[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1791.] gjQ les lois qui leur étaient contraires et que vous n’avez pas abolies nommément. Que vos successeurs fixent le mode de l’adoption, mais en décrétant qu’elle pourra être mise en usage par celui dont les fils sont morts au service de la patrie, par celui qui aura sacrifié au service public la jeunesse qui lui promettait une postérité, faites de cette institution une récompense à laquelle applaudisse même la famille du père adoptif. Comparez les inconvénients d’une majorité trop tôt accordée, trop tard refusée, surtout pour le sexe, et fixez l’époque à laquelle le majeur pourra disposer de sa personne, et les moyens par lesquels le mineur pourra disposer de la sienne pour le bonheur de la société. Tels sont, Messieurs, les motifs d’après lesquels j’ose vous présenter le premier titre de l’état des personnes. TITRE. De l'état des personnes. Les principes d’après lesquels doivent être rédigées les lois qui restreigent le droit que chacun a de disposer de sa personne tiennent à la Constitution française. L’état des personnes peut être considéré sous les différents rapports : 1° Des maris et de leurs femmes; 2° Des pères et mères et de leurs enfants ; 3° Des majeurs et des mineurs. Chapitre Ier. Des maris et des femmes. ARTICLES PROPOSÉS. Art. lor. Le mariage est un contrat naturel, soumis aux lois civiles (t). Il ne peut se dissoudre que par le divorce ou le veuvage (2). Art. 2. Nul engagement particulier ne peut priver les veufs ou les divorcés de recourir à des noces subséquentes (1). La loi qui les leur interdirait serait tyrannique et contraire à la Constitution. Art. 3. Nulle possession, nul emploi, nul état ou fonction publique (1), ne peut ôter à un citoyen le droit naturel et inaliénable de contracter mariage. Art. 4. La puissance maritale doit être établie, fixée et bornée par la loi de l’Etat. Art. 5. Dans nos lois, la condition des femmes doit être égale à celle des hommes (1), autant que le permet la différence des sexes (2). Art. 6. Les noces contractées d’après les lois, attestent quel est le père des enfants procréés pendant que le mariage subsiste (*). OBSERVATIONS. (1) Cette définition répond à toutes les objections tirées des extravagantes distinctions adoptées dans les écoles de théologie. (2) Matrimonium autem dissolvitur aut divorcio aut morte. Droit Romain. (1) L’article de la Constitution, qui ne reconnaît plus de vœux, est aussi sage que celui que je propose, mais celui-ci est aussi nécessaire que l’était le premier. (1) D’estimables auteurs ont déjà prouvé que l’ordination des prêtres catholiques ne pouvait les soumettre à un célibat dangereux sous tous les rapports. Si cette puissance n’était pas bien réglée, elle serait la pire de toutes les tyrannies. (1) Les lois romaines portent au contraire, « dans nos lois, la condition des femmes n’est pas égale à celle des hommes » ; et Saint-Cré-goirede Nazianze disait, avec raison, à ce sujet : « Ceux qui ont fait cette loi étaient des hommes; voilà pourquoi ils l’ont faite contre la femme ». (2) Cet amendement est peut-être nécessaire pour expliquer la différence des droits politiques des deux sexes, et pour ne pas contrarier la loi naturelle d’après laquelle le mari est le chef de la famille. {*) Si vous n’admettez le divorce comme les Romains l’avaient admis, cette loi, tirée de leur code, sera absurde dans le vôtre. Car, l’enfant né après 10 ans de séparation absolue, serait encore celui du mari. 220 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1791.] Chapitre II. Des pères et mères et de leurs enfants. ARTICLES PROPOSÉS. OBSERVATIONS. Art. l9r. L’exercice de la puissance paternelle doit être réglé par la loi, pour le bonheur commun des pères et mères et de leurs enfants. Art. 2. Les pères et mères doivent nourrir et élever leurs enfants, les enfants doivent nourrir et soigner leurs pères et mères dans leur vieillesse et les soulager dans leurs infirmités. Art. 3. Les enfants légitimes sont égaux entre eux, et il ne peut y avoir de différence pour leur p jr-tion d’hérédité dans les successions de leur père et mère, que celle déterminée par les lois qui traitent de l’exhérédation (1), des secondes noces après le veuvage, et d( s noces subséquentes au divorce. Art. 4. La naissance il'égitime n’est point une tache, car elle n’est pas un crime, et aucun citoyen n’a besoin de lettres de légitimation pour être admissible à tous les emplois desquels ils sont propres. Art. 5. Il doit être permis aux citoyens qui n’ont pas d’enfants d’user du droit d’adoption ; le mode et l’effet de l’adoption doivent être déterminés par la loi. Ces 2 articles ne semblent que