654 , [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 1793 Art. 1er. « Ceux qui par dol ou à l’aide de faux nom pris verbalement et sans signature ou de fausses entreprises, ou d’un crédit imaginaire, ou d’espérances et de craintes chimériques, auraient abusé de la crédulité de quelques personnes et escroqué la totalité ou partie de leur fortune, seront à l’avenir poursuivis en première instance devant les tribunaux de district, et à Paris devant le tribunal d’appel de police correctionnelle. Art. 2. « Les tribunaux de district ou d’arrondisse¬ ment qui se trouvent actuellement saisis de la connaissance en première instance, de quel¬ ques-uns des délits rapportés en l’article pré¬ cédent, en continueront l’instruction, et l’appel de leurs jugements sera porté devant d’autres tribunaux de district ou d’arrondissement, con¬ formément à l’article 1er du titre Y de la loi du 16 août 1790. Art. 3. « Les tribunaux de district ou d’arrondis¬ sement connaîtront en première instance, de ces mêmes délits, lorsque la plainte en sera incidente à une demande civile de laquelle ils se trouveront saisis. » Après un rapport fait par un membre du co¬ mité de sûreté générale [Barbeau du Bar-ran (1)], la Convention adopte le projet de dé¬ cret suivant : » La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de sûreté géné¬ rale, décrète ce qui suit : « Il y a lieu à accusation contre Osselin, un de ses membres; le scellé sera apposé de suite sur ses papiers. « Renvoie devant le tribunal révolutionnaire Lagardie, ci-devant maréchal de camp, Soulès et Froidure, administrateurs de police de Paris. « Au surplus, la Convention déclare nul, comme attentatoire à la dignité de la représen¬ tation nationale, rengagement souscrit par Osse¬ lin, le 4 mai dernier (vieux style), en faveur de la femme Charry (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Dubarran, au nom du comité de sûreté générale. Citoyens, dans un moment où la pa¬ trie se voit attaquée de toutes parts, ce n’est (1) D’après les divers journaux de l’époque. Î2| Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 111. (3) Moniteur universel [n° 51, du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 207, col. 2]. Premier supplément au Bulletin de la Convention du 1«* jour ae la 3e décade du 2® mois de l’an II de la République (lundi 11 novembre 1793). pas assez pour elle de déployer de grandes forces pour être en mesure de résister à l’invasion des tyrans, ou à la marche des rebelles ; il faut encore qu’elle ait toujours les yeux ouverts sur ce qui se passe dans son sein, et particulièrement sur la conduite des hommes en place; car de tous les moyens propres à encourager l’audace des malveillants, il n’en est pas de plus dange¬ reux qu’un acte d’infidélité ou de faiblesse de la part d’un fonctionnaire, dans l’exécution des mesures de Salut public que la loi a pros¬ crites. C’est sur un défit de ce genre, que votre comité de sûreté générale vient fixer vos re¬ gards. Charlotte Luppé, femme Charry, issue de la caste ci-devant noble, émigra de France en novembre 1791, et se rendit à Bruxelles. Elle rentra dans les premiers jours de mai 1792; à la faveur de la loi du 8 avril, qui accordait aux émigrés, le délai d’un mois, pour retourner dans leur patrie. En janvier 1793, elle a émigré une seconde fois. C’est encore vers Bruxelles qu’elle a porté ses pas. Elle en est revenue le 11 mars (1), accompagnée d’un individu, quelle appelait son domestique, tantôt du nom de Jean, tantôt de celui de Renaut. Cet individu inspira des sollicitudes au comité révolutionnaire de la section du Luxembourg. Le 30 avril, le comité voulut savoir qui il était. Mais le lendemain, l’individu s’enfuit. La femme Charry alors allégua qu’elle ignorait le fieu de sa retraite. Dans ces circonstances, et, comme le comité crut reconnaître dans les réponses de eette femme, qu’elle n’était pas irréprochable, il la fit conduire au département de police. Le 4 mai, elle fut interrogée par 2 administrateurs, nommés Soulès et Froidure. Il importe que la Convention nationale soit fixée sur les aveux que renferme cet interroga¬ toire. La femme Charry déclare à peu près les mêmes' faits dont je viens de rendre compte. Il est constant par ses