[Assemblé# nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 juin 1790.] 20 1 entier de la société sur les bases immuables de la vérité et delà justice, en attachant ainsi, par une chaîne éternelle, les progrès de l’art social au progrès de la raison, vous avez étendu vos bienfaits à tous les pays, à tous les siècles, et dévoué toutes les erreurs comme toutes les tyranies à une destruction rapide ? « Ainsi, grâce à la générosité, à la pureté de vos principes, la force, l’avarice ou la séduction cesseront bientôt de contrarier, par des institutions arbitraires, la loi de la nature, qui a voulu que l’homme fût éclairé pour qu’il pût être juste, et libre pour qu'il pût être heureux. « Ainsi, vous jouirez à la fois, et du bien que vous faites, et du bien que vous préparez, et vous achèverez votre ouvrage au milieu des bénédictions de la foule des opprimés dont vous avez brisé les fers, et des acclamations des hommes éclairés dont vous avez surpassé les espérances. » M. le Président répond : « Au milieu des applaudissements que [votre présence inspire dans cette Assemblée, et dans le sentiment qui les accompagne, il vous est aisé sans doute, Messieurs, de démêler que nous savons reconnaître et que nous aimons le lien de confraternité qui, pour le bonheur de l’espèce humaine, doit toujours unir les législateurs aux philosophes et aux savants. Lorsque l’Assemblée nationale a voulu procurer à la France, et, s’il est possible, à toutes les nations, le grand bienfait de l’uniformité des poids et mesures, elle a senti que c’était avnc les deux compagnies les plus savantes de l’Europe qu’elle devait en partager l’honneur, et elle vous a invités à vouloir bien vous occuper de cet important travail. Le zèle dont vous venez de lui faire hommage montre qu’elle ne s’est point trompée dans ses espérances, comme le langage patriotique et éclairé que vous lui avez fait entendre en cette occasion prouve qu’elle aurait pu vous consulter utilement sur des travaux plus essentiels encore. L’Assemblée nationale voit avec plaisir que l’Académie des sciences ait choisi pour porter la parole en son nom des hommes accoutumés depuis longtemps à la porter avec succès au monde entier, au nom de la philosophie et des sciences, et que nous regrettons de ne point voir assis parmi nous, lorsqu’il est certain que son esprit n’est point étranger à nos délibérations. L’Assemblée vous offre d’assister à sa séance. » Une députation des gens de maison vient déposer sur l'autel de la Patrie un don de trois mille livres d'argent et d'autres effets. L’orateur delà députation prononce le discours suivant : « Nosseigneurs, « Si des motifs que nous respectons, vous ont déterminés à séparer les gens de maison de la chose publique, nos cœurs sauront toujours franchir la barrière que votre sagesse a cru devoir poser entre nous et les citoyens. Nous le sentons, et notre patriotisme en est moins humilié : il est difficile de concilier l’exercice de la liberté avec le régime de la domesticité. La nécessité a établi une dépendance qu’une certaine classe d’hommes ne peut éviter; mais, nés dans le sein delà patrie, libres dans le choix de nos occupations, nous regarderons comme un moment heureux celui où nous pourrons voler à son secours. Ce serait du moins nous faire injure que de présumer que l’avilissement et la dégradation des sentiments fussent toujours le partage des gens de maison. N’avons-nous pas nos parents, une patrie? Ne sommes-nous pas Français? Et quand vous préparez si glorieusement la régénération de l’Empire, pourrions-nous ne pas respecter une Constitution qui peut un jour nous protéger ? Hélas! sous un régime moins désastreux pour les habitants des campagnes, la moitié d’entre nous habiterait encore ses humbles foyers, cultiverait encore l’héritage de ses pères. Les riches, ayant moins de ressources, auraient eu moins de fantaisies. Les habitants des campagnes, moins pressés par l’impôt, ne seraient pas venus dans la capitale échanger leur misère contre un genre de service qui humilie l’homme beaucoup plus qu’il ne l’enrichit. Votre sagesse, Nosseigneurs, fera cesser ce genre de désordre, en rétablissant l’abondance dans les provinces, en rendant au cultivateur toute son énergie, en lui assurant l’heureux fruit de ses travaux. Puisse le ciel bénir à jamais vos courageux efforts, et procurer à la France tout