128 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Bruxelles, Louvain ; Malines, Spire, Neustadt, la reprise de Landrecies, Valenciennes, Condé, Bellegarde, nos pertes de Toulon réparées, le courage de nos marins, nos subsistances assurées, doublées, nos ennemis affamés par l’envahissement du Palatinat, du Brabant ; l’Anglais exterminé, l’Autrichien battu et ruiné, le Prussien vaincu et consterné, la Liberté affermie et vengée. Scène 7. Tous les orchestres jettent un même cri : Gloire à la Liberté ! gloire aux armées triomphantes ! Scène 8. La moitié des orchestres s’adressant à celui du milieu : Répétez-nous encore ces heureuses nouvelles. Scène 9. Tous avec véhémence : Répétez-nous encore ces heureuses nouvelles. Scène 10. L’orchestre central reprend succinctement les avantages de la République, à compter de la prise de Charleroi, à peu près de cette manière : Charleroi n’est plus à nos ennemis; La victoire nous a conduits des champs de Fleurus à Mons, à Ypres, à Tournai, à Louvain, à Malines; Ostende, Nieuport, sont à nous; Sur le Rhin, Spire et Neustadt encore une fois soumis; Les vaisseaux anglais remplacent dans Ostende ceux dans Toulon embrasés; Le Palatinat et la Belgique nous fournissent leurs superbes récoltes; Valenciennes, Le Quesnoy, Condé, Landrecies, Bellegarde, sont rendus à la République; Le territoire français n’est plus souillé par l’étranger. Après chacun de ces couplets, la moitié des orchestres de la circonférence répète avec transport; le dernier est répété par tous à la fois avec enthousiasme. Après l’explosion finale (silence) ; l’orchestre central reprend : Le Prussien consterné fuit. Moitié des orchestres répète. L’orchestre central : l’Autrichien affamé, ruiné, périt. Moitié des orchestres répète. L’orchestre central : Et l’Anglais est détruit. Tous les orchestres répètent (in crescendo) : Et l’Anglais est détruit. L’orchestre central : Enfin la liberté est affermie et vengée. Tous ensemble, avec la plus grande véhémence : Le sol de la liberté n’est plus souillé par l’étranger, vive à jamais la liberté ! Scène dernière. Chants religieux. Gloire au peuple français, gloire à nos défenseurs : poursuivons, exterminons les tyrans ; Liberté, reçois nos vœux, nos offrandes et notre reconnaissance, etc. Pendant ces chants, les représentants feront poser la première pierre d’une colonne de 100 pieds de hauteur, qui attestera à la postérité la puissance et la gloire des conquérants de la liberté, l’an IIIe de la République. Entrent ensuite, des quatre parties du Champ de la Réunion, quatre chars, couverts des dépouilles de nos ennemis, venant des quatre points de l’Europe ; on les place au pied de la Liberté, qui s’élève au-dessus de ses trophées, et laisse voir sous ses pieds l’aigle et le léopard enchaînés et renversés. Une troisième salve d’artillerie succède aux chants. MERLIN (de Thionville) : Je ne sais si je me trompe, mais il me semble qu’une action de cette nature aura trop échauffé les âmes pour qu’on puisse se quitter immédiatement après; il faut donc qu’à travers la dernière salve tous les orchestres, chacun à sa fantaisie, fassent percer les airs gais, coupés, variés, chantants, surtout dansants ; qu’ils annoncent que la journée n’est point encore finie et disposent à d’autres plaisirs, invitent les citoyens à étaler sur l’herbe le dîner de leur famille au sein de la famille commune, et excitent la jeunesse aux danses et jeux qui doivent couronner la fête. La nuit surprendra le peuple dans l’ivresse de la joie et du bonheur ; quelques milliers de fusées volantes, nobles, vives images de l’élan républicain à l’escalade de la tyrannie, s’élèveront dans les airs qu’elles embraseront, et en y attirant tous les regards elles feront cesser les jeux et les amusements de la jeunesse, sans laisser apercevoir qu’elles les interrompent ; des illuminations traceront aux citoyens le chemin de leurs foyers, et ce sera en chantant quelque refrain chéri qu’ils y retourneront. L’Assemblée applaudit à ce travail et en ordonne l’impression (77). 47 [La société populaire de Niort, département des Deux-Sèvres, à la Convention nationale, le 2ème jour s.