[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. « brumaire an H 433 (5 novembre 1793 ainsi le voilà armé tout à coup, il va être tout à fait habillé, il n’y a donc pas de lacune de ce côté. Le bataillon de la Réunion, remplacé à la Hougue et à l’île de Tatihou par un bataillon de la Somme, remplacé à Coutances par un autre contingent de la même formation, qui va être armé, tant avec les fusils de la garde natio¬ nale, qu’avec ceux que l’on attend de Caen. Il n’y a donc pas encore de vide par ici. Quant au 9e bataillon de chasseurs dont j’ai disposé sur l’offre même du district de Cherbourg, il est suppléé par la garde nationale qui a trois ba¬ taillons, tous bien armés et en activité de ser¬ vice. Il n’y a donc pas encore d’inconvénient par là. L’arrêté ci-joint (1) que je viens de prendre à la suite et que je vous prie bien de lire aus¬ sitôt après ma lettre vous convaincra de plus en plus en vous faisant connaître toutes les troupes qui sont à Cherbourg, outre les batail¬ lons de remplacement, en vous instruisant de tous les rapports sous lesquels j’ai considéré l’état respectif des choses, de la prudente com¬ binaison et même de la nécessité de mes opéra¬ tions. « Je vais sur-le-champ me rendre à Coutances pour faire part de toutes mes observations à Garnier, pour mieux sentir les siennes et pour nous concerter ensemble dans la conjoncture où nous nous trouvons. « Nous avons à combattre le même ennemi en deux personnes, il faut frapper le corps qui attaque et nous défendre contre celui qui me¬ nace. C’est ce que j’ai fait. Si on traîne en lon¬ gueur, le parti des rebelles de l’Ille-et-Vilaine, la Vendée est ressuscitée, le Calvados peut se rani¬ mer, et quand nos forces auront éprouvé de plus grandes divisions, l’Anglais viendra descendre sur nos côtes. « Je le répète, Cherbourg et ses environs ont les mêmes forces qu’auparavant, et notre sur¬ veillance double notre vigueur. Avec des troupes mal armées et organisées à la hâte, on ne peut guère se flatter de remporter un avantage com¬ plet. Des bataillons parfaitement exercés et rem¬ placés par d’autres en bon état marchent contre les rebelles et vont les exterminer. « Nos forts sont garnis comme à l’ordinaire et si l’Anglais pouvait tenter une descente, la gar¬ nison de Cherbourg et les légions de gardes na¬ tionales, rassemblées d’un coup de tocsin en feraient justice. « Voilà notre position. Il n’y a ni à craindre ni à tâtonner. Portons ici des coups de vigueur, restons là sur une soigneuse défensive. Nous serons vainqueurs d’un côté et non entamés de l’autre. Si nous ne sommes pas partout aussi actifs que prudents, nous serons vaincus par¬ tout. « Après mon voyage de Coutances, je reviens ici. Si Garnier se met à la tête des troupes qui vont dans l’Ille-et-Vilaine, je vais aller sur les côtes invoquer une descente et la ruine des Anglais. « Soyez persuadés, citoyens collègues, que l’énergie qui m’anime est celle de tout le dépar¬ tement de la Manche et particulièrement de la garnison et des habitants de Cherbourg. Ils sont indignés de la prise récente de notre frégate, et mon indignation, à moi, est à son comble. Le rivage était bordé d’hommes armés, mais on (1) Voy. ci-après cefc arrêté, lre SÉRIE. T. EXXVIII. n’a pu sauver la J Réunion qui a été attaquée par une frégate supérieure, et emmenée par deux ou trois autres. Il est pressant que le ministre de la marine envoie plusieurs frégates sur ces parages; il nous reste un vaisseau de ligne et des chaloupes canonnières; mais cela ne suffit pas pour protéger nos convois et découvrir le large. Si l’Anglais n’ose descendre sur nos côtes, il est toujours aux aguets sur nos navires et nos bateaux. Réprimons partout cet insolent et lâche ennemi. «Je pense qu’il serait essentiel qu’ après avoir médité sur mes deux derniers arrêtés, vous con* Armassiez les mesures que j’ai prises, si votre avis est d’accord avec le mien. En attendant, les troupés s’organiseront à Avranches. « Le Carpentier. « P.-S. Je vous envoie une nouvelle série d’ar¬ rêtés, depuis le n° 147 jusqu’au n° 195 inclusi¬ vement. C’est la suite de mes opérations. Je n’en ai plus que quelques-uns à prendre ici pour les affaires administratives. » Arrêté (1). Nous, représentant du peuple délégué par la Convention nationale dans le département de la Manche, Vu l’arrêté, en date d’hier, par lequel notre collègue Garnier, actuellement à Coutances, autorise le citoyen Bécus, commandant le 9e ba¬ taillon de la Manche, chargé de nous remettre une dépêche de donner ordre aux troupes qu’il rencontrera dans sa route, et que nous avions mises en mouvement par notre arrêté d’avant-hier, de les faire stationner dans le lieu le plus voisin où elles se trouveront, et où