PAIS DE SOULE. CAHIER Des plaintes, doléances et très-humbles remontrances que le clergé du pays et vicomté de Soûle remet à son député pour être présenté au Roi dans l'assemblée nationale du royaume, à Versailles (1). Le clergé du pays de Soûle remercie très-humblement le Roi de la bonté qu’il a eue de rendre aux curés de son royaume le droit que leur accordait leur antique institution, en les appelant aux assemblées générales du royaume; plus près de la classe malheureuse des sujets de Sa Majesté et toujours occupés de leurs maux, ils les feront mieux connaître au Roi et à la nation qui s’empresseront d’y porter remède. Ce sera un moyen pour augmenter la confiance des peuples en leurs pasteurs, et la religion, qui est le plus solide appui du trône, reprendra tous ses droits dans les cœurs des fidèles. Nous chargeons notre député de faire nos représentations au Roi et à la nation assemblée : 1° Sur l’intérêt de la religion et du clergé de France ; 2° Sur l’intérêt général du royaume; 3° Sur l’intérêt particulier du pays et du clergé de Soûle. INTÉRÊT DE LA RELIGION ET DU CLERGÉ DE FRANCE. Art. 1er. Que la religion catholique, quia donné de si grands princes à la France et procuré tant de bien à l’Etat, soit la seule professée publiquement dans tout le royaume. Art. 2. Que comme sans bonnes mœurs, l’homme ne peut être fidèle ni à son Dieu ni à son souverain, il soit ordonné à tous les officiers chargés de la police, de poursuivre avec toute la sévérité des lois les personnes qui mènent publiquement une conduite scandaleuse. Art. 3. Que rien ne contribuant plus à la corruption des mœurs et n’entraînant à de plus grands désordres que la passion du jeu, les anciennes ordonnances contre les jeux défendus soient renouvelées, et qu’il soit ordonné à tous les officiers chargés de la police de veiller à leur exécution sous peine de 1,000 livres d’amende contre ceux desdits officiers qui seront convaincus de négligence sur cette partie essentielle de leurs devoirs. Art. 4. Qu’il y aura des conciles provinciaux tous les cinq ans, où la loi, bien interprétée, mieux entendue, deviendra plus utile, et que la discipline ecclésiastique du diocèse d’Oleron sera réglée dans un synode tenu à cette fin, dans le plus court délai possible, pour mettre de Tuniformité dans la conduite des ministres, et qu’on ne pourra jamais y faire aucun changement que dans un synode subséquent (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 5. Qu’il soit ordonné aux officiers de police de redoubler de vigilance pour faire respecter les ordonnances qui nous promettent le silence et la tranquillité aux cabarets pendant les dimanches et fêtes, même les jours ouvrables, et que le jeu de cartes y soit défendu, comme préjudiciable à l’intérêt public. Art. 6. Que le droit de prévention ne puisse être exercé que deux mois après la vacance des bénéfices. Art. 7. Que l’article 14 de l’édit de 1768, qui prive les curés des dîmes novales, soit révoqué. Art. 8. Que tout corps ayant essentiellement le droit de s’assembler pour s’occuper de ses intérêts, celui des curés puisse le faire quand il le croira nécessaire, sous la présidence de l’évêque diocésain, et sur son refus constaté, sous celle du plus ancien d’entre eux. Art. 9. Que la déclaration du Roi du 15 décembre 1695 qui autorise les évêques dans le cours de leurs visites, et sur les procès-verbaux qu’ils en dressent, à envoyer au séminaire, pour l’espace de trois mois, les curés pour descausesgra-ves, mais qui ne méritent pas une instruction judiciaire, soit retirée. Art. 10. Qu’ils ne puissent pas non plus s’enquérir publiquement de la conduite des curés et des prêtres desservants. Art. 11. Que, conformément à la déclaration du Roi du 24 mai 1724, il y ait dans chaque paroisse un ou deux maîtres d’école ; que leurs gages soient payés par les communautés et qu’ils ne puissent jamais exercer leurs fonctions sans l’approbation ecclésiastique, ni être maintenus en vertu de l’autorité séculière. Art. 12. Que les fondations pieuses ne soient plus assujetties au droit d’amortissement. Art. 13. Que cette règle de la chancellerie : Re-gularia regularibus, soit supprimée. Art. 14. Qu’étant dangereux que le droit de nommer à des bénéfices ne puisse être exploité par les protestants, qu’au détriment de la religion, il soit ordonné que tous les titres qui appartiendront aux non catholiques rentrent dans la collation des ordinaires. Art. 15. Qu’en conformité de ce