[Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 juillet 1791.] Art. 3. « La quantité de sel qu’obtiendra chacun desdits départements sera répartie par leurs directoires entre les districts qui en dépendent. Les directoires de ces districts répartiront leurs portions entre les municipalités de leur ressort, qui, à leur tour, feront la distribution de leurs territoires, le tout proportionnellement aux besoins personnels desdits habitants, à la quantité de leur bétail, à celle de fromages qu’ils fabriquent. Art. 4. « Après l’approvisionnement desdits départements, et les fournitures qui doivent être faites aux Suisses, conformément aux traités, ce qui restera du sel fabriqué dans lesdites salines sera vendu au profit de l’Etat. Art. 5. « A l’exception des bois actuellement exploités pour le service de la saline de Montmorot, il est provisoirement réglé qu’il ne sera employé à la cuite des sels de cette saline que la houille ou le charbon de terre, ou la tourbe; et, en conséquence, elle est déchargée du chauffage de la ville de Lons-le-Saunier. A l’égard du chauffage d’autres villes et communautés des départements du Jura et du Doubs, il en sera provisoirement usé comme du passé, jusqu’à ce qu’il y ait été définitivement pourvu. » M. Gaultier-ttiaiizat. Le décret qui vous est proposé est contraire à la Constitution : il tend à établir un privilège en faveur des départements auxquels les salines dont il s’agit feront des délivrances de sel. Les habitants de ces départements peuvent se procurer du sel marin au même prix que tous les autres citoyens de l’Empire, et ce qu’on vous objecte relativement à la fabrication des fromages leur est commun avec tous les lieux où il s’en fabrique. Je demande la question préalable sur le projet du comité. M. Barnave. Le préopinant a absolument méconnu l'état de la question; il ne s’agit point de savoir si on établira un privilège en faveur de quelques départements, mais si on privera la France d’un commerce important, pour le livrer aux étrangers. Les Suisses, à qui nos traités assurent à un prix fixe le sel de nos salines, s’en servent pour préparer la même espèce de fromages que fabriquent les habitants des montagnes de la ci-devant province de Franche-Comté; si ceux-ci sont obligés de payer le sel pins cher, ils ne peuvent plus fournir leurs fromages au même prix, et ce commerce, qui fait toute leur richesse, passe tout entier à leurs rivaux. Nous sommes heureux de trouver ici l’intérêt national d’accord avec un acte de justice que les citoyens de la ci-devant province de Franche-Comté ont mérité par tant d’actes de patriotisme. Je demande que le décret soit mis aux voix. Une simple observation me reste à faire : il faudrait seulement dire que le débit du sel ne doit pas préjudicier à la liberté des habitants des ci-devant provinces de Franche-Comté et de Lorraine de se servir de sel marin. ( Assentiment .) (L’Assemblée adopte l’observation de M. Barnave et ordonne qu’elle sera mentionnée dans le procès-verbal. Le projet de décret présenté par M. Ghristin et ensuite uiis aux voix est adopté.) 223 M. Menant, curé de Preux -aux-Bois, député du ci-devant bailliage du Quesnoy, département du Nord, qui était absent par congé, annonce son retour à l’Assemblée. Un membre : L’Assemblée nationale a, par son décret du 7 octobre 1790, ordonné que les ventes faites par les fabriques seront déclarées nulles comme passées en fraude de la loi qui met les biens ecclésiastiques à la disposition de la nation. Sur le fondement de ce décret, on demande, dans certains départements, la nullité des ventes faites d’après l’avis des municipalités et après l’observation des formalités prescrites par les lois anciennes, ce qui est con’raire à l’esprit et à la lettre dudit décret du 7 octobre 1790. Je propose en conséquence à l’Assemblée de déclarer qu’elle n’a pas entendu comprendre dans le décret du 7 octobre les ventes faites par les fabriques lorsqu’elles auront été accompagnées du consentement des municipalité-’, revêtues des formalités qu’il était d’usage d’observer antérieurement et suivies d’uu remploi sur des immeubles réels. (L’Assemblée