¬ bien il serait nécessaire que les écrivains politiques eussent attention de ne jamais servir la malignité de ces hommes accoutumés à saisir avec avidité tout ce qui peut discréditer les mesures que la pru¬ dence et la vigueur révolutionnaise commandent ! a Sans doute le Romain libre, persécuté par un tyran usurpateur, le prêteur patriote, Quintus Gelius, à qui Auguste arracha les yeux de sa propre main, avant de le livrer au bourreau, ne doivent pas être assimilés à l’aristocrate français con¬ damné par le Salut public au sacrifice momentané de sa liberté, sans doute le peuple français, exer¬ çant enfin le droit d’une juste méfiance contre les riches égoïstes qui l’ont si longtemps trahi et opprimé ne sera pas non plus comparé à Néron, qui déclarait suspects, dit Desmoulins, ou condamnait à mort tous les citoyens riches, pour envahir leurs biens. Mais pourquoi ces tableaux ont-ils été environnés par l’artiste de couleurs qui sembleraient faites pour indiquer aux ennemis de la liberté des points de ressemblance qui fournissent déjà un nouvel aliment à leurs calomnies? Il n’est pas permis d’at¬ taquer la pureté des intentions d’un écrivain qui n’a cessé de montrer un patriotisme prononcé; mais la joie que tous les hommes, toutes les sociétés, connus par leur aristocratie, ont témoignée sur la publication des deux derniers numéros de ce journal, qui fait en ce moment le texte de toutes les conver¬ sations, a été le thermomètre sur lequel les patriotes ont jugé cette production. » non contre les républicains révolutionnaires; Tacite, qui ne burinait les traits hideux de la tyrannie que lorsque la tyrannie était passée, et non pas lorsque nous attaquons les vieux amis des despotes, les incorrigibles sectaires de la tyrannie (1). Ce n’est pas que nous voulions non plus dé¬ créter l’infaillibilité des comités de surveillance. Ils sont composés d’hommes, d’hommes exaltés pour la liberté, d’hommes entourés de passions étrangères, quand même ils n’auraient pas leurs passions personnelles ; mais il faut corriger leurs erreurs, réformer leurs abus, punir leurs délits, et non pas atténuer leur force nécessaire, attiédir leur courage utile et dissoudre les éléments si pénibles à réunir, mais aussi il ne faut pas prohi¬ ber les manufactures d’armes, parce que des assassins se servent de fusils, ni proscrire l’im¬ primerie parce que des calomniateurs en abusent tous les jours. N’altérons pas, ne perdons pas en consé¬ quence la vigueur et le mouvement révolu¬ tionnaires; le moment du repos, ou même de l’inattention, est surveillé par les aristocrates et les ennemis de la République. Ils ont un instinct subtil de mal et de contre-révolution, qui ne les abandonne pas un ins¬ tant. Il entrait dans leur système de déverser sur la Convention nationale l’odieux des arresta¬ tions qu’ils appellent arbitraires, et de frapper le comité de sûreté générale qui, comme un autre Gurtius, s’est dévoué à la haine aristo¬ cratique par attachement à la République. Que n’ont-ils pas tenté? Ils ont égaré un ins¬ tant une autorité constituée et des fonction¬ naires publics, qui ont oublié que la sensibilité du républicain est le premier tribut qu’il doit à la patrie déchirée et malheureuse. Mais cet effort devint impuissant par la volon¬ té du législateur. Aussitôt l’aristocratie éga¬ ra des citoyennes, il (elle) ameuta des femmes avec des pétitions et mit leur sensibilité à con¬ tribution pour rendre à la patrie des flots d’en¬ nemis, d’autant plus dangereux qu’ils seraient aigris par la juste punition qu’ils éprouvent. Deux fois des citoyennes se sont présentées à la barre. Il peut y avoir un petit nombre de réclamations justes, ou de peines suffisamment infligées; mais faut-il pour cela confondre toutes les voix, réunir toutes les réclamations, mettre de niveau toutes les suspicions? Faut-il pour cela que le législateur voie les portiques rem¬ plis de pétitionnaires? Eh ! qu’eussent -elles dit, ces femmes sollicitant pour des arrestations momentanées et qui se refusent à des sacrifices nécessaires à la patrie, si le président de la Convention, en ouvrant devant elles le livre des républiques anciennes, leur eût dit : « La mère des plus patriotes et des plus courageux romains apprend qu’une bataille a été donnée et que le sort de la République y était attaché, elle vole sur le chemin au devant de ceux qui apportent la nouvelle; l’envoyé de l’armée, en voyant la mère des Gracques qui avaient péri (1) A cet endroit du rapport de Barère, on lit dans le Moniteur universel (n° 98 du 8 nivôse an II [samedi 28 décembre 1793], p. 394, col. 3). « Je suis bien loin d’attaquer les intentions d’un de nos collègues, dont je connais le patriotisme et les talents, qui ont plusieurs fois servi la liberté. » [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ® {�cembre 1793 '™7 en combattant, lui dit : Tes deux enfants sont morts dans le combat. — Eh! vil esclave, répond la citoyenne, t’ai-je demandé si mes enfcmts vivent? dis-moi que la bataille est gagnée et cou¬ rons au Capitole en rendre grâce aux dieux!... Pétitionnaires des maisons d’arrêt envoyés par l’aristocratie, ou par une sensibilité abusée, admirez du moins cette réponse dictée par le