qui fut déeidé dans le concile de Trente, on ne puisse faire décerner des monitoires que pour des matières graves et trouvées telles par l’évêque. Art. 16. Que les curés soient en droit de demander une maison presbytérale , avec grange et jardin. Art. 17. Que toute stipulation d’intérêt soit défendue comme usuraire, lorsque c’est un pur prêt et que cela ne soit permis que lorsqu’il y aura aliénation du principal. INTÉRÊT GÉNÉRAL DU ROYAUME. Art. 18. Que les Etats généraux fassent rédiger un code national où toutes les lois de la constitution soient rapportées et rendues publiques. Art. 19. Que l’ordre qui vient d’être établi pour 775 [États gén. 4789. Cahiére,} ARCHIVES les assemblées nationales soit consacré par «ne loi à jamais inviolable. Art. 20. Que, sous aucun prétexte, il ne soit porté atteinte au droit de propriété. Art. 21. Qu’il y ait une répartition égale de toutes les charges entre les trois ordres en proportion de leurs revenus. Art. 22. Que toutes les impositions du Roi soient directement versées au trésor royal pour qu’elles y paraissent sans diminution. Art, 23. Que rien ne paraissant plus propre à alimenter l’esprit du commerce qu’une circulation libre de toute espèce de marchandises, dans l’intérieur du royaume, on ne puisse établir les bureaux de la ferme qu’aux frontières. Art 24. Que la dette nationale soit consolidée et que le compte des finances soit chaque année rendu public. Art. 25. Que la liberté individuelle soit sous la protection des lois, et que l’usage des lettres de cachet ne soit permis que dans des cas privilégiés ; qu’à cet effet toutes prisons et maisons de force soient ouvertes aux officiers de tribunaux pour se les faire représenter. Art. 26. Que les agents généraux, comme étant les défenseurs exercés des droits du clergé, aient voix délibérative à l’assemblée des trois ordres de l’Etat, et que l’un d’eux soit du nombre des curés. Art. 27. Que l’administration des hôpitaux soit principalement confiée au clergé. Art. 28. Que les formes judiciaires tant du civil que du criminel soient simplifiées, et qu’il soit ordonné que toute affaire criminelle sera jugée pour le plus tard dans l’espace d’un an, à peine contre les officiers chargés de l’expédition, passé ce délai, de répondre en propre et solidairement des frais de l’instruction et de la nourriture des prisonniers. Art. 29. Que le droit de contrôle soit fixé, et que l’arrêt du 2 septembre 1760 concernant les baux des biens et revenus des bénéficiers et autres gens de mainmorte, soit retiré. Art. 30. Que la tranquillité du royaume demandant que la puissance souveraine soit toujours et en tous temps et lieux, en activité, les parlements continuent à être les dépositaires des lois et de leur exécution. INTÉRÊTS PARTICULIERS DU PAYS ET CLERGÉ DE SOULE. Art. 31. Après avoir manifesté son vœu pour l’établissement d’un ordre fixe dans tout le royaume, le clergé du pays de Soûle doit s’occuper de l’intérêt particulier des trois ordres de la province. Nous sommes pays de franc-alleu naturel et d’origine, et nous chargeons notre député de réclamer avec instance de la justice du Roi la confirmation de tous les privilèges, franchises et immunités du pays de Soûle. Art. 32. Nous demandons que, suivant la constitution, toutes les causes civiles et criminelles soient portées en première instance devant les juges naturels du pays. Art. 33. Il sera encore représenté à Sa Majesté que cette petite province, abandonnée pour ainsi dire à ses propres forces, a plus de besoin que toute autre partie du royaume de protection et de secours pour améliorer son sort. Art. 34. Que nous la supplions d’accorder à notre tribunal, avec trois juges en activité, le droit de juger souverainement jusqu’à concurrence de 100 livres. Art. 35. Que cette faveur et la conservation de PARLEMENTAIRES [Pays de Soute.] ses anciennes franchises contribueront au bien du pays, qu’elles encourageront l’agriculture, réveilleront l’industrie et vivifieront ce district isolé, dénué aujourd’hui des moyens d’opérer cette heureuse révolution. Art 36. Que les jurats du pays de Soûle aient la police, même le droit de permettre l’enterrement des cadavres que l’on pourrait trouver, après en avoir constaté le genre de mort, assisté d’un chirurgien, et qu’ils puissent procéder à l’apposition des scellés, à l’ouverture des successions et autres cas urgents. Art. 37. Que, dans le chapitre d’Oleron, il y ait deux prébendes canoniales affectées