aveux qu’elle a quitté le territoire français en 1791 et en janvier 1793. Il résulte encore de ses réponses qu’elle était en relation, dans Bruxelles, avec d’autres émi¬ grés; qu’elle a des parents coupables de crime d’émigration, et notamment un frère qui avait passé en Angleterre. Il est enfin prouvé qu’elle a entretenu des correspondances avec ce dernier. Il n’en fallait pas autant, sans doute, pour appeler la sévérité des lois sur le femme Charry. Cependant l’Administration de police consentit à la remettre en liberté, à la charge par elle de donner pour caution deux citoyens connus, qui s’obligeraient, même par corps, de la repré¬ senter dès qu’ils en seraient requis. Le femme Charry eut le bonheur, pour elle, de trouver 2 personnes qui se soumirent au cautionnement que l’on exigeait. Ce furent les citoyens G-aillac -Lagardie, prenant le titre de maréchal de camp, quoique ce titre fût supprimé et Nicolas-Charles Osselin, député à la Con¬ vention nationale. Le procès-verbal porte textuellement qu’ils se rendent caution de la citoyenne Charry, et qu’ils s’engagent, même par corps, à la repré¬ senter si on la réclame. (lj Le Bulletin porte i le 21 mare, [Convention nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. \ brumaire an II 655 . ’ 19 novembre 1(93 Le comité de sûreté générale a été instruit de tous ces faits par une dénonciation du comité révolutionnaire de la section de Mucius-Scœvola. Il a vu encore par des pièces remises en son pouvoir, que la femme Charry est sortie de Paris 15 jours avant le décret de réclusion des ci-devant nobles, qu’elle s’est réfugiée dans la commune de Saint-Aubin, 'près Versailles, où elle se fait donner le nom de Petit : qu’elle est même logée chez le curé, qui est le frère d’Osselin. Un mandat d’arrêt a été d’abord décerné contre la femme Charry; l’exécution en a été confiée au comité de la section de Mucius Scœvola. Le comité de Versailles, trompé sans doute par un excès de zèle, a réclamé contre cette arrestation. Il a prétendu qu’on avait manqué aux formes; que la femme Charry avait établi son domicile à Saint-Aubin, qu’elle y paie ses contributions, qu’elle est conséquemment justiciable du tribunal du département de Seine-et-Oise. Votre comité de sûreté générale a fait jus¬ tice de cette réclamation, en renvoyant la femme Charry au tribunal révolutionnaire, à l’effet d’y être jugée. Vous avez actuellement à prononcer, citoyens, sur la conduite tenue par un de vos collègues, qui a méconnu évidemment toute l’étendue de ses devoirs et la dignité du caractère dont le peuple l’a revêtu. Une femme émigrée a été prise; elle devait porter sa tête sous le glaive de la loi, et néan¬ moins elle jouit encore de l’impunité de son crime; car elle ne prétendra pas, peut-être, qu’elle n’est pas dans le cas de l’émigration, paroe que Bruxelles, où elle alla en janvier der¬ nier, est devenu, au moyen de la réunion, partie intégrante de la République. Cette objection, si elle la faisait, est réprouvée d’avance par la loi même. On observa très bien, en discutant la loi, que beaucoup d’émigrés, ne manque¬ raient pas de dire : Je me suis retiré dans un pays devenu français ou occupé par les troupes de la République; je ne suis donc pas du nombre des émigrés. » C’est pour ôter cette ressource aux ennemis de la patrie, et dans l’objet de prévenir les fraudes qui en eussent résulté infailliblement, que l’article 6 de la section 3 de la loi, déclare émigrés : 1° tout Français de l’un et l’autre sexe absent du lieu de son domicile, qui ne justifiera pas, dans les formes prescrites, d’une résidence sans interruptions en France, depuis le 9 mai 1792; 2° Tout Français de l’un et l’autre sexe qui, quoique actuellement présent, s’est absenté du lieu de son domicile, et ne justifiera pas d’une résidence sans interruption en France, depuis le 9 mai 1792. Il demeure certain que la femme Charry est allée à Bruxelles dès le mois de janvier. Or, à cette époque, Bruxelles n’était pas devenu français; oar les assemblées primaires ne s’y sont tenues que le 21 février, et la réunion n’a été acceptée que par décret du 1er mars. Il est donc incontestable que la citoyenne Charry ne peut point justifier d’une résidence non inter* rompue en France