-c.] (78) Représentons Et nous aussi nous sommes des amis de la liberté, quoiqu’on ait fait pour persuader le contraire à la France. Et nous aussi nous repoussons bien loin le dangereux modérantisme qui traîne lentement après lui la royauté et toutes les calamités qui l’accompagnent. Et nous aussi nous ne regarderons la Révolution comme terminée que lorsqu’il n’existera plus sur le sol de la République un seul mauvais citoyen. Et nous aussi nous demandons la conservation du gouvernement révolutionnaire; mais avec lui nous voulons la justice pour tout le (77) Moniteur, XXII, 93-96; mention dans F. de la Républ., n° 8; Gazette Fr., n° 1001; J. Fr., n” 733; J. Mont., n° 152; J. Paris, n° 8; J. Perlet, n" 735; J. TJniv., n° 1769; M. U., XLIV, 107 ; Mess. Soir, n° 771-; Rép., n” 8. Les journaux placent ce discours après la discussion sur le rapport de Chénier (voir plus haut n08 32 et 33). (78) C 321, pl. 1350, p. 7. Mention marginale : mention honorable, insertion en entier au Bulletin. Bull., 8 vend. Mention dans Ann. R. F., n° 8; F. de la Républ., n° 8; Gazette Fr., n" 1001; J. Fr., n” 733; J. Perlet, n° 735; M. U., XLIV, 105; Mess. Soir, n 771. SÉANCE DU 7 VENDÉMIAIRE AN III (28 SEPTEMBRE 1794) - N° 47 129 monde : car la justice est la vie des patriotes et la mort des aristocrates. Cependant nous avons applaudi à la sagesse des décrets qui ont fait tomber les fers des républicains, et qui les ont arrachés à l’odieuse tyrannie qui pesoit depuis longtems sur leurs têtes. Cependant nous ne sommes ni surpris ni effrayés d’apprendre que quelques mauvais citoyens s’échappent des prisons, dans la foule des patriotes que le despotisme y avoit entassés. La patrie est en péril, s’écrient quelques hommes trompés ou trompeurs. Les aristocrates triomphent : ils sont rendus à la liberté; ils vont égorger les patriotes. Hommes de mauvaise foi! pouvez-vous bien penser que le crime soit en majorité sur la terre? Croyez-vous donc que quelques erreurs, faciles à réparer, puissent compromettre le salut de la République? Quelle est la puissance capable d’étouffer la liberté défendue par vingt-cinq millions d’hommes? Et l’on ose prétendre qu’elle est menacée par quelques misérables valets de l’ancien régime, à qui il est impossible de se dérober à la surveillance des bons citoyens ! Les portes des prisons qui les ont vomis parmi nous ne se rouvriront-elles pas demain pour les engloutir à jamais? Telle est notre profession de foi ; mais ce n’est pas tout ce que nous avons à dire à la France. Représentans, on vous a longtems abusés; on vous abuse encore. Ingrand vous a affirmé dans votre séance du 25 fructidor, que la contre-révolution étoit faite dans les départemens de l’ouest; que les patriotes y étoient persécutés et incarcérés... Nous faisons partie des départements de l’ouest, et nous vous affirmons à notre tour que, chez nous, l’énergie des patriotes, longtems comprimée, s’est réveillée depuis le 10 thermidor. Nos yeux ne sont point fatigués du spectacle douloureux de l’aristocratie triomphante. Depuis plusieurs années, elle est morte parmi nous et si elle vouloit s’agiter, sous saurions la réprimer. La mort du féroce Robespierre nous a rendu la vie. Sous son règne affreux, nous étions découragés, avilis et humiliés par des hommes qui dégradent le peuple en parlant sans cesse de sa souveraineté, qui agissent en son nom sans le consulter, et qui l’injurient s’ils ne le trouvent pas disposé à consacrer des injustices et des vengeances particulières. Nous avons dévoré dans le silence une multitude d’humiliations et de dégoûts dont on a payé notre dévouement à la patrie. Aujourd’hui nous sommes ce que nous devons être, et, dussions-nous tous périr, nous le jurons encore en présence de Brutus, nous ne cesserons plus d’être libres. Les patriotes sont persécutés dans les départemens de l’ouest!... Représentans, les départemens de l’ouest ne sont pas dans une seule commune, et ce qu’on appelle patriotes persécutés pourroient bien n’être que des intrigants enyvrés de l’amour d’une autorité achetée par des bassesses, brûlant du désir de la conserver pour en abuser encore et servir aveuglément les projets