pour les prêtres de Soûle qui auront travaillé au moins dix ans dans le ministère. Art. 38. Que le droit de vacat soit supprimé. Art. 39. Que le curé qui fait la desserte d’une paroisse, en ait tout le temporel. Art. 40. La prémice est un droit qui fut établi lors de l’inféodalité des dîmes pour la subsistance des curés : on a contrarié l’objet de son institution chaque fois qu’on l’a appliquée à d’autres usages, comme pour des sacristains et des fabriques ; ainsi il est demandé qu’elle soit rendue aux curés-Art. 41. Que la construction d’un quai dans le quartier du Pont, de la ville de Mauléon, projeté, et autres établissements, n’aient point lieu, à cause de la grande dépense que cela occasionnerait et l’impossibilité où se trouve le pays d’y contribuer. Art. 42. Que l’on déroge à l’article 1er de la coutume, titre des indications , qui introduit la répudiation, et que le délai de la prescription soit fixé à l’instar de la Navarre. Art. 43. Que le pays ne paye plus les gages du gouverneur. Art. 44. Sa Majesté sera suppliée d’abolir encore un abus d’autant plus intolérable, qu’il ne peut devoir son origine qu’à l’adulation et à la complaisance de quelques curés des siècles passés, celui d’encenser dans les églises paroissiales et de donner l’eau bénite au patron et à sa famille. Art. 45. Que la communauté des Capucins de Mauléon, comme étant très-utile et la seule de la province, soit maintenue. Art. 4fi. Se plaindre de ce que les curés ni les vicaires ne jouissent pas de la congrue fixée par la déclaration de 1782, pour les premiers, à 700 livres, et pour les vicaires, à 350, cette loi étant demeurée sans exécution, on ne sait par quelle fatalité. Art. 47. Demander une nouvelle augmentation de leur congrue conforme à celle qui sera fixée pour le reste du royaume, attendu que ce qui leur est attribué par cette loi n’est pas suffisant pour leur entretien. Art. 48. Depuis l’établissement des communes, on distingue dans le royaume trois ordres : le clergé, la noblesse et le tiers ; par un abus dangereux, les Etats de Soûle qui, pour leur province, sont l’image et la représentation des Etats généraux du royaume, ne sont formés que de deux ordres, la noblesse et le tiers. Le clergé, quoique le premier ordre de l’Etat, n’y assiste point faute d’un règlement pour le rang qui devrait lui appartenir, et cet abus qui contrarie la constitution de la monarchie, doit nécessairement être réformé; en conséquence, nous supplions Sa Majesté d’ordonner qu’à l’avenir, le clergé du pays de Soûle sera en droit d’assister à Rassemblée générale dudit pays, et qu’en conformité de la rubr. 5 de la coutume, il y formera une chambre particulière. 776 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES Art. 49. Si, aux Etats généraux, on propose de voter par tête ou par ordre, le député est invité à peser les avantages ou les inconvénients de cette forme de délibérer, le clergé s’en rapportant à son honneur et à sa prudence sur le parti qu’il devra adopter. Art. 50. Et après que dans l’assemblée de la nation il aura été statué sur les articles ci-dessus, notre député pourra voter pour les impôts qui seront jugés nécessaires et concourir à l’amélioration de toutes les parties d’administration et à la réforme de tous les abus : nous lui donnons tous les pouvoirs nécessaires à cet égard; cependant, si l’on propose de porter quelque atteinte aux propriétés territoriales du clergé ou à ses privilèges, notre député sera tenu de nous en donner avis pour recevoir nos instructions ultérieures. Et le présent cahier a été arrêté par l’assemblée du clergé dudit pays de Soûle le 1er juillet 1789. Ainsi signé ne varietur, J. -B. -A., évêque d’Ole-ron ; Etchegouhen, commissaire; Darches, commissaire ; Chuhando, commissaire ; Doilher, commissaire; Jaureguiberry, commissaire; Sibas, commissaire ; Garricaburu, prieur-curé ; d’Or-diarp ; d’Etcheverry, prêtre, commissaire, et Ep-plierre, curé de Cherante, secrétaire. Collationné. Signé Epplierre, secrétaire, curé de Cherante. Signé Meharon de Maytier. CAHIER Des doléances de la noblesse du pays et vicomté de Soûle (1). Un Roi, le père de son peuple, préfère à toute autre gloire celle d’être le restaurateur de l’Etat ; il nous appelle au secours de la patrie. Pour répondre à des vues si dignes de notre amour et de notre reconnaissance, les sacrifices ne nous coûteront pas ; nous contribuerons autant que nos forces pourront le permettre au rétablissement