le bonheur dont ce grand royaume est susceptible! Le produit de notre contribution patriotique est si fort au-dessous de nos vœux, qu’à peine nous osons vous l’offrir; mais les pères de la patrie ne savent pas mépriser les dons de ses enfants. Ah ! sans doute, c’est à ce titre que vous avez daigné nous admettre au sein de la plus auguste Assemblée : ce titre si cher à des cœurs français , nous avertira sans cesse de nos devoirs envers la nation ; il nous consolera même de cette foule de désagréments qui environnent toute notre existence. » M. le Président répond : « L’Assemblée nationale reçoit avec intérêt, avec attendrissement, votre offrande patriotique, et vos civiques regrets sur la suspension momentanée de vos droits politiques. Si PAssemblé a cru devoir prononcer cette suspension, ce n'est pas que ce Corps, essentiellement composé d’amis de l'égalité, ait pu avoir l’intention de la méconnaître, cette égalité, à votre égard; mais elle a dû penser que votre sensibilité même, ou cette affection si estimable qui vous attache aux personnes à qui vous engagez vos services, pourrait exercer une influence souvent trop puissante sur vos opinions. Ne voyez donc dans les décrets de l’Assemblée qu’une sage précaution qui doit vous être avantageuse, puisqu’elle tourne à l’utilité publique : l’hommage que vous venez de rendre à la Constitution prouve tout à la fois que vous êtes dignes de sentir les motifs qui ont déterminé le législateur, et que votre patriotisme ne le cède à aucune autre classe de vos concitoyens. L’Assemblée vous permet d’assister à sa séance. » (On demande et l’Assemblée ordonne l’impression des adresses de l’Académie des sciences et des gens de maison.) Une députation des assemblées primaires des districts de Mortain, Isigny, département de la Manche, a fait don de l’imposition des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789, et a annoncé que l’adresse qu’elle déposait sur le bureau, était signée par tous les citoyens actifs, notamment par les ecclésiastiques et les nobles, qui protestent d’être les plus fermes soutiens de la Constitution. Les jeunes élèves de l’institution du Mont-Saint-Paul et une députation du district des Mathurins ont été admis à la barre, et ont assuré l’Assemblée nationale de leur soumission et de 202 {Assemblée nàtionalè.] AROffiVES PARLEMENTAIRES. [12 jiiib 4790;] leur entier dévouement üu maintien de êefe décrets* Une députation des habitants colons de îabago, résidant en France, est venue réclamer la justice de l’Assemblée nationale, et la prier de renvoyer au comité colonial les pièces relatives aux troubles actuels qui existent dans cette colonie. M. de Gowy-d*Ârsy. J’appuie la demande des habitants de îabago et je puis assurer l’Assemblée nationale qu’en 1787 ils ont montré tant de loyauté et tant de fidélité à la France qu’ils ont fourni jusqu�à mille nègres pendant plusieurs mois pour travailler à mettre la colonie en état de défense, et cela sans avoir été payés et dans un moment où ils avaient beaucoup à se plaindre dti ministère* (L’Assemblée renvoie au comité colonial la demande des habitants de îabago.) M. ïfricàud annoncé que les attroupements se sont dispersés dans le Cbarùlais et que les dégâts ont cessé dans ce bailliage, par suite de l’arrestation de neuf des principaux meneurs. M. de lidngüève, membré du comité des rapports, fâit remarquer que dans le décret relatif à l’affaire de Sehelestadt, le procès-verbal de samedi dernier a omis le mot de magistrat. (L’Assèinblée autorise l’addition de èe mot dans le décret.) M. Cliabrond, aU nom du comité des rapports: A la première séance de rassemblée primaire de la section de Saint-Pierre d’Évreux, M. Girard fils a été accusé d’avoir dressé une liste de vrbgt-six citoyens actifs, parmi lesquels doivent être choisis les quatorze officiers municipaux. Interrogé sur ce fait, il en convient, et dit qu’il ne t’avait dressée que pour fixer son opinion sur le choix qü’il devait faire, et qü’il ne l’avait montrée qu’à un seul particulier. Il observa qüe ces faits étaient antérieurs à la formation de l’assemblée primaire. Un jugement provisoire, rendu sur cet interrogatoire, défend à M. Girard d’assister à l’as-seffibiéé, et Ordonne un plus amplement iüfôrfné. Sur ces nouvelles informations, rassemblée, en confirmant le premier jugement, déclare déüni-titemeùt M. Girard