[Assemblée national©.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] dea accusateurs publics, et sur leur responsable, contre les auteurs des troubles qui ont eu lieu dans le pays de Gaux, leurs fauteurs, anlié-reDts et complices, et que les administrateurs du directoire du département, du district de Dieppe, et les officiers municipaux requerront, si besoin est, la force militaire pour faire exécuter les décrets déjà prononcés courre quelques prévenus, par le t ibunal du district de Dieppe; « 2° Que les administrateurs du directoire du département prendront toutes les informations nécessaires sur la conduite tenue par les officiers municipaux des parois es et communautés dont les habitants ont participé à la rébellion à la loi, et en rendront incessamment compte à l’Assemblée nationale, sauf auxdits administrateurs à prendre provisoirement, à l’égard desdits officiers municipaux, toutes les mesures prescrites par les décrets pour le rétablissement de la paix et le bien de l’administration ; « 3° Que les troupes de ligne et gardes nationales se conformeront aux ordres et réquisitions des corps administratifs et des municipalités, et que provisoirement aucune garde nitionale ne sort ira de son territoire sans une réquisition formelle des corps administratifs ou de leurs propres municipalités, provoquée par la municipalité qui a besoin d’assistance; « 4° L’Assemblée nationale autorise les administrateurs du directoire du département de la Seine-Inférieure à indiquer provisoirement aux ci-devant fonctionnaires publies ecclésiastiques séculiers et réguliers, et aux ci-devant religieux, même non fonctionnaires, qui n’ont pas prêté serment, les lieux que le département jugera convenables pour la résidence des dits prê res et religieux, sauf à rendre compte à l'Assemblée nationale des mesures qu’ils auront prises à cet égard, et à être statué par elle ce qu’il appartiendra; « 5° L’Assemblée nationale, d’après le témoignage du département, approuve la conduite du sieur Dauwerts qui s’est efficacement entremis pour empêcher les effets de la rébellion. » (Ce décret est adopté). M. I>is«n du Oaland, au nom du comité des domaines. Messieurs, vous avez ajourné mardi dernier l’article 4 du projet de décret concernant la liquidation des finances remboursables à ceux qui ont acquis du domaine de V Etat des droits supprimés sans indemnité et des justices seigneuriales ; après nouvel examen, lè comité propose de décréter l’article en ces termes : « En cas de bail à vie, il sera fait déduction sur lesdites finances ou deniers d’entrée, d’un trentième par année de joui-sance qu’auront eue les baillistes antérieurement à l’époque ci-dessus énoncée, sans néanmoins que cette déduction puisse réduire le remboursement au-dessous du tiers desdites finances ou deniers d’entrée. « Si le bail était à plusieurs vies, la déduciion ne sera que d’un quarantième par année de jouissance; mais cette déduction pourra réduire jusqu’au quart le remboursement des finances ou deniers d’entrée. » Si l’Assemblée adopte cet article, il sera nécessaire d’y faire rapporter la disposition de l’article 21. Enfin, l’Assemblée n’ayant adopté l’article 25 que sauf rédaction, le comité propose de le décréter en ces termes : « Si les ahénataires ont à répéter des impenses et améliorations, ils en dresseront de même un 551 état particulier, détaillé, signé et affirmé; et soit qu’ils aient ou non des impenses à répéter, ils produiront les procès-verbaux de visite de lieux, qui auront uû être fait-!. „ (L’Assemblée adopte les rédactions proposées par M. Pison du Galand pour les articles 4 et 25.) M. le Président. L’ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur l'échange de Sancerre; avant de donner la parole à M. le rapporteur, je vais faire lecture à l’Assemblée d’une lettre de M. d’Espagnac sur cet objet. M. Fa vie. Je demande le renvoi de la lecture de cette lettre après le rapport. ( Assentiment .) M. Roger. J’appuie la motion de M. Lavie; il faut entendre le rapport avant de lire la lettre. Si M. d’Espagnac présente de nouveaux moyens de défense, il suffira que l’Assemblée les connaisse avant que la discussion s’ouvre. M. Fricot, rapporteur , commence la lecture de son rapport (1), dont la suite est renvoyée à la prochaine séance du soir. La séance est levée à neuf heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU SAMEDI 23 JUILLET 1791, AU SOIR. Rapport du comité des domaines sur l'échange de Sancerre, par François-Fir min Fricot, député du département des Vosges. — ■ Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale. Messieurs, l’Assemblée nationaleavu renouveler dans son sein les plaintes qui, 2 ans auparavant, avaient été présentées à l'Assemblée des notables, contre L’échange du comté de Sancerre. Les réclamations de plusieurs provinces lui ont dévoilé l’abus qu’on avait fait de ces sortes de contrats qui ne servaient qu’à couvrir des aliénations rejetées par la loi; et l’Assemblée aussi décidée à peser dans sa sagesse les droits légitimes des échangistes, et à les maintenir, qu’a faire rentrer dans le domaine national tout ce que des contrats illusoires pourraient en avoir démembré, a confié au comité, qu’elle a créé à cette occasion, l’examen de ces objets intéressants, parmi lesquels elle a désigné spécialement l’échange du comté de Sancerre. Le comité s’en est occupé aussitôt que vos décrets sur la législation domaniale lui ont donné des bases d’après lesquelles il pût diriger son travail. Il vient aujourd’hui vous rendre compte de cette affaire ; vous exposer les détails d’un échange qui a excité tant de réclamations; vous en présenter l’origine, les causes qui l’ont déterminé, les différents accroissements qu’il a reçus, et mettre enfin sous vos yeux la valeur respective des objets compris dans cet échange, afin que l’A-semblée puisse peser, dans sa sagesse, ce qu’elle doit à la justice, et ce qu’exige l'intérêt national. Legouvernement avait acquis, en 1766, la prin-(1) Voyez ci-après ce document aux annexes de la séance. 552 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet n91.l cipauté de Boisbelle et d’Henrichemont, sous la condition de céder en échange à M. de Béthune, des terres de 60,000 livres de revenu. Cet engagement n’était pas encore rempli en 1777. Le comté de Sancerre était alors à vendre, et il était à la bienséance de M. de Béthune. L’acquisition exigeait un capital de 1,400,000 livres que le Trésor royal n’était pas en état de payer. M. d’Espagnac, qui cherchait alors à transporter en France la majeure partie de la fortune de M. His, son beau-père, désirait joindre à sa terre de Gormeré, la forêt de Russy qui en est voisine. Le gouvernement remplissait toutes les convenances en donnant la forêt de Russy à M. de Béthune qui pouvait en disposer en faveur de M. d’Espagnac, et s’arranger avec lui pour le comté de Sancerre. Get arrangement fort simple fut celui qui se présenta d’abord. M. de Béthune, à qui Sancerre devait appartenir, traita de cette terre avec la succession de Mme de Gonti, et M. d’Espagnac, en recevant la forêt de Russy, devait acquitter le prix de l’acquisition. Le gouvernement n’avait, dans ce plan, qu’un seul échange à taire, et cet échange était la suite de l’engagement, contracté longtemps auparavant, de donner à M. de Béthune des terres de 60,000 livres de revenu. On s’écarta de ce plan si simple. M. d’Espagnac craignit l’effet des substitutions, dont les biens de la maison de Béthune étaient grevés; il lui convint mieux d’acquérir en son nom le comté de Sancerre, et de proposer au gouvernement un double échange; l’un, de la forêt de Russy, contre le comté de Sancerre, et le second de cette même terre qui serait cédée à M. de Béthune, pour lui remplacer le revenu promis pour sa principauté d’Henrichemont. Il paraît qu’on fit des démarches auprès de M. Taboureau, alors contrôleur général, pour lui faire approuver ce double projet. On peut croire même d’après une procuration de M. His, antérieure à l’acquisition de M. d’Espagnac, que ce ministre donna quelque espérance de l’accueillir. G’est dans ces circonstances que M. d’Espagnac acquit le comté de Sancerre par contrat du 31 juin 1777. La retraite de M. Taboureau ayant empêché de continuer avec lui la négociation de cette affaire, ce fut avec M. Necker que les conditions de l’échange furent réglées. Les principes de ce ministre n’étaient pas favorables aux échanges; il les regardait comme un contrat dans lequel la lésion était toujours pour l’Etat. Il voulut en conséquence empêcher que l’événement ne rendît celui-ci onéreux. Il proposa au roi le projet de deux échanges, celui du comté de Sancerre, acquis par M. d’Espagnac, produisant 47,500 livres de revenu, contre 6,300 arpents de la forêt de Russy, dont le produit, suivant un nouvel aménagement, était estimé 40,000 livres, et ensuite la cession à faire à M. de Béthune de cette terre qui, avec le comté de Béthune, devait consommer l’échange de la principauté d’Heqrichemont, mais à condi-îon que, quelque pût être le fort des évaluations, M. d’Espagnac renonçât à toute soulte qui pourrait se trouver due parle roi, et que, si, au contraire, M. d’Espagnac se trouvait en devoir, il s’engageât à en fournir le monlant en fonds de terre. En considération de cet échange, on accorda à M. d’Espagnac une ordonnance de comptant de 99,100 livres pour l’indemniser de moitié des droits seigneuriaux dus au roi à raison de l’acquisition du comté de Sancerre. Ges conditions ne convinrent pas à M. d’Espagnac, il y trouva de l’inégalité, ce qui le fit renoncer à l’échange, elle détermina à garder Sancerre. Cette inégalité est en effet le seul motif que M. d’Espagnac ait donné à sa renonciation. M. Necker, dit-il, a voulu faire tourner au profit du domaine l’empressement que M. de Béthune et M. d’Espagnac témoignaient à conclure l’échange. En même temps qu’il acquérait une terre du produit de 47,500 livres, susceptible d’augmentation, il cédait une forêt qui ne pouvait en rapporter que 40,000 livres et il obligeait M. d’Espagnac à rendre en fonds de terre la soulte qu’il pourrait devoir, sans pouvoir en répéter s’il lui en était dû. G’est, suivant M. d’Espagnac, l’injustice de ces conditions qui l’a empêché de les accepter. Geci demande une explication. M. Necker voulait ne pas acheter trop cher le comté de Sancerre, et ne pas céder à trop bon marché la forêt de Russy. Dans l’échange projeté, il n’y avait nulle lésion à craindre sur le prix de Sancerre. M. de Béthune, à qui cette terre devait être cédée, avait intérêt à ce que le prix ne fût pas porté trop haut, puisque le taux de l’évaluation devait faire la loi pour les 2 échanges. Il n’en était pas de même pour la forêt de Russy. M. Necker connaissait jusqu’à quel point les évaluations pouvaient s’écarter de la valeur réelle des objets, par une appréciation, où l'avantage demeurait presque toujours à la science et à l'activité de l'intérêt particulier. Il crut convenable de fixer un taux au-dessous duquel la forêt de Russy ne pût être estimée, et ce taux était celui de l’évaluation même du comté de Sancerre. En appréciant le revenu de cette forêt, que le ministre présentait au roi comme pouvant rapporter 40,000 livres, il savait qu’indépendamment de l’aménagement qui pouvait en élever le produit à celte somme, elle avait une valeur actuelle en futaie, excédant de beaucoup le capital de ce revenu. Il avait fait faire, par les officiers de la maîtrise de Blois, une estimation détaillée de la futaie existante, et cette estimation se portait à 2,287,640 livres, sans y comprendre la valeur de 852 arpents de vides ou de jeunes taillis. Gette explication fait disparaître l’inégalité de conditions dont M. d’Espagnac se plaignait, et cette clause, si inégale en apparence, se réduit à dire que cette valeur de plus de 2 millions, ne pourra être abaissée, par le sort des. évaluations, au-dessous de 1,400,000 livres, prix auquel le comté de Sancerre venait d’être acheté. L’échange parut absolument abandonné jusqu’au ministère de M. de Galonné. Ge ministre n’avait pas les principes de M. Necker, sur les échanges, ni sa défiance sur le sort des évaluations ; il adopta le projet d’échange, et sut résoudre toutes les difficultés que le roi opposait à la conclusion d’un contrat, qu’il craignait devoir être onéreux à ses finances. G’est en Usant les mémoires du ministre, sur lesquels les bons du roi ont été accordés, que l’Assemblée verra par quels moyens on est parvenu à grossir cet échange d’une portion considérable de domaine. Voici comme il s’exprimait au mois de mars 1784 : Bon du roi du 21 mars 1784. « Lorsque j’ai eu l’honneur de représenter à Votre Majesté que l’acquisition du comté de Sancerre, valant aujourd’hui, 80,000 livres de revenu, [Assemblée nationale.| ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791. J 553 n’avait été faite par le baron d’Espagnac, que pour répondre aux vues de M. Taboureau; et sous la condition expresse qu’après qu’il l’aurait acquis, Votre Majesté lui donnerait en échange, la forêt de Russy située dans le comté de Blois, avec tous les droits et domaines à elle apparte-tenant dans les paroisses de Saint-Gervais, Vi-meuil, Mons, Sellette, Seur et Chailles, ainsi que la soulte qui lui serait due d’après Dévaluation respective; et une somme de 99,100 livres pour l’indemnité des frais d’évaluation dont il demeurerait chargé; Votre Majesté a désiré savoir : 1° s’il y avait des preuves écrites de ces faits; 2° pourquoi on présentait comme indemnité des frais d’évaluation, l’ordonnance de 99,100 livres qui était énoncée comme remise des droits seigneuriaux ; 3° d’où provenait la différence d’estimation du comté de Sancerre présenté aujourd'hui comme valant plus de 80,000 livres, tandis qu’en 1777 il l’avait été comme ne valant que 48,000 livres ? « J’ai pris, suivant les ordres de Votre Majesté, des éclaircissements sur ces 3 points. « Quant au premier, les recherches faites dans les bureaux du contrôle et dans ceux de l’administration des domaines, ne m’ont pas procuré des preuves écrites, expressément, que M. Taboureau eût excité, au nom de Votre Majesté, le baron d’Espagnac à acquérir le comté de Sancerre, et il paraît que celte affaire a été traitée de vive voix. Mais il en reste des traces, telles que des lettres en forme de certificats, de M. de Béthune, pour lequel le comté de Sancerre était acheté; d’autres du sieur Nardot, premier commis du domaine, qui instruisit pour lors cette affaire, et du sieur Desjobert, qui la traita au nom de Monsieur le prince de Gonti. Le baron d’Espagoac présente en outre la correspondance des différentes personnes qui étaient intéressées, avec plusieurs mémoires, faits dans le temps, qui annoncent pareillement que le comté de Sancerre a été acquis dans la vue de servir à un échange avec M. de Béthune. Ce qui achève de le prouver, ce sont les bons que M. iNecker fitsigneràVotre Majestéle 31 août 1777, et qui ne pouvaient être l’effet que des arrangements précédents. S’ils sont restés sans exécution, c’est que le baron u’Espagnac, sur le refus qui lui fut fait de la soulte qui lui était due, pour l’excédent de la valeur du comté de Sancerre sur les objets d’échange, aima mieux garder ce comté, et attendre le moment où Votre Majesté daignerait écouter sa réclamation. « Sur le second point, j’observe que les droits dus lors de l’achat, à raison du quint, étaient de 280,000 livres; que la réduction ordinaire les réduisait à 198,200 livres, ce qui faisait une remise de 81,800 livres, au lieu que le bon est 99,100 livres, ce qui donne lien de croire qu’il a eu un autre objet. Au surplus, la quittance ci-jointe de 162,000 livres que Monsieur le comte d’Artois a donnée au baron d’Espagnac, pour payement fait par lui des droits seigneuriaux du comté de Sancerre, prouve qu’il n’a pas fait usage du bon, et semble l’autoriser à en réclamer le payement, s’il se fait un échange avec lui. « Enfin, à l’égard du dernier point, les états fournis par M. d’Ëspagnac, justifient beaucoup d’améliorations considérables et d’acquisitions nouvelles sur toute la terre, principalement sur les bois. Ainsi il ne serait pas étonnant qu’elle valût aujourd’hui plus de 80,000 livres, comme il l’affirme ; mais , au reste, peu importe, puisqu'on ne traiterait que sur le pied des évaluations. « La situation malheureuse où cette acquisition, et les vexations qui l’ont suivie, ont précipité les affaires du baron d’Espagnac, et la nécessité de satisfaire aux engagements qu’i* a contractés, par une suite de revers qu’il éprouve depuis longtemps, le forcent de supplier Votre Majesté d’effectuer l’échange du comté de Sancerre et comme Votre Majesté; a fait connaître que son intention n'était point de céder la forêt de Russy, le baron d’Espagnac demande, que pour prix d’acquisition, Votre Majesté lui lai-se donner quittance des 500,000 livres qu’il lui doit; qu’elle veuille bien l’auto-riseï à toucher l’ordonnance de 99,100 livres qu’il a entre les mains, en se chargeant par lui de tous frais d’évaluation, et que le surplus qui sera reconnu être dû à lui pour complément du comté de Sancerre, tel qu’il sera fixé par les évaluations de la chambre des comptes, lui soit donné, soit en domaines, soit en argent, au choix de Votre Majesté. « Afin de rendre ce complément moins considérable, le baron d’Espagnac propose de garder tout ce qu’il a acquis depuis le contrat de vente de Sancerre jusqu’à ce jour, tant en fiuf qu’en rôture, soit qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de réunion au comté de Sancerre. <■ 11 gardera aussi dans ce qui composait la même seigneurie de Sancerre, la haute, moyenne et basse justice, et le tabellionnage de la paroisse de Saint-Gemmes, toutes les dîmes telles qu’elles puissent être; les 60 arpents ou environ qui forment son jardin et tous les prés, terres labourables ou domaines généralement quelconques. Mais dans ces 2 articles d’exceptions ne seraient pas compris les bois, lesquels appartiendraient en entier à Votre Majesté. « Tous ces objets seront expressément exceptés de l’échange, mais ils resteront sous la mouvance du comté de Sancerre ; les dîmes, jardin, la justice et tabellionage de Saint-Gemmes à titre de fiefs : toutes les terres, prés et domaines quelconques à titre de rôture. Le baron d'Espa-gnac ne gardant en sa main tous ces objets que pour les aliéner, Sa Majesté voudra bien lui accorder, pendant 10 ans, pour toutes les personnes qui désireraient les acquérir, et pour la première vente seulement, l’exemption des droits seigneuriaux. « Tout le reste du comté de Sancerre, soit en droits utiles, soit en droits honorifiques, et l’universalité des bois, seront cédés à Votre Majesté. « Ges objets, suivant l’état joint, composent un revenu de 84,379 livres, dont 48,481 livres, d’objets affermés, le surplus estimé par le baron d’Espagnac, sur le pied de l’année commune. L’évaluation du tout serait faite par la chambre des comptes, conséquemment à la dernière ordonnance de Votre Majesté, qui fixe celle des domaines ou denier 30, et celle des droits seigneuriaux au denier 40. « J’ai déjà eu l’honneur d’observer à Votre Majesté que toutes les précautions nécessaires avaient été prises pour prévenir toute prétention de réunion à l’apanage deM. lecomted’Artois. Il y a un arrêt du conseil du prince, déclaratif de sa renonciation, en date du 22 février dernier. « C’est à Votre Majesté de prononcer sur cet objet, qui me paraît très embarrassant. D’un côté je suis bien éloigné de proposer aucune acquisition, dans les circonstances actuelles, et 554 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] lorsque la volonté de Voire Majesté me paraît y être, avec raison, fort opposée; je ne puis dissimuler non plus que tout é hange de domaine entraîne beaucoup d’embarras et de difficultés. « D’un autre côté, la boulé et l’équité de Votre Majesté semblent la solliciter qu’un gentilhomme attaché à Sun service, et dont le zèle, ainsi que la loyauté, Ici sont connus, devienne victime d’un projet conçu par le ministre, et sur la fui duquel il a engagé touie sa fortune « Enfin, je considère qu’en adoptant les pro-positio 'S que fait aujourd'hui lebaron d'Eqiagnac, Votre Majesté acquerrait, de la manière la moins onéreuse pour les finances, une superbe terre, dont relèvent environ 1,800 fiefs ou arrière-fiefs, et qui est susceptible d’amélioration. « Je supplie Votre Majesté de me donner ses ordres définitifs, étant, depuis bien longtemps, sollicité de les obtenir. » Au bas e.