122 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1789.] tuelles, que dans les cas où elle ne pourrait pas être formée par des moyens en argent, ainsi que le demandent presque tous nos cahiers. Voilà, Messieurs, l’opinion de votre comité. Lorsque votre décret prononcé à ce sujet nous aura fait connaître vos intentions, nous aurons l’honneur de mettre sous vos yeux nos observations sur les détails relatifs à l’usage à faire de ces deux moyens, selon que vous jugerez à propos d’adopter l’un ou l’autre, ou de les combiner ensemble. Nous attendons votre décision ; elle nous est indispensable pour nous mettre en état de vous présenter un travail sur l’organisation des armées actives et auxiliaires nécessaires à entretenir. M. Dubois de Crancé. Ce que le comité vient de présenter contient tout au plus les vues de la moitié de ses membres. Plusieurs d’entre eux demandent à être entendus. L’Assemblée leur accorde la parole pour mercredi prochain. L’impression du rapport est ordonnée. L’Assemblée prononce en même temps que le mémoire qui contient d’autres vues sera pareillement imprimé. M. le Président. Il est indispensable d’entendre les députés de Lyon et le comité des recherches sur les troubles occasionnés par les entraves que la province de Bourgogne met à la libre circulation des grains. On fait remarquer que l’heure est trop avancée pour commencer une affaire aussi longue. La séance est levée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. THOURET. Séance du 19 novembre 1789, au soir (1). M. I�a Wille-Iieroux, député de Bretagne. Je prie l’Assemblée de vouloir bien entendre la lecture d’une lettre que je reçois du comité permanent établi à Lorient, à l’occasion de deux vaisseaux que la Compagnie des Indes a achetés ou est à même d’acheter en Angleterre. Le comité témoigne des inquiétudes sur la fermentation que cet achat occasionne dans l’esprit du peuple. M. Roussillon. L’Assemblée nationale n’ayant encore rien statué sur ce qui concerne la Compagnie des Indes, nous ne pouvons prononcer sur les plaintes que l’on forme contre elle que d’après les lois qui ont constitué son régime jusqu’à présent et qui le constituent encore : cette affaire est du ressort du pouvoir exécutif. Sur cette observation, la réclamation est renvoyée au gouvernement. M. le Président. Une lettre du ministre des finances m’annonce qu’il vient d’apprendre la convocation d’une assemblée à Dijon pour le 23 de ce mois , dans laquelle doivent se trouver des députés des municipalités de Bourgogne, afin de s’occuper de l’affaire de l’approvisionnement de la ville de Lyon. Celte question, pouvant se termi ner à l’amiable, cesse d’être instante. La question est ajournée. M. le marquis de Clermont-AIont-Saint-Jean demande à faire une motion sur la division de la province du Bugey. (Voy. cette motion annexée à la séance.) L’Asssemblée refuse de l’entendre à cause des questions urgentes qu’elle a à examiner. M. de Coclierel demande à présenter quelques observations sur le rapport du comité des Six, concernant l’approvisionnement de Saint-Domingue (F. ce document, annexé à la séance). M. le Président dit que la question n’est pas à l’ordre du jour. L'ordre du jour appelle ensuite la discussisn sur V arrêté pris par la commission intermédiaire, en bu~ reau renforcé, des Etats de Cambrai et du Cambré sis. M. Treilliard. Vous avez décrété qu’il ne se ferait plus de convocation d’Etats par ordre, et qu’il serait sursis à toute assemblée de province, jusqu’à ce que vous en eussiez ordonné le mode. L’arrêté des Etats du Cambrésis, convoqués en bureaux , renforcés et composés de six ecclésiastiques, de six nobles et de trois maires, est donc, sous ce seul rapport, illégal et contraire à vos décrets. Je ne qualifierai pas les expressions séditieuses qu’il contient, et je me bornerai à demander que le pouvoir exécutif déploie toute sa force pour faire rentrer dans le devoir ces particuliers sans mission ; que leur arrêté soit déclaré nul et de nui effet, et qu’il leur soit défendu d’en prendre de pareils à l’avenir, sous peine d’être