[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1791.1 proclamation contienne le serment. (Applaudissements.) M. de Cazalès. Je ne m’oppose nullement à la proposition de M. de Lameth. Il est parfaitement sage qu’un roi, arrivé à l’époque de la majorité, et qui est à la tête du royaume, prête le serment à la Constitution à cette époque-là ; mais il me paraît que celle de M. de Mirabeau peut être dangereuse. L’avènement du roi à la majorité est une chose de fait. Il suffit que le roi annonce ce fait que personne ne pourra contester, ce fait sur lequel il n’y aura aucun doute, c’est qu’il aatteint l’âge de 18 ans. Si, au lieu de cela, vous chargez le Corps législatif de cette proclamation, il pourrait s’ensuivre qu’on la regarderait comme une espèce de sanction du droit, ce qui ne doit pas être, car certainement c’est indépendamment de l’autorité du Corps législatif que le roi sera majeur, qu’il enlrera en plein exercice du pouvoir exécutif. Si le Corps législatif se refusait à cette proclamation, qu’est-ce qui en arriverait? Le roi serait-il dépouillé du pouvoir exécutif que la loi constitutionnelle de l’Etat lui a confié? Il me paraît qu’il y aurait de l’inconvénient dans la proposition faite par M. de Mirabeau, et je demande que celle du comité soit adoptée. ( Applaudissements .) M. de Mirabeau. Et je ne conçois pas, moi, comment on peut trouver de l’inconvénient à déclarer, par exemple, qu’à l’avènement de la majorité le Corps législatif sera toujours assemblé, que le roi s’y rendra pour y déclarer que la loi l’émancipe et qu’ensuite il rendra une proclamation qui contiendra son serment. M. de Cazalès. M. de Mirabeau ayant entièrement changé sa proposition, celle-ci n’a plus d’inconvénient. ( Applaudissements .) M. de Mirabeau. On n’est dans une assemblée délibérante que pour s’éclairer mutuellement. Je remercie M. de Cazalès d’avoir été la cause que je me suis rectifié. M. Thouret, rapporteur. J’adopte bien que la proclamation exprime le serment ; mais j’observe qu’il peut survenir quelque obstacle au rassemblement du Corps législatif, soit par des circonstances forcées, soit par des circonstances concertées-, et ceux qui pourraient opposer des retards à ce rassemblement seraient par là les maîtres de prolonger la régence, de retarder l’activité du roi, activité qu’il tient de la loi même, au moment de sa majorité; car il ne reçoit rien de plus par la Constitution •. il était roi dès que le trône a vaqué. Son autorité était suspendue par sa minorité ; mais du jour de sa majorité, en vertu de la Constitution, je ne dis pas il devient roi, mais il acquiert l’activité delà royauté. Or, ne peut-on pas présumer quelques circonstances dans lesquelles il serait dangereux que cette activité dépendît d’un rassemblement du Corps législatif ? La déclaration de su majorité est un acte qu’il a droit de faire. (Applaudissements.) M. de Mirabeau. Je réponds que vous ne pouvez pas supposer des obstacles au rassemblement du Corps législatif, sans supposer un grand attentat à la Constitution; et c’est une grande raison de plus pour exiger le rassemblement du Corps législatif. Et comme ici l’intérêt du gouvernement monarchique, l’intérêt de toutes les autorités légitimes concourraient parfaitement avec l’obéissance à la Constitution, il me semble ou que ces circonstances-là sont peu redoutables, ou qu’il est peu de moyens efficaces de les déjouer, sinon d’exiger précisément le rassemblement d’une Assemblée si imposante, chargée de pouvoirs si terribles, et devant lesquels tous les factieux, tous les conspirateurs, fùt-ce le régent, devraient être si embarrassés. Je persiste donc dans mon avis. M. Itewbcll. Je demande que le rassemble-meot de la législature soit fixé à une époque qui précédera d’un mois celle de la majorité au roi. M. deCazalès. Sans doute, ce qu’il y aurait de mieux à faire, dans l’hypothèse de M. Thouret, serait de rassembler le Corps législatif ; mais pour que ce rassemblement puisse s’effectuer, pour que les mauvaises intentions soient