des hommes dont ils la tiennent. Voulez-vous connoitre la véritable situation de la République? Recherchez scrupuleusement la source des adresses qui vous arrivent de toutes parts. Examinez si quelques hommes, après avoir asservi par la terreur les sociétés populaires, ne substituent pas leur propre vœu à celui de leurs concitoyens. Examinez si les hommes qui prétendent vous dire la vérité n’ont pas un intérêt puissant à l’étouffer. Examinez s’ils n’existe pas réellement des Robespierristes , et si ces hommes sont, comme on vous le dit, des patriotes vertueux, plutôt que des ambitieux couverts de crimes. Sous le règne des Saint-Just et des Cou-thon, les patriotes étoient opprimés. Aujourd’hui ils ont cessé de l’être. Examinez s’il est possible que les aristocrates lèvent la tête et s’enorgueillissent de les voir rendus à la liberté. Examinez si, dans le cours de leur carrière révolutionnaire, ils n’ont pas mis les passions à la place de la justice, substitué l’esprit de vengeance à l’amour de la patrie, l’atrocité à la sévérité, et la tyrannie aux lois. Examinez s’ils n’ont pas des crimes à se reprocher ceux qui rejettent la liberté des opinions et de la presse. Examinez si l’on n’abuse pas de la dénomination de modéré et si l’on ne prodigue pas ce titre à des patriotes purs, fidèles exécuteurs des lois et dont on redoute l’intégrité, les talents et la clairvoyance. Examinez si le système de terreur, tant regretté par quelques hommes égarés ou complices des triumvirs, est propre à faire autre chose que des hypocrites, des lâches ou des esclaves. Examinez s’il n’est pas juste que de nouveaux représentans réparent les maux que leurs prédécesseurs ont fait dans leur mission. Examinez enfin si l’intrigue, la perfidie, l’ignorance et le crime peuvent sauver la patrie. Représentans, nous devons vous le dire, le peuple français est fatigué de la tyrannie. Sa longue patience est épuisée; mais son courage ne l’est pas. L’oppression lui a donné des forces nouvelles, et, si on l’y oblige, il va les déployer contre les hommes audacieux, royalistes ou démagogues qui prétendroient s’élever sur les cadavres des pygmées qu’il a écrasés. Il est temps que le peuple soit compté pour quelque chose; qu’il cesse d’être le jouet de quelques factieux qui déchirent les entrailles de la patrie, trop souvent oubliée. Il est temps d’ajourner les passions et de s’occuper de la prospérité publique. Il est temps que les hommes disparoissent et qu’il n’y ait plus aucun intermédiaire entre les citoyens et la loi. Il est temps de savoir si le peuple doit continuer d’être avili et enchaîné ; si on eût jamais le droit de lui interdire la discussion fibre et publique de ses intérêts et de ses droits les plus sacrés et enfin si on a pû, sans crime de haute trahison, le dépouiller de la liberté illimitée et garantie de la presse, seul moyen qu’il ait de résister à une oppression nouvelle. Suivent deux pages de signatures. 130 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE L’Assemblée applaudit à cette adresse, elle en ordonne l’insertion au Bulletin (79). 48 L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur cette pétition (80). [La société populaire de Toulouse à la Convention nationale, le 3ème jour s.-c. an II] (81) Représentai du peuple, Quels jours d’allarmes ont succédé à la destruction des prétendans à la dictature? Le génie de la liberté ne plane-t-il plus sur nos têtes ? Son flambeau ne jetterait-il déjà qu’une lueur phosphorique, et le modérantisme aurait-il prétendu vouloir faire croitre ses pavots somnifères jusques sur la Montagne? N’écoute-t-on plus les cris d’allerte des sentinelles vigilantes, ni les réclamations des jacobins? faut-il qu’ils éteignent leur phanal pour qu’ils échapent dans l’ombre aux embûches que l’aristocratie insolente leur prépare? Chaque Montagnard n’entent-il pas qu’on lui crie : tu dors Brutus. Quelques patriotes énergiques incarcérés dans toutes les communes depuis le 9 thermidor et un grand nombre de leurs ennemis mis en liberté n’effrayent-ils pas pour l’avenir? Mandataires du souverain prenez des mesures : l’ennemi extérieur est loin de nos frontières, mais