730 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ment, relatif au mandement de M. l’évêque d’Angoulême, qu’il dénonce à l’Assemblée nationale comme contraire aux lois, et demande quand il pourra procéder à la nomination du successeur de cet évêque. Plusieurs membres à gauche: Tout de suite! M. l’abbé Latyl fait lecture d’une lettre de M. Daunou, prêtre de l’Oratoire, professeur de théologie, par laquelle il fait hommage à l’As ■ semblée d’un écrit intitulé : Accord de la foi catholique avec les décrets de V Assemblée nationale sur la constitution civile du clergé. Cet écrit patriotique a été imprimé aux frais de la société des amis de la Constitution de Boulogne-sur-Mer. Le directoire du district de cette ville en a ordonné l’envoi à toutes les municipalités et à tous MM. les curés et fonctionnaires ecclésiastiques de son ressort. M. Defermon, au nom du comité de marine (1). Messieurs, le ministre de la marine nous a fait parvenir un procès-verbal d’acte d’insubordination de la part des matelots que l’on reconduisait dans leurs quartiers au territoire de Bordeaux, et avec ce procès-verbal une lettre très détaillée sur les faits. Il résulte de ces pièces que les matelots que l’on reconduisait ainsi ont osé se livrer à des excès contre les commissaires qui les accompagnaient. Le ministre, en faisant passer ces pièces au comité, désire que l’Assemblée prenne des mesures, et pour prévenir de semblables délits, et pour punir ceux dont se plaignent les commissaires. Il convient, cependant, qu’il pourra être difficile de faire des poursuites, parce que, dans aucune des pièces qui lui ont été envoyées et qu’il a communiquées au comité, personne n’est nommé. La disposition de l’ordonnance de 1784, qui enjoint aux matelots de rentrer dans leurs quartiers sous une inspection militaire, a été à peu près sans exécution; nous avons pensé qu’elle ne peut avoir d’utilité que lorsqu’il faut que le matelot se rende à jour fixe au lieu de l’armement. Mais lorsqu’on désarme, on peut se dispenser de faire reconduire les matelots dans leurs quartiers; il peut être même de l’intérêt de ces matelots de ne pas se rendre dans leurs quartiers et de se rendre au contraire dans les ports où ils pourront trouver de l’occupation. C’est d’après ces considérations que le comité a cru qu’il fallait laisser aux matelots, après le désarmement, la liberté de se rendre où leur intérêt les appelait, sauf aux commissaires aux classes qui leur donnent les congés de désarmement, à partager ces congés de façon que les matelots ne se trouvent pas en trop grand nom - bre dans les quartiers; et finalement nous avons pensé qu’il fallait prier le roi de donner des ordres pour la poursuite des actes d’insubordination et des excès dont on se plaint au ministre de la marine. C’est en conséquence de ces vues que je vais avoir l’honneur de vous lire le décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité de la marine, décrète ce qui suit : (1) Nous empruntons cette discussion au Journal lo-gographique, t. XXI, p. 69; le Moniteur ne fait qu’insérer les articles décrétés. [3 février 1791.) Art. 1er. « Les matelots et autres gens de mer, qui, au désarmement des vaisseaux de l’Etat, auront reçu leur congé et la conduite pour retourner dans leurs quartiers, voyageront librement et sans autre surveillance que celle des municipalités, officiers de police et gendarmerie des lieux par lesquels ils passeront. » Art. 2. « Les commissaires qui expédieront aux marins les congés et passeports dans les lieux de désarmement, observeront de diviser convenablement les départs, à l’effet que les associations des retours dans les quartiers ne nuisent pas au bon ordre, et ne surchargent point les couchées et lieux de passage. » Art. 3. « Les gens de mer, partant de leurs quartiers pour se rendre dans le port pour lequel ils auront été levés, seront provisoirement assujettis à la forme de conduite prescrite par l’ordonnance de 1784; et les actes d’insubordinaiion et autres délits commis par eux envers leurs conducteurs seront jugés et punis à leur arrivée dans le port comme les délits commis dans