-t écrit, de la main du roi ; Bon. Jusque-là M. de Galonné n’avait encore fait agréer que le projet d’acquérir le comté de San-cerre. Gomme le prix de cette acquisition devait être payé en urgent ou en domaines, la na'ure du contrat était encore indécise. On trouvait de la difficulté à payer en argent, il parut plus ai é de céder des domaines, et on préféra d’acquérir parla voie d’un échange. Il i estait à mettre sous les yeux du roi les domaines qu’on pourrait céder à M. d’E>pagnac. Tonte l’adresse du ministre n’aurait pu déterminer l’agrément de Sa Majesté, s’il lui eût présenté d’abord la liste de tous les domaines qui, dans la suite, ont été compris dans l’échange. C’est en lisant ses mémoires qu’il faut voir comment ces différentes conce-sions ont été amenées. On y remarquera d'abord une espèce de réserve dans celles que M. de Galonné pro dotait, et su'tnut lorsqu’il s’agissait de toucher aux forêts. M .is on verra bientôt succéder à cette réserve une extrême profusion, qui a succes-ive-inent, et par gradation, porté à un point excessif la niasse des domaines échangés. Bon du roi , du 26 septembre 1784. * Lorsqu’au mois de mars dernier, j’ai eu l'honneur d’exposer à Votre Majesté que l’acquisition du comté de Sancerre n’avait été faite, par le haro i d’Espagnac, que pour répondre aux vues du gouvernement, et sous la c< ndition que Votre Majesté lui donnerait en échange la forêt de Russy,avec les 6 paroisses qui l’environnent, Votre Majesté , qui a reconnu que les motifs les plus importants et les plus décisifs devaient la détourner d'aliéner ou concéder à l'avenir aucune partie de ses forêts, et que celle de Bussy formait , avec celte de Blois et de Chambord, un ensemble qu'il ne convenait pas de démembrer, a rejeté , par celte considération, l'échange projeté ; mais, touchée de la situât on malheureuse où l’acqui-ition du comté de Sancerre avait précipité 1> s affaires ou haro i d Esnagnac, elle a bien voulu s’en charger, sous la réserve d’en rembourser la valeur/à son choix, soit en domaines qu’elle donnerait en échange, soit en argent, pour une parue, d’après le évaluations qui seraient faites aux fais du banni d’Espaenac. * lia en conséquence ra.-se a blé tous les titres nécessaires cour passer son contrat d’échange avec Votre Majesté, conformément au bon qu’elle a signe te 21 mars dernier. Mais comme Votre Majesté ne peut recevoir le comté de Sancerre, qu’après qu’il sera purgé de toute hypothèque, ce qui ne peut s’opérer que par le remboursement des créances hypothéquées, le baron d’Espagnac demande que i onr se mettre en état d’y procéder, Votre Majesté daigne déte' miner quelle portion ou prix elle veut bien payer eu argent, et quels domaines elle lui abandonnera dès à présent, ou se réseivera de lui abonuonner par la suite. « Les informations que j’ai prises sur l’état des domaines corporels, dont Votre Majesté pourrait se dessai-dr, sans toucher aux possessions importantes qu'il convient de conserver intègres, et sans préjudicier aux bois de la Lorraine , m’ont fait voir qu’ils se réduisent présentement à si peu de chose, qu’il est très dilücile d’y trouver un corps d’échange proportionné à la valeur du comté de Sancerre, surtout en ne s'écartant pas du plan très sage de conserver les forêts et les revenus en rentes ou droits seigneuriaux, qui sont la meilleure espèce de biens q eu près celle des évaluations, le comté de Sancerre se trouverait dégagé de ses hypothèques au mom nt où les opérations de l’échange se i ont consommées. « Votre Majesté m’ayant témoigné agréer ces propositions, j’ai pris en conséquence tous les renseignements nécessaires t our pouvoir dès à présent appré ier, du moins par approximation, la valeur des objets, et établir les principales bases de l’arrangement, qui ne peut être terminé définitivement qu’a près les évaluations. t. On voit, i ar le résultat des calculs, que d’un côté Votre Majesté acqi.eira le comte de Sam erre, qui, par le moyen qu’on y joindra plusieurs des parties que le baron d’Espagnac avait d’abord proposé de se réserver, et qu’il est mieux de ne pas démembrer, vaut au moins 8ü,0Ü0 livres de revenu; ei conséquemment, en n’estimant cette belle | ossession que sur le pied ou denier 30, elle doit être envisagée comme un objet de ...................... 2,700,000 liv. « Que n’un autre côté Votre Ma-Majesté céderait: « 1° 2,179 arpents de bois estimés ................ 750,000 1. \ « 2° La seigneurie de 6 paroisses près i Cornu re, et 3 arpents f de prés ............ 50,000 1,800,000 liv. 3° Remise de la créance ..... , ...... 500,000 I 4° Somme payable 1 en 3 ans ............ 500,000 Resterait dû ..... .......... 900,000 liv. « Pour lesquelles Votre Majesté se réserverait de donm r ci-ap ès pur suite d’échange des domaines a sou choix, évalués au même prix, (t en attendant pour indemniser le baron d Espa-gnac de la non-jouissance de ces doma nés, jusqu’à l’epoque de leur tiadition, il lui serait payé, chaque au ni e, sur le revenu du domaine “de Sancerre dont Votre Majesté entrera sur-le-champ en posses ion, une somme de 30,000 livres par an, laquelle sera impuiée pour ce que de raison dans les décomptes qui seront faits à la lin des évaluations. 555 « Le contrôleur général supplie Voire Majesté de lui donm r ses ordies. » Au bas de l'original est écrit de la main du roi : Bon. Depuis cette époque, l’intérêt personnel du ministre qui va prendre une portion des domaines cédés en échange, en a considérablement accru la masse ; ch st au mois de février 1785, que M. de Galonné nropo-a au roi d’y comprendre le mar-quisat d’Hatlonchâlel, voisin de la terre d’Ha-nouville, et qu’il désirait y réunir; c’est son exposé qu’il faut lire : Bon du roi du 19 février 1785. « Votre Majesté, par son bon du 26 septembre dernier fixant à 2,710,000 livres la valeur du comté de Sancerre, tel qu’il était remis pour lors, et nYn acquittant, soit par argent, soit par les domaines qu’elle avait donnés, que 1,800,000 livres, a cru devoir accorder au baron d'E pa-gnac 30,000 livres de rente Sur les revenus de ce comté, jusqu’à ce qu’elle eût liquidé en domaines le-900,000 livres qu’elle arbitrait avoir meure à payer. « Pour remplir cet engagement, il m’a été fait plusieurs propositions pareilles à celles du comte de La iMarck, qui me paraissent d’autant plus avantageuses à Voire Majesté, que portant presque toutes sur des obje s cédés i ar elle à titre d’engagement ou ne rente perpétuelle, elles recouvrent u e valeur qui eut été longtemps perdue pour Votre Majesté. « Ces objets sont les fief-de Brunville d’Ar-genchy, près Bayeux,et de Pourpraitm e, maîtrise du Roumares, situés en Norma die, et ceux de Dremlh, de Vandreuil et de Vamé, situes en Languedoc, valant ensemble 22,000 livres et sur lesquels il y a 2,000 livres de linance d’engagement. « La haute justice de Veymerange et de Blet-tanges, ainsi que les domaines d’Elauges, Ter-ville, Hayange, Marange, Katteuom, pont de Ri-chemoni, l’ile de la haute Ham, Walmestroff, bailliage ou prévôté de Thionvide; ce qui reste a Votre Majesté des élanps de Buissoncourt ; les domaines ne la NeuYeville et Malzévil e, bailliage de Neufchâicau, sur lesimls objets il y a 231,000 livres de linance d’engagement, valant’ ensemble 580,000 livies. « Le baron d’Espagnac demande ensuite que Votre Majesté veuille bien ajmbrà ces domaines le marquisat de Hationdiàtel dans tout ce qui le compose; cdt* terre, dont la mouvance s’eten i sur une vingtaine de vidages, est, en y comprimant les bois, d’une valeur ue 450, 0U0 livres environ. « Le baron d’Espagnac, par cet arrangement, recevrait eu domaines u mvuleur de 1,052,000 livres; ma s l’administration des domaines voyant que le complément bu comté de Sancerre n’etait plus onéreux pour les linancesde Votre Majesté, a désiré que le baron d’Espagnac donnât tout ce qm-le, bon du 21 mars lui avait réservé dudit comté, au lieu de q elques parties que le bon uu 26 septembre stipulait. Je l’ai proposé au baron d’Espaanac, qui y a consenti sans aucune exception, même pour les fiefs et seigneuries des Chaises, Annion, Vaignon et SanlelU s, dont l’acquisition n’a été concilie que depuis ce premier boa. « Il prie seulement Votre Majesté de vouloir bien laisser à M. Hi-, son beau-père, qui s’est fixé à Sancerre, la jouissance, sa vie durant, 556 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1191.] de sa maison, de 60 arpents ou environ qui composent son jardin, et d’une vingtaine d’arpents de prés. » « Il prie aussi Votre Majesté de vouloir bien lui accorder que tous ces objets, qui seront évalués par la chambre des comptes comme tous les autres, le soient égaleme nt sur le prix des baux actuels, et au même denier que Votre Majesté l’a stipulé clans son premier Lon, vu l’importance de cette terre; savoir : les droits seigneuriaux des fiefs ci-dessus énoncés au denier 40, et tous les autres droits et domaines au denier 30; bien entendu que ceux donnés en contre-échange suivront dans l’évaluation l’usage ordinaire. « Tous ces objets devant être estimés environ 200,000 livres, Votre Majesté, au lieu d’être créancière de M. d’Espagnac pour 152,000 livres, se trouverait lui redevoir encore 48,000 livres; mais pour le remplir de cette somme, Votre Majesté pourrait ajouter à la portion de bois qu’elle lui avait assignée dans la forêt de Russy 2 climats de 400 et quelques arpents, nommés le Housseau et les Ventes-Brûlées, que l’administration des domaines a jugé qu’il était à propos de céder, parce qu’ils ne sont couverts que de taillis de 3 ou 4 ans, ou d’autres qu’il faut réceper ; qu’ils n’ont ainsi que peu de valeur, et qu’élant séparés du reste de la forêt par la nouvelle route projetée pour la communication de Blois au Berry, la garde en devient extrêmement difficile. » Le baron d’Espagnac se trouverait alors rempli de toutes les sommes que Votre Majesté arbitre provisoirement devoir former le prix du comté de Sancerre, et la rente annuelle de 30,000 livres qu’elle lui avait accordée serait annulée. Votre Majesté n’aurait plus qu’à payer les 233,000 livres ou environ de finance d’engagement qu’elle a reçues pour les terres ci-dessus stipulées; mais elle ne les solderait qu’à la fin des évaluations de chaque objet, et elle en payerait en attendant l’intérêt au denier 20, qu’on pourrait affecter sur les revenus du comté de Sancerre. « Le baron d’Espagnac prie seulement Votre Majesté d’observer que les nouvelles évaluations, tant des objets qu’il offre en ce moment à Votre Majesté, que de ceux qu’elle reprenait par le bon du26 septembre formant de plus pour lui une dépense de près d’un sixième, il serait juste qu’elle voulût bien consentir à payer ce sixième dans les évaluations du comté de Sancerre. Il prie aussi Votre Majesté de vouloir bien lui accorder pour tous les domaines qu’elle lui donne en échange, et qu’il doit rétrocéder, l’exemption des droits de centième denier, qu’elle avait bien voulu lui accorder dans son premier bon pour les objets qu’il s’était réservés, c’est également une chose de justice et de droit. « Il ne me reste plus qu’à prendre les ordres de Votre Majesté concernant quelques difficultés qui se sont élevées lorsqu’on a voulu rédiger l’arrêt qui précède le contrat d’échange. « La première est sur les droits censuels et féodaux appartenant à Votre Majesté, dans la paroisse de Ghailles ; mais le baron d’Espagnac y renonce, et il prie Votre Majesté de vouloir bien y accorder, à la place, ceux qui lui appartiennent dans les paroisses de Cormeré-le-Bourg, ci-devant Ouchamps et Chitenay, dépendant de sa terre de Gormeré. « Une seconde difficulté regarde les jouissances respectives des objets échangés. L’administration des domaines a cru qu’il fallait les reporter toutes, de part et d’autre, à l’époque du mois de janvier dernier, sauf les bois sur lesquels il serait statué, que le baron d’Espagnac jouirait comme d’un revenu échu de la coupe du mois d’octobre 1784, et Votre Majesté de celle qui aurait pu être faite dans la forêt de Russy. « La dernièredifficulté concerne les indemnités dues aux officiers des maîtrises, dans les bois que cède Votre Majesté. Le baron d’Espagnac représente et justifie, par des titres, qu’il a à Sancerre une maîtrise particulière, dont les offices lui appartiennent; il demande, en conséquence, qu’on lui en tienne compte comme d’une valeur, ou que Votre Majesté se charge des indemnités dues aux officiers de sa maîtrise. Pour ce qui regarde seulement la forêt de Russy, cette demande paraîtde toute justice. Votre Majesté pourrait donc se charger des indemnités dues à la maîtrise de Blois seulement, et le baron d’Espagnac le serait de celles qui seront dues à toutes autres. Du reste, le baron d’Espagnac prie Votre Majesté de lui accorder les droits de gruerie et de voiri *, dans les bois à lai cédés, et la conservation du comté de Sancerre, tant que dureront les opérations de l’échange. La première de ces demandes ne peut se refuser aux seigneurs hauts justiciers, l’autre ne peut qu’être agréable à Votre Majesté, puisqu’elle est sûre par là que cette terre sera bien conservée, jusqu’au moment où elle sera irrévocablement entre ses mains. » Au bas est écrit, de la main du roi : Bon. C’est, d’après ce dernier projet, que le contrat d’échange a été passé le 30 mars 1785. Mais ce n’est pas le dernier état des choses. Le ministre, en proposant d’abord cet échange, n’avait compris dans le projet qu’une partie du comté de Sancerre, afin d’en rendre l’acquisition moins onéreuse. Il y avait successivement ajouté la totalité de cette terre, les nouvelles acquisitions de M. d’Espagnac-, et ces différents accroissements avaient fait augmenter la masse des domaines donnés en échange, de nouveaux changements, sur des prétextes assez légers, en ont encore ajouté d’autres. Il survint, dit-on, quelques difficultés au sujet des domaines de Malzéville et de la Neuveville. Le premier, parce qu’on y avait compris, comme en faisant partie des droits qui dépendaient du domaine de Nancy, et l’autre, parce qu’il était accensé à M. de Marsanne. Mais cet accensement, bien antérieur au projet d’échange, n’avait du être ignoré, ni du ministre, ni de l’échangiste; et la difficulté qui concernait le domaine de Malzéville était bien facile à résoudre par les termes mêmes du contint. Il cédait à M. d’Espagnac tous les droits appartenant à Sa Majesté, tant en fiefs, domaines, justices et seigneuries à Malzéville, bailliage de Nancy. 11 n’y avait dans cette expression, rien qui pût faire croire qu’on eût compris quelque portion du domaine de Nancy-, et si l’échangiste portait ses spéculations sur des parties dépendant de ce dernier domaine, elles devaient être écartées. Ges difficultés furent cependant jugées très bien fondées , et M. de Galonné fit expédier, au mois de mars 1786, des lettres patentes, qui, en acceptant la rétrocession de ces deux domaines, cèdent en remplacement et en supplément d’échange, le domaine de Rhaling, les bois de Somme-Dieu (1), et ce qui appartenait au roi, (1) 3,26S arpents. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] K57 dans la forêt des Côtes; en Lorraine, toute la portion de la forêt de Russy (1), aboutissant d’un côté à la grande allée de Mons, à Ghailles ; et de l’autre à la grande route projetée, pour la communication de Blois avec le Berry. Les terres et seigneuries deQuirieu, Yoiron, et la Buisse en Dauphiné, tout ce qui appartenait au roi dans les paroisses de Grond, Juaye et Noron en Normandie. Ce n’est pas tout encore, des motifs de convenance engagèrent le ministre coéchangiste, à rendre de nouvelles lettres patentes, données au mois d’août 1786, qui changèrent une portion des domaines compris dans l’échange. Au lieu des bois de Catenum , affectés aux forges d'Hayanges et des villages de Bannoncourt et Domsevrin, faisant partie du marquisat d’Hatton-châtel, et qui furent distraits de l’échange, on y substitua les droits qui appartenaient au roi dans les lieux d’Hannonville, Thillot, Dommar-tin, la Montagne, Runzières, la Croix-Fontaine, Yaux-les-Palemeix , Mroyon, Ambly, la Cense de Lannoy et les bois de Bettes, de Moré-mont et des Chanots, contenant environ 218 ar-penls.Tousces objets, situés près de Saint-Mihiel, et les domaines et justices de Rurange, et de la Haute et Basse-Ham, en la prévôté de Thionville. Les mêmes lettres patentes , dérogeant aux clauses du contrat, déchargent M. d’Espagnac des indemnités à payer aux officiers royaux, et des frais d évaluation des domaines et bois à lui cédés; en sorte que plus on ajoutait aux concessions des échangistes, plus on diminuait leurs obligations, en reportant sur le Trésor public les dépenses dont le Trésor public avait déjà fait les fonds, en payant 99, 100 livres que M. deCalonne avait nommément accordées pour indemnité des frais d’évaluations. Tel est, Messieurs, le tableau des domaines échangés contre le comté de Sancerre. Votre comité n’a pu qu’être vivement frappé de la quantité et de l’importance des objets qui ont été successivement compris dans un échange que M. de Calonne avait d’abord présenté, comme devant être peu onéreux pour les finances ; condition qui seule avait déterminé le consentement du roi. Cette même terre que le ministère avait pu acheter au prix de 1,400,000 livres que le Trésor royal n’avait pas été en état de fournir, M. de Calonne, dans des temps plus malheureux, a trouvé le moyen de l’acquérir, en sortant de ce même trésor 1,485,043 livres, y compris le montant des finances d’engagement; d’y ajouter des domaines immenses, parmi lesquels cm compte 9,165 arpents de forêt (2), et de présenter ce marché ruineux comme une acquisition avantageuse aux finances. Parmi les conditions de l’échange, il avait été accordé à M. d’Espagnacqueles droits seigneuriaux de Sancerre seraient évalués au denier 40, et tous les autres domaines et bois au denier 30, sans distinction ; tandis que les évaluations des do-(1) 1,754 arpents. (2) Forêt de Russy ................ 3,354 arpents Celle de Somme-Dieu ............ 3,265 — Celle du Hainault .............. 989 — Les bois de Telles, de Morémont et des Chanots ............... 221 — Les bois d’Hattonchâtel .......... 530 — Les forêts d’Hayange ............ 4u6 — Celle de Blettange .............. 400 — Total .................. 9,165 arpents. maines que le roi lui cédait, devaient se faire au denier 40 pour les droits seigneuriaux; au denier 30 pour les bois et domaines ; au denier 25 pour les prés, et au denier 20 pour les bâtiments et usines. La chambre des comptes rectifia cette inégalité par son arrêt d’enregistrement, en ordonnant que les jugements qui seraient rendus par les commissaires, qui seraient à cet effet députés par le roi pour faire les évaluations, ne pourraient dépendre de la fixation des deniers exprimés au contrat et lettres patentes. La commission qui devait procéder aux évaluations fut formée de membres pris dans la Chambre des comptes, et l’un des commissaires commença la reconnaissance des principaux domaines cédés ar le roi dans le Hainaut, en Lorraine, dans le ailliage de Thionville et dans le Blaisois : il a même été rendu un jugement par les commissaires qiù fixe l’évaluation des forêts dépendant de la maîtrise de Valenciennes ; enfin la dernière reconnaissance à laquelle il ait été procédé, est celle du comté de Sancerre. Get'e opération n’était pas encore terminée, lorsque les plaintes portées par la ville de Saint-Mihiel, contre cet échange à la première assemblée des notables, donnèrent de la consistance aux réclamations qui avaient été ju-que-là étouffées dans le secret des bureaux. Ou aime à se rappeler que cette dénonciation fut appuyée par l’un des notables qui depuis a si bien servi la cause de la liberté. Le roi jugea à propos de faite approfondir ces réclamations, il nomma par un arrêt du 16 décembre 1787 des commissaires de son conseil pour examiner tout ce qui était relatif à l’échange de Sancerre, et sur le compte ui en serait rendu être jugé ce qu’il apparlien-rait au conseil royal des finances. Un second arrêt du 19 février 1788 commet M. Lorry, l’un des inspecteurs généraux du domaine, à la requête, poursuite et diligence duquel il sera prononcé au conseil des finances, sur les plaintes formées contre cet échange. Ce défenseur du domaine dévoila les moyens frauduleux dont Je ministre s’était servi pour amener un échange disproportionné, la fausseté des motifs donnés à cette opération, l’exagération de la valeur du comté de Sancerre et la dilapidation énorme des plus belles possessions domaniales dont on grossissait le lot de l’échangiste; il dévoila enfin le dol dans toutee qui avait précédé l’échange et la lésion scandaleuse qui en était le résultat. Tels étaient les moyens sur lesquels était fondée l’opposition que l’inspecteur général forma aux 2 arrêts du conseil qui avaient autorisé cette affaire; il conclut à la réunion de tous les domaines échangés, et à la restitution de la somme de 500,000 livres qui avait été payée à M. d’Es-pagnac, en réserva it les droits du roi, à raison de 500,000 livres, qui lui avaient été prêtées pour venir au secours de son beau-père. M. d’Espagnac ne crut pas que le conseil pût recevoir ni juger l’opposition à ces arrêts. Il prétendit que l'échange était consommé par le contrat et les lettres patentes qui en avaient ordonné l’exécution, que les évaluations n’étaient plus faites que pour fixer de quel côté devrait être la soulte; qu'ainsi l’échauge était irrévocable par sa nature; légal par l’accomplissement de toutes les formalités; que les évaluations devaient écarter de toute idée de lésion; qu’il n’y avait donc aucune contestation possible sur cet échange. A ce plan de défenses, M. d’Espagnac ajoutait des plaintes sur la commission du conseil qu’il 558 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] qualifiait d’inconstitutionnelle, et qui n’avait, disait-i I, été créée que pour enlever à la chambre des comptes la connaissance it la suite des évaluations. Ce grief, sur lequel M. d’Espagnac insiste encore aujourd’hui, exive un éclaucissement. La chambre des compies n’avait pris d’autre pari aux opérations de l’échange, que celle d’enregistrer le contrat et les lettres patentes qui le confirmaient; les évaluations qui en étaient la suite étaient faite-par une comm ssnm particulière qui était chargée de cette opération; et quoique les membres de cette commission eus.- eut été choisis dans la chambre des comptes, çe n’était pas de cette cour qu’ils tenaient f ur mission, ni sous son autorité qu’ils évaluaient. Le conseil du roi était alors le seul tribunal qui pût connaître de leurs opérations ainsi que de la validité de l’échange, comme ayant seul radmiuisLatton des domaines. La poursuite de cette affaire avait été suspendue pendant quelque temps. Lorsque les dépotés réunis du Barrois, du Hainaut et du Blaisois dénoncèrent à l’Assemblée l’échange du comté de Sancerre, leur motion donna lieu à la créaiion du comité des domaines que l’Assemblée a chargé spécialement de lui rendre compte de cet échangé. il n’est plus question, Messieurs, de vous pié-senter la oilficulté que M. d'Espagnac élevait aio' s en soutenant que l’échange était consommé dès l’instant de la passation du contrat, et qu’il ne pouvait être annulé que suivant les formes judiciaires. L’Assemblée nationale, a considéré les échanges des biens domaniaux sous leur vrai point de vue. Elle a jugé que le roi, en agréant un échange, ne se décidait que sur les raisons de convenances que les parties intéressées présenteraient comme pouvant le déterminera acquérir un objet quelconque; mais que ce n’étdi que d’après le rapport des é' aluation? et sur la connaissance exacte de la valeur respectée des objets échan.és, que le contrat recevait la ratification définitive, et qu’il rotait jusque-là dans les termes d’un simple [ rejet. C’est d’après ces principes, que le décret rendu sur la législation domaniale le 22 novembre dernier, porte : Art. 18. « Tous contrats d’échange des biens nationaux, non consommés, et ceux qui ne l’ont été que depuis la convocation de l’Assemblée nationale, seront examinés pour être confirmés ou annulés par un décret formel des représentants de la nation. Art. 19. « Les échanges ne seront censés consommés qu’autant, que toutes les formalités prescrites parles lois et règlements, auront .été observées et accomplies en entier, qu’il aura été procédé aux evaluationsordounees par l’édit d’octobre 1771 et que l’eugagiste aura obtenu et fait enregistrer dans les cours les lettres de ratification ném s-saires pour donner à l’acte son dernier com-pl, ment. » CVst dans cette classe que se trouve l’écha' ge de Sancerre, qui n’a point été ratifié, et dont les évaluations ne sont pas entièrement achevées. Cet échange sera-t-il annulé ou confirmé? Telle est la question soumise à l’Assemblée. S’il s’agissait de prononcer sur un objet contentieux, votre comité vous proposerait, Messieurs, de renvoyer la décision de cette affaire par-devant les tribunaux, ainsi que le demande M. d’Espagnac. Mais, pour accueillir cette prétention, i) faudrait renverser une d s bases principa’es de notre Constitution, et mettre hors des mains du Corps législatif la disposition du domaine national. Certes, ce n’est pas dans cette Assemblée qu’on proposera de deleguer à un pouvoir quelconque le droit d’aliéner le domaine, d’en confirmer ou annuler les échanges, et de révoquer les dons abusifs qui en ont été faits. Cette ressource précieuse des finances ne peut être confiée ' qu’au s ml Corps législatif, et vous ne poirriez aujourd’hui juger différemment, sans détruire une des fût es de l'édifice que vous avez élevé. Sans doute, s’il était question de piononcer sur la domanialité d’une terre qu’on prétendrait patrimoniale, l’affaire serait de la compétence des tribunaux. Si, par exemple, on renouvelait la question d (Ordonnance de 1318.) Deux ans après le même prince ordonnait : « Que tous les fiefs, fermes, donnés en échange, seraient réunis en domaine, comme ils étaient au temps de l’échange, sauf toutefois ce qui serait loyaument et échangé. » On ferait une longue compilation des édits, ordonnances, _ lettres [latentes, qui tous ont statué sur des aliénations et réunions des domaines, i évocations et confirmations d’échanges. Les lois qui existent sur cette matière établi -sent incontestablement deux faits, l’un que l’abus des échanges est très ancien, et l’autre que les dispositions qui s’y rapportent, sont toutes dérivées de la pui-sance législatrice. Sans aller chercher cette preuve dans les lois les plus anciennes, il suffit d’observer l’usage qui était en vigueur au temps de l’échange. Le roi, de l’avis de son conseil privé, connaissait de l’utiliié de IV change, nommait des commissaires pour évaluer, et sur le rapport de leurs opérai ion s, en ordonnait ce qu’il jugeait à propos, sans l’intervention des cours de justice, qui n’en connaissaient que par la voie de l'enregistrement. Rien de tout cela n’était du ressort des tribunaux. Si cette distribution de pouvoirs n’eût pas été existante, vous l’eussiez certainement établie, 559 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.1 san? que, dans ce cas, M. d’Espagnac eût à se plaindre de ce que son échange était juué d’après une loi générale. Votre comité n’arrêtera pa3 plus lmgtemns l’attention de l’Assemblée sur cette espèce de déclinatoire proposé oar M. d’Es-pagnac : le sort de l’echange de Sancerre ne peut, sous aucun ranport, dépendre des tribunaux judiciaires, il n’en est aucun qui puisse valider un échange qui couvrirait une aliénation des domaines nationaux. Le Corps légi-latif, qui a seul le droit de le confirmer, doit avoir celui de le révoquer s’il lui paraît désavantageux. Pour metire l’Assemblée nationale en état de prononcer sur cet échange, son comité a dû l’envisager sous tous ses rapports, il a dû remonter aux causes qui l’ont déterminé, en suivie les progrès, surtout dans le choix des domaines qu’on y a fait entrer, et enfin balancer les valeurs des domaines échangés. Cet examen a présenté au comité plusieurs questions, dont il va mettre le développement sous les yeux de l’Assemblée : 1° Les motifs dont on s’est servi pour obtenir le consentement du roi étaient-ils vrais, ou ce consentement a-t-il été surpris sur un faux exposé? 2° Dans la fixation des domaines cédés en échange, s’est-on conformé aux intentions connues du roi, ou s'en tss-on écarté, soit en augmentant Ja masse de ces domaines, soit en y comprenant des objets que sa Majesté avait déclaré vouloir conse. ver imègres? 3° L’intérêt que le ministre a pris dans cet échange a-t-il contribué à cette augmentation? 4° Enfin y a-t-il quelque proportion entre les valeurs respectives des objets compris dans l’échange, et à quel point l’iutérêt national est-il lésé? § I. Examen des motifs qui ont déterminé l'échange. Lorsque la proposition de ce contrat fut renouvelée en 1784, les raisons de convenance qui avaient déterminé M. Necker à l’adopter 7 ans auparavant ne subsistaient plus, on avait pris des arrangements avec M. de Béthune; rien ne pouvait porter le roi à faire l’acquisition du comté de Sancerre, qui lui convenait moins que la propriété des forêts qu’on lui proposait de céder. Aussi l’intérêt du domaine n’est entré pour rien dans cette affaire; car on ne peut regarder comme des m> tifs déterminants les prérogatives que la féodalité donnait au comté de Sancerre. Ces droits honorifiques qu1 pouvaient flatter l’ambition d’un particulier, devenaient nuis, dès que la terre était réunie au domaine de la couronne. Mais c’est en intéressant la justice du roi qu’on lui a présenté le | rojet d’échange, et c’est sous ce rapport qu’il a été agréé. Ces motiis respectables auxquels le monarque cédait, imposent au comité l’obligation d’examiner avec une exactitude scrupuleuse la nature de rengagement que le roi croyait remplir. M. d’Espagnac représentait au roi « qu’il n’avait fait l’acqui-ition du comté de Sancerre que pour répondre aux vues de M. Tabomeau, et sous la condi'iou expresse qu’après qu’il l’aurait acquis, il recevrait en échange la forêt de Russy. » C’est là le fait que le roi avait chargé son ministre de vérifier ; Sa Majesté voulait savoir s’il en existait des preuves écrites. Le ministre convient qu’il nVxiste pas expressément des preuves que M. Tabomeau eût excité, au nom du gouvernement, M. d’Espagnac à faire ceite acquisition; mais il rassemble quelques lettres en forme de certificats, il trouve qu’il en exist ■ des traces suffisantes pour soliciter la bonté et l’équité du roi en faveur d’un gentiihomme qui avaii engagé toute sa fortune sur ta foi d’un projet conçu pur le minisire. L’examen le nlus attentif de toutes les pièces citées par M. de Galonné a présenté à votre comité un résultat bien différent; et loin que le projet lui ait paru avoir été conçu par le mi-nisire, il a vu au contraire que la ve ite du comté de Sanceire avait été convenue avec M. de Béthune avantqu’ileût été question de le vendre à M. d’Espaguac : que c’est seulement dans la suite, et par arrangement commun entre MM. de Béthune et d’Espagnac, que le contrat de vente fut fait à ce dernier par-devant notaires, aux mômes clauses et conditions qui avaient dans le principe été réglées entre M. de Gonti et M. de Béth une (1). Jusque-là on voit que l’affaire du comté de Saucer, e a lait à sa conclusion sans l’intervention du ministre. On ne voit fias, en e fet, quel intérêt pou va il l’engager à se mettre en avant dans cette négociation. Que M. d’Espagnac ait acquis cette terre dans l’espoir que le toi la recevrait de lui (2), cela paraît t ès probable; les spéculations q l 'il a pu faire sur la convenance et sur la revente de cette terre, sont indifférentes à la question. De ce que M. d’Espagnac a vu dans cette acquisition un moy n qui pouvait lui procurer la propriété de la forêt de Russy, il ne s’ensuit pas que ce soit le ministre qui ait proposé cet arrang ment; il paraît même que ce plan d’opération était convenu entre MM. de Béthune et d’Espagnac, comme un moyen d’éviter le payement d’un droit de mutation considérable, en même temps qu’il assurait à M. d’Espagnac la propriété de la forêt de Russy contre toute espèce de réclamations auxquelles la substitution de la maison de Béihune pouvait donner lieu. M. Taboureau peut bien avoir fait espérer qu’il se prêterait à cet arrangement; mais rien n’indique un engagement pris au nom du gouvernement, et sous la foi duquel uu particulier aurait compromis sa fortune. Au reste, le récit fait par M. de G donne des engagements pris par M. Taboureau n’est pas la seule version qu’il ait donnée de ceite affaire. Dans sa requête au roi, imprimée en 1787, il fonde toute eeite négociation sur une lett e de M. Tabomeau, qu’il disait avoir été produite en original, il donna même à l’achat de Sancerre une autre cause, et une date bien antérieure à l’échange projeté avec M. de Béthune; mais cette version n’est pas plus exacte que la première-La lettre n’a en effet jamais existé, et M. d’Espagnac est forcé de convenir que M. de Galonné s'est trompé. Ge ne sont pas seulement ces témoignages étrangers que votre comité a consultés, au lieu de s’en tenir aux lettres en forme de certificats, dans lesquelles M. de Galonné avait vn des traces de l’obligation contractée par son prédé-(1) Lettre de M. Desjobert, g 11, des preuves de M. d’Espaguac. (2) Lettre de M. Béthune, page 5 des preuves du mémoire de M. d’Espagnae. 