depuis le 9 mai 1792. L’ar¬ ticle 7 de la même section rend encore, s’il est possible, la chose mieux démontrée, en déclarant « qu’à l’égard de la résidence dans les pays réunis à la République, elle ne pourra être opposée comme excuse ou prétexte d’absenoe pour le temps antérieur à la réunion proclamée ». D’après ces dispositions qui ne souffrent pas de commentaire, l’Administration de polioe eût dû renvoyer au tribunal révolutionnaire la femme Charry comme émigrée, au lieu de lui rendre sa liberté. Il n’est pas sans doute plus supportable de voir un représentant du peuple, celui-là surtout qui ayant été le rédacteur de la loi des émigrés, devait en rappeler mieux les dispositions; il n’est pas, disons-nous, sup¬ portable de le voir intercéder pour la relaxation d’une personne qu’il savait avoir émigré en 1791 et 1793, qu’il n’ignorait pas être liée avec d’autres émigrés, et entretenir avec eux une criminelle correspondance. Eh ! à quelles condi¬ tions encore Osselin s’engage-t-il? en se soumet¬ tant lui-même à la contrainte personnelle. Que serait-ce, citoyens, s’il devenait ainsi permis à un représentant du peuple d’aliéner sa liberté? Il s’exposerait par cela même à ne pouvoir remplir le mandat qu’il a reçu. Dès qu’il accepte les fonctions de député, il devient l’homme du peuple. C’est à celui-ci qu’il appar¬ tient ; et il ne peut cesser de lui appartenir que par l’abdication ou par le crime. Jusque-là, il faut conserver l’intégrité de sa liberté; oar c’est pour le peuple et le peuple seul, qu’il est investi d’un grand caractère. Il ne saurait donc dépen¬ dre de lui de contracter des engagements d’au¬ tant plus immoraux, qu’ils attaqueraient les droits et les intérêts du peuple. Nous pensons, citoyens, que la démarche d’Osselin est coupable. Elle est un outrage fait au peuple. Elle compromet la dignité de la re¬ présentation nationale. Vous ne laisserez pas subsister un monument aussi odieux. En souscrivant cet engagement, Osselin a donné protection à une émigrée; et la loi pro¬ nonce des peines graves contre tout citoyen, et surtout contre les fonctionnaires publics qui favorisent les émigrés. Si un législateur se permet le premier de violer la loi, cet exemple est susceptible des effets les plus funestes, car il enhardit les fonctionnaires subordonnés à commettre aussi des infractions. Les Républiques, citoyens, ne s’établissent que par des principes et par des mœurs. User d’indulgence et de mollesse envers ces traîtres à la patrie qui n’ont quitté son sein que dans l’espoir de la mieux déchirer, c’est reouler la marche delà Révolution, c’est anéantir la liberté, c’est frapper à mort les patriotes. Que l’expé¬ rience du passé nous serve enfin d’instruction ! En entravant l’exécution des lois révolution¬ naires, on finirait par perdre la révolution elle-même, car elles en sont un des puissants leviers. Que l’on ouvre le Code pénal, que l’on par¬ coure la loi des émigrés, cette loi faite dans le temps même où la faction conspiratrice domi¬ nait dans cette enceinte, Ton y verra la juste peine qui est réservée aux contre-révolution¬ naires, aux émigrés, à ceux enfin qui entre¬ tiennent des intelligences avec les ennemis de la patrie; et Ton aura statué sur le sort de la femme Charry qui est encore violemment suspectée, d’après les pièces remises au comité, d’avoir amené en France un émigré, de lui avoir donné un faux nom, et d’avoir ensuite aidé à le faire fuir. Osselin devait dénoncer cette conspiration à la justice nationale, au lieu de se rendre son pro¬ tecteur et sa caution. Il ne devait pas souffrir que deux administrateurs de polioe, oédant peut- 656 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, i 19 brumaire an il 19 novembre 1793 être à l’influence que donnait à Osselin sa qualité de député, qualité consignée dans le procès-ver¬ bal; il ne devait pas souffrir, disons-nous, que ces administrateurs prévaricassent dans leurs de¬ voirs et ménageassent l’impunité d’un coupable. Les administrateurs ont commis un crime; Os¬ selin l’a partagé. Que la responsabilité ne soit pas un vain mot. Un fonctionnaire a enfreint la loi ; il a cherché à soustraire la punition du crime à la vigilance des tribunaux ; il est donc lui-même coupable de