plus pur patriotisme. La citoyenne de Rome perdait pour jamais ses enfants, et ses enfants étaient patriotes. Pouvez-vous dire que votre perte momentanée est égale à la sienne? Mais le législateur vous dit cependant une vérité évidente; il vous doit une justice éclairée, il vous doit un examen général, mais sévère des motifs d’arrestation; il doit des mandats de liberté à tous ceux qui n’ont pas dû, qui n’ont pas pu entrer dans la classe des suspects, et qui ne sont pas faits pour donner par leurs moyens, par leurs principes, par leurs relations, par leur vie politique, des inquiétudes à la liberté, des sollicitudes à la patrie. Aussi la Convention nationale, sur la mo¬ tion de Robespierre, a vu la nécessité de rendre les patriotes à la liberté sans atténuer les me¬ sures révolutionnaires. Elle a renvoyé aux comités de Salut public et de sûreté générale la recherche du meilleur moyen d’exécution de ce décret. Voici le décret : Art. 1er. La Convention nationale décrète que les comités de Salut public et de sûreté générale nommeront des commissaires pris dans leur sein pour rechercher les moyens de remettre en liberté les patriotes qui auraient pu être incarcérés. Art. 2. Ces commissaires apporteront, dans l’exer¬ cice de leurs fonctions la sévérité nécessaire, pour ne point énerver l’énergie des mesures révolutionnaires commandées par le salut de la patrie. Art. 3. Les noms de ces commissaires demeureront inconnus du public, pour éviter le danger des sollicitations. Art. 4. Ils ne pourront mettre personne en liberté de leur propre autorité. Les comités ont discuté les divers moyens qui pouvaient remplir le vœu de l’Assemblée. Nommer une Commission particulière, de quelque secret qu’on l’investisse, a paru dan¬ gereux par sa séparation et son isolement du comité de sûreté générale, centre naturel de cette partie du gouvernement révolutionnaire. Confier aux représentants du peuple dans les départements ce jugement particulier, c’est exposer encore la Convention et le comité à des réclamations nouvelles; ce n’est pas mettre sur la même ligne tous les départements, puis¬ qu’il n’y a pas de représentants dans chacun d’eux; c’est enfin soumettre à l’opinion d’un seul homme la réformation d’un jugement rendu par plusieurs. Nommer une commission ambulatoire, c’est s’exposer à des longueurs interminables; c’est l’obséder de sollicitations; c’est faire languir l’exécution d’une mesure juste, et qui a besoin d’activité pour faire taire les injustes mur¬ mures et réformer quelques erreurs, ou un petit nombre d’injustices particulières. Eriger le comité de sûreté générale en une espèce de tribunal d’appel, c’est confondre les principes, altérer son institution, retarder ses opérations et transformer une mesure révo¬ lutionnaire, une mesure de sûreté générale, en procès par écrit avec chaque famille d’incar-céré, avec chaque commune qui aura été sol¬ licitée, avec tous les intrigants qui stipulent pour les détenus; c’est dénaturer le genre de réclamation qui doit être promptement déter¬ miné. Est-il donc si difficile, si compliqué le moyen de contenter les citoyens et de satisfaire à la liberté civile dans ces circonstances? Ayons d’un côté la loi des personnes suspectes, de l’autre le tableau des détenus, les motifs d’arrestation, et les notes sur l’état et la profession des in¬ carcérés. Il y a des castes qui sont déjà jugées; il y a des professions qui portent leur jugement; il y a des parentés qui sont frappées de soupçon par la loi; il y a des patriotes, dès ouvriers, des citoyens égarés et non coupables qui se présentent avec une justification facile. Ce serait sans doute un tableau bien ins¬ tructif pour les citoyens, que celui de tontes les fautes, de toutes les imprudences, et de tous les délits politiques qui ont élevé des soupçons justes contre un grand nombre de citoyens. En examinant ainsi l’influence que ces fautes ont eue sur les événements, les rapports qui se sont établis entre la corruption de l’esprit public et l’opinion ou la conduite de ces citoyens, les relations qu’il y a eu entre le succès de nos ennemis, et les vœux impolitiques ou impies de quelques détenus, on apprendrait à démêler la trame de cet enchaînement funeste de re¬ vers, d’oscillations et de secousses qu’a éprouvé la fortune étonnante de la République. Nous avons pensé que ce tableau des détenus et des motifs d’arrestation pourrait être faci¬ lement et promptement parcouru par un plus petit nombre que par un plus grand. Cinq membres du comité nous ont paru suffisant, une section de cinq commissaires s’occupera constamment de cet objet important. Il ne lui sera permis que de songer aux pri¬ sons, que de penser que là il a pu entrer quelques patriotes par injustice, ou quelque citoyen égaré par erreur, ou quelque homme incarcéré par des passions particulières. Il ne sera permis à personne de connaître quels sont les membres de cette section du comité. Nul ne les abordera; ils n’auront pour sol¬ liciteurs, que la justice et la République; pour témoins de leurs travaux, que leur conscience et la liberté; pour bases de leurs jugements, que les cartons dépositaires des motifs d’arres¬ tation, et les preuves de patriotisme ou d’inci¬ visme.