560 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMEN1 AIRES. [23 juillet 1791 .] cesseur; il a cherché la vérité dans les différents mémoires que le ministre avait sous sa main; et c’est dans l’aveu de M. d’Espagnac lui-même que le comité a vu la preuve que, dans le cours de cette négociation, tout a été proposé et demandé de la part de M. d’Espagnac. Au mois de janvier 1778, M. d’Espagnac exposait dans 2 mémoires présentés, l’un à M. de Maurepas et l’autre à M. Necker, « que dans l’intention de fixer en France la majeure partie de la fortune de M. His, son beau-père, il a sollicité auprès de M. Taboureau l’échange de la forêt de Russy contre le comté de Sancerre, avec la clause respective de la soulte à fournir. « Tels étaient, ajoute M. d’Espagnac, les motifs qui avaient déterminé la demande du baron d’Espagnac. Us étaient justes, et M. Taboureau qui les avait adoptés devait terminer cette affaire. » C’est ainsi que le projet d’échange de Sancerre était présenté au ministre par M. d’Espagnac lui-même dans le temps où il demandait à renoncer à celui que M. Necker avait fait agréer au roi en 1777, et auquel il a en effet renoncé purement et simplement, et sans aucune réserve ni demande d’indemnité. Ce langage, tenu dans un temps où la négociation de cette affaire était récente, porte bien plus le caractère de la vérité que les probabilités rassemblées longtemps après par M. de Calonne. M. Taboureau vivait alors, il pouvait attester jusqu’à quel point il s’était avancé dans cette négociation, il pouvait démentir l’engagement prétendu qu’on lui a imputé depuis; aussi n’existe-t-il aucun écrit d’une date correspondant aux années 1777 et 1778 qui puisse faire soupçonner cet engagement. Le bon obtenu par M. Necker, la renonciation de M. d’Espagnac, son mémoire pour la faire agréer, tout présente l’idée d’un simple projet proposé, poursuivi par ce dernier pour son seul intérêt, et sans qu’il en résultât aucun avantage pour l’Etat. L’opinion du comité n’a pas changé à la lecture de la procuration donnée parM. His à Hambourg le 16 mai 1777, pour intervenir en son nom au contrat d’échange qui devait être passé entre les commissaires du roi et M. d’Espagnac. Cette procuration prouve bien à la vérité qu’il était alors question d’un projet d’échange; mais elle ne prouve pas que M. d’Espagnac n’eût acheté la terre de Sancerre que pour répondre aux vues du gouvernement, ce qui seul aurait pu justifier l’exposé du ministre. Votre comité n’a donc pu voir, dans la négociation suivie avec M. Taboureau, cet engagement sous la foi duquel un ministre adroit représentait au roi qu’un de ses sujets avait engagé toute sa foi tune; il n’a pas pensé qu’il pût résulter une obligation d’indemniser M. d’Espagnac, parce qu’un projet d’échange par lui proposé n’avait pu être conclu; et enfin il n’a vu dans cette affaire qu’un consentement arraché au monarque, en intéressant sa bonté à un contrat que son économie lui faisait rejeter. Ce défaut de moiif dans l’échange n’est pas la seule surprise faite à la religion du roi ; chaque réponse du ministre présente la même inexactitude. Le roi avait demandé pourquoi on présentait comme indemnité des frais d’évaluation, l’ordonnance de 99,100 livres qui avait été accordée dans l’origine comme une remise de moitié des droits seigneuriaux? Le ministre répond que la réduction ordinaire réduisait les droits de mulation à 198,200 livres, ce qui faisait une remise de 81,800 livres, au lieu que le bon était de 99,100 livres, ce qui donnait lieu de croire que le bon avait un autre objet. Il était cependant fort aisé d’en assigner la véritable cause; les droits de quint se montaient, déduction faite de la remise ordinaire, à 193,200 livres, le bon accordait 99,100 livres, c’était précisément la moitié de la somme qui restait due; il était donc bien évident que cette ordonnance de comptant avait pour objet la remise de la moitié des mêmes droits seigneuriaux restant après la réduction ordinaire. La troisième question faite par le roi à M. de Galonné était de la plus grande importance. Il s’agissait de savoir comment le comté de Sancerre qui, en 1777, avait été présenté comme valant 48,000 livres de revenu, valait plus de 80,000 livres en 1784. Cette différence provenait, suivant le ministre, des améliorations considérables et des acquisitions nouvelles que M. d’Espagnac avait faites. Ainsi il ne paraissait pas étonnant à M. de Calonne que la terre de Sancerre valût alors plus de 80,000 livres de revenu. Mais, un instant après, M. de Calonne propose au roi d’excepter de l’échange tout ce qui a été acquis depuis le contrat de vente de Sancerre. Il est donc évident que, puisque ces acquisitions étaient exceptées, ce n’était pas leur valeur qui avait contribué à porter le revenu du comté de Sancerre à plus de 80,000 livres, et que le ministre donnait un motif entièrement supposé à cette augmentation. Ce n’est pas tout; car il exceptait encore de l’échinge beaucoup d’objets dépendant de l’ancien comté de Sancerre, la seigneurie d’une paroisse, toutes les dîmes, prés, terres labourables, et généralement tous les domaines; en sorte que toutes ces exceptions qui devaient diminuer considérablement la valeur effective de l’ancien comté de Sancerre faisaient disparaître toute idée d’augmentation possible. Le comité a désiré connaître quelle était la valeur de ces acquisitions, il en a demandé l’état à M. d’Espagnac, qui a cru ne devoir pas le fournir. D’un autre côté, des mémoires remis au comité annoncent qu’avant l’échange, M. d’Espagnac avait détaché plusieurs portions du comté de Sancerre; son refus d’entrer en explication sur cet objet met le comité dans l’impossibilité de juger si les acquisitions nouvelles surpassent les aliénations, et peut faire douter si la terre de Sancerre ne se trouvait pas, en 1784, à peu près au même état où elle était lorsqu’elle avait été offerte au roi en 1777. Il était possible qu’une administration économique en eût augmenté le produit; mais il est difficile de croire à l’exagération qui l’a portée successivement de 47,000 livres à 84,000, à 90,000 et à 122,000 livres. Cette augmentation successive, qui avait frappé le roi, ne peut être justifiée par des acquisitions qui ne feraient peut-être que remplacer les démembrements. D’ailleurs, comme le ministre excepte ensuite ces acquisitions de l’échange, et qu’il n’en comptait pas moins la valeur pour porter le revenu de Sancerre à 84,000 livres, il s’ensuit qu’il trompait complètement le roi sur cette uestion, comme il l’avait fait sur les précé-entes. 561 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |23 juillet 1791.] Il a donc paru au comité qu’il u’existait aucunes preuves que le gouvernement eût excité M. d’Espagnac à compromettre sa fortune dans l’acquisition de Sancerre, et que, ce fait qui avait déterminé le consentement du roi étant supposé l’échange qui en avait été la suite restait absolument sans motif. § II. Domaines cédés en échange; leur quotité; le roi avait-il approuvé la concession des forêts ? Ce n’est d’abord qu’avec précaution que le ministre proposait de céder quelques portions de forêts; il n’était question dans le principe que de détacher 1,200 arpents de la forêt de Russy, et de céder 900 arpents dans le Hainaut. Loin que M. de Calonne eût osé proposer au îoi la cession de plus de 9,000 arpents de forêts, qu’il a successivement compris dans l’écha-ige, soit par le contrat même, soit par les lettres patentes postérieures, il exposait, comme un motif déterminant, que la quantité de forêts dont l’échange de Sancerre présentait l’acquisition, surpassait celle dont il proposait l’aliénation. Il n’est, en effet, parvenu à celte énorme concession, qu’en dégui-ant la quantité de terrain que renfermait chaque forêt ; ainsi il désignait en détail 3 petits cantons, contenant ensemble 218 arpents, tandis qu’il partait simplement des bois de Somme-Dieu, sans énoncer leur contenance, qui se porte au delà de 3,000 arpents; tandis qu’il nommait seulement quelques cantons de la forêt de Russy, sans dire qu’ils contenaient 17 à 18,000 arpents, qu’il ajoutait 1,600 autres donnés précédemment dans la même forêt; et cette réticence coupable, consignée dans des lettres patentes, est l’ouvrage de ce même ministre, qui depuis, dirigeant les traits d’une critique amère contre un des membres de cette Assemblée, dont la sévérité contraste le plus avec la prodigalité de M. de Galonné, lui reproche, comme une affectation repréhensible, d'énoncer les sommes quand elles sont considérables, de dire les causes quand elles prêtent à la critique , et de taire les unes et les autres quand leur énonciation fait disparaître la conséquence qu'on en lire. Ce n’est pas un reoroche de cette espèce qu’on peut faire à M. de Calonne; il détaille les petits objets; il a soin de faire remarquer que 3 cantons de forêt ne contiennent pas plus de 218 arpents, et il glisse sur les possessions importantes ; il dispose de 5,000 arpents de forêts, sans qu’on puisse seulement en soupçonner la quantité. Il est impossible de ne pas se rappeler les expressions dontM.deCalonne faisait usage, lorsqu’il proposait au roi d’agréer t’échange de Sancerre. « Votre Majesté, disait ce ministre, a reconnu que les motifs les plus importants et les plus décisifs devaient la détourner d’aliéner ou concéder à l’avenir aucune partie de ses forêts. » Loisque, dans le même mémoire, il proposait la cession des bois du Hainaut et des 1,200 arpents de la forêt de Russy, il ajoutait ; « Je ne déroge point en cela au principe de ne jamais diminuer pour raison quelconque la masse des forêts appartenant à Voire Majesté; je m’appuie, au contraire, sur ce principe, puisque les 2,179 arpents de bois que Votre Majesté céderait seraient avantageusement compensés par l’acquisition de plus de 3,000. •> lr® Série. T. XXVIII. Si les Français pouvaient encore douter de l’économie personnelle du roi, de sa répugnance à adopter les projets qui lui paraissaient onéieux, ils en verraient une preuve évidente dans la manière dont l’échange de Sancerre a été amené: l’austérité de Sully arrêta souvent les dons que la bonté de Henri IV eût accordés, et dont le refus coûtait sans doute à son cœur. Quel prodigieux contraste ne présente pas l’échange de Sancerre ! Ici c’est Louis XVI qui résiste à la prodigalité de son ministre, qui craint une lésion là où M. de Galonné ne lui présentait que de l’embarras, qui oppose des objections sans réplique à la séduction du ministre; et c’est ce dernier qui a l’art de masquer ses projets, en se conformant en apparence aux principes sévères du monarque, qui lui rappelle jusqu’à ses refus, et huit par lui présenter comme un acte de justice avantageux à l’Etat, un contrat que l’opinion publique a rangé parmi les grandes déprédations qui ont marqué son ministère. Votre comité, chargé de vous en dévoiler plusieurs, a vu avec une satisfaction bien douce, au milieu de ce chaos d’intrigues ténébreuses, que toutes les fois qu’on est parvenu à obtenir le consentement du roi à un traité ruineux, il a fallu com-menc r par le tiomper. Il est bien constant que le roi ne voulait entendre à aucune concession des forêts domaniales, dont aucune raison ne devait faire diminuer la masse; mais s’il se trouve cependant qu’on en ait aliéné au delà de 9,000 arpents, il est évident que l’échange conclu par le ministre n’est pas celui que le roi avait agréé. Dès lors, ce n’est pas seulement un consentement obtenu sur un exposé infidèle ; mais il n’y a plus de consentement, puisque l’échange a été traité d’une manière directement contraire à i’agrément donné par le roi. § III. L'intérêt que le ministre a pris dans cet échange a-t-il influé sur l'augmentation des domaines cédés ? Il est aisé de remarquer l’époque à laquelle l’échange de Sancerre a pris les plus grands accroissements. Dans les premières propositions faites au roi, l’Assemblée nationale a pu remarquer un exposé inexact de la nature des engagements qu’on supposait avoir existé en 1777 entre le ministre des finances et M. d’Espagnac : elle a vu une exagération sensible de la valeur du comté de Sancerre; cependant cette exagération n’avait pas entraîné une aliénation immense du domaine. Il y avait sans doute une lésion considérable dans le premier aperçu, puisque les 2,179 arpents de forêts, joints à la soulte d’un million, pouvaient déjà présenter la balance de la valeur du comté de Sancerre, surtout avec les réserves que faisait M. d’Espagnac. Mais si, dans le premier projet, le Trésor public lui devait une rente de 30,000 livres, cette rente pouvait être réduite à rien par le résultat d’une évaluation prompte, et surtout d’une évaluation bien faite. Tout changea de face lorsque M. de Galonné eut le projet d’acquérir le marquisat d’Hattonchâ-tel, et qu’il l’eut fait comprendre dans l’échange; alors l’acquisition de Sancerre dont M. d’Espagnac devait garder une partie, afin d’en rendre le complément moins considérable, parut au ministre 36 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [is juillet 1791-1 [Assemblée nationale.) devoir ttre faite en totalité; et il motivait cette augmentation sur la demande de l’administration des domaine?, tandis que les administrateurs n’ont, dans tous les temps, cessé de réclamer, qu’ils se sont même élevés avec courage contre cet échange, tandis que les régisseurs généraux des domaines de Lorraine s’opposaient de tout leur pouvoir au démembrement des domaines, et surtout des forêts de cette province. Ces raisons devaient échouer devant l’intérêt personnel du ministre; tout fut sacrifié au désir de faire de la terre d’Hattonchâtel une po-session importante. Dès lors, les conces-ious qui devaient former le complément de l’échange, s’accrurent d’une manière prodigieuse. GVst alors que l’échangi te reçut les fiefs de Brunville, Argencby, l’ourpradure, Dreuüh, Vm-dreuil, les domaines de Veymerange, Bleiiange, Eiange, Terville, Havange, Marange, Kahmum, Pont de Richemont, Haro, Vaimestroff, la u-veville, Maizéville, Rainville et Saint-Paul, les étangs de Buissoncourt et entin le marquisat d’Hatlonchâtel. C’est ce même intérêt, qui, sur des prétextes les plus légers, fit ajouter à toutes ces aliénations celle de 5,000 arpents de forêts dont on dissimulait l’étendue, pour en ôter la connaissance au roi et au public. Ce qui paraîtra bien étonnant, c’est que ces 5,000 arpents de forêts aient été donnés av> c le domaine deRhuling, et d’autres terres encore, en compensation des domaines de la Neuveviile et de Maizéville, qui ne rapportent pas plus de 2,000 livres de revenu. L’étonnement s'accruît à la lecture des lettres pahn'es qui ordonnent ce changement, lorsqu’on voit que le revenu de ces deux ttrres est estimé 15 à 18,000 livres de revenu, et qn’on cède en remplacement des domaines de la valeur de 40 à 50,000. On y avait encore ajoute des droits sur une forêt des côtes, qui n’a pas été désignée d’une façon plus particulière, et qu’on ne connaît pas; peut-être était-ce une ouverture à de nouv.aux remplacements; il semble, du moins, que l’échangiste n’y avait pas renoncé, puisque, dans les lettres patentes du mois d’a ût 1780, il se borne à demander un remplacement, quant à présent. Il est difficile de prévoir ce qu’il y eut fait ajouter par la suite, ni le terme qu’il eut mis à la convenance et à l’arrondissement de cette possession. Ainsi, dans toutes les circonstances qui ont précédé et suivi l’échange de Sancerre, on remarque un enchaînement de faits hasardés, sous le prét xte desquels on a séduit la justice du monarque, de moyens frauduleux, employés pour exagérer la valeur de celte te re, pour grossir la massedes domainesdonnés en é. hange, et surtout pour dérober au roi la connaissance de la quantité de forêts que le ministre aliénait, contre la volonté expresse de Sa Majesté; dès lors, il est aisé de juger que des voies aussi répréhensibles n’ont pas été employées pour amener un échange, dont le résultat eût été une balance égalé des domaines respectivement échangés. Mais ce n’est pas sur des présomptions que votre comité vous proposera de prononcer ; il lui reste à vous démontrer l’inégalité qui se trouve entre les objets cédés par le domaine national et ceux qu’il a reçus. § IV. Examen des valeurs respectives des objets compris dans l’échange. Cet examen a paru d’autant plus important à votre comité, que quand même l’échange de Sancerre aurait reçu son dernier complément par l’observation de touies les formalités, quand même il serait ratifié par des lettres patentes enregistrées dans les cours, il resterait toujours aux t rmes de votre décret sur la législation domaniale, à voir si effectivement la nation est lésée, et que la lésion d’un huitième suffirait pour faire révoquer un échange entièrement consommé. La plus grande partie des domaines compris dans l’échange a été e-timée par les commissaires prisdans le sein de la chainb e des comptes; leurs procès-verbaux ont été remis au comité, qui d’ailleurs s’est procuré tou? les renseignements qu’il a pu rassembler: c’est dans les calculs comparés de ces différentes sources que le comité a cherché les résultats qui lui ont paru pouvoir intluer sur la décision de l’Assemblée. Il paraît essentiel de mettre sous les yeux de l’Assemblée une obs rvation qui a vivement frappé le comité; c’estque, dans le cours des opérations du commissaire chargé des évaluations, on ne rencomre aucun avis des officiers des maîtrises sur la valeur des forêts domaniales: cependant la commission, nommée pour faire les éva uations, avait tracé, à cet égard, unemirche dont il ne devait pas êLre permis au commissaire de s’écarter. Le jugement rendu par cette commission ordonnait que les officiers des maîtrises dans le ressort desquelles b s bois sont situés, donneraient leur avis sur l’état actuel, consistance et valeur desdits bois et bruyèr s. Le comité a remarqué avec surprise, que loin de se conformer à cet e disposition , le commissaire n’avait pas seulement négligé de prendre l’avis des officiers des maîtrises de Blois et de Valenciennes, sur la valeur des bois du H unaut et du Blaisois, mais qu’il avait rejeté celui que lui offrait la maîtrise de Saint-Mihi 1, sur la valeur de la forêt de Somme-Dieu, et qu’il n’avait appelé aucuns officiers royaux à l’estimation des forêts de Sanccre. Lu conséquence de cette omission affectée a été de remettre l’appréciation des forêts domaniales entre les mains d’un expert étranger aux provinces dans lesquelles elles sont situées, et de substituer l’opinion d’nn seul homme aux connaissances locales des officiers qui devaient éclairer la commission. A cette observation, qui porte sur les évaluations de toutes les forêts comprises dans l’échange, le comité fera succéder immédiatement l’examen de tous les objets échangés. Il commencera par mettre sous vos yeux le tableau des domaines cédés à M. d’Espagnac. Forêt de Russy. La forêt de Russy contient en totalité 6,300 arpents de futaie aménagée depuis 1783, à 126 ans à raison de 50 arpents. L’échange dont il s’agit en a cédé à M. d'Espagnac 3,354 arpents. Lorsdi s premières propositions de cet échange, on a vu-que M. Necker portait à 40,000 livres le revenu de la totalité de cette forêt, et ce n’était i Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 juillet 1791.1 pas d’après le produit effectif des années précédentes que cette évaluation était fait*1, mats d’a-rès l'aménagement proposé qui doublait le nom-re d’arpents exploités précédemment. Il résulie de là que l’aménagement ancien était au-dessous delà possibilité de lu furêt, et que le bois existant valait d’autant pjus qu’il en avait été coupé moins : aussi les officiers de la maîtrise, en joignant à leur avis une estimation de la superficie de cette forêt, l’avaient portée à 2,287,640 livres. Avant d’examiner le degré de créance qu’on doit à cette estimation, il faut exposer la manière dont l’expert nommé pour évaluer les forêts domaniales a procédé à cette opération. Son rapport est très simple : 598 arpents de terres Vagues, estimés depuis 3 livres jusqu’à 10 livres, donnent un capital de 3,894 livres. 