l’ennemi intérieur est à la veille d’avoir un point de ralliement; il cherche à nous diviser, il nous calomnie, il ne lui faut que des armes pour nous combattre; attendrons-nous qu’il soit forcé pour nous attaquer. Législateurs, réprimez l’orgueuil de la malveillance qui bientôt viendrait vous braver jusques dans le sénat : donnez des ordres aux sans-culottes; leurs piques et leurs bras sont prêts. On a eu beau vouloir rendre muètes les tribunes des quarante mille sociétés populaires de la République, on a tenté vainement de para-liser leur énergie; voyez-les, rompre le bâillon que leur avaient mis les triumvirs, se rallier autour de la Montagne et renverser les crapauds du marais qui veulent tenter de la gravir. Délégués du peuple français, c’est vous qui nous avez fait ce que nous sommes; la République est votre ouvrage, et l’égalité votre enfant adoptif ; ne souffrez pas que des collatéraux insidieux s’introduisent dans vos (79) Moniteur, XXII, 93. (80) Moniteur, XXII, 93. (81) C 321, pl. 1350, p. 6. Mention marginale : l’ordre du jour. Mention dans Ann. R. F., n“ 7; J. Fr., n’ 733; J. Mont., n’ 154; J. Perlet, n 736; M. U., XLIV, 106. foyers, pour vous tromper et morceler son héritage. Que tous ces gens à parchemin qui se disaient autrefois guerriers sans avoir jamais combattu, comme ils se disent aujourd’hui agriculteurs sans avoir manié la charrue, n’échappent plus aux maisons d’arrêt pour diviser sourdement dans les villes et corrompre l’esprit public dans les campagnes. Organisez les comités révolutionnaires comme vous l’avez ordonné. Rétablissez quelques décrets que le modérantisme caressé par l’aristocratie vous a fait rapporter. N’écoutez ni les prétendus phi-lantropes qui réclament la liberté indéfinie de la presse, ni ceux qui continuellement les mots de justice et de vertu sur les lèvres, ne se couvrent de ce manteau d’humanité que pour étouffer le patriotisme et poignarder la liberté. Après l’expulsion des Tarquins les Romains auraient-ils souffert que quelque orateur se fut permis d’ozer faire au forum l’apologie de Porsenna, et Brutus qui fit trancher la tête à ses deux fils parcequ’ils trahissaient la cause du peuple, n’était-il pas ami de la vertu? Que le gouvernement révolutionnaire reprenne et conserve son énergie jusqu’à la paix; nous avons un si grand nombre d’esclaves et tant d’ennemis à combattre, que sans ce sacrifice exigé momentanément de la liberté, la génération présente ne pourra se flatter du bonheur de jouir de notre régénération, ni voir asseoir notre constitution sainte que ce mode de gouverner peut seul garantir des brasiers que les aristocrates de chaque couleur allument de toutes parts pour la dévorer. Rapportez le décret sur la question intentionnelle. S’il est maintenu, tous les accusés li-berticides auront agi innocemment, et tous les contre-révolutionnaires trouveront grâce, parcequ’ils diront avoir été dans l’yvresse ; comme si rien pouvait absoudre le monstre qui veut déchirer sa patrie; et si l’on ne savait pas, comme le dit l’immortel auteur du Contrat social qu’un scélérat s’abstient avec précaution de toutes liqueurs fermentées de peur qu’il ne montre son âme trop à découvert et que l’yvresse qui renforce toutes nos inclinations naturelles ne le porte publiquement à commettre des crimes qu’il ne médite que dans l’ombre ; en ne mangeant que du pain noir autour d’une table rustique le patriote quelquefois peut s’enyvrer en portant des toastes à la liberté et chantant des hymnes à la patrie; mais l’aristocrate savoure des mets succulents assis sur l’edredon, se repait de ragoûts raffinés et ne s’abreuve qu’avec de l’eau, crainte qu’il ne lui échape quelques expressions qui décèleraient ses projets ou quelques refreins prohibés qui le mettraient à la merci des sans-culottes qui seraient à portée de l’entendre. Représentans du peuple, que la loi frappe tous ceux que des preuves matérielles marquent depuis longtems du sceau de la réprobation; qu’elle tienne reclus jusqu’à la paix, pour transporter loin de notre territoire et reléguer dans les pleines de la Guyane, tous ces financiers égoistes et thésoriseurs-apathiques qui ont