combattues, pour que l’attentat contre la Constitution soit prévenu, il est extrêmement important que le roi soit à l’instant, par le seul fait de sa naissance, par le seul fait de la loi constitutionnelle de l’Etat, mis en possession de l’autorité royale qui lui a été départie, afin de pouvoir combattre et le3 attentais, et favoriser le rassemblement du Corps législatif. En conséquence, j’adopte la rédaction de M. Thouret. M. de Mirabeau. Vous avez raison. (L'Assemblée ferme la discussion et adopte l’amendement de M. Alexandre de Lametb). M. Thouret, rapporteur. Voici quelle serait, en conséquence, la rédaction de l’article ; Art. 21. « Aussitôt que le roi sera devenu majeur, il annoncera, par une proclamation publiée dans tout le royaume, qu’il a atteint sa majorité, et qu’il est entré en exercice des fonctions de la royauté. Dans cette proclamation, le roi exprimera son serment constitutionnel, et promettra de le réitérer devant le Corps législatif.» (Adopté ) M. Moreau de Saint-Méry. Messieurs, j’ai demandé la parole pour prier l’Assemblée de me permettre de lui donner lecture de lettres que la députation de la Martinique vient de recevoir de l’assemblée coloniale de cette île. Je supplie l’Assemblée d’en écouter la lecture avec quelque attention et de ne pas perdre de vue que ces lettres sont écrites par des hommes livrés alors, depuis plus de 5 mois et demi, aux horreurs de la guerre civile. Au Gros -Morne-Martinique, le 23 janvier 1791. « Messieurs, nous avons reçu, le 20 de ce mois, par l’hôtel de ville de Saint-Pierre, une copie du décret de l’Assemblée nationale, du 29 novembre dernier, qu’elle a reçu de la chambre de commerce de Marseille. Et nous avons reçu, le 22 au soir (par l’aviso) avec votre lettre du 13 décembre dernier, le décret que vous nous avez envoyé, et qui diffère peu de la copie. « Il ne serait pas sage de préjuger les effets que produiront ses dispositions. D’ailleurs ces effets seront autant l’ouvrage des commissaires et du nouveau gouverneur, que des circonstances. « Quant aux circonstances, elles seront d’a- 375 [Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 mars 1791.J bord favorables à rappeler au devoir des rebelles et des révoltés aux abois, et dans l’état de l’anarchie la plus révoltante. « Pour nous, nous ne désirons que la paix, et nous n’avons été livrés à la guerre civile que par l’injustice atroce des ennemis de la colonie, et pour le salut de nos vies et de nos propriétés, après avoir fait, pendant près d’un an, les plus grands efforts pour l’éviter, et même les plus grands sacrifices, puisque nous ne pouvions que perdre au milieu même des plus grands succès. « D’après cette esquisse de l’état de nos ennemis et de notre conduite, vous conviendrez que nous avons bien payé ce que nous devons à la morale et au patriotisme dont vous nous parlez dans votre lettre du 13 décembre, et même outre mesure. Nous pouvons même nous flatter d’avoir été martyrs de cette morale, puisque la ville de Saint-Pierre existe encore, et que nous nous sommes contentés de la bloquer par terre, pour arrêter le zèle de la régénération incendiaire et destructive de ses habitants, et des hordes de brigands qu’ils ont appelés dans son sein. Voyez la lettre du 28 novembre, n° 18 (et antérieures) dans laquelle, après vous avoir instruits de la résistance que nous opposions à ceux qui, aigris par leurs malheurs, demandaient à grands en s à marcher à Saint-Pierre, nous vous disions : « Nous sentons bien que l’anéantissement de cette « ville nous rendrait promptement la paix, mais « il nous fait horreur, et ce sentiment l’emporte <( sur notre intérêt et sur celui de l'indignation « que ses forfaits nous inspirent : nous vous « le répétons, notre patience n’est pas encore « à bout. » « Nous sommes, etc... » J’ajouterai, Messieurs, que d’autres lettres annoncent la confiance des planteurs dans les vues et les déterminations de l’Assemblée nationale. Leurs sentiments ne varient point, et ils se sont encore manifestés dans une lettre