des finances. Nous déclarons que nous renonçons à tout privilège, à toute exemption pécuniaire pour la contribution aux charges de l’État, bien persuadés que les autres corps privilégiés en useront de même; nous déclarons en même temps que nous bornons à cela nos sacrifices, et que nous prétendons nous maintenir dans toutes les exemptions et privilèges pécuniaires que doit nous assurer une possession immémoriale et fondée sur les causes les plus légitimes. Nous demandons : Art. 1er. Que les Etats généraux soient convoqués tous les cinq ans. Art. 2. Qu’aucune loi, qu’aucun impôt ne puissent être établis qu’après le consentement des Etats généraux, et que l’enregistrement en soit fait dans les cours. Art. 3. Que, dans chaque assemblée, on commence par examiner si les lois portées dans le assemblées précédentes ont été exécutées; si, dans l’exécution il s’est présenté des inconvénients qui exigent une réforme ; s’il en était résulté l’utilité qu’on s’était promise. Art. 4. Que les Etats provinciaux déjà établis ou ceux qui le seront ne puissent, sous aucun prétexte, sous aucune dénomination, payer de nouveaux impôts, accepter des augmentations (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire, PARLEMENTAIRES > [Pays de Soute.] sur ceux établis, qu’après que les Etats généraux auront consenti pour tout le royaume. Art. 5. Que les impôts soient simplifiés le plus possible. Art. 6. Que l’état de dépense qu’exige chaque département, celui des sommes destinées à la splendeur du trône, celui des sommes nécessaires pour éteindre la dette nationale, soient fixés. Art. 7. Qu’il soit fait des fonds pour récompenser par des pensions le mérite et les talents dans tous les ordres ; qu’on réduise ou qu’on réforme celles qui ne sont qu’un encouragement au luxe ou le prix de la faveur. Art. 8. Que chaque ministre soit responsable à la nation de son administration. Art. 9. Que chaque année il soit rendu un compte public de l’état des finances comme celui de 1781, afin que chaque citoyen puisse y voir ce qu’il doit espérer ou craindre. Art. 10. Que les exactions ou les prévarications dans la perception des impôts soient poursuivies devant les tribunaux ordinaires, sans qu’aucun , tribunal d’attribution puisse les dérober aux lois. Art. 11. Que Sa Majesté soit suppliée d’établir une commission composée de magistrats et de jurisconsultes célèbres pris dans tous les tribunaux du royaume, et cette commission débarrassant et simplifiant les lois civiles, formera un code assez clair pour que chacun puisse prévenir l’application de la loi ; elle réformera le code criminel contre lequel l’humanité réclame ; elle rapprochera les justiciables de leurs juges en restreignant les ressorts trop étendus, en ajoutant à ceux qui ne le sont pas assez, en en créant de nouveaux s’il est nécessaire. Art. 12. Les frais de justice, haussés dans le peu de temps qu’elle a été gratuite, devenus une surcharge accablante depuis qu’elle ne l’est plus, seront réduits. Art. 13. Un supprimera les tribunaux d’exception, et toutes les causes, de quelque nature qu’elles soient, seront portées devant les tribunaux ordinaires. Art. 14. Les suppôts de justice multipliés d’une manière effrayante seront réduits au nombre nécessaire pour le service des tribunaux auxquels ils sont attachés, afin que le repos public ne soit plus troublé. Art. 15. Les salaires seront fixés par des tarifs clairs et précis qui soient à la portée de tout le monde, et leurs exactions sévèrement punies. Art. 16. La liberté de chaque citoyen sera respectée et ne dépendra plus des ordres arbitraires. Art. 17. Chaque citoyen sera sûr de son état ; un militaire ne redoutera plus qu’un ordre arbitraire d’un ministre l’en d épouille ; aucun citoyen n’aura plus à craindre de châtiments que ceux que la loi inflige. Art. 18. L’éducation publique sera perfectionnée et on y maintiendra avec la plus grande attention les principes des mœurs et de la religion. DOLÉANCES PARTICULIÈRES AU PAYS DE SOULE. Art. 1er. La Soûle est un pays de franc-alleu ; cette franchise, établie, dans le premier article de la coutume, appuyée sur plusieurs autres, est le fondement de la constitution quelquefois menacée, mais toujours respectée; cette franchise, nous la mettons sous la sauvegarde des lois, sous la protection du Roi et des Etats généraux, de même que nos privilèges. Art. 2. Ils nous exemptent de quelques-uns des impôts établis dans tout le reste de la France; ils