422 arpents de bois, à réceper, sont estimés devoir produire un revenu de 2,110 livres après leur récepage. 674 arpents de futaie au-de-sus de 126 ans, en y comprenant le sol à 30 livres l’arpent, forment un capital de 227,722 livres. 1,660 apents de futaie aménasée à 126 ans, à raison de 5 livres la feuille, donnent un capital de 248,943 livres. Cette appréciation porte le revenu à 18,1261. 14 s. 2 d. et le capital à 548,859 1. 15 s. mais comme d’un côté il faut en distraire les frais de gardes, et que de l’autre il faut ajouter au capital le prix des seigneuries qui avoisinent la forêt, le total de Dévaluation peut se porter par aperçu à environ 530,620 iivres. M. d’Espagnac justifie le calcul de cet expert par celui de la maîtrise de Blois elle-même, qui avait évalué en 1777 à 1,221,040 livres la superficie de la portion de forêt comprise dans l’échange; en exploitant en 51 années les 2,560 arpents en futaie estimés par la maîtrise, l’excédent des premières coupes qui seront faites dans les plus belles parties de la forêt sera compensé par le peu de produit des dernières années, dans lesquelles on n’exploitera plus que des pariies dégradées, en sorte que dans la révolution de 50 années ou environ, les premières coupes produiront au delà de 37,000 livres, tandis que les dernières seront réduites à un revenu moindre que 8,000 iivres, et en partant de ce calcul, M. d’Espaunac fixe à 23,941 livres le proluil de la première révolution, après laquelle il ne lai restera plus qu’un taillis aménagé de 50 à 60 ans, dont le produit ne s’élèvera pas au delà de 12 à 15 mille livres, sur quoi il faudra encore déduire li s frais d’exploitation. Ce calcul a paru au comité manquer abso'u-ment de justesse. D'abord, en partant de l’évaluation faite en 1777, il ne fait pas entrer en compte l’accroissement que prendront les bois destinés aux dernières exploitations, pendant 40, 50, à 60 ans. Il ne compte pas non plus les climats qui n’ont pas été compris dans l’esiima-tion, comme étant de jeunes taillis depuis 1 an jusqu’à 20 , et qui à la fin de la révo'uûon auront une valeur qu’ils n avaient pas en 1777. Pour juger sainement de la valeur de cetle forêt, et surtout pour en simplifier le calcul, il faut d’abord examiner si l’estimation que la maîtrise d-> Blois adressa au ministre eu 1777 n’est point forcée. Cette e-timation est détaillée; elle évalue séparément chaque climat, et distingue dans chacun ce qui est bon, médiocre ou mauvais. Il suffit, 363 pour juger de sa précision, de comparer le produit des ventes à celui de l’évaluation. Le tableau qui présente cette comparaison prouve que les ventes postérieures offrent une augmentation considérable sur le prix de la première estimatiun, en sorte que la portion de futaie qui avait été estimée en 1777 devoir produire 361,400 livres, a réellement été vendue 476,960 1.6 s. 8 d. La portion concédée à M. d’Espagnac pourrait, selon lui, valoir 1,221,040 livres, si on pouvait la vendre pour êbe exploitée en une seule année; mais, pour soutenir le prix des bois dans la proportion de cette valeur, il n’est pas possible de couper plus de 50 arpents. 1\L d’Espamiac en conclut que la superficie de la forêt ne peut rendre cette somme qu’en 66 ans ; ce qui réduit le revenu brut à 18,500 livres. Mais M. d’Espagnac, qui ne veut pas qu’on calcule le prixd’uuefutaieu’après la valeur actuelle de la superficie, ne se rappelle pas que tous les experts qui ont estimé les forêts de Sancerre ont compté le nombre de baliveaux ; qu’ils les ont estimés, et qu’ils en ont formé un capital. On doit donc former même un capital de la valeur de lâ futaie dont la forêt de R ssy est couverte; et l’évaluation donnée par la maîtrise de Blois ne peut paraître forcée, puisque les ventes postérieures à son estimatiun ont constamment porté le prix des bois à un quart en sus. Votre comité a donc pensé qu’il adoptait une base très modérée, en vous présentant la partie échangée de la forêt de Russy comme pouvant être estimée à 1,220,990 livres en futaie, prix de la première évaluation. Ce n’est pas sous ce seul rapport que votre Comité a cru devoir examiner la valeur de cette forêt. La partie la moins contredite, de l’avis de la maîtrise, est celle qui porte le prix de la feuille à 6 livres au moins ; et en partant de Cette première base, il doit en résulter un revenu perpétuel de 20,124 livres en taillis, aménagé de 40 à 60 ans : on doit ajouter à ce revenu certain, celui de la futaie surnuméraire qui sera élevé sur ce taillis, en sorte qu’il paraît qu’on peut adopter le calcul de la maîtrise qui lixe à 25,800 livres, toutes charges dé mites, le produit de cette forêt, après que la futaie actuellement existante aura été exploitée. Sous ce point de vue, la forêt comprise dans l’échange vaudrait uu capital de 774,000 livres et la lésion serait sur cet objet de plus du tiers. Mais il faudrait encore ajouter à ce capital îa valeur de la futaie actuelle, pour ce qu’elle produirait d’excédent à ce revenu perpétuel de 25,000 livres; et si ou suppose cette fataie exploitée en 40 ou 50 ans, en pariant de l’évaluation modérée qui en a été faite à 1,220,990 livres, en y ajoutant la valeur que les parti s faibles pourro t acquérir encore ju-qu’à la fin de la Révolution, il est sensible que la lésion doit s’accroître dans une proportion bien plus comSi-dérab'e. On peut citer à l’appui de ce calcul le raisonnement que M. d’E'pagnac lui oppose; il insiste sur ce que la totalité de la forêt de Russy ne rapportait avant 1784, que 18,154 livres. Cela était vrai dans le tempsoù l’aménagement de cette forêtétaitrégléà20arponis: M.d’Espagnaô aurait pu en tirer une c nséquence plus rmou-reu-e, et réduire le revenu de la partie à lui cédée à moitié de cette somme, c’est-à-dire à 9,077 livres ; mais, si ce calcul eût été exact S64 [Assemblée nationale.] dans la supposition d’un aménagement de 10 arpents pour ta partie échangée, il manque de justesse relativement à l’exploitation de M. d’Es-pagnac, qui en a coupé 50. Le calcul du comité et l’aménagement qu’il suppose sont fondés sur ce qui a été pratiqué depuis l’échange ; au lieu de suivre l’ancien aménagement, on coupe annuellement 50 arpents dans la partie restée au roi. M. d’Espagnac allait au delà dans sa portion ; et une lettre ministérielle l’avertit qu’il devait se restreindre à ne couper que la même quantité d’arpents qui était exploitée dans la forêt royale. Suivant l’état remis au comité, le produit des coupes faites dans cette dernière partie s’est élevé à 35,000 livres, ce qui doublerait déjà le capital de l’évaluation, et la partie de M. d’Espagnac, mieux boisée, plus considérable, doit être d’un produit supérieur, qui ne laisse aucune proportion entre la valeur réelle de cette forêt et l’évaluation surbaissée qui en a été faite d’après les ordres de la commission. Tous les calculs ramènent à la première évaluation faite en 1777, et si l’on considère que, selon le prix des ventes postérieures, les bois estimés 361,400 livres ont été vendus 476,960 livres, il s’ensuivrait que, dans la même progression, la partie cédée à M. d’Espagnac, et estimée î ,2 1 1,040 livres, vaudraiteffectivemen 1 1 ,61 1 ,475 livres, sans compter la valeur du sol ni des jeunes taillis. Le comité croit donc être resté au-dessous de la valeur réelle de la portion échangée de la forêt de Russy, en ne la portant qu’à 1,221,040 livres ; mais celte somme présente une telle disproportion avec l’évaluation faite par le commissaire qui ne la porte qu’à 530,000 livres, que la lésion serait énorme. Le comité va examiner s'il existe une disproportion semblable dans toutes les parties de l’échange. Forêts du Hainaut. Trois cantons de forêts situées à peu de distance des places de Valenciennes et de Condé sont aussi compris dans l’échange, ils contiennent en totalité 989 arpents aménagés à 14 et 16 années. Les ventes des taillis, pendant la dernière révolution, ont produit, a née commune, 8,257 1. 1 s. 2 d., et le commence ment de cette révolution a élé portée, pour le bois de frêne, jusqu’en 1765. Mais ce qui forme la valeur principale de ces forêts, c’est la belle futaie dont elles sont couvertes. Les officiers de la maîtrise déclarent au procès-verbal de reconnaissance que les ventes s’en feraient par jardinage, tant àraison de leur dépérissement, que pour éclaircir le bois dans les par-tiesoù leur trop grande quantité pourrait se nuire et préjudicier au taillis; mais que jusqu’alors ils n’avaient observé aucune proportion relative à la quantité desdites futaies. Quelques jours après, ils expliquèrent cette première déclaration, en disant qu’ils n’avaient entendu parler que de la quantité des arbres; mais que, dans le fait, leur exploitation avait toujours élé telle, qu’à chaque retour de coupe on pût en retirer à peu près les mêmes produits. Cette seconde observation ne détruit pas le premier fait. On peut à chaque retour de coupe éclaircir une futaie, maintenir à peu près au même taux le produit des arbres coupés pendant 123 juillet 1791. J la durée d’un aménagement, et cependant laisser sur pied une quantité de baliveaux, dont la valeur n’a aucune proportion avec le produit des ventes. Le grand maître des eaux et forêts du Hainaut, consulté sur l’aliénation de ces forêts, explique les motifs qui ont amené cette manière d’exploiter. On s’était toujours moins attaché à tirer le plus grand profit des coupes, qu’à mettre ces bois en état de fournir des ressources pour la défense des places voisines; jamais, dit ce magistrat, on n’y a coupé que les baliveaux mal venants, on y a réservé tous ceux qui étaient de belle venue. Le bois Le Prince seul a fourni, pendant les guerres de 1734 et 1745, plus de 2,000 pieds d’arbres choisis, qui ont été employés pour les fortifications; aujourd’hui, par les soins suivis qu’on y a apportés, il se trouve planté d’une nombreuse et belle futaie de la plus grande valeur. Ce que M. de Saint-Laurent avance dans les différents avis qu’il a donnés est confirmé par l’état de ces forêts, puisque les meilleurs cantons du bois Le Prince contiennent 75 grands arbres de différents âges par arpent, ceux du bois de frêne jusqu’à 84, et qu’enfin si les procès-verbaux de ventes présentent la quantité de 9,132 arbres coupés, le rapport de l’expert justifie qu’il en existait sur pied, lors de son opération, 49,898. Il ne peut donc y avoir aucune proportion entre la valeur actuelle de cette futaie et son produit pendant la dernière révolution; tout ce qu’elle a rapporté de moins n’a fait qu’accroître le prix de la futaie existante. Cependant l’expert, dans son rapport adopté par la commission, a donné une valeur si faible à ces baliveaux estimés séparément, que le résultat de son opération augmente de très peu le produit de la forêt pendant les années qui ont servi de base à l’évaluation, et que si on se borne à calculer le produit des 8 dernières années, on trouve que leur revenu excède de plus de 900 livres le produit de l’année commune, évaluée par la commission, en sorte que la valeur de cette belle futaie existante est absolument nulle. Le comité a opposé aux calculs de l’expert, ceux que la ville de Valenciennes a faits sur le prix de ces forêts; la futaie seule était évaluée à 693,380 livres. Cette fixation est accompagnée de détails qui paraissent en attester la justesse; elle se trouve confirmée par une opération commencée par le grand maître des eaux et forêts, qui faisait estimer cette futaie par ordre du ministre. Cette opération fut discontinuée sur un ordre contraire. Il y avait alors un quart de la forêt évaluée, et ce quart se montait pour la futaie à 160,000 livres, ce qui porterait la totalité à environ 640,000 livres; mais votre comité, pour éviter jusqu’à l’apparence de l’exagération, a pensé qu’il était plus sûr d’adopter par approximation], un terme moyen infiniment modéré, en rabaissant à 550,000 livres le prix de la futaie, et en lui donnant par là une valeur proportionnelle à celle des arbres coupés pendant la révolution précédente. Et cette somme, ajoutée au capital du produit des ventes détaillées pendant le même temps, donne un total de 797,711 livres, somme de beaucoup supérieure au résultat de l’évaluation. Le tableau de l’évaluation des forets du Hainaut se termine assez naturellement par une réflexion sur le prix qui est attaché à la haute justice que le roi cédait dans les échanges. Quelle que soit la somme à laquelle le revenu de ces forêts doit être fixé, il représente au moins ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 535 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.J la valeur réelle de la chose, et un simple particulier, vendant cette forêt, en aurait tiré cette somme, en déduisant seulement les frais de garde. Mais un seigneur, qui eût en même temps aliéné la justice, eût attaché une valeur au titre de haut justicier; et ce titre, dont on était si jaloux, aurait augmenté le prix de la chose vendue. Par le résultat de l’évaluatioD, il arrive précisément le contraire : on évalue la haute justice à 1,200 livres , et d’un autre côté, les gages des officiers de gruerie, et surtout les frais de construction et de réparation d’un auditoire et des prisons à bâtir dans une forêt sans habitants, font un objet de 20,000 livres, en sorte que déduction faite du capital de 1,200 livres du produit des amendes, il en coûtait au roi 15,000 livres pour avoir cédé la haute justice. 11 n’est pas étonnant que, d’après cette manière d’opérer, le prix de ces forêts ne se soit élevé qu’à 459,783 livres, tandis que, d’après les renseignements donnés au comité, il paraît qu’on doit les apprécier, au moins, à environ 800,000 livres, et que cette appréciation est encore au-dessous de leur valeur réelle. Domaine d’ Hattonchâtel et forêt Somme-Dieu. Ces domaines consistent en objets affermés, et en 4,016 arpents de forêts; les domaines affermés se montent, dans la terre d’Hattonchâtel, et celles qui y ont été annexées, à 23,203 1. 15 s. 7 d. La forêt de Somme-Dieu, située sur la route de Verdun et aune lieue de celte ville, contient seule 3,265 arpents, mesure de France ; elle a été estimée par le même expert, qui a procédé à l’évaluation des forêts de Valenciennes, et il a porté la coupe annuelle de 93 arpents à 25 perches à 12,891 1. 16 s. 10 d. sur le pied de 3 1. 19 s. par feuille, en y comprenant le taillis et la futaie. Le comité s’est procuré des renseignements sur cette forêt, et les renseignements, fournis par le sieur Guilgot, directeur des domaines et bois de Lorraine, ont paru porter un caractère d'exactitude qui a engagé le comité à opposer ses calculs à ceux de l’expert qui a opéré à la suite de la commission. Cette forêt a été aménagée à 35 ans, en 1760. Le directeur observe que la coupe a commencé par les parties dégradées, et qu’un canton de 300 arpents avait été exploité par forme de réceptive. Depuis 1760 jusqu’en 1768, le prix moyen de l’arpent ne s’était pas élevé au-dessus de 90 livres. Un espace de 7 années, pendant lesquelles on n’avait fait aucune coupe, contribua à augmenter le produit de cette forêt ; en sorte que cette cause, jointe à la valeur que les bois avaient acquise, porta le prix moyen de l’arpent à 149 livres dans les ventes qui ont eu lieu de 1776 jusqu’à 1784. Cette augmentation progressive s’est si fort soutenue, qu’en 1786 on avait vendu 191 livres l’arpent que l’expert avait estimé 138 livres. C’est d’après une évaluation ausi inexacte, que les calculs de l’expert ont fixé le revenu de la forêt de Somme-Dieu à 12,891 livres, dans la même année où elle en rapportait 17,857, c’est-à-dire près d’un tiers au-dessous de sa valeur au temps de son opération. Le résultat de cette opération a fixé la valeur de la forêt de Somme-Dieu à 338,072 livres. Le directeur des domaines, au contraire, calculant la valeur de la forêt, non pas selon les procé iés arbitraires de l’expert, mais d’après le produit réel de la forêt, on estime le capital à 593,999 livres. Le comité pourrait porter encore loin la critique de l’évaluation trop modérée qui fixe la valeur des domaines dépendant du marquisat d’Hattonchâtel à 883,573 livres. C’est en mettre une preuve bien évidente sous les yeux de l’Assemblée, que de lui observer que le bois des Têtes, évalué eu superficie, au mois de novembre 1786, à 2,531 livres, a été vendu, en janvier 1787, 6,074 livres. D’un autre côté, l’estimation des droits de tiers-deniers, existant alors dans la ci-devant province de Lorraine, renfermait une forte lésion ; c’est ce dont le comité a encore élé à porté de se convaincre, en vérifiant que ces droits, évalués par la commission 7,251 livres, en avaient rapporté plus de 10,000 à M. de Ci-lonne pour chacune des 3 premières années de sa jouissance. En calculant le produit de cette terre pendant les années 1786, 87 et 88, on trouve que M. de Galonné a perçu, année commune, au delà de 58,000 livres, ce qui porterait le capital à plus de 1,700,000 livres, au lieu de 1,221,545; et, quand on suppo-erait que les charges de cette terre pussent s’élever à 200,000 livres, ainsi que le commissaire l’a pensé, il y a lieu de croire que la lésion sur cet article serait au moins de 100,000 écus. Domaines de Thionville, Rainville et Saint-Paul . Il ne faut qu’une seule réflexion sur l’évaluation des domaines de Thionville pour en faire sentir l’inexactitude. Les engagistes de ces domaines avaient fait, eu exécution d'un arrêt du conseil rendu en 1781, une déclaration des revenus dont ils jouissaient, et ils le - avaient portés à 14,798 livres; ainsi les domaines seuls, sans les forêts, valaient un capital de 443,940 livres; et cette base est très favorable à l’échangiste, car on ne soupçonnera pas les engagistes d’avoir exagéré la valeur des domaines qu’ils tenaient à titre d'engagement. Or, en joignant à ce revenu la somme de 3,563 livres, produit de la dernière révolution des bois qui en dépendaient, révolution dont la dernière coupe finissait à 1772, on aurait eu un revenu de 18,361 livres, dont le caphal se serait monté à 550,830 livres. Eu adoptant ce calcul, on aurait été encore éloigné de la valeur réelle des forêts ; car, pendant la révolution qu’on vient d’indiquer, elles étaient affectées aux lorges de Hayange, etcetie affectation en diminuait tel-lemrnt lu produit, que, dans les années antérieures à 1763, les adjudications s’étaient montées à 3,849 livres pour l’année commune. On doit sans doute être surpris de trouver, au lieu d’une méthode aussi simple, de longs procès-verbaux qui ont réduit la valeur de ces domaines à 405,064 1. 