72 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mois. ( Applaudissements .) Je ne demande pas qu’on prenne des accusations au hasard; je demande qu’on choisisse les plus graves. Le plus vaut le moins (28). 5 Le président annonce que Carrier fait dire qu'il est malade, et ne peut se rendre à l’Assemblée. On demande l’appel nominal sur le décret d’accusation. Un membre [LANOT] propose que Carrier soit tenu de se rendre malgré son indisposition, qu’on l’envoie chercher, ou qu'on le fasse apporter. Un autre membre propose que la Convention charge le comité de Sûreté générale de faire, sur-le-champ, vérifier par des officiers de santé l’état de Carrier, à l'effet de prendre ensuite tel parti qu’il conviendra. Un autre membre [LEGENDRE (de Paris)] propose que Carrier soit sommé de se rendre, et averti que, s’il refuse, il sera de suite passé à l’appel nominal (29). LE PRÉSIDENT (30) : Carrier est très-d’ac-cord avec ceux qui veulent prolonger cette affaire; car il me fait dire qu’aujourd’hui il est malade. ( Violents murmures.) Plusieurs voix : L’appel nominal ! LANOT : Président, tu dis que Carrier a écrit qu’il est malade; eh bien, il n’est d’accord avec personne, pas avec moi toujours; car, quoiqu’il soit malade, je demande qu’il paraisse ici. Je ne connais pas d’accord entre le crime et la vertu ; je demande qu’il paraisse ici, s’il n’est pas réellement malade, ou que, s’il l’est, sa maladie doit être constatée. *** (31): Il n’est pas étonnant que Carrier soit malade. S’il l’est réellement, il faut lui donner des secours: s’il ne l’est pas, il faut qu’il vienne ici. Je demande que le comité de Sûreté générale envoie des gens de l’art pour constater le fait. (28) Moniteur, XXII, 576. (29) P.-V., L, 28. C 327 (1), pl. 1430, p. 691, sous la signature de Crassous. (30) Pour l’ensemble de la discussion : Moniteur, XXII, p. 576-598; Rép., n° 62, 63, 64, 65, 66, 66 (suppl.); Débats, n° 794, 945-948, n° 796, 978-980, n° 797, 991-1000, n° 798, 1011- 1012, n° 797, 1023-1024, n° 800, 1033-1036, n° 801, 1047-1056, n° 804, 1083-1084, n° 806, 1131-1132, n° 807, 1145-1152, n° 808, 1163-1167, n° 809, 1176-1180 ; C. Eg„ n° 825, 826, 827, 828, 829 ; F. de la Républ., n° 62, 63, 64, 65, 66 ; J. Perlet, n° 789, 790, 791, 792, 793, 794, 795; J. Fr., n° 787, 788, 789, 790, 791, 792, 793, 794, 795, 796, 797, 798; Gazette Fr., n° 1055, 1056, 1057, 1058, 1061, 1065; Ann. Patr., n° 690, 691, 692, 693, 694, 696, 698; M.U., 1349, 1350, 1351, 1352, 1353; J. Univ., n° 1821, 1822, 1823, 1824, 1825, 1826 ; Mess. Soir, n° 826, 827, 828, 829, 830 ; Ann. R.F., n° 61, 62, 63, 64, 65, 66; J. Paris, n° 62, 63, 64, 65. (31) Mess. Soir, n° 828 attribue cette réplique à Menuau. TAILLEFER: L’Assemblée a décrété que la discussion s’ouvrirait aujourd’hui à midi : il faut que Carrier vienne. *** (32): Je suis convaincu que Carrier est malade ; mais savez-vous quelle est la maladie qui le tourmente? C’est la conviction de ses crimes. (Applaudissements.) Les faits sont constatés, les actes sont connus ; Carrier ne les a pas niés; il a seulement tergiversé sur quelques mots omis dans une copie. Quel est l’homme de bonne foi pour qui il n’est pas constant que les fusillades, que les noyades, que les égorgements ont eu lieu ? En supposant que Carrier ne les ait pas ordonnés, ne devait-il pas les empêcher? Il avait au contraire des conversations journalières avec les membres de ce comité sanguinaire, et il leur a laissé commettre toutes les horreurs qui font frémir la nature. J’ai entendu faire hier une distinction ridicule et sophistique; croit-on que les scélérats vont chez un notaire passer un acte de leurs crimes? Je demande qu’on consulte la Convention pour savoir si elle est assez instruite pour procéder à l’appel nominal. LE PRÉSIDENT : Je demande à prouver que l’on veut sauver Carrier. (Vifs applaudissements.) [Je demande qu’un ancien président prenne ma place, et je demande la parole pour prouver que l’on veut sauver Carrier.] (33) Legendre quitte le fauteuil. LEGENDRE (de Paris): Je n’accuse personne ; mais je déclare qu’il est démontré pour moi que ceux qui ont voulu faire aux Jacobins un rempart de leurs corps à Carrier sont encore ici pour le sauver. (Vifs applaudissements.) La discussion qu’on a élevée hier est partie du haut de ce côté. (En montrant l’extrémité gauche. On applaudit.) On a demandé des preuves matérielles ; eh bien, si vous en voulez, faites refluer la Loire à Paris (Applaudissements .), faites amener les bateaux à soupape, faites venir les cadavres des malheureuses victimes qu’on a sacrifiées ; ils sont en assez grand nombre pour cacher les vivants. (Nouveaux applaudissements.) Le peuple a les yeux ouverts, et personne ne le trompera sur cette affaire. (Les applaudissements redoublent.) Tous ceux des membres de cette assemblée qui ne sont mus que par des principes de justice ont cédé à tout hier, afin qu’on ne pût lui faire aucun reproche ; mais il ne faut pas que la Convention se laisse mener. (Non, non! s’écrient tous les membres en se levant. On applaudit vivement.) S’il n’y avait que la justice qui réclamât ici, je n’aurais point pris la parole, parce que je respecterai toujours ce sentiment d’humanité, ce penchant qu’ont tous les hommes de bien à croire les autres aussi probes qu’eux, et dont les plus grands scélérats abusent. Applaudissements.) (32) Moniteur, XXII, 576 indique un député « inconnu », Cicogne. (33) Mess. Soir, n° 828.