renvoie cette proposition au comité ecclésiastique.) M. Kabaud-Saint-Étienne, au nom du comité militaire, propose un projet de décret destiné à fixer d’une manière définitive F uniforme des gardes nationales. Ce projet de décret est mis aux voix dans les termes suivants : « L'Assamblée nationale décrète ce qui suit : _ « L’uniforme des gardes nationales est défini tivement réglé ainsi qu’il suit : Habit bleu de roi, doublure blanche, passepoil écarlate, parement et colet écarlate et passepoil blanc, revers blanc et passepoil écarlate, manche ouverte à trois petits boutons, poche en dehors à trois pointes et trois boutons avec passepoil rouge, le bouton tel qu’il est prescrit par le décret du 28 décembre dernier, seulement à l’époque fixée par le décret du 15 janvier aussi dernier; le fleuron du retroussi écarlate; veste et culotte blanches. » (Ce décret est adopté.) M. Merle, secrétaire, fait lecture d’une lettre des sous-officiers , grenadiers et soldats du 13° régiment d'infanterie , ci-devant Bourbonnais , ainsi conçue ; « Messieurs, « Le despotisme, par une ruse perfide, qu’a-lors on nommait politique, s’efforçait de séparer nos intérêts d’avec ceux des citoyens; il nous rendait, pour ainsi dire, étrangers aux événements qui devaient le plus influer sur notre destinée; et, par une fatalité inhérente an gouvernement arbitraire, nous étions plus son vent les oppresseurs que les défenseurs de la patrie. « Maintenant que le voile est déchiré, que le flambeau de la vérité nous éclaire, et que la liberté nous réunit sous les mêmes étendards, nous avons senii de quel danger avait été menacée la chose publique dans la journée du 21, et nous n’avons vu dans cet événement qu’un nouveau motif de dévouement pour la défense de la patrie, de respect pour la loi, et de soumission aux règles de la discipline militaire. « Nous savons, par expérience, combien les ennemis de la Constitution s’applaudiraient de nous voir départir de ce principe; quels ressorts [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]13 juillet 1791.] 224 ils ont fait jouer pour faire coaliser les citoyens avec les citoyens soldats, pour diviser les forces réunies, et pour détruire cette harmonie qui fait à la fois l’admiration et le désespoir des conjurés. « Représentants d’un peuple libre, dépositaires de ses pouvoirs, veuillez l’étre aussi de rengagement sacré que nous avons contracté avec la patrie ! Nous vous réitérons le serment de lui être constamment dévoués, d’observer fidèlement les lois décrétées par l’Assemblée natio-na'e, de rester constamment soumis àla discipline militaire, et de ne jamais noos écarter du respect et de l’obéissance que nous devons à nos supérieurs, tant qu’ils seront les organes de la loi : nous nous engageons solennellement à dénoncer quiconque se permettrait des propos, ou ferait la moindre démarche contraire à la Constitution-, de réprimer entre nous, de punir ceux qui n’observeraient pas l’engagement que nous prenons avec les représentants de la nation ; et afin qu’aucun de nous ne puisse oublier, un seul instant, les obligations qu’il s’impose, copie dudit serment sera affichée dans chaque chambre. « Nous sommes avec respect, etc. « Signé : Les sous-officiers , grenadiers et soldats du 13e régiment d'infanterie. « Strasbourg, le 7 juillet 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette lettre dans le procès-verbal.) M. Merle, secrétaire, donne lecture d’une adresse des électeurs du département du Gers, ain.d conçue : « Augustes représentants, « Un sentiment d’admiration, qui impose à notre sensibilité, vient dYlever nos âmes. « De coupables complots s’étaient formés dans le sein des ténèbres. Le chef suprême de la nation était devenu la proie d’un tas de ravisseurs qui méditaient la ruine de l'Empire. Encore quelques heures, et le premier fonctionnaire du royaume était porté dans une terre ennemie : encore quelques heures, et les méchants se ralliaient pour frapper notre sainte Constitution. Us croyaient déjà, les traîtres ! la voir chanceler sur ses majestueux fondements; comme si des lois faites par un peuple devenu libre n’avaient pas