8 s. 5 d. Il en est de même des étangs de Buissoncourt, Rainville et Saint-Paul, affermés 4,783 livres, dont le capital devait par conséquent se porter à 143,490 livres, et que l’évaluation réduit à 109,344 1. 14 s. 2 d. Il est difficile de concevoir la cause d’une diminution aussi considérable dans l’appréciation de ces derniers objets. Si l’on en croit les officiers de la maîtrise de Thionville, on la trouverait dans le choix des fermiers qui ont été 568 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nommés experts pour estimer les domaines. Quoi qu’il en soit, il n’en est pas moins certain que les calculs les plus simples, faits d’après les baux et les déclarauons des engagistrs, annoncent combien le piocès-verbal de la commission a poté la valeur de ces domaines au-dessous de la réalité. Récapitulation des domaines compris dans l'échange. En rassemblant les valeurs de tous les objets que la nation a cédés pour acquérir le comté de Sancerre, le comité a reconnu que l’estimation modérée de la forêt de Russy se portait à ................... 1,221,040 1. » s. » d. Celle des forêts du Hainaut, à ........... 797,711 15 Hattonehâteletfcom-me-Dieu ............ Domaine de Thion-ville ................ Les étangs de Buis-soncourt, Rainville et Saint-Paul ........... 1,477,573 10 7 550,830 .» » 143,490 Plus : La valeur indiquée par le commissaire pour les domaines de Normandie, Languedoc et Dauphiné ..... Le domaine de Rha-ling, avec ses forêts, compris dans l’échange, mais dont l’échangiste ne sVst pas encore m is en possession. Au prix de ces domaines, le comité a dû joindre le montant des sommes payées par le Trésor public, rela'ive-ment à cet échange, pour soulte et frais d’évaluations ........... 192,000 194,903 2 6 1,160,733 4 Ce qui forme un total de ............... 5,738,2811.12 s. 1 d. Il reste à votre comité à examiner si la terre de Sancerre, que la naiion a reçue en compensation, peut en être l’équivalent. J Évaluation du comté de Sancerre. Le comté de Sancerre, une des terres les plus considérables du Berry, était décoré de tous les avantages qui pouvaient attacher une grande valeur à une possession, sous le régime féodal. Des vassaux nombreux, une mouvance qui s’étendait sur de> biens considérable-, et produisait de fréquents droits ne mutations; des forêts précieuses par la rareté des bois dans le pays, et plus encore par le v< isinage du canal île Bri'are, qui les rend propres à l'approvisionnement de Paris, tel est le tableau que M. d’Espugnac présente de la terre qu’il a cédée au roi. Ce tableau, exact peut-être en ce qui concerne les prérogatives honorifiques de la terre, l’est-il 123 juillet 1791.] aussi à l’égard du revenu? C’est ce qu’il est surtout question d’examiner. Dans le dernier état présenté par M. d’Espa-gnac, le revenu du comté de Sancerre se porte à environ 122,246 livres. Suivant le pocè-verbal de la commis-ion il doit produire 114,354 1. 15s.5d. Pour parvenir à son produit, M. d’Espagnac a porté les bois à 30,917, les droits de lods et ventes à 19.000 livres et ceux de quint, requintet rachat à 31,888; ces 3 objets réunis formant une somme de 81,805 livres, il reste par conséquent en objets répis ou affermés un revenu de 40,441 livres. Ce denier article est le seul sur lequel on puisse compter avec quelque apparence de certitude; ce n’est pas qu’il ne s’y i encontre quelques non-valeurs, que quelques objets ne soient suscep’ibles de diminution; mais il est constant que plusieurs autres ont été augmentés par des baux postérieurs à l’échange, et que cette augmentation p rte actuellement le revenu de tons les domaines et droits régis ou affermés à 41,157 1. 10 s. 2 d. Il existe quelque différence entre ce produite! celui qu’indique le procès-verbal d’évaluation. Le comité a calculé le produit du domaine de Sancerre d’après l’état qui lui a été envoyé par le recevt ur de M. d’Espagnac lui-même. C i état ne donne de recette probable qu’une somme de 41,157 livres (la recette effective est même au-dessous). Le comité n’a pu s'écarter de cette donnée, pour adopter le procès-verbal de la commission qui porte le revenu du domaine à 44,995 livres. Il n’y a donc dans l’appréciation du revenu de Sanc rre,que deux articles qui présentent des difficultés; les droits seigneuriaux casuels, tant en mouvance féodale que roturière, et le revenu des forêts; mais ces deux articles form nt, dans le calcul de M. d’Ëspagnac, plus des deux tiers du produit total, et sur ces deux objets il y a une distance cm siuérable entre la valeur que leur assigne M. d’Espagnac, ou celle que fixe la reconnaissance des commissaires, et le produit effectif. Dans l’évaluation qui a été faite des droits seigneuriaux, il fallait, pour en former le revenu, calculer la recette e/fec ive dans un temps uonné; on manquait de tous les renseignements qui auraient pu Constater le montant de la recette pendant les années an'érieures, quoique cette terre eût fait partie d’une gran e admmi-tration, ayant depuis longtemps é é régie pour les maisons de Conti et d’Orléans, quoique, depuis 8 années, elle e ùt,é t e posséd ée pa r M . d ’ Es pag >ac, qui devait au moins être tenu de justifier >.u produit pétulant les années de sa jouissance; ceptndant il n’a été représenté que des regûtre-de n cette, des droits de lods et ventes, pendant 3 années et 9 mois. A défaut des pièces qui seules auraient pu établir un produit certain, le commissa re député sur les lieux a calculé le montant des mou-vanc-scensuelles d’après le relevédes n gi-tres du centième denier, nui uni donné pendant les 30 années de 1755 à 1784, une année commune de 11,931 I. 4 s. 5 d. (1). La mouvance féodale a été appréciée d’après une base differente; le commissaire a reçu les déclarations des vassaux relevant de Sancerre, sur la Voleur de leurs tiefs, et c’est sur le capital (1) Un second calcul du commissaire porterait la recette des 10 dernières années, à 14,610 livres. 567 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] résultant de leurs déclarations qu’a été calculé le produit des droits de mutation. En partant de cette évaluation, les droits de quint et de requ nt devraient se porter, pour l’année commun -, à 2b, 000 livres, et le droit de relief ou rachat à 5,000 livres, ce qui, joint aux mouvances censuelles, donnerait un revenu de 36,931 I. 4 s. 5 d. Ce résultat de l’opération hypothétique, adoptée par le commissaire, s’éloigne déjà beaucoun de l’appréciation queM. d’Espagnac avait donnée de cette branche de revenu, en la portant à piès de 52,000 livre-; mais elle s’écarte encore davantage de la perception effective nui a été faite par l’administration des domaines qui, dans les 5 années de la jouissance, n’a reçu que 69,149 I. 7 s. 11 d., ce qui réduit l’année commune à 13,829 1. 17 s. 7 d. Lorsqu’à côté de ce produit réH on voit le résultat de l’évaluation faite par la commission, on se demande quel 'es sont les causes de cette disproportion? On ne peut se dissimuler que les déclarations laites par les vassaux, et souvent par des fondés de pouvoir, peu instruits de la juste valeur des terres, et qui n’ont aucun intérêt à fixer la véritable valeur de leurs possessions, ne présentent un résultat très inexact. C’est même dans le i roeès-verbal de reconnaissance que votre comité en a trouvé la preu\e. Le fiel de Charentonnay, relevant en partie de Sancerre, venait d’être vendu lorsque la déela-tion en a été faite au procès-verbal de reconnais-ance; en lisant cette pièce, on se persuade que la totalité de ce lief, dont on porte l’évaluation à 159,000 livres, est dans la mouvance de San-cerre, et que celte estimation s'applique en entier à la terre qu en relève. Si on jugeai», d’après cette somme, de ce qu’a dû produire le droit de quint et de requint, on trouverait un résultat de près de 38,000 livres ; cependant, après un procès contradictoire, après la ventilation de tous les objets contenus au contrat, la poriion des seigneurs de S meerre, pour ce qui relevait d’eux, a é é réduiteà 12,042 1. 1 s. 2 d., sur quoi on demande une diminution de 2,410 1. 3 s. 2 d. Une autre terre considérable de cette mouvance est celle du Pezeau; le procès-verbal en orte le revenu à 25,000 livres, et le capital à 00,000 livres, en y comprenant le château. Elle forme à elle seule pi ès du cinquième de l’estimation des fiefs mouvants du comté de Sancerre, qui se porte par aperçu à 5 millions. Le droit de relief vient d’en èire liquidé et consigné à la caisse des domaines: il se monte à 17,033 livres. Ces deux exemples indiquent quelle est la source d’où provient le vice de l’évaïuainm. Dans la quantité d" contrais qui ont servi à former la mouvance censuelle, dans le nombre des déclarations sur lesquelles est fondé le calcul de la mouvauce féodale, il est aisé de concevoir qu’il en est q à contiennent des possessions qui ne relèvent pas dn comté de Sancerre; le prix de tous ces biens confondus indistinctement, soit dans les contrats, soit da s le-déclut a ions des ci-devant va.-suux, l’exagération probable de ces derniers, ont dû porter beaucoup irop haut la somme que le commissaire a trouvée par le résultat de son opération. A ces d ux causes, on peut joindre celle que le receveur du comté de Sancerre donne de la modicité de la recette des droits casuels pendant les 5 dernières années. Ce receveur l’avait été précédemment de M. d’E�pagnac, et l’administration des domaines avait été forcée de le conserver par une lettre ministériel le. C'est lui qui a donné au commissaire toutes les indications sur les droits de Sancerre. Il ligure au procès-verbal comme régisseur de ceite terre, qu’il avait auparavant régie pour M. d’Espagnac, comme procureur fiscal avec les officiers dej istice, comme procureur du roi avec ceuxdela maîtrise.Enfin, i I est l’humme qui pouvait, avec plus de préci-ion, fournir des renseignements certains sur tous les genres de produit de ce te terre. Cependant ce receveur, dans l’état qu’il a adressé au comité, ne fixe aucune somme reçue pour les droits seigneuriaux casuels. Le produit des droits de lods et ventes, dit-il, . a commencé à se réduire à peu de choses aussitôt après l’échange, de uis qu’on a cessé de faire la remise du tiers ou du quart que font les seigneurs voisins, et qu’on a de plus exigé des droits d’ensdisinemenl et de quittance jusqu’alors inconnus. Les droits de quint, requint et rachat, ajoute ce receveur, ont également, et peut-être par les mêmes raisons, pu p oduit depuis l'échange. Les ouvertures connues sur des fiefs que IVpi-nion pubuque dit être de 7 à 8 millions, ne se sont pas élevées, depuis 1785, à 60,000 livres, et la recette sur ce point a même presque été nulle, les deux peine p;« l< s ouveitures restant à peu près impoursuivies, quoiqu’elles doivent produire environ 25,000 livres chacune. Tels sont les motifs du receveur, pour ne donner aucun état précis de sa recette depuis 1785. Le comité observe d’abord que les deux objets dont il parle ont été pour-uivis et liquidés de-uis l’envui de ses observations : ce sont les terres du Pezeau et de Charentonnay dont on vient de parler. Mais, parce que les prolits féodaux ont été de peu de valeur depuis 5 ans, ce u’est pas une raison pour croire qu’ils auraient dû s’él ver à 52,000 Ivres, selon M. d’Lspagn.ic, et à 37,000 livres selon le procès-verbal de reconnaissance, et le comité a dû se procurer des renscig ementg posi ifs sur le produit efeciif de cette branche de revenus. L’etat lui en a été donné par l’ad-minbtr.tion des domaines, et c\ st en ajoutant à la recette des 5 années dernières le mon ant de ce qui a été recouvré des 2 ouveitures dont le receveur fait mention, que tous les droits casuels se sont poriés à 69,149 I. 7 s. 11. d. et l’année commune à 13,829 1. 17 s. 7 d. Cependant, l’observation du receveur de Sancerre fait naître une réflexion bien simple : si, pour assurer la perception des droits féodaux, il est nécessaire de faire la remise d’un quart ou d’un tiers il est clair que le produit réel de ces droits doit être diminué d’autant. Ainsi, en supposant la justesse du résultat adopté par le commissaire aux évaluations, ce revenu qui devait être de 36,931 1.4 s. 5 d., après la déduction du 1/4; serait réduit à 27,698 1. 8 s. 4 d. ; mais cette même somme de 36,931 I. 4 s. 5 d., prise pour base de l’évaluation, donnerait au denier 40 un capital de 1,477,248 liv es, et le revenu se trouvant n’êlre que de 27,698 1. 8 s. 4 d., la uadon payerait cette portion de revenus de Sancerre au -de s s du denier 50. Ce calcul devient vi aiment effrayant, si on l’adapte à la recette eff clive de 13,829 1. 17 s. 7 d. Il se trouve que ce capital énorme rapporte moins de 1 0/0, sur quoi il y a encore des frais de régie et d’autres charges à déduire. 568 [Assemblée nationale.] En présentant ce calcul à l’Assemblée, le comité ne se dissimule pas qu’il peut paraître rigoureux de juger du produit de l’année commune sur des données prises dans un terme aussi court que celui de 5 années, mais il s’y est déterminé par la considération qu’il dépendait deM. d’Espagnac de procurer des preuves de ce qu’avaient rapporté les profUs féodaux pendant les 8 années qu’il a été propriétaire du comté de Sancerre. Il a rapproché des étals produits par l’administration des domaines, ceux qui ont été présentés au commissaire par un ancien receveur de M. d’Espagnac qui avait régi la partie des lods et ventes pendant 45 mois. Le total de sa recette se portait à 26,402 1. 18 s. 3 d., et donnait une année commune de 7,040 1. 15 s. Enfin il a considéré que dans l’année commune qu’il a adoptée, l’administration des domaines avait perçu les droits de mutation de deux des principaux fiefs relevant de l’ancien comté de Sancerre; que, dans l’évaluation faite par-devant la commission, ces terres forment plus d’un cinquième de la totalité de l’année commune prise sur cinq. Le comité ajoute à cette observation, qu’en 1777 le comité de Sancerre rapportait 47,516 livres ; que sur cette somme il y avait pour 30,000 li vres d’objets affermés; que le produit des bois, suivant M. d’Espagnac, ne s’él vait pas à plus de-7,000 livies, et que les droits féodaux et censuels ne pouvaient conséquemment se porter au delà de 10,500 livres. Ainsi, dans la disette d'aucun titre qui ait justifié que la recette des droits casuels se fût jamais élevée au-dessus de Tanné-commune de celles qui ont été régies par l’administration dos domaines, le comité n’a pas cru devoir adopter une autre base d’esfimation que le produit effectif, et il a cru devoir le comparer au calcul hypothétique qui, suivant le procès-verbal de reconnais-san ce, élevait le capital d’un revenu modique à une somme exorbitante. Votre comité doit actuellement examiner si le produit des forêts que présente M. d'Espaenac peut se soutenir, et surtout si la manière dont l’évaluation de ces forêts a été fait ■ par la commission, peut être mise en balance avec celle dont il a été usé pour l’estimation des forêts domaniales cédées en échange. Cet article paraît peu douteux au premier coup d’œil; il est fondé sur des baux passés par M. d’Ëspagnac, qui portent le prix des coup* s réglées par l’aménagement ordinaire à 30,882 livres. Le comité ne met pas au nombre des preuves, qui doivent faire paraître ce produit comme exagéré, les allégations répétées que les baux étaient simulés, et que les fermiers avaient des contre-lettres de la part de M. d’Espagnac : de tels faits doivent être prouvés avant qu’un puisse les compter pour quelque chose. Il ne peut cependant se dispenser d’observer que ces baux sont fails sous signature privée, et que la date de l’un d’eux est postérieure au consentement que le roi avait donné à l’échange. D’ailleurs, il est possible que les fermiers se soient livrés à une fausse spéculation ; ce qui rend cette présomption très vraisemblable, c’est qu’ils étaient arriéres dans leurs payements, au 1er janvier 1790, d’une somme de 50,000 livres, et que, pressés par des poursuites, s’ils ont payé depuis ce temps quelques acomptes, iis ont encore laissé en arrière le prix de la partie de forêt coupée jusqu’au premier janvier 1791. Cette circonstance, qui peut 123 juillet 1791.] faire croire qu’ils ont mal calculé, doit au moins exciter de la défiance sur un produit qui peut être porté beaucoup au delà de sa valeur réelle. Cette défiance est d’autant mieux fondée, que l’estimation faite de cette forêt, par les ordres du commissaire, loin de lever les doutes à cet égard ne fait que les accroître. Dans le cours des évaluations qui avaient été faites des domaines cédés à M. d’Espagnac, on avait estimé plus de 9,000 arpents de forêts, et l’estimation en avait été faite par le sieur Boucher, marchand de bois à Saint-Germain ; tel était l’usage de procéder dans les échanges. Un expert, conduit à la suite du commissaire dans toutes les provinces� du royaume les plus éloignées, était censé réunir toutes connaissances locales pour estimer et comparer les forêts en Flandre, en Lorraine, dans le Dauphiné, dans le Blaisois et le Berry. Cet expert nommé par le substitut du procurer général, et agréé par M. d’Es-pangnac, n’avait trouvé aucun contradicteur, tant qu’il avait été question d’estimer les forêts domaniales : mais, lorsqu’il eut visité celles du comté de Sancerre, on lui adjoignit sir sa demande un second expert nommé par M. d’Espagnac. Les deux experts se trouvèrent fort éloignés dans leur appréciation; ils ne s’accordèrent ni sur la valeur du bois, ni sur la qualité du sol. L’expert de M. d’Espagnac observa tout ou plus quelques souches mal coupées, mais un sol excellent dans les forêts que l’expert du procureur général trouva dégradées par une suite de mauvaises exploitations, et plantées sur un terrain aride; aussi le résultat d’une manière de voir aussi différente fut de porter de la part de l’un le revenu total des forêts à 35,781 1. 