coupable d’avoir contrevenu à l’esprit et à la lettre dés décrets dé l’AsSemblée nationale, et lë condamne à être privé des droits de citoyen actif pendant la durée de toute cette session. — M. Ghabrond présente, au nom du comité, un projet dé décret, dont il développe les motifs, et dofit voici les termes : « L’Assemblée nationale, apres avoir ouï lé compte qui lui a été rendu, par son comité des rapports, du procès-verbal dê l'assemblée primaire, section de Saint-Pierre de la ville d’Évreux, le 27 mai et jours suivants, et des interrogatoires, information et jugement que rassemblée s’est permis Contre le sieur Girard le jeune, citoyen actif de ladite ville, sur de prétendus faits de captation de suffrages, confection et distribution de liste antérieurs à l’ouverture de ladite assemblée, et encore de la transcription qu’elle a fâit faire sur les registres de la municipalité desdits jugements ; « À décrété et décrète qu’elle annulle, quant à ce, le procès-verbal de l’assemblée primaire, section de Saint-Pierre de la ville tTÉvreux; déclare le sieur Girard le jeune déchargé desdits jugements; fait défense aux citoyens de là dite section de Saint-Pierre dé së permettre k PâVëiiir de pareils faite; ànniile én même temps PiûsertiOfi faite dans lefe registres de la municipalité desdits jugements; ordonne qti’ellesera bâtonnée, et le présent décret transcrit à la marge. « Au surplus, l’Assemblée ordonne que le président se retirera devers le roi, pour le supplier de faire mettre le décret à exécution. » M. Morigins dé Roquefort* Je ne désapJ prouve pas le fond db décret, parce que je crois que l’assemblée primaire de Saint-Pièrre d’Évreux était incompétente et qü’ëlle ne pouvait avoir une pareille juridiction; mais il me paraît également que l’Assemblée nationale lie doit point porter un jugemetit et ne doit pas annuler, parce qu’elle n’est qüe législatrice. Elle doit Së border à improuver la délibératioü prise par rassemblée primaire d’Évreux. M. Buzot. Les règles exposées par M. Mougids de Roquefort sont vraies ; je les accepterais volontiers s’il existait des tribunaux OÙ l’on pût porter ces sortes de causes, mais il n’y erl a point et par suite l’ Assemblée nationale se trouve dans la nécessité de prononcer. M. Rœderep. Sans entendre préjuger eb HeU sur l’accusation, il me semble que la compétence de rassemblée primaire n’est pàs contestable. G’eSt dans l’assemblée du peuple que réside la pleine puissance : c’est donc là que l’oü doit examiner tous les faits relatifs aux élections. Quel est le tribunal qui connaîtra de pareils faits ? Ce ne sera pas les juges ordinaires, püisqüe vous àvëfc dit que les difficultés des municipalités Seraient portées aux assemblées du district. Je démâüde que l’ou reconnaisse; conformément aux principes, que l’assemblée avait le droit de juger et que l’on entende un rapport sur lé foüd de cette affaire i M. E-oys. M. Rœderer vient d’établir la doctrine en vertu de laquelle les assemblées primaires ont le droit incontestable de prononcer sur l’exclusion des citoyens actifs. — ' Je demande l’ajournement et le renvoi de cette affaire du co* mite de constitution. (Le renvoi ëst ordonné.) M. t*ôftlalii de Hbiltafiëotirt; député dé Vitfy-le-Français, demande tin congé de huit jottiS qui lui est accorde. M. Vieillard fils (de Coûtâmes), membre du comité des rapports. Au mois de septembre dernier, les habitants de la ville dë Juraüpon, ëü Béarn, formèrent une garde nationale poür défendre leùrs propriétés dévastées par lèd brigands. Il fut arrêté que tons les citoyens, depuis seize.âna jusqu'à cinquante, seraient enrégimentés, et que celui qui refuserait le service serait condamné à une amendé de 20 sous et mis en prison jusqu’au payement. M. Mdntaulaü fils encourt le premier cette peine. M. Latigar, l’un des officiers iüuUici-paux, se transporte chez ce citoyen, qui refuse de payer l’amende; il est mis eu prison et retenti pendant deux heures. M. Montaulan attaque Ml Latigar aü parlement de Navarre. Le municipalité est assemblée ; elle arrête que irtfis ctinp missaires serdüt envoyés au parlement de Nà� varre, pour lui rappeler le décret qui défend que les officiers municipaux Soient interrompus daüè leurs fonctions par aucun tribunal. Le parlement continue SeS potirsuités, et le 20 mai tin arrêt paf 'défaut déclaré titil reitiprïsoütieméut, fàît