[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1791.] dire, après l’administration intérieure de l’Empire, de laquelle dépend véritablement la félicité de ses habitants : je n’hésite pas à donner la première place, après le chef de la justice, au secrétaire d’Etat qui doit être chargé, dans mon plan, des grands objets relatifs à l’instruction publique : ses utiles et intéressantes fonctions sont, à mes yeux, les premières; elles contribueront plus que les autres détails du gouvernement intérieur, à former des hommes et des citoyens. PROJET DE DÉCRET. « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art. 1er. Le Conseil d’Etat sera composé d’un garde du sceau de l’Etat, et de six secrétaires d’Etat. « Art. 2. Le garde du sceau sera chargé de l’envoi des lois aux tribunaux, et de tout ce qui a rapport à la justice civile et criminelle. « Art. 3. Le premier secrétaire d’Etat sera chargé des objets relaûfs à l’instruction générale, des maisons d’éducation, des séminaires, des académies, des spectacles, et enfin de toutes les institutions morales et politiques. « Art. 4. Le second sera chargé des contributions, tant directes qu’indirectes, et des autres revenus publics, jusqu’au versement des deniers, dans les caisses soumises au comité de trésorerie. « Art. 5. Le troisième sera chargé de tous les autres objets d’administration généraleintérieure, ce qui comprend les assemblées politiques et administratives, les établissements publics relatifs aux pauvres valides ou invalides ; les ponts, chemins, canaux et autres constructions nationales ; l’agriculture, le commerce, les manufactures, etc. « Art. 6. Le quatrième sera chargé de la marine et des colonies. « Art. 7. Le cinquième de l’armée de terre. <> Art. 8. Le sixième des affaires extérieures. « ( Applaudissements .) (L’Assemblée décrète l’impression de ce discours et de ce projet de décret.) M. Rœdercr. La nomenclature des ministres qui vous est proposée par le comité de Constitution me paraît absolument inexacte, et ne pas donner une idée nette des fonctions attachées à chacune de ces places. D’abord, Messieurs, le mot de ministre de la justice ne peut pas convenir au ministre chargé des lois relatives à la police des tribunaux. Les ministres, ce sont les juges; il n’y en a pas d’autres. Le ministre de l’intérieur: cette dénomination est extrêmement vague, et dans celle-là rentrent toutes les autres ; car le ministre de la guerre, quand l’armée est en France, est aussi mini-tre de l’intérieur. (Murmures.) La justice, Messie urs, est aussi évidemment un m'ini'tère de l’intérieur. Il faut, ce nie semble, appeler chaque chose par son nom, et attacher à chaque fonction une dénomination qui en rappelle l’essence et qui renferme pour ainsi dire ceux qui en exerceront les fonctions dans les limites de ces fonctions. Vous avez des lois politiques, des lois de finances, des lois judiciaires. En conséquence, j’appellerais les ministres : mini-tre des lois politiques, ministre des lois de finances, ministre de l’ordre judiciaire et ministre de la marine et 691 colonies, de la guerre et des affaires étrangères ; ces dénominations-là sont exactes. (Murmures). Je penserais que tous les ministres étant égaux entre eux, étant tous chargés de l’exécution des lois relatives à leur partie, tous également doivent avoir le sceau de l’Etal, pour les expéditions des lois relatives à leur partie. Je borne mes observations à ce que je viens de dire à l’Assemblée. M. Dupont. Dans le projet du comité et dans celui de M. Anson, on s’est trop asservi aux opinions de l’ancien régime qui avait fait de l’administration, de l’agriculture et du commerce une petite subdivision, que l’on appelait ministère de l’intérieur. Je voulais représenter à l’Assemblée que cette partie del’admiuistraiion demande une autre constitution que celle d’un ministre ou d’un secrétaire d’Etat. Il est indispensable d’en faire remplir les fonctions par une commission dans le genre de celle que vous avez établie pour le Trésor public. Les mines, les manufactures, la pêche et le commerce exigeraient qu’il fût formé une commission de 5 personnes, dans laquelle seraient le