les arsenaux. » Art. 4. « L’Assemblée charge son Président de se retirer devers le roi, pour le prier de donner des ordres nécessaires à la poursuite et au jugement dans les formes légales, devant le tribunal du district du lieu du délit, contre les excès dénoncés parles sieurs Delaunay, Milly, Misque et Gor-mant. » Ce sont les conducteurs qui ont rapporté le procès-verbal. M. Robespierre. Je propose un amendement sur le dernier article. Je crois qu’il y a trop longtemps que l’Assemblée nationale se mêle des délits particuliers. J’ai entendu souvent proposer à l’Assemblée nationale de prier le roi de faire punir tel ou tel crime; je crois qu’it serait sujet à beaucoup moins d’inconvénients de laisser agir le pouvoir judiciaire sur toutes les affaires particulières, et j’en cite pour preuve le rapport qui vient de vous être fait. Sur quelles preuves et sur quels indices vous exhorte-t-on à punir de tels crimes et à provoquer vous-mêmes le pouvoir exécutif pour faire punir des faits d’insubordination ? Vous est-il prouvé par des preuves claires, dont chacun de vous puisse reconnaître la vérité, que le délit a été commis? Je ne prétends pas qu’il n’y en ait point eu ; mais ni vous ni moi ne le connaissons. On vient de vous faire un rapport très vague ; on vient de vous citer une lettre et des pièces envoyées par le ministre de la marine ; vous ne connaissez pas ces pièces. Le rapporteur vous a observé que le ministre de la marine ne nommait pas même les personnes coupables d’insubordination. Je soutiens que, dans cette situation, vous n’êtes pas assez éclairés pour trouver que ces délits existent; vous ne l’êtes donc pas assez pour les dénoncer au pouvoir exécutif et pour provoquer à cet égard son action. Si le pouvoir exécutif connaît des délits, qu’il agisse; mais qu’il soit seul responsable ; ne vous mêlez point de ce que vous ne connaissez pas. Je conclus à ce que vous ne délibériez pas sur l’article du décret qui consiste à prier le roi de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [3 février 1791»| donner des ordres pour punir les prétendus délits. M. Defermon, rapporteur. L’observation du préopinant ne porte, ce me semble, que sur ce qu’il n'a pas bien entendu ce que j’ai dit à l’Assemblée. J’ai dit que le ministre avait fait part au comité, parune lettre très détaillée et en y joignant un procès-verbal, d’actes d’insubordination ; c’est pour ne pas abuser des moments de l’Assemblée que je n’en fais pas lecture. J’ajoute qu’indépendamment du procès-verbal, je n’aurais jamais consenti à porter à l’Assemblée l’article 4 que je propose à présent, s’il ne fallait pas indiquer quels seront les juges qui connaîtront du délit. M. Robespierre. Je réponds en deux mots au fait qui regarde les tribunaux. L’Assemblée nationale, par ses décrets précédents, a déjà déterminé quel est l’ordre des tribunaux où ces affaires doivent être portées : ou elle l’a fait, ou elle ne l’a pas fait. Si elle l’a fait, il n’y a plus rien à statuer à cet égard ; si elle ne l’a pas fait, il faut faire une loi générale qui détermine à quels tribunaux devront être portées les accusations concernant la marine et les matelots. Mais quant aux faits particuliers dont M. le rapporteur a parlé d’une manière vague, je soutiensque l’Assemblée nationale ne doit pas s’en mêler, elle doit connaître en quoi consiste précisément le délit : or, vous ne le connaissez pas ; quand vous le connaîtriez, vous ne devriez pas prononcer sur un délit particulier. Faites des lois générales, pourvoyez au salut public dans les grandes circonstances; mais dans les affaires particulières, laisser tout au pouvoir exécutif et judiciaire. M. Rlalouet. Les principes et les observations que vient de présenter le préopinant, me paraissent en général d’une grande justesse; mais dans l’e-pèce dont il s’agit, il n’en est pas moins nécessaire d’adopter le projet de décret qui vous est proposé. Le ministre de la marine a été obligé de demander à l’Assemblée devant quel tribunal devait être poursuivi le délit dont il est question. La preuve du délit existe dans un procès-verbal dont j’aurais désiré