du 10 janvier dernier, dont je vous prie d’entendre quelques détails : « Au Gros-Morne, le 10 janvier 1791. « Messieurs, depuis lontemps en butte aux traits de la calomnie, nous devons être parvenus au plus haut degré d’impassibilité que des hommes puissent atteindre. Aussi rejetant loin de nous toutes les imputations du ressentiment, nous avons suivi la route que notre devoir nous traçait, et notre constance dans la modération a été à toute épreuve. « Un trait plus cruel que tous les autres nous atteint aujourd’hui, et nous sommes soumis à une épreuve plus rude que toutes les précédentes. Un cri d’indignation nous échappe en lisant dans un écrit de MM. Arnaud de Gorio et Ruste, députés de Saint-Pierre, intitulé : Réponse au dernier mémoire du député extraordinaire de l'assemblée inconstitutionnelle de la Martinique (page 3, note 4) : « Les instructions de l’assem-« blée de la Martinique à ses députés commen-« cent par cette phrase remarquable et vraiment « patriotique : Les colonies ne font point partie « de l'Empire français. Tout ce qui émane de « cette assemblée prouve que ceux qui la com-« posent sont pénétrés de cette dangereuse « maxime. » « Nous n’avons pu dans le temps faire imprimer nos instructions ; dès que cela nous-a été possible, nous nous en sommes occupés. La dernière feuille était sous presse au Port-Royal, lorsque notre directoire a été contraint de sortir de cette ville, nos archives nous ont été enlevées; nous n’avons donc pas cette pièce sous les yeux, mais elle est gravée dans notre mémoire; et fût-elle infidèle, nos principes et nos sentiments, bien plus profondément gravés dans nos cœurs, nous seraient garants de la fausseté de ce que MM. Ruste et Arnaud de Gorio osent avancer. Vous avez sous les yeux nos instructions. « Vous voudrez bien rendre cette lettre publique, afin que non seulement l’Assemblée nationale, mais la France entière, puisse asseoir son opinion sur des colons qui ont, dans tous les temps, prouvé qu’ils étaient dignes d’être Français, et sur ceux qui leur font si gratuitement une inculpation aussi grave. « Nous sommes, etc. » Je prie l’Assemblée nationale d’ordonner que son procès-verbal portera la mention des vrais sentiments de ceux de mes commettants auxquels on a fait une injure atroce, puisqu’on leur a reproché de ne pas sentir le bonheur qu’ils avaient d’être Français. (Cette proposition est adoptée.) L’ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur la garde du roi mineur . M. Thouret, rapporteur , donne lecture du projet du comité qui est ainsi conçu : De la garde du roi mineur . « Art. 1er. La régence du royaume ne confère aucun droits ur la personne du roi mineur. « Art. 2. La garde de la personne du roi mineur sera confiée à sa mère, et à défaut de la mère, à celui des parents du roi qui sera Français, régnicole, âgé de 30 ans accomplis, et le plus éloigné du trône. « Art. 3. Les femmes, autres que la mère du roi, sont exclues de sa garde. « Art. 4. Si la mère est remariée au temps de l’avènement de son fils mineur au trône, ou si elle se remarie pendant la durée de la minorité, la garde du roi sera déférée ainsi qu’il est dit dans la seconde partie de l’article 2 ci-dessus. « Art. 5. Si le roi mineur n’a aucuns parents réunissant les qualités requises pour exercer la garde, elle sera déférée par élection au Corps législatif; et provisoirement le ministre de la justice sera tenu de pourvoir à la conservation de la personne du roi, et en demeurera responsable. « Art. 6. La mère du roi mineur, ou celui qui, à son défaut, sera chargé de la garde du roi, prêtera à la nation, entre les mains du Corps législatif, le serment de « veiller religieusement à fa conservation de la vie et de la santé du roi. » « Art. 7. L’Assemblée nationale se réserve de régler par une loi particulière ce qui est relatif à l’éducation du roi mineur, ou de l’héritier présomptif du trône. » (La discussion est ouverte sur ce projet de décret.) M. Thouret, rapporteur , donne lecture de l’article lor ainsi conçu :