ministre de la marine, le ministre des affaires étrangères et le ministre chargé de l’administration intérieure. Alors les opérations seront faites en commun et de concert. Je conclus à ce qu’il soit réservé une commission à chaque administration. M. Démeiinier, rapporteur. Pour répondre à M. Anson, j’examinerai s’il est raisonnable de diviser en deux parties le ministère de l’intérieur, et ensuite si l’on peut faire un département particulier de l’instruction et de l’éducation publique et des autres parties accessoires. Le comité pense que, en effet, au moment où vous établissez un nouveau mode de contributions publiques, soit directes, soit indirectes, il sera utile non seulement en ce moment, mais encore pour l’avenir, d’avoir un ministère responsable, chargé uniquement de cette partie assez étendue pour employer les talents de i’homrae le plus expérimenté. Ainsi, sur ce premier point, je pense que l’Assemblée pourrait admettre la division du ministère de l’intérieur. J’appellerai ce nouvel agent ministre des contributions et revenus publics. Je vous observerai ensuite, Messieurs, qu’il est important de ne pas trop surcharger la correspondance des corps administratifs. Vous leur avez donné tant de travaux que si vous les obligez encore à rendre compte à trois ministres différents, il arrivera que les ministres n’ayant point concerté entre eux leurs réponses, il en résultera quelquefois soit de la mésintelligence, soit des avis contraires; et alors vous arrêtez complète ment l’administration intérieure dans le royaume. D’après ces vues, je penserais que l’instruction et l’éducation publique, les autres parties que M. Anson y a réunies, quoique d’une très grande importance pourraient néanmoins demeurer au ministre de l’intérieur dont vous changeriez la dénomination, si vous le jugiez à propos. 11 serait aisé, dans l’organisation des bureaux de ce ministre, de former un point de correspondance particulière, d’engager le ministre à choisir des hommes éclairés, uniquement dévoués à cette partie importante. Alors l’administration irait beaucoup mieux dans les départements. D’après ces vues, mon avis serait de diviser le ministère de l’intérieur en deux parties, alors notre travail sur les 5 directeurs généraux devient [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 avril 1791.] 692 absolument inutile. Je prie M. le Président de mettre aux voix s’il y aura un ministre ou secrétaire d’Elat des contributions et revenus publics; puis s’il y aura un troisième ministre de l’intérieur pour l'instruction et l’éducation publiques. De cette manière la délibération marchera avec beaucoup de rapidité. M. Rœderer. Pour simplifier la marche de la délibération, je pense qu’il faudrait que le comité suspendît l’article 2 et qu’on délibérât de suite sur l’article 3, c’est-à-dire qu’il faudrait déterminer les départements des ministres sans fixer le nombre de ces ministres. M. Déuieunier,rapj9ortewr. L’avis de M. Rœderer est très sage; le comité l’adopte et s’tn occupera. Je pense que l’on pourrait dès à présent nommer un ministre des contributions publiques; mais, comme il est important que la justice marche, et qu’il n’y a pas la moindre difficulté à cet égard, on peut aussi décréter qu’il y aura un ministre de la justice et examiner les fonctions que le comité lui attribue. M. Defermon. Je désirerais que l’Assemblée ne décrétât pas d’abord qu’il y aura un ministre des contributions publiques sans savoir si l’on ne sera pas obligé de retrancher quelques fonctions des autres ministres pour agrandir les siennes. Je demanderais que l’Assemblée décrétât préalablement toutes les fonctions qui seraient attribuées à ce ministre. M. Démeunier, rapporteur. M. Defermon a paru craindre que le ministre des contributions publiques manquât d’occupation; mais, Messieurs, le ministre des contributions aurait des fonctions très importantes, puisqu’il sera chargé de surveiller tous les rôles d’imposition; qu’il aura une correspondance avec les 83 départements et qu’il sera chargé de faire arriver les fonds au Trésor public : et c’est ici que l’on ne peut s’empêcher de reconnaître le grand avantage de ce