9 s. 6 d. tandis que l’autre le réduisait à 16,930 1. 1 s. 3 d. Pour décider entre doux appréciations aussi disparates, le commissaire nomma un troisième expert qui trouva très modérée l’estimation faite par l’expert de M. d’Espagnac; cependant, tout en déclarant qu’il aurait porté plus haut l’estimation des forêts de Sancerre, il en a réduit le revenu à 32,339 1. 4 s. 2 d. Jusque-là on voit trois avis sur la valeur de ces forêts, il va s’eu ouvrir un quatrième. Le 2 mai 1789 l’expert du procureur général comparait de nouveau par-devant le commissaire. Il observe que dans ses deux précédents rapports, à raison de l’estimation des bois de charmes et des garennes, il s’était expliqué de manière à ne pas rendre bien clairement, et assez positivement ce qu’il pensait sur le prix des coupes annuelles, et la valeur de la feuille desdits bois ; qu’il avait fait division de la feuille de chacun d’eux en deux articles, ce qui pouvait induire en erreur sur le prix réel qu’il avait entendu donner au produit annuel desdits bois. En conséquence, il déclare qu’il avait considéré la valeur de la feuille du bois de charmes, comme devant êœe fixée à 8 1. 17 sous, et la coupe annuelle à 9,669 1. 8 s. 6 d.; celle du bois de garenne, comme devant être fixée à 5 1. 14 s. 9 d. la feuille; et la coupe annuelle à 7,234 1. 14 ?. 3 d., et d’après cette explication, l’expert rejette de ses déclarations tout ce qu’il avait dit relativement à la différence de ses estimations d’avec le prix des baux. Cette explication de l’expert est assurément moins claire que le rapport qu’il veut expliquer. Eu augmentant la valeur de la feuille, il laisse subsister toutes les observations relatives à la mauvaise qualité du sol et du bois ; il ne sup-ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 juillet 1791.] prime que ce qui est relatif à la différence du prix du bail, avec son estimation précédente; cela pourrait faire croire qu’il a combiné le prix de ce bail avec la valeur du bois, et que c’est en raison composée de l’un et de l’autre, qu’il a porté l’armée commune à 7,234 i. 14 s. 3 d. et à 9,660 I. 8 s. 6 d. Le résultat de ces différentes estimations, loin de fixer l’opinion sur la valeur réelle de ces forêts, ne sert qu’à faire voir combien il est possible quVlle soit réglée d’une manière arbitraire, par la voie même des experts. Le tiers expert présente une valeur de 32,339 1. 4 s. 2 d. en revenu, c’est-à-dire au delà du prix des baux passés par M. d’Espagnac. L’expert du procureur général, par sa seconde estimation, porte le revenu à 13,672 J. 6 s. 3 d. Par la première, ce revenu n’était que de 16,930 1. 4 s. 3 d.; dans tous les cas, il n’y a encore aucune charge déduite. Dans l’incertitude où ces différents résultats laissent sur la véritable valeur des forêts, il n’est pas possible de chercher des éclaircissements dans l’avis des officiers des maîtrises royales, qui, selon la jurisprudence de la chambre des comptes, auraient dû être entendus. On a négligé de les appeler à la reconnaissance des forêts de Sancerre. Cependant le commissaire en a si bien senti la nécessité, qu’il a qualifié de procureur du roi de la maîtrise le même homme qu’il avait entendu comme procureur fiscal de M. d’Espagnac, avec les officiers de justice. Dans ce labyrinthe obscur, on peut au moins saisir un point de comparaison, en rapprochant le mode de ces évaluations de celui dont on s’est servi pour estimer les forêts domaniales. Si on examine l’évaluation des taillis, on voit que la révolution antérieure à l’échange a servi de base pour former l’année commune, comme dans le Hainaut; et lorsque quelque cause extraordinaire avait interverti l'ordre des coupes, on s’est rapporté au delà du dernier terme de l’aménagement; ainsi, pour fixer le produit dubois de frêne dans le Hainaut, aménagé à 14 ans, comme celui des garennes, dépendant de Sancerre, on s’est reporté jusqu’en 1765, et on a pris pour base Je produit de l’aménagement jusqu’en 1777. Pour le bois de garennes, au contraire, on a négligé de calculer ce que les coupes de ce bois avaient produit depuis 1771 jusqu’en 1784, espace qui renfermait une révolution entière de la forêt ; et quoique les procès-verbaux de toutes ces coupes aient été représentés au commissaire, on ne trouve pas même dans le procès-verbal, l’indicatio i de la somme à laquelle ces coupes s’étaient portées. De même pour le bois de charmes, dont l’aménagement est réglé à 18 ans, on a représenté les procès-verbaux d’adjudication pour 15 années, c’est-à-dire de 1766 à 1781, mais rien pendant les dernières, qui sont de la jouissance de M. d’Espagnac. Le procès-verbal ne fait encore mention d’aucuns des produits constatés par ces adjudications, en sorte que, par le défaut de cette énonciation, on manque de données, pour comparer le produit actuel au produit des années qui ont immédiatement précédé l’échange, et qu’il est impossible de juger quel degré d’accroissement le nouveau bail a donné au prix des forêts. Mais, quelle que soit la cause de cette omission et de cette différence, il n’en est pas moins vrai qu’il n’existe aucune proportion entre les bases qui ont servi à estimer les taillis en Hainaut, et 569 celles qui doivent former l’évaluation des forêts de Sancerre, et quand même on admettrait le rapport, le plus faible des experts qui ont estimé ces dernières, cette inégalité seule suffirait pour détruire l’égalité de l’échange. Cette disproportion dans l’estimation du taillis se fait remarquer également dans celle des baliveaux. On hésite à donner ce nom à ceux du bois des garennes, et cependant, de ces baliveaux qui sont estimés de 13 à 14 sols, le bail actuel en abandonne les plus beaux à raison de 10 sois ; qu’on veuille bien rapprocher cette estimation de celle des forêts du Hainaut où des baliveaux de 2, 3 et 400 ans, excédant de 5 fois le nombre de ceux coupés pendant la dernière révolution, ne sont cependant portés qu’à un cinquième au-dessus de la valeur de ces derniers, et on jugera s’il peut y avoir quelque rapport entre ces deux manières d’opérer. Si on compare l’estimation des bois de Sancerre à celle de la forêt de Russy, on retrouve la même inégalité. A Sancerre, on estime comme baliveaux des arbres parmi lesquels ceux qui sont au-dessus de 3 âges sont laissés par le bail au prix de 30 sols le pied. Dans la forêt de Russy, on estime comme taillis une portion de forêts aménagées à 126 ans, et cette estimation est portée à 5 livres la feuille, c’est-à-dire au-dessous du plus mauvais taillis de Sancerre. Cependant la position de la forêt de Russy est bien aussi avantageuse que celle des forêts de Sancerre ; l’une et l’autre sont sur les bords de la Loire, avec cette différence que celle de Russy, étant plus près de l’embouchure de ce fleuve, et dans un vignoble abondant, le débit de ses bois, propres à être fabriqués en merrains en est bien plus assuré. Si l’on considère la qualité du terrain, on se convaincra facilement que le sol sur lequel le bois dégénère au bout de 14 ans, ne peut soutenir la comparaison avec celui sur lequel une forêt peut être aménagée à 126 ans, et qui, dans plusieurs parties, n’est peuplée que d’arbres au-dessus de cet âge. Dans le cours des évaluations des forêts domaniales, on s’est quelquefois écarté du produit de la révolution précédente, pour en faire apprécier la valeur par un expert : c’est ce qui est arrivé pour la forêt de Somme-Dieu ; mais cette estimation n’augmente guère que d’un dixième le prix de l’année commune, prise sur 18 coupes qui remontaient à 25 ans (1). C’est également l’expert qui a fixé le prix des forêts de Blettange et de Hayange. La totalité de ces 2 bois avait été coupée dans 10 années de 1763 à 1772. Un aménagement en fixait l’exploitation à 20 ans; on pouvait donc calculer comme le revenu de l’année commune le vingtième du produit de la dernière révolution ; il se montait à 3,563 1. 4 s. 2 d., et cette façon d’évaluer, qui eût fait perdre au domaine la valeur que le bois avait acquise depuis la dernière coupe, faite en 1772, n’était pas avantageuse. Cependant l’expert a trouvé une manière de calculer la valeur de la feuille, qui a réduit le revenu ordinaire à 3,128 1. 12 s. Ce rapport du prix de l’estimation avec celui do l’année commune, prise dans la révolution précédente, n’a pu qu’accroître la défiance du (1) Les coupes de la forêt de Somme-Dieu, faites depuis 1760 jusqu’en 1768, et depuis 1776 jusqu’en 1787, ont produit, année commune.. 11,5571. 15 s. 4 d. L’opération de l’expert porte le revenu à 12,891 1. 16 s. 10 d. 570 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 123 juillet 1791-J comité contre l’augmentation prodigieuse que le tiers expert donne au produit des forêts de San-cerre, en le portant à 32,339 I. 4 s. 2 d. ; tandis que dans les seules années dont M. d’Espignac ait fait connaître le revenu, en 1776 et 1777, il ue s’était élevé qu’à 6,988 I. 10 s. Ainsi, malgré le sentiment des 2 experts qui avaient évalué ces forêts à 32 et 35,000 livres, le comité a pensé qu j l’estimation qui s’etail le moins écartée de la valeur efeetive était celle qui en fixait le revenu à 16,938 livres, somme qui excède de près de 3 cinquièmes le produit précédent. Votre comité n’a donc dû calculer que les valeurs réelles échangées respectivement, pour juger avec précision du parti que l’intérêt natio-nal doit dicter en prononçant sur cet échange. Ges valeurs dégagées de toute exagération ne lui ont présenté uans l’acquisition de Sancerre qu’un produit brut de 71,917 livres, au delà duquel il ne lui a pas paru que les revenus de cette terre pussent ère portés, et encore ce produit probable, adopté par voire comité, snrpasse-t-il la recette ef eetive faite par l’administration des domaines, qui, pendant une régie de 5 années, n’a perçu réellement pour Famée commune qu’une somme d 1 54,057 livres sur laquelle elle a dû ac imiter toutes les charges. Ce produit effectif répond seul à tous les rai-sonuemmts fondés sur le procès-verbal d’évaluation. G’esten vain que cette pièce authentique porte le revenu de Sancerre à 114,000 livres; qu’importe l’opinion discordante dt s experts, le système hypothétique adopté par le commissaire : tout cela disparaît devant une recette réelle ; et lorsqu’au lieu de 114,000 livres, il n’a pas été perçu 54,000 livres net, il n’est aucun procès-verbal qui puisse remplacer ce déficit. Certes, il n’est personne qui voulût faire une acquisition de cette espèce, au prix de 5,738,281 livres ; et le comité, qui pense que l’ Assemblée ne doit disposer du patrimoine de la nation, que comme ferait un bon père de famille, n’a pas hésite à dire que sous aucun rapport l’échange de Sancerre ne pouvait être conlirmé, et que la ju-tice se réunissait à l’intérêt national pour le faire révoquer. En mettant sous les yeux de l’Assemblée la balance inégale de cet échange, la lésion enorme qu’il renferme, résultat de l’a nldtion du mimsire intér< ssé dans cette affaire, le comiié aurait entièrement rempli la tâche qui iui était imposée par vos décrets. Vous ne pouiriez, en effet, Messieurs, prononcer que sur la totalité de cet échan.-e, l’adopter tel qu’il est, ou le révoquer, et votre comité ne se serait même pas peimis d’examiner si, en le la ssant subsister pariieile-ment, ou pouvait réunir au domaine na ional quelque partie des objets cédés, et rétablir ainsi l'égalité. Ce qui ne pouvait se faire d’après le texte de la loi, M. d Èspagnac l’a proposé. Une pétlt on récente, portée à l’Assemblée nationale, présente cette affaire sous une face nouvelle. M. d’Espagnac ne considère pas soulement. l’échange tel qu’il est aujourd’hui; il le suit dans toutes les variations qu’il a éprouvées depuis la première proposition qui en a été fuite, jusqu’aux dernières b ttrrS patentes. Uans le principe, le roi ava t seulement consenti à acquérir le comté de Sancerre; il avait seulement été imputé sur le prix de cette leriv, une somme de 500,000 livres due par M. d’Espagnac, et le surplus devait être payé en argent ou en domaiue, au choix du roi. Ensuite, des bons postérieurs avaient fixé la nature de ce contrat, devenu un échange par la cession de plusieurs domaines : c’est ainsi qu’il est qualifié par le contrat. 3° Enfin, deux letires patentes ont ajouté des domaiues considérables à ceux cédés originairement. M. d Espagnac observe que le contrat d’échange est, par lui -même, dans l’opinion de quelques personnes, ava tageux à la naiion ; mais que les deux lettres patentes présentaient l’idee d’une surprise faite à la volonté du roi, en lui faisant ceder une plus grande quantilé de bois qu’il n’avait paru d’abord vouloir en abandonner, et attendu encor-que M. de Galonné pouvait de cette manière abuser des droits de sa pla< e, pour se faire donner perpéiuellement ce qui lui convenait sous le spécieux prétexte de remplacement. Ici M. d’E-pagnac sénare sa cause de tout ce qui peut appartenir à l’administration de M. de Galonné ; il ne défend point ces lettres patentes, ouvrage du ministre, pour la convenance du-q ml la forêt de Somme-Dieu a été ajoutée à l’échange. Il ne s’oppose point à ce que l’Assemblée nationale, toujours attachée à la possession des forêts, révoque ces lett es patentes de i emplacement; mais il la supplie seulement d’empêcher toutes les répétitions en garantie de la nart de Mme de Galonné, à qui le marquisat d'Hatton-châtel a été vendu, ainsique de celles des autres coéchangistes. Cette condition même que M. d’Espagnac avait d’abord mise à son consentement, il l’a révoquée depuis, et il a offert de garantir 1 1 nation de toutes les demandes en indemnité que les co-échangistes pourraient former. Indépendamment du retranchement des accessoires dont les lettres patentes avaient grossi l’échange, M. d’Espagnac offre de rétrocéder la furêt de Hussy; ce qui, avec celle de Somme-Dieu brait rentrer dans le domaine national plus de 6,5é0 arpems de forêts qui seraient distraites de l’échange, et qui ne laisserait plus dans les domaines cédés que 2,308 arpents échangés contre 3,125, que la naiion acquerrait dans le ci-devant comté de S ncerre. Le reste de l’échange ne consistant plus qu’en terres, seigneuries et droits féodaux, deviendrait [ilus égal parla nature des objets respectivement cédés. S’il y avait dans cette hypothèse quelque lésion à craindre d’après ces retiancliements, ce ne serait pus en confirmant l’échange; ce serait, au contraire, en le révoquant, que la nation en souffrirait une considérable. On voit en effe1, ajoute M. d’Espagnac, d’un côté M. de Galonné sollicitant l’annulation de l’échange, pour regagmr 700,000 livres qu’il perd sur les domaines d’H attonchâtel par la suppression des droits féodaux qui en faisaient le principal revenu, et de l’autre ses ennemis provoquant cette annulation, dans l’espoir de lui n u i re. Dans cette position, M. d’Espagnac expose à l’Assi mbléj, qu’il s’agit d une somme considérable que le Trésor public pourrait pemre nar un jugement précipité, qui ferait recouvrer 700,000 livras à un miuistre qu’on accuse et qu’on veut punir. G’est donc, selon M. d’Espagnac, sur l’intérêt [Assemblée naiionale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791. j Dational qu’il se fonde, lorsque, sans s’opposer à la révocation des lettres patentes postérieures à l’échange, il propose qu’en acceptant la rétrocession qu’il offre de la forêt de Russy, le surplus de l’échange soit continué, en faisant recommencer les évaluations. Enfin, dans le cas où l’Assemblée nationale ne confirmerait l’échange ni dans si totalité, ni en partie, M. d’Espagnac se restreint à demander ue l’Assemblée nationale effertue l’acquisition e la terre de Sancerre, consentie par le roi, suivant son bon du 21 mars 1784. Il ob-erve à ce sujet que le roi a toujours eu la faculté d’acquérir, et qu’il a ;é lleimmt acquis par ce bon ; que ce même bon reconnaît quYn 1777 le comté de Sancerre a été acheté par M. d’Espagi ac, pour remplir les vues de convenance du gouvernement. Lié avec l’Etat depuis la date de ce bon, il a été impossible à M. d’Espagnac de vendre cette terre; il supplie l’Assemblée de s’occuper de l’examen de ce premier bon, et de déterminer si, n’ayant demandé dat s leprincipeque la quittance des 500,010 livres que l’Etat lui avait prêtées pour venir au secours de M. H s et que ie surlus de la valeur du comté de Sam erre fût payé dire d’experts; si le roi étant entré en payement au moyen de la quittance de cette somme, et M. d’Es'pagnac s’étant trouvé depuis dans l’im-possibilité de vendre sa terre, l’Assemblée nationale peut annuler cet engagement. Si, en rompant l’engagement du roi, elle ne doit pas accorder àM. d’Espagnac les indemnités relatives aux pertes et dégradation' du comté de Sancerre, qui n’en eût pas éprouvé entre ses mains, puisque, forcé de recourir en 1784 à la justice du roi, il eût depuis longtemps vendu cette terre. 