qu’il eût été fait lecture, parce que vous y auriez vu les traces d’un délit bien caractérisé, non seulement pour raison d’insubordination, mais d’excès commis sur la personne des fonctionnaires publics, de vol fait sur l’un d’eux; ainsi, rien de plus caractérisé que ce délit. Mais le ministre a dû s’adresser à vous pour savoir quel tribunal devait en connaître, puisque les matelots en pareil cas étaient jugés par les tribunaux de marine qui n’existent plus. Si M. le rapporteur veut faire lecture du procès-verbal, vous verrez que l’Assemblée ne peut se dispenser de rendre le décret qui indique le tribunal, sans toutefois que j’attaque ni que je veuille déroger aux principes très justes qu’a posés M. Robespierre. M. Duquesnoy. Il me semble que ni M. Ma-louet, ni M. Defermon n’ont réponduau système de M. Robespierre. M. Robespierre a dit : Ou il y a une loi antérieure qui dit à quels tribunaux doivent être dénoncés les délinquants, ou il n’y en a pas. S’il y en a une, le ministre doit la faire exécuter; 73t s’il n’y en a pas, faites une loi générale, il en faut une. Je demande donc que cet article soit renvoyé au comité de la marine. M. d’André. Je pense, comme M. Robespierre, que nous ne devons pas rendre une loi pour tel ou tel cas particulier. Il faut que le comité nous présente une loi générale, qui fixera le tribunal qui doit connaître des délits commis en route par les matelots qui retourneront chez eux. Lorsque nous aurons établi le tribunal qui doit conmître de ces délits, le ministre ou le pouvoir exécutif saura à qui il doit s’adresser. Ce n’est pas en disant que le roi sera prié de faire telle chose que vous rétablirez l’ordre dans le royaume. Je conclus donc à ce qu’on décrète, si le comité a un article prêt pour cela, que le tribunal du lieu où le délit aura été commis en connaîtra. Si l’Assemblée ne veut pas adopter cette mesure, je demande le renvoi au comité pour nous présenter une loi générale à cet égard. M. Chabroud. En appuyant les observations du préopinant, j’ajoute que si, dans ce cas-ci, l’Assemblée nationale faisait une loi particulière et que cent cas pareils suivissent, il faudrait encore faire cent dispositions pareilles. M. Lanjuinais. Il faut sans doute une loi générale pour les cas qui peuvent se renouveler; mais par le premier article du décret le comité vous propose une disposition qui prévient à l’avenir tout délit pareil ; d’un autre côté, il ne faut pas dire qu’il n’existait pas une loi là-dessus. Il en existe une et vous l’avez décrétée en prononçant sur les arsenaux. (L’Assemblée décrète les articles 1,2 et 3 et décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 4.) Une députation des auteurs lyriques est introduite à la barre. M. Eiefébure, orateur de la députation , s’exprime ainsi : « Messieurs, permettez qu’au milieu des cris de reconnaissance et de joie que chaque jour un peuple libre élève autour de vous, des artistes, oubliés dans la grande Révolution qui s’opère, vous fassent entendre leurs demandes respectives. « Vous avez raffermi sur des bases nouvelles un Empire que le despotisme et l’impéritie des anciens ministres avaient ébranlé jusque dans ses fondements. Vous avez reconstitué sa garde, ses finances, ses tribunaux; vous avez rendu au peuple français le droit d’élire les agents de son administration, les organes de sa justice, et les ministres de son culte : c’est à lui maintenant à vous demander tous les établissements qu’il croit nécessaires pour assurer son existence, pour augmenter sa richesse, ou pour accroître sa splendeur. « A ce titre, Messieurs, et au nom de l’un des beaux-arts, nous paraissons aujourd’hui dans votre auguste Assemblée. » Déjà les peintres, les sculpteurs, les gens de lettres, les savants ont obtenu de votre justice l’usage du même droit que nous réclamons. Sans doute l’art que nous professons, cet art connu des peuples sauvages, et chéri des peuples civilisés, qui appelle avec le même succès la gaieté sous le chaume, et chasse l’ennui des palais, cet art qui brille au milieu des fêles, et sait les embellir, qui mêle aux combats ses sons belliqueux, et ajoute