leur appui dans les représentants que ce peuple a revêtus de ses pouvoirs!... Oui, suprêmes législateurs ! plus grands que les plus grands événements, votre fermeté a soutenu cet immense édifice ! Tous les caractères de la souveraineté se sont déployés. Le génie puissant qui souffla sur la France dans les jours de sa liberté naissante vous a inspirés dans ces instants de péril et d’orages. Sévères et justes comme la loi que vous avez créée, vous avez appelé sa vengeance contre les auteurs du plus noir attentat... Poursuivez, augustes représentants... Dépositaires de la confiance d’une nation qui a horreur de la tyrannie, continuez de protéger votre ouvrage. » Le respect pour les lois, l’amour de l’ordre, la reconnaissance, tels sont les devoirs que nous nous imposons. Nos bras, notre sang, notre vie, voilà nos sacrifices pour la défense de notre liberté. « Les électeurs du departement du Gers. r< Audi, 29 juin 1791. » (L’Assemblée ordonne l’insertion de cette adresse dans Je procès-verbal.) M. Mei‘le, secrétaire , donne lecture d’une adresse des gardes nationales de Fontenay-le-Comte, ainsi conçue : Messieurs, « Etonnés un moment du crimeque les ennemis de la liberté étaient enfin parvenus à consommer, nous ne nous sommes point laissé abattre par ce coup de leur perfidie ; mais, redoublant de courage et de fermeté, nous avons, à l’instant, tourné nos regards du côté de la patrie en danger; et, inspirés par le génie qui veille sur ses destinées, nous avons tous juré de mourir pour elle ou de la sauver. « Quelle satisfaction, Messieurs, pour des citoyens fidèles, d’avoir su prévenir, par leur conduite, l’exemple que vous avez donné vous-mêmes à tout l’Empire avec tant d’énergie, et lorsque les lois que vous nous avez dictées dans ces circonstances difficiles nous sont parvenues, de n’y voir pour nous d’autre devoir à remplir, que celui de persévérer avec courage dans nos résolutions. « Des traîtres, par leurs discours insidieux, et à furce de trahisons, avaient déterminé le roi à suivre leurs lâches conseils, à renoncer à l’amour d’un peuple généreux et loyal qui l’idolâtrait, et à déserter le plus beau trône de l’univers. Qu’importe, avons-nous dit? Nos lois nous restent; et mourir pour leur défense, ou vivre pour les venger des insultes de leurs vils détracteurs, est le serment que chacun de nous a prononcé dans son cœur, au moment où nous avons reçu la nouvelle de cette catastrophe funeste. « Nous n’avons pas tardé, Messieurs, à recevoir la digne récompense de notre zèle et de notre fidélité; et l’arrestation du roi, le plus beau triomphe de la liberté, en confondant les lâches complots de nos ennemis, a mis enfui le sceau à leur perfidie et à leur opprobre. « Représentants du peuple français, nous ne souillerons point votre gloire par nos éloges : ces moyens, réservés pour les flatteurs des tyrans et des despotes, ne sont faits que pour encourager les petites âmes, et sont indignes d’un peuple libre : vous nous avez montré les vôtres inaccessibles atout autre sentiment qu’à l’amour de la patrie et à l’ardeur de travailler sans relâche au bonheur des hommes ; et nous nous bornerons à vous offrir, avec la loyauté de vrais citoyens français, le tribut d’amour, de respect et de reconnaissancedont votre conduite héroïque nous a pénétrés. Continuez, dans le calme des méditations qui conviennent aux législateurs de l’univers, vos travaux magnifiques; achevez, par la confection des lois qui vont désormais nous gouverner, notre Constitution immortelle, et nous veillerons pour empêcher les brigands d’arriver jusqu’à vous, tandis que vous préparerez le bonheur de tous les peuples de la terre. « Nous espérons que la sagesse de ces lois qui seront la gloire du peuple français, et l’admiration du monde entier; de ces* lois faites pour consoler le genre humain de ses misères, nous fera vaincre, par les armes seules de la vérité et de la raison, les fanatiques et les séditieux qui oseraient encore s’opposer à leur exécution ; mais, s’ils nous forcent enfin à nous servir de celtes que la justice et l’intérêt de toutes les nations ont mises en nos mains, qu’ils jugent, les