ministre. Il ne faut pas vous le dissimuler. Point de Constitution, point de gouvernement, et je puis dire, point de nation, sans revenus publics, si vous n’assurez pas d’une manière positive la rentrée des contributions, alors nous courons le plus grand danger; plus l’objet est important, plus il est urgent d’y pourvoir et je conclus à ce que vous décrétiez aujourd’hui qu’il yauraun ministre des contributions et des revenus publics. Plusieurs membres : Aux voix, la discussion fermée ! (L’Assemblée décrète la clôture de la discussion.) Plusieurs membres demandent qu’on mette aux voix s’il y aura, ou non, un ministre des contributions et revenus publics. M. Rœderer. Je demande l’ajournement de cette motion. Plusieurs membres ; La question préalable sur l’ajournement! (L’Assemblée décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’ajournement). M. le Président. Je rappelle à l’Assemblée que la motion a été faite de déterminer les fonctions des ministres avant de délibérer sur leur nombre. Je mets aux voix cette motion. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’elle s’occupera d’abord de régler les diverses fonctions attribuées à chaque département, en commençant, suivant le vœu du comité, par le département de la justice.) M. Rarnave. Il me semble que, d’après la manière dont la question a été posée, l’Assemblée vientde rendre deuxdécretsqui soiten apparence contradictoires l’un avec l’autre; elle a d’abord décrété qu’elle n’ajournerait pas la proposition faite de décider qu’il y aurait un département des contributions publiques; elle a ensuite décrété qu’elle allait s’occuper actuellement de déterminer les fonctions du ministère de la justice pour examiner ensuite, en son lieu, ce qui concerne le ministère des contributions publiques. Conséquemment elle a admis par le second décret l’ajournement qu’elle ayait rejeté. ( Murmures approbatifs). Je crois qu’il n’y a pas, dans l’Assemblée, une grande diversité d’opinions. Je crois qu’il suffit de prendre une marche qui vous conduise au but auquel nous tendons tous. L’Assemb ée paraît désirer que le département proposé p ;r le comité, sous le nom de département de l’intérieur, soit divisé; c’est ainsi quelle l’a entendu quand elle a paru vouloir qu’il existât un ministre des contributions publiques; car certainement elle n’a pas prétendu qu’à ce ministre des contributions publiques qui, je crois, ne suffiraient pas pour occuper un seul homme, on ne pût pas y joindre quelqus-unes des parties attribuées par le comité au ministre de l’intérieur; elle a donc seulement entendu que le ministère de l’intérieur serait divisé et que dans l’une des divisions entrerait le ministère des contributions publiques. Si c’est là son opinion, que doit-elle décréter? Que le département proposé par le comité, pour le ministère de l’intérieur, sera divisé et renvoyé au comité pour lui présenter demain, ou le jour qu’elle fixera, le mode de cette division. Il paraît de plus qu’il est convenu par tout le monde qu’il doit y avoir un ministre de la justice, un ministre de la guerre, de la marine et des colonies, un ministre des affaires étrangères; on peut aujourd’hui décréter que ces 4 départements seront distincts et ensuite nous occuper de la démarcation de leurs fonctions. Je me résume donc et je demande que vous adoptiez la motion suivante : « L’Assemblée nationale décrète que le ministre de la justice, celui de la marine et des colonies, celui de la guerre et celui des affaires étrangères, formeront chacun un département séparé. « Décrète, en outre, que le département proposé par le comité de Constitution, sous le titre de ministère de l’intérieur, sera divisé; charge le comité de Constitution de lui proposer incessamment le mode de cette division. » Après avoir rendu ce décret, nous nous occuperions de la démarcation des fonctions du ministre de la justice. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! la motion de M. Barnave! ( L’Assemblée, consultée, adopte la motion de M. Barnave.) M. Démeunier, rapporteur. D’après ce décret, notre délibération sera très simple; vous n’avez plus qu’à déterminer quelles fonctions vous vou-