cette conduite; car nul n’est invio¬ lable devant la loi ainsi le veut l’égalité. En conséquence, le comité de sûreté générale me charge de vous proposer le projet de décret suivant : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport du comité de sûreté générale, décrète ce qui suit : « Il y a lieu à accusation contre Osselin, un de ses membres; le scellé sera mis de suite sur ses apiers. La Convention renvoie devant le tri-unal révolutionnaire Lagardie, ci-devant ma¬ réchal de camp ; Soulès et Froidure, administra¬ teurs de police de Paris. « Au surplus, la Convention déclare nul, comme attentatoire à la dignité nationale, l’en¬ gagement souscrit, par Osselin, le 4 mai dernier (vieux style) en faveur de la femme Charry. Merlin (de TMonville). La Convention doit frapper ceux de ses membres qu’elle trouve cou¬ pables, mais, avant, elle ne peut refuser de les entendre. Voulland. La Convention ne juge pas Osselin, elle le renvoie devant un tribunal. J’observe, au surplus, que s’il eût voulu être entendu, il ne serait pas sorti; car il était ici lorsque le rapporteur a commencé son rapport. Le décret présenté par Dubarran est adopté. « La Convention nationale, sur le rapport de son comité des secours publics [Haussmann, rapporteur (1)], décrète que la trésorerie natio¬ nale payera, sur le vu du présent décret, une somme de 150 livres à la citoyenne Élisabeth Duchatel, veuve Goutté, demeurant à Versailles, et dont les enfants sont au service de la Répu¬ blique. « Renvoie cette citoyenne devant les corps administratifs à Versailles, pour les secours que la loi accorde aux pères et mères dont les enfants sont aux frontières (2). » « La Convention nationale, sur le rapport de son comité des secours publics [Hausmann, rap¬ porteur (3)], décrète : Art. 1er. « Les enfants dont les pères et mères auront subi un jugement emportant la confiscation de leurs biens, seront reçus dans les hospices des¬ tinés aux enfants abandonnés et élevés confor¬ mément à la loi du 1er juillet dernier. (1)1 D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton G 277, dossier 724. (21 Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 111. (3) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales , carton C 277, dossier 724. Art. 2. « Les personnes qui voudront élever chez elles de ces enfants recevront l’indemnité accordée par la loi du 19 août dernier, en se conformant à ce qui est prescrit par cette loi (1). » La séance est levée à 4 heures (2). Signé : P. A. Laloi, président; Fourcroy, C. Duval, Frécine, secrétaires. En vertu du décret du 29 prairial, l’an II de la République française une et indivisible. S. E. Monnel, Eschasseriaüx, P. J. Duhem, Frécine. PIÈCES ET DOCUMENTS NON MENTIONNÉS AU PROCÈS-VERBAL, MAIS QUI SE RAP¬ PORTENT OU QUI PARAISSENT SE RAP¬ PORTER A LA SÉANCE DU 19 BRUMAIRE AN II (SAMEDI 9 NOVEMBRE 1793). I. PÉTITION DES CITOYENS DE DA COMMUNE DE Mennecy, DÉPARTEMENT de Seine-et-OlSE (3). Compte rendu du Moniteur universel (4). Une députation de citoyens de la commune de Nelsy (Mennecy), accompagnée de femmes et d’enfants, réclame une seconde fois la liberté de plusieurs fonctionnaires publics de cette commune, arbitrairement détenus. Suit le texte de la pétition des citoyens de la commune de Mennecy , d’après un document im¬ primé (5). PÉTITION FAITE A LA CONVENTION NATIONALE PAR LES HABITANTS DE MeNECY (6), LE NO-NIDI, 19 BRUMAIRE, L’AN II DE LA RÉPU¬ BLIQUE FRANÇAISE. « L’empire de la superstition est difficile à détruire; le fanatisme ne néglige rien pour re¬ lever les autels dont il abuse et vous voyez une partie de ses tristes victimes. « Nous venons réclamer ceux de notre com¬ mune qu’un ordre de votre comité de sûreté (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 112. (2) Ibid. (3) La pétition des citoyens de la commune de Mennecy n’est pas mentionnée au procès-verbal de la séance du 19 brumaire an II ; mais on en trouve un extrait dans le compte rendu de cette séance publié par le Moniteur. (4) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 206, col. 3]. (5) Bibliothèque de la Chambre des députés i Collection Portiez (de l'Oise ) in-4°, t. 45, n° 25. (6) Sur le document imprimé, on lit partout Me-necy au lieu de Mennecy. __