déclarés perturbateurs du repos public, et poursuivis comme tels. M. merlin. Vous connaissez les termes de la délibération séditieuse des prétendus Etats du Cambrésis. Cette province est non-seulement la plus aristocratique, mais encore la plus théocratique du royaume. Voyez son régime et vous ne serez pas surpris de la protestation de ses Etats. L’autorité repose entre les mains de M. l’archevêque de Cambrai et de quelques abbés réguliers. Les curés seuls , pasteurs utiles , y sont sans représentation ; il y a un règlement fait par un grand vicaire, l’abbé de Galonné. Les représentants des communes sont les ennemis des communes elles-mêmes. Ces représentants sont des maires, des échevins nommés par l’archevêque et l’intendant, qui les révoquent à volonté. Des baillis nommés par les abbés renforcent cette masse d’aristocratie, de manière que le peuple est sous le despotisme et la féodalité, d’une part-, de l’autre, il est livré aux attaques de la cupidité religieuse. Un pareil attentat ne peut rester impuni ; les Etats sonnent le tocsin contre l’Assemblée nationale comme envahissant les propriétés ; je propose de mander à la barre les membres de ce bureau et de supplier le Roi de prendre les mesures nécessaires pour l’exécution du décret. M. l’abbé llaury. Je conviens que la représentation est tout à fait vicieuse dans le Cambrésis et qu’elle doit être réformée ; mais vos décrets n’ont point d’effet rétroactif. Il faut considérer la délibération sous tous les rapports. Il n’y a pas eu de convocation d’Etats , mais seulement une assemblée de la commission intermédiaire qui n’a rien prononcé souverainement. Des placards de Charles-Quint font le droit public de cette province, conquise par Louis XIV en 1675 et qui a été réunie à la France avec ses capitulations. Les membres de la commission ont seulement dit qu’ils n’avaient pas donné de mandats pour (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. 123 [Àssembléé nationàle.[ ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 novembre 1789.] disposer des propriétés et qu’ils n’avaient déclaré les mandats nuis que pour cet objet, puisque ces mandats portaient injonction de soutenir leurs droits. L’Europe est garante du traité de Nimègue et cette province prétend que les biens ecclésiastiques sont garantis par ce traité ; je demande que l’Assemblée se fasse représenter les capitulations et le traité de Nimègue. M. de Robespierre. Le préopinant a perdu de vue le principal objet de la discussion, puisqu’il ne s’agit pas de la province de Cambrésis, mais de son bureau renforcé et vraiment aristocratique. (A ces mots des murmures et des applaudissements ironiques interrompent l’orateur.) M. le Président. J’invite l’Assemblé au silence et au calme qui doivent présider à toutes ses délibérations. M. de Robespierre poursuit : Au premier coup d’œil on ne peut se défendre d’un mouvement d’indignation contre ces hommes qui, sans qualité légale, ont osé attaquer vos décrets. Le comble du délire de leur part, est d’avoir tenté de révoquer les pouvoirs des députés qu’ils n’ont pas nommés et clc les révoquer sans l’aveu des peuples qui ont chargé ces mêmes députés de détruire le régime actuel des Etats; mais tant d’absurdité fait changer l’indignation en pitié. Les manderez-vous à la barre? mais ils sont moins coupables qu’ignorants ; ils tiennent encore à ces préjugés gothiques dont ils n’ont pu secouer le joug. Les lumières répandues dans le royaume ne sont pasjusqu’ici parvenues jusqu’au bureau renforcé du Cambrésis I Ce sont des orgueilleux qu’il faut humilier et des ignorants qu’il faut instruire. Je propose de charger les députés du Cambrésis, ses véritables défenseurs, d’écrire une adresse pour leur insinuer des sentiments patriotiques et des idées raisonnables. M. Gaultier de Riauzat. L’arrêté du bureau renforcé des Etats du Cambrésis est attentatoire aux droits de la nation ; la réclamation qu’il contient est fondée sur des titres qui doivent disparaître devant l’intérêt général; et si cet exemple dangereux était suivi, bientôt la plupart des provinces , armées de semblables titres, viendraient s’opposer à une constitution qui doit améliorer leur sort, en accordant à toutes les parties de cet empire des droits bien plus utiles que les privilèges des provinces les plus favorisées. Je ne vous proposerai point de mander à la barre les auteurs d’un arrêté absurde et bizarre ; ils ne mérient pas cet honneur : mais comme , pour l’intérêt de la nation, leur attentat doit être sévèrement puni, je pense qu’il faut renvoyer cette affaire au Châtelet. M. I�e Chapelier. Si quelques provinces pouvaient réclamer des capitulations, des privilèges, ce serait surtout la province de Bretagne ; mais cette province s’est fait un devoir d’en faire le sacrifice sur l’autel de la patrie. î)e quel droit les Etats prétendus du Cambrésis viennent-ils réclamer leurs privilèges? Sont-ils Français ou non ? S’ils sont Français , doivent-ils réclamer d’autres titres que le reste des Français ?... Nous avons poussé l’indulgence, dans deux de nos décrets, assez loin pour ne point poursuivre rigoureusemeut les rebelles aux décrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le Roi ; mais une j)areille indulgence peut avoir des suites funestes. Les prétendus Etats du Gam-brésis ont frondé, l’esprit de nos décrets, et notamment celui relatif au biens du clergé. M. d’Estouruiel, député du Cambrésis. Je ne crois pas qu’on puisse empêcher le bureau du Cambrésis de s’assembler comme bureau renforcé, attendu qu’il n’existe aucune défense ad hoc. Aucun des députés de la province n’a eu connaissance des opérations du bureau et ils ont écrit aux membres des Etats. Je propose donc en mon nom et au leur : 1° de renvoyer l’affaire au pouvoir exécutif; 2° de faire défense au bureau intermédiaire de faire aucune convocation. M. Alexandre de Lameih. Si un particulier s’était rendu coupable d’un délit pareil, et qu’il fût cité au comité des recherches, on ne balancerait pas à le traduire au Châtelet; et lorsqu’un corps, dont les actes sont d’une bien plus grande influence, a commis ce crime, il est incroyable qu’on propose d’user d’indulgence. M. Rrostaret. On a proposé de renvoyer l’affaire au Châtelet; renvoyer au Châtelet, c’est renvoyer à l’oubli. Le mandement de M. l’évêque de Tréguier a été dénoncé à ce tribunal et on n’en parle plus. L’occasion serait propice pour que le comité de constitution donnât un travail sur l’organisation du tribunal qui doit juger les crimes de lèse-nation. M. Rarnave. Je pense que l’Assemblée nationale doit déclarer les Etats de Cambrai et du Cambrésis et le bureau renforcé desdits Etats incapables de représenter les habitants de cette province et d’exprimer leur vœu; qu’elle doit déclarer la convocation dudit bureau renforcé et la délibération qu’il a prise le 9 de ce mois, nulles, attentatoires à la souveraineté nationale et aux droits des citoyens; qu’elle doit charger son président de se retirer devers le Roi, pour le prier de faire rentrer dans l’ordre les membres de ce bureau, et de faire exécuter les décrets de l’Assemblée dans la province du Cambrésis; enfin, recommander aux citoyens de la province du Cambrésis de persister dans le maintien de l’ordre et de la tranquillité publique. M. le Président. Trois motions principales ont été faites et plusieurs projets d’arrêtés présentés. Les trois principaux sont ceux de MM. Treii-hard, le Chapelier et Barnave. Je vais les soumettre à l’Assemblée. 1er PROJET, PAR M. TREILHARD. «L’Assemblée nationale, considérant que la convocation des prétendus Etats du Cambrésis, en bureau renforcé, et la délibération prise par ce bureau le neuvième du présent mois, sont attentatoires à ses décrets : « A décrété que le président se retirerait par devers le Roi pour supplier Sa Majesté de déployer dans cette occasion le pouvoir exécutif dont elle est revêtue; en conséquence de déclarer la convocation desdits prétendus Etats en bureau renforcé et la délibération qui a suivi, nulles et de nul effet; faire défense à toutes personnes de faire de pareilles convocations et de prendre à l’avenir des délibérations semblables, sous peine