610 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] choix des chefs-lieux et l’emplacement de divers établissements, est celle d’en délibérer et de proposer à l’Assemblée nationale ou aux législatures qui suivront ce qui paraîtra le plus conforme à rintérêt général des administrés et des juridicia-bles. » M. Bouche. Cet article détruit absolument tout ce que vous avez fait. Vous avez prononcé des décrets définitifs, et vous laissez la liberté de revenir sur ces décrets. Je propose cette rédaction : « Les électeurs des départements et des districts pourront proposer à l’Assemblée nationale ou aux législatures ce qu’ils croiront nécessaire à l’intérêt des administrés, pour être décidé par elles ce qu’elles jugeront convenable. » M. Fréteau. Cette rédaction aurait l’inconvénient de faire arriver à l’Assemblée une foule de demandes qui retarderaient ses opérations. D’ailleurs, je prie le préopinant d’observer que la liberté accordée par l’article n’est réservée qu’aux électeurs de quelques départements. SI. Bouche retire sa rédaction. SI. Buzot demande que les délibérations sur les points réservés aux départements soient provisoirement exécutoires. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur les amendements. Elle adopte l’article premier. « Art. 2. Toutes les assemblées de département pourront, en tout temps, proposer aux législatures tous les changements qui paraîtront utiles quant aux chefs-lieux des départements et des districts, comme aussi les échanges de territoire entre les départements et les districts, qui pourraient convenir à l’intérêt des administrés. » M. le baron de Menou propose d’ajouter après ces mots : « quant aux chefs-lieux des départements et des districts, » ceux-ci : « et au nombre des districts. » Cet amendement est adopté. M. Pison du Galand demande l’addition du mot cessions , après celui échanges. M. Démeunier. Le comité substitue le mot administrations à celui de assemblées : on s’est souvent servi de cette dernière expression dans les décrets qui vous ont été présentés; le comité a pensé que cette expression devait être réformée. Il résultera, de l’article ainsi rédigé, que la cascade naturelle se trouvera établie de manière que tout citoyen et les électeurs auront la liberté de former des demandes que les administrations de département seront chargées de faire parvenir aux législatures. M. Fréteau. L’expression en tout temps, employée dans l’article, doit être supprimée, si vous ne voulez pas que les départements et les districts soient sans cesse en mouvement pour des changements intérieurs. M. Delandine. Cette suppression laisserait encore à l’article la même signification ; il vaut autant le laisser tel qu'il est. M. Garat Vatnè. L’Assemblée nationale, n’ayant pour but que le plus grand bien de toutes les parties au royaume, n’a jamais pu avoir l’intention d’écarter Jes demandes et les justes réclamations, dans quelque temps qu’elles soient présentées. Tous ses décrets en sont la preuve; c’est pour elle une jurisprudence constante et jusqu’à ce moment suivie. M. Cochard. Il est convenable de borner à deux législatures la durée de la faculté de proposer des changements. La question préalable est demandée sur l’amendement de M. Fréteau. L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer. M. Buzot. En entendant les députés extraordinaires des villes et communautés, vous avez eu pour objet de concilier tous les intérêts. Pourquoi laisser de l’incertitude sur les lieux des différents établissements ? On ne s’attachera point à ces lieux, si l’on n’y est attiré que par des avantages incertains ; et dans les assemblées des électeurs, chacun fera valoir des intérêts et des prétentions dont la discussion peut occasionner des désordres. L’article 6 dit tout ce qu’il faut relativement aux échanges de territoire. Je demande la question préalable sur l’article 2. M. Gourdan Plusieurs provinces avaient demandé que les chefs-lieux des départements ou des districts ne fussent que provisoirement fixés. Vous avez rejeté ces demandes, et vous accorderiez aujourd’hui un provisoire général 1 J’appuie la question préalable. M. le comte Destutt de Tracy. L’article 2 est nécessaire pour expliquer l’article Ier. La faculté de délibérer n’est réservée aux électeurs que dans un petit nombre de cas. Vous ne voulez pas que les assemblées d’électeurs soient toujours assemblées délibérantes ; je pense que l’article doit être ainsi conçu : « A l’avenir, les seules administrations de département pourront proposer aux législatures les changements qu’elles croiront utiles aux administrés. » M. le comte de Mirabeau. On n’a pas fait une observation décisive. L’article 2 rend générale une faculté d’hésitation, que le premier article a restreinte : ainsi l’article Ier et l’article 2 présentent entre eux une contradiction dangereuse. M. Fisson-Jaubert. Il manque aux raisons des préopinants une preuve parlante. M. Garat vient de la fournir. 11 espère, à la faveur de l’obscurité de l’article, obtenir pour le petit pays de Labour, dont il voudrait faire un royaume, ce que la sagesse de l’Assemblée lui a refu sé. Beaucoup d’autres conservent la même espérance. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 2. M. le Président donne lecture du troisième article du projet de décret qui, s’il est adopté, deviendra le deuxième. Il est ainsi conçu : « Art. 3. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l’administration directe de leurs municipalités, et que les paroisses de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées, dont les habitants sont cotisés sur les rôles d’imposition du chef-lieu, et tous ceux qui sont soumis à l’administration spirituelle de la paroisse. 