des principes de morale; mais la bonne morale ne doit-elle pas être la base des lois ? (1) Les motifs d’exhérédation doivent être clairement marqués dans la loi ; on a bien décrété que les successions paternelles et maternelles ab intestat , seraient partagées également ; mais on n’a pas borné le droit de tester et de favoriser un des fils. Ce principe est décrété tacitement dans la Constitution, mais il faut le décréter expressément, si on veut épargner des reproches toujours mortifiants. Les Romains n’exigeaient même pas qu’on n’eût point d’enfants. S’il était question de faire la loi en détail, je voudrais plus encore, je désirerais le consentement de la famille du père adoptif. Chapitre III Des majeurs et mineurs. ARTICLES PROPOSÉS. OBSERVATIONS. Art. 1er. Tout citoyen n’est majeur qu’à l’âge de ......... ans accomplis. Art. 2. Le mineur ne peut contracter mariage sans l’autorisation de ses père ou mère ou de son tuteur s’il n’est pas émancipé , et sans l’avis du conseil de famille, s’il est émancipé. Art. 3. 11 n’est besoin d’aucune lettre pour l’émancipation (1), l’avis du conseil de famille autorisera le juge à la prononcer. Art. 4. Le mariage des mineurs contracté d’après la loi, et avec les consentements susdits, vaudra émancipation. Art. 5. Tout majeur pourra contracter mariage avec le Il est peut-être nécessaire d’indiquer 21 ans pour les filles, et 25 pour les garçons, si on considère la différence du sexe. (1) Cette première partie de l’article n’est qu’une application du décret qui supprime l’usage des lettres de petites chancelleries. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1791.] ARTICLES PROPOSÉS. OBSERVATIONS, 221 consentement de ses père et mère, ou après l’avoir requis, et avoir fait prononcer sur les oppositions qu’ils auraient pu former à son mariage. Art. 6. Tout majeur orphelin de père et de mère, a droit de se marier sans requérir le consentement de sa famille. Art. 7. Le droit d’exhéréder un enfant pour mariage disproportionné ne peut plus subsister,; d’après les décrets qui ont supprimé les distinctions héréditaires de certaines familles, et aboli la peine injuste dont le préjugé flétrissait des innocents. Sans cet article, une femme dégagée des préjugés de la noblesse courra toujours les risques d’être exhérédée, si elle épouse un citoyen honnête qui n’ait pas été ci-devant gentilhomme. DU CULTE RELIGIEUX. La liberté des opinions religieuses est un des droits reconnus dans la déclaration de ceux des hommes en société; mais si cet article de la déclaration des droits, ainsi qu’un article décrété depuis dans la Constitution, assure à chaque citoyen la liberté de son culte, il ne peut être question que de l’exercice privé de ce culte dans la famille de celui qui le professe. L’exercice en commun de tout culte religieux n’est pas une suite de ces deux articles; il a été accordé pour toutes les religions par un décret de législation générale, rendu sur le rapport de M. l’évêque d’Autun. De ce qui est accordé comme un point de législation, il en résulte que l’exercice en commun peut être refusé à telle secte de mahomé'ans, par exemple, dont la réunion pourrait être dangereuse, si ces sectaires avaient comme en Perse la�fureur, en sortant de leur temple, de massacrer tous ceux qui se trouvent sur leur passage ; à telle secte de chrétiens, qni comme les préadamistes, auraient des mystères et cérémonies religieux, plus dangereux pour les mœurs que ne l’étaient ceux de Priape; à telle secte mè ne de catholiques, qui comme certains non-conformistes le sont dans plusieurs départements, feraient servir leur chapelle de point de ralliement, pour détruire l’harmonie entre les citoyens, les égarer et tacher de nous rejeter dans les fers du despotisme. TITRE Du culte religieux. ARTICLES PROPOSÉS. OBSERVATIONS. Art. 1er. Les lois doivent protection à tout culte re’i-gieux exercé en commun, tant que l’exercice de ce cuite ne trouble pas l’ordre public. Art. 2. Si quelque culte religieux, exercé en commun, sert de prétexte pour troubler l’ordre public, le lieu destiné à l’exercice de ce culte sera fermé ; mais la liberté du culte domestique de cette religion ne pourra, même dans ce cas, être ôtée à ceux qui voudront l’exercer dans l’intérieur de leur famille. Art. 3. Rien ne peut soustraire l’exercice public ou l’exercice en commun, d’un culte religieux, à l’autorité des lois civiles ou de police. Art. 4. Tout fonctionnaire public du culte religieux, salarié par la nation, est électif, et le mode de procéder à son élection est détermiaé par la loi. Cet article parait essentiel à exprimer. On a beau dire que cela est de droit, il e3t de fait que souvent L s prêtres excitèrent le peuple qu’ils égaraient à soutenir une opinion contraire. Cet article a été décrété; ainsi, il n’e3t question que de le remettre sous ce titre. [Assemblée nationale. ARCHIVES PARLEMEN T AIRES. [6 août 1791.] ARTICLES PROPOSÉS. OBSERVATIONS. Art. 5. Les fonctions civiles dont les fonctionnaires publics eclésiastiques sont chargés par la loi ne sont qu’un dépôt et non une concession ; c’est à ce titre qu’ils doivent constater la naissance, le mariage et le décès de tous les citoyens, lorsqu’ils en sont requis. Art. 6. Les termes d’hérétiques, relaps, apostats, renégats, etc., ne seront plus employés dans aucune loi et celles où ils se trouvent, sont dès ce moment abrogées. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE BEAUHARNAIS. Séance du samedi 6 août 1791, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 4 août au matin, qui est adopté. M. Delavigne, secrétaire. Voici une lettre de MM. lespayeurs de rentes : « Monsieur le Président, « On a gravement inculpé les payeurs de rentes; on a cherché à les faire passer pour coupables aux yeux de l’Assemblée nationale en les accusant de vendre des assignats de 5 livres. Ils ont l’honneur de vous adresser un mémoire qu’ils vous supplient de faire lire dans une des prochaines séances. « Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, etc. » Voici, Messieurs, le mémoire qui est joint à cette lettre : « Messieurs, « Lorsque les payeurs de rentes ont vu l’Assemblée nationale mettre la dette publique sous la sauvegarde de l’honneur français; lorsqu'il a fallu remettre au pair le payement des rentes, donner tous les états, tous les renseigneménts, que vous avez voulu connaître, c'est avec zèle et satisfaction qu’ils ont concouru de toutes leurs forces à vos opérations bienfaisantes. Quand le niveau est rétabli, quand, échappés aux embarras de la rareté du numéraire, les payeurs de rentes sont prêts à jouir de leurs travaux, la calomnie vient les en récompenser et tourner (1) Ce document est incomplet au Moniteur. L’Assemblée a ajourné à deux différentes fois le projet du comité relatif aux actes qui doivent constater la naissance, le mariage et la mort des citoyens. Si elle croit utile de laisser encore ce droit aux fonctionnaires publics, il faut expliquer à quel titre, pour que le peuple n’imagine pas qu’on touche à la religion, lorsque les magistrats civils seront chargés de la confection de ces actes. Toute loi devant être exécutée jusqu’à ce qu’elle ait été abrogée, il me paraît essentiel de terminer ce titre par cet article sur lequel tout le monde est d’accord. C’est en abrogeant expressément de pareilles lois, qu’on inspire plus de respect pour celles qui doivent encore être exécutées jusqu’à ce qu’une nouvelle loi les ait remplacées. contre eux la confiance que vous leur aviez témoignée. « Les petits assignats se vendent déjà/comme se sont vendus et se vendent encore ceux de 50 livres; c’est un fait qu’il est impossible de révoquer en doute ; mais en faut-il conclure que ce trafic honteux est leur ouvrage? Non, Messieurs, vous ne souffrirez point qu’une inculpation vague, déshonore des fonctionnaires dignes peut-être de quelque estime. Qu’on nomme ceux d’entre eux qui ont pu s’avilir par cette bassesse ; qu’on les prive même de leur état si l’on veut, pour les punir de cette prévarication, les payeurs des rentes seront les premiers à désirer une recherche sévère, qui ne fera que prouver la fidélité de leur gestion. « Mais si leur service a été fait avec exactitude; s’ils ont cru même obéir à vos décrets en versant, avec quelque profusion, la portion d'assignats qui leur était confiée, est-il juste de les rendre garants des abus qu'ils n’ont pu empêcher? Il est possible que, d’après le vœu des pétitionnaires, d’après le vœu même des citoyens de Paris, vous vous déterminiez à ouvrir, dans les sections, des bureaux de distribution ; les payeurs de rentes seront les premiers à croire que vos nouveaux agents ne seront pas moins irréprochables-; mais, Messieurs, si vous condamnez lest payeurs de rentes à se charger encore de cette mission délicate, dans une proportion qui excède leurs facultés, ils ne pourront que se soumettre à voire loi, et vous supplier, pour prix de leur résignation, de leur accorder toute confiance, ou du moins de les surveiller de cette manière qui ne décourage point l'homme de bien qui fait son devoir. « Signé : Les payeurs de rentes. * M. Regnnnd (de Saint-Jean-d’Ângély). Il est toujours fâcheux, Messieurs, de dénoncer des fonctionnaires publics, sans démontrer qu’ils sont vraiment coupables. Il est constant que, pendant longtemps, les payeurs de rentes savaient en masse la somme qu’ils avaient à