11 observe enfin que si l’Assemblée nationale trouve du vice dans l’échange, son annulation ne doit pas blesser les intérêts de M. d’Espagnac, puisque si l’on eût acheté sa terre suivant le premier bon du roi, il n’y aurait pas eu d’échange, et en conséquence il supplie l’Assemblée de faire exé' uter ce premier bon. Ainsi, la pétition nouveiledc M. d’Espagnac tend à demander la confirmation du contrat d’échange seul en ré oquant les lettres p tentes postérieures, et dans ce cas M. d’Espagnac offre en outre la rétrocession de la forêt de Rus-y, des domaines de la Neuveville ei Malzéville, et des forêts de Caitenum, compris dans le co tiat. Et enfin si l’Assemblée n’ad q>te pas celte proposai n, M. n’Espagnac demande qu elle confirme l’engagement contracté par le roi, parle b n du 21 mars 1784, de prendre le comté de Sancerre, et d’en payer le prix. Dans ce dernier cas, cette acquisition se bornerait aux forêts et aux droits seigneuriaux, M. d’Es-agnac proposant de mettre a l’enclière tous les ieos ruraux sur la soumission qu’il fait de les porter d’abord à la somme fixée par la commission de la chambre des comptes. Tel est le projet d’arrangement que M. d’Espagnac soumet à la décision de l’Assemblée. 11 le présente comme un moyen de faire recouvrer à la naii n 6,840 arpents de foiêts, de lui assurer le remboursement d’un million payéàcomp'e du prix de Sancerre, et de compenser la perte occasionnée parla suppression des droit s féodaux de cette terre, avec celle que supporte le domaine d’Hut-tonchâtel. 11 présente ce projet sons un jour bien plus spécieux encore, en l’mdiquant comme un moyen 571 de faire rejaillir la perte que l’anéantissement du régime féoual occasionne dans la terre d’Hat-tonchâtel, sur le ministre auteur de l’échange, qoi abusait de la confiance du roi, pour accaparer les d unaines qui pouvaient lui former une possession importante. Pour juger à quel point l’Assemblée peut se prêtera cette proposition, le comité a eu besoin de se rappeler qu’il s’agissait d’apprécier la chose et non déjuger la personne; il a lait abstraction du nom et de l’intérêt de M. de Galonné; il n’a pas voulu se ressouvenir dans ce moment que ce contrôleur général mêlant ses spéculations particulières à une affaire qu’il traitait comme ministre, avait aliéné sans pudeur, et contre l’in tention formelle du roi, des forêts considérables pour en grossir la portion de domaine dont il s’était accommodé; il a surtout écarté l’idée des derniers libelles de cet ancien ministre, qui, après avoir plus qu’aucun autre contribué à la ruine de sa patrie, invoque aujourd’hui une ligue de je ne s is quelles puissances conjurée' contre les droits des nations, et cherche à porter la flamme et la désolation dans celte même patrie, pour ramener le régime à l’ombre duquel il exerçait ses déprédaiious. Une décision dictée par le ressentiment serait indigne de celte Assemblée; et votre comité, en écartant tout ce qui respirait la personnalité, ne s’est occupé que de la proposition de M. a’Espa-gnac en elle-même. Il a d’abord considéré qu’en confirmant en partie l’échange ou le révoquant p >ur l’autre, l’Assemblée n’userait pas d’un droit acquis en vertu de la loi, et qu’elle ne tiendrait celui de restreindre l’échange, que du consentement de M. d’Espagnac. Mais ce consentement, suffisant pour les parties de iiomaine-qui sont encore entre h s mains du principal échangiste, l’est-il également à l’égard de celles qui ont passé à des tiers acquéreurs? Ceux-ci n’étant liés que par des promesses d acheter, quel serait l’effet et la vahur de ces promesses, si les domaines qui ont dû êt'e vendus, n’étaient plus conservés dans leur totalité? Votre comité n’a pu se di-simuler qu’en adoptant le parti proposé par M. d’Espagnac, on élevait toutes ces questions; et que leur s lu-tion pré entait des difficultés, et peut-être une contestation dont la discussion ne convenait pas à la nation. Votre comité, d’ailleurs, a dû prendre en grande considération les dispositions ue votre décret du 15 mars, qui réserve aux possesseurs des droits féodaux supprimés, et qui les auramnt reçus du domaine a tit e onéreux, la faculté de rentrer dans les objets et biens par eux cédés. Sans examiner jusqu’à quel point ce décret peut être app icable aux échange-, et surtout aux échanges non consommés; sans prévenir une inier rétation indispensable et dont le comité concerte le projet avec le comité féodal, il est ce tain que la demande que Mrae de Ca-lonne po> rrait former relativement aux droits supprimés du domaine d’Hattonchàfel ne serait pas sans difficulté. Il est vrai que sur cet objet M. d’Espagnac offre la garantie la plus formel e ; mais, si les prétentions de Mme de Galonné étaient fondées, elle forcerait en justice M. d’Espagnac à s - joindre à elle, et dans tous les cas le comité a vu qu’en adoptant la proposition de M. d’E-pagnac, la nation courait la chance d'un procès, risquait l’événement d’une demande en garantie, 572 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1191.1 et enfin il n’a pas cru pouvoir proposer cette mesure à l’Assemblée nationale. D’un autre côté, il a calculé l’effet que produirait dans la balance de l’échange, la réunion de ces domaines. il a trouvé pour la forêt de Russy, une valeur de ............... 1,221,040 1. s. d. Pour celle de Somme-Dieu ................... 593,999 19 10 Pour les domaines du Dauphiné .............. 192,000 » « Et pour le domaine de Rhuling ................ 194,903 2 6 Ce qui formerait une masse de domaines de la valeur de ............ 2,201,943 1. 2 s. 4 d. à distraire de l’échange, et réduirait par conséquent les valeurs restantes à 3,536,338 livres. Ce résultat même présenterait encore une inégalité frappante dans les objets à échanger contre une terre d’envbon 2 millions de valeur apparente II faudrait donc, pour fermer une balance égale, distraira encore et les forêts du Hainaut et celles de Thionville. Mais le défaut de consentement de la part des coéchangistes de M. d’Espagnac ferait renaître les mêmes difficultés qu’à l’égard de la terre d’Hattonchâtel. Ainsi, malgré les dispositions du comité à se prêter à tous les arrangements qu’un citoyen, un père de famille, présentait comme un moyen de sauver sa fortune, il s’est vu forcé de rejeter cette manière de morceler l’échange, et il n’a pas cru que l’Assemblée pût l’adopter. Le dernier objet de la pétition de M. d’Espagnac est de demander que la nation se charge de la terre de Sancerre sur le pied qu’elle sera estimée avoir valu à la date de son contrat d’échange. Dans ce cas, il offre de rendre les objets qu’il a reçus, et de compter de clerc à maître de toutes les jouissances. M. d’Espagnac fonde cette demande sur les mêmes motifs qui ont déterminé le roi à acquérir Sancerre en 1784, et il réclame l’exécution du premier bon relatif à cet échange. Il ajoute ensuite que, forcé par l’état de ses affaires à offrir sa terre au roi, il s’en serait défait, si depuis 1784 il n’eût été lié envers le gouvernement, et qu’il n’aurait pas supporté la dégradation considérable que la suporession des droits féodaux apporte à la valeur de cette terre. De toutes les manières de traiter cette affaire, le comité observe que celle de se charger de Sancerre, en révoquant l’échange, serait la plus désavantageuse à la nation, qui, rentrant par ce moyen nans les domaines de Thionville et d’Hattonchâtel, et acquérant Sancerre, supporterait en mèn e temps toutes les suppressions des deux parties de l’échange, et qu’enfin on achèterait au denier 30 ou 40 des droits qui, aux termes des décrets, pourraient lui être remboursés au denier 15. 11 ne serait pas question de calculer le plus ou le moins de perte, s’il existait des motifs su ffi-sants de justice pour faire considérer la nation comme obligée de reprendre de M. d’Espagnac une terre dont il n’aurait fait l’acquisition que pour répondre aux vues du gouvernement. Celte question ramène la discussion dans laquelle le comité est déjà entré en examinant les motifs qui avaient déterminé rechange. Vous vousrappelez, Messieurs, qu’aucune raison de convenance ni d’équité n’avait pu être alléguée avec vérité pour décider le roi à conclure cet échange. L’achat de Sancerre par M. d’Ëspa-gnac n’offre de sa part qu’une spéculation pour éviter le payement des droits de mutation, et pour s’en assurer la propriété incommutable, malgré la substitution dont lesbiens delà maison de Béthune étaient grevés. 11 s’ensuit de cet exposé, avoué de M. d’Espa-gnac, que ce n’est pas pour répondre aux vues du gouvernement, que M. d’Espagnac a fait l’acquisition de Sancerre ; que c’est au contraire d’après ses propres vues que M. d’Espagnac avait proposé Je double projet d’échange substitué à la cession pure et simple de la forêt de Russy, cession qui libérait l’Etat de ses engagements envers M. de Réthune. Le gouvernement ne devait donc, d’après les principes de la plus sévère équité , aucune indemnité à M. d’Espagnac. Mais, dit encore ce dernier, le roi a toujours été maître d’acquérir, et l’acquisition de Sancerre est la seule chose qu’il ait agréée par le bon du mois de mars 1784. Ainsi, séparant de ce bon tout ce qui l’a suivi, l’engagement contracté par le roi demeurera dans toute sa force. Cette première décision ne porte, en effet, que sur l’acquisition de Sancerre, dont le prix devait être payé soit en argent, soit eu domaines, au choix du roi; c’est-à-dire que la nature du contrat demeurait indécise, mais elle a été fixée par les bons postérieurs. C'est en domaines que la valeur de Sancerre a dû être payée pour la plus grande partie; c’e-t donc un échange qui a été conclu, et dès lors c’est sur un échange seul que l’Assemblée nationale doit statuer. Si, dans le fait, cet échange est onéreux à la nation ; si les motifs qui ont décidé le consentement du roi ont été supposés ; si dans le choix des domaines on a cédé ceux que le roi avait expressément déclaré vouloir conserver ; si enfin l’inégalité de l’échange et la lésion qui en résulterait exigent qu’il soit révoqué, M. d’Espagnac, qui, depuis plus de 4 ans, lutte contre les réclamations de toute espèce qui se sont élevées contre son échange, qui a tout tenté pour le soutenir, malgré l’opinion publique, ne peut imputer qu’à lui seul si dans l’origine il ne s’est pas rendu justice et s’il n'a pas renoncé à cet échange dans un temps où il aurait pu se défaire de la terre de Sancerre, avant qu’elle eût essuyé les pertes dont il voudrait aujourd’hui faire un objet d’indemnité. Cette opinion que le public a manifestée depuis longtemps n’est pas démentie par l’examen scrupuleux que le comité a fait de toute cette affaire. Il s’est convaincu que le cri général qui s’est élevé contre l’échange de Sancerre était justifié parles manœuvres coupables du ministre qui dirigeait cette opération pour son intérêt particulier et par l’énorme lésion qui en est le résultat. La France entière attend votre décision, Messieurs; le scandale de cet échange a retenti dans toutes les parties de l’Empire; c’est de l’Assemblée qu’on en espère la réparation ; elle doit, par un décret formel, confirmer ou révoquer les échanges non consommés. Celui de Sancerre est dans le cas ; il est nécessaire de prononcer sur cet objet ; les détails de toute cette opération en ont dévoilé le tissu frauduleux; et votre comité, fidèle aux principes de justice et de sévérité qu’il doit apporter dans l’exercice de la mission que vous lui avez confiée, croit de- 573 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791.] voir vous proposer d’annuler ce monument des anciennes déprédations. Mais, en révoquant l’échange, il reste à statuer sur le remboursement des sommes qui ont été payées d’avance pour soulte de l’échange; à cet égard, le comité croit devoir distinguer une première créance de 500,000 livres qui avaient été prêtées en 1781 pour servir à rétablir le crédit de M. His, de Hambourg. D’après les lettres des ministres qui ont proposé au roi de faire cette avance à la maison His, il paraît que les motifs qui ont déterminé ce prêt étaient les services que M. His et son père avaient rendus à l’Etat. Quoique M. d’Ës-pagnac ait souscrit comme débiteur, il n’en est pas moins vrai que les fonds ont été destinés au soutien d’une maison de commerce à laquelle le gouvernement croyait devoir de la reconnaissance. Ainsi, r au lieu d’une répétition rigoureuse, le comité vous aurait proposé, Messieurs, d’en faire la remise, si les termes de l’acte qui constate ce prêt et les précautions prises pour en assurer le remboursement ne l’eussent empêché de prendre sur lui cette proposition. Il n’en est pas de même des 500,000 livres qui ont été avancées à compte du prix de Sancerre. Cette somme n’a été délivrée que dans la vue de mettre M. d’Espagnac en état de satisfaire les créanciers qui avaient des droits sur cette terre, qui devait être remise au roi franche de toute hypothèque. 'La manière dont cette décision du roi a été exécutée peut faire craindre que le recouvrement de cette somme ne soit pas assuré. Ce recouvrement ne serait pas incertain, si le ministre des finances, chargé de l’exécution des ordres du roi, s’y fût conformé, en veillant à l’emploi des sommes qui sortaient du Trésor public ; la nation se trouverait aujourd’hui aux droits des créanciers hypothécaires et elle n’aurait aucun risque à courir. Mais l’intérêt qui attachait M. de Galonné à cet échange déterminait sa facilité envers son échangiste. La somme, qui aux termes du contrat du 30 mars 1785 devait être payée en 3 termes, M. d’Espagnac l’avait touchée dès le 12 janvier précédent, soit en argent comptant, soit en assignations sur le Trésor royal. M. de Savalette, qui avait effectué ce payement, ne l’avait cependant pas fait sans précautions; il avait exigé que le notaire de M. d’Espagnac se chargeât personnellement de l’emploi de 100,000 écus, montant des assignations; mais la reconnaissance a été rendue en exécution d’un ordre de M. de Galonné, qui autorise M. d’Espagnac à en substituer une pure et simple, et il est résulté de cet arrangement qu’aucune partie de la somme de 500,000 livres n’a été employée à payer lis dettes hypothéquées sur le comté de Sancerre. S’il est un cas où la responsabilité d’un ministre soit évidente, c’est bien celui où se trouve M. de Galonné, relativement à ce payement. Quand on lui accorderait, dans toute sa latitude, le principe par lui posé, qu’on ne peut inculper un ministre sur ce qui a été agréé par le roi antérieurement à la loi de responsabilité, il ne pourrait du moins disconvenir qu’il n’ait dû être responsable lorsqu’il agissait contre la décision du roi. Or, dans l’affaire dont il s’agit, on voit que, suivant l’intention expresse de Sa Majesté, la somme que M. d’Espagnac recevait, ne devait être employée qu’à décharger la terre de Sancerre des hypothèques dont elle émit affectée. Le ministre est donc coupable d’avoir fait ce payement sans précaution, et il doit répondre des suites de sa négligence à cet égard. Le comité a l’honneur de vous proposer le projet de décret suivant : Projet de décret. « L’Assemblée nationale, considérant que rien ne justifie que le gouvernement ait excité en 1777 le sieur d’Espagnac à faire l’acquisition de la terre de Sancerre ; « Qu’aucun motif réel de justice ou de convenance n’a déterminé l’échange de cette terre en 1784; « Que le consentement donné par le roi à cet échange a été surpiis par un exposé infidèle du sieur de Galonné, alors son ministre, devenu partie intéressée dans ce même échange; « Que, dans le choix des domaines échangés, on a compris des forêts considérables, contre l’intention que le roi avait expressément manifestée ; « Que la masse des domaines donnés en échange a été progressivement augmentée, au préjudice de l’Etat, par des distractions et des remplacements combinés; « Et qu’enfin l’intérêt national, blessé par la disproportion énorme qui existe entre le domaine de Sancerre et ceux qui ont été cédés en échange ne permet pas de consommer un pareil contrat ; « Décrète ce qui suit : « Art. 1er. L’Assemblée nationale révoque le con-t rat d’échange, pas.'é le 30 mars 1785, entre les commissaires du roi d’une part, et le sieur Jean-Frédéric-Guillaume Sahuguet d’Espagnac de l’autre, et tout ce qui a précédé et suivi ; décrète en conséquence que tous les domaines compris audit contrat et aux lettres patentes des mois de mars et d’août 1786, sont réunis au domaine national, pour être administrés par les proposés à la régie des domaines nationaux, à compter de la publication du présent décret, délaisse audit sieur d’Espagnac le ci-devant comté de Sancerre, pour s’en remettre en possession actuelle, et en jouir comme si ledit échange n’avait pas eu lieu. « Art. 2. L’agent du Trésor public se pourvoira par les voies de droit en payement de la somme de 500,000 livres dont il a été donné quittance audit sieur d’Espagnac, par le contrat d’échange. « Art. 3. Il se pourvoira également, en rér éti-tion de pareille somme de 500,000 livres payée en vertu de l’ordonnance du comptant, du 9 janvier pour soulte provisoire dudit échange, et ce, tant contre ledit sieur d’Espagnac que contre le sieur de Galonné, quia fait délivrer cette somme contre la décision du roi, du 26 septembre 1784, sans en assurer l’emploi en payement des dettes hypothéquées sur le ci-devant comté de Sancerre. « Art. 4. L’agent du Trésor public poursuivra en outre le remboursement de la somme de 160, 733 1. 4 s., payés en vertu des ordonnances de comptant, des 28 mars 1781, 10 septembre et 12 novembre 1786, sur laquelle somme il sera fait déduction au sieur d’Espagnac des frais relatifs audit échange. ■>