611 {Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {16 février 1790.] M. Belley d’Agîer. Je propose de substituer le mot communautés au mot paroisses. Il y a telle paroisse qui contient plusieurs communautés annexées aujourd’hui, d’après vos décrets, à un département autre que celui du chef-lieu; si vous adoptiez l’article du comité de constitution, vous vous mettriez en contradiction avec vous-mêmes. M. Goupilleau. Je demande, à mon tour, le retranchement des mots : et tous ceux qui sont soumis à l’administration spirituelle de la paroisse. C’est le complément obligé de l’amendement que nous propose M. Delley-d’Agier. Les deux amendements sont successivement mis aux voix et adoptés. L’article 2 est ensuite adopté en ces termes : « Art. 2. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l’administration directe de leurs municipalités, et que les communautés de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées dont les habitants sont cotisés sur les rôles d’impositions du chef-lieu. » M, le Président donne lecture de l’article 4 du projet du comité de constitution, qui deviendra le 3e en cas d’adoption. « Art. 4. Lorsqu’une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements ou les deux districts ne sont bornés que par le fil de l’eau, et que les deux directoires doivent concourir à l’administration de la rivière, sans préjudice du droit provisoirement conservé par l’article précédent aux villes, paroisses et communautés, sur le territoire, les hameaux ou les maisons situées de l’autre côté de la rivière, et qui ont dépendu jusqu’à présent de l’administration directe de leurs municipalités, ou de l’administration religieuse de leur paroisse. » M. de Marguerittes. La province du Languedoc était jadis adminitrée par des Etats : ces Etats ont fait des dépenses considérables pour arrêter les invasions de ce fleuve, qui souvent laisse ou couvre sur ses bords une immensité de terrain. U ne serait pas juste que les dépenses faites par le Languedoc tournassent au profit du Dauphiné ou de la Provence. Je demande d’ajouter à l’article proposé les mots suivants : « Le fleuve du Rhône excepté, le provisoire restant en instance, jusqu’à ce que la question de la propriété des deux Rbônes ait été réglée définitivement par les départements du Languedoc, de la Provence et du Dauphiné. » M. le chevalier d’Aubergeon de Marinais réclame, au nom de sa province (le Dauphiné), contre l’amendement de M. le haron de Marguerittes. M. Madier de Montjau appuie l’amendement. M. Bouche. Le prétendu droit du Languedoc sur le Rhône est fondé sur les usurpations des Etats du Languedoc ; je ne m'arrête point aussi à cette question, et je fais particulièrement une observation sur l’article. Que signifient ces mots : le fil de Veau ? J’imagine qu’on a entendu le milieu respectif de cette rivière ; je propose donc en amendement de substituer à ces mots : ne se-ront bornés , que par le fil de l'eau , ceux-ci : par le milieu de l’eau de cette rivière. M. Pîson du Caland. La propriété du Rhône a constamment nourri un procès entre les provinces du Languedoc, la Provence et le Dauphiné. Je ne pense pas que l’Assemblée veuille lasser subsister ces semences de division, car aux prétentions du Languedoc je pourrais opposer les prétentions du Dauphiné, ensuite celles de la Provence. Je demande la question préalable sur l’amendement de M. le baron de Marguerittes. Plusieurs autres amendements sont proposés; l’Assemblée n’adopte qui celui de M. Bouche, et décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur tous les autres. M. Fréteau. Avant que l’article soit mis aux voix, j’en demande la division, et je pense qu’il doit se terminer à ces mots : Que les deux directoires doivent concourir à l’administration de la rivière. Cette division est adoptée. M. Bouche. Je propose un nouvel article, sur lequel je pense que l’Assemblée ne peut s’empêcher de statuer. Le voici : « Les atterrissements, ou les îles que les fleuves, les rivières et les torrents formeront, appartiendront entièrement aux bords les plus voisins, et les propriétaires seront imposés dans les districts dont ces atterrissements relèveront. » M. de Foucault. L’admission de cet article trancherait des difficultés sur des questions trop importantes pour qu’elles ne soient pas discutées. Je demande la question préalable. M. Mouglns de Roquefort. L’article proproposé par M. Bouche touche à la législation et non à la constitution ; il existe déjà des lois sur cette matière et il ne convient pas de faire loi sur loi. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. Par suite des amendements adoptés, l’article 4, devenu le 3e, se trouve ainsi rédigé: t Art. 3. Lorsqu’une rivière est indiquée comme limite entre deux départements ou deux districts, il est entendu que les deux départements, ou les deux districts, ne sont bornés que par le milieu du lit de la rivière, et que les deux directoires doivent concourir à l’administration de la rivière. » M. le Président fait lecture de l’article 5 du projet de décret du comité de constitution; le voici : « Art. 5. Les administrations de département et de district feront faire, le plus promptement qu’il sera possible, l’arpentage et la carte topographique des paroisses situées sur les limites, et enverront copie certifiée de ces cartes et du procès-verbal des arpentages à l’Assemblée nationale, ou aux législatures qui lui succéderont, pour être déposée aux archives nationales, et pour que la véritable configuration des limites de chaque département et de chaque district puisse être tracée sur les cartes autographiques de la nation. » M. Fréteau. Je propose l’ajournement de ce