elles pour¬ ront convenablement loger, jusqu’à ce que par nous ou par lui, elles reçoivent de nouveaux ordres de rétrograder ou de continuer leur route. Considérant : 1° que d’après la dépêche adressée aux administrateurs du département de la Manche par Pocholle, représentant du peuple dans le département de l’Ille-et-Vilaine, laquelle portait littéralement que les rebelles de la Vendée étaient presque aux portes de Bennes, et demandait tous les renforts que pourrait lui fournir ce département, il n’y avait pas à déli¬ bérer sur la nécessité d’envoyer de prompts secours dans l’Ille-et-Vilaine, et qu’il ne res¬ tait qu’à combiner par des mesures aussi sages que rapides la quantité des forces présumées nécessaires pour faire face aux brigands de la Vendée, avec celle exigée pour la sûreté de nos côtes ; 2° Que par suite des ordres antérieurs du mi¬ nistre de la guerre, relatifs à la mutation des garnisons de plusieurs points de ce département, deux bataillons, le 6e de la Côte-d’Or et celui de la Réunion, dont l’un était destiné à rester en garnison à Valognes, et l’autre à se rendre à Coutances, pour le même effet, se trouvaient avant-hier réunis en cette première ville, et que cet heureux hasard nous fournissait l’occasion d’envoyer sur-le-champ ces deux corps au se¬ cours de Rennes, sans faire tort à la garnison de (1) Archives nationales , carton AFn 275. pla quette 2304, p. 27, 28 434 [Convention nationale.] àJUffilVJSS PARLEMENTAIRES, « brumaire' an II 1 J 5 novembre 1193 Cherbourg ni à la sûreté de ses côtes, puisque par la suite de ces mêmes ordres du ministre, les bataillons de la Côte-d’Or et de la Réunion avaient été remplacés, l’un à Cherbourg, et l’autre au fort de la Hougue, et que d’ailleurs ils te seraient promptement dans les garnisons qui leur étaient destinées, par les contingents armés avec les fusils des gardes nationales, ce qui est déjà opéré à Valognes; 3° Que d’après la réponse qui nous avait été faite par l’administration du district de Cher¬ bourg, réunie aux autorités civiles et militaires, à une dépêche par laquelle, en lui donnant com¬ munication de la lettre de notre collègue Po¬ cholle, nous lui demandions l’état des troupes dont il serait possible de disposer, sans compro¬ mettre la sûreté de Cherbourg et de ses côtes, il en résultait que nous pouvions disposer, à la première réquisition, du 1er bataillon du 31e ré¬ giment, du 6e bataillon de la Côte-d’Or (qui était déjà à Valognes) avec leurs canonniers, du 19e régiment d’infanterie légère et de la com¬ pagnie de canonniers de la section des Tuile¬ ries, lesquelles troupes, continue le district, se¬ raient provisoirement suppléées par le 6 e ba¬ taillon de la Manche, les trois compagnies de ca¬ nonniers de la garde nationale de Cherbourg, par la garde nationale elle-même actuellement en activité, par les cinq compagnies du contin¬ gent, par les vétérans canonniers et le détache¬ ment d’artillerie; mais que jugeant, d’après la prise récente de notre frégate la Réunion, de l’andace de l’Anglais, qu’ayant d’ailleurs consi¬ déré d’avance la nécessité de ne pas dégarnir la ville et les forts de Cherbourg des troupes véritablement nécessaires à leur défense, nous nous étions bornés à disposer, sur cette offre, du 19� bataillon de chasseurs à pied, dont la composition excellente pour la guerre contre les brigands, compléterait, avec les deux bataillons de la Côte-d’ Or et de la Réunion, joints an déta¬ chement de hussards du 8 e régiment, un noyau d’armée capable d’exterminer les rebelles, après avoir été augmenté par le nombre des gardes nationales qu’il aurait été jugé nécessaire d’ajouter. Considérant en outre que la sagesse et l’éner¬ gie de ces mesures, loin de contrarier, d’abord, celles de notre collègue Garnier, se trouvaient de plus en plus nécessitées par sa première dé¬ pêche à nous remise hier, par laquelle il nous annonçait qu’ayant appris sur sa route le mou-ment subit des rebelles de la Vendée sur Rennes, il s’était sur-le-champ rendu à Coutances, où il avait fait battre la générale; mais que malgré le dévouement des citoyens de tout âge, il ne pouvait disposer d’aucune force effective, vu le défaut d’armes, et qu’il avait envoyé un com¬ missaire à Caen pour en demander, ainsi que tons les secours dont il aurait besoin, afin de porter des renforts dans l’ Ille-et-Vilaine. Considérant, d’un autre côté, qu’il résulte d’une lettre d’avant-hier à nous écrite par nos collègues les représentants du peuple à Caen, d’après une dépêche qu’ils avaient reçue de Pocholle, qui leur demandait également des ren¬ forts, qu’ après en avoir conféré avec le général, ils sentaient qu’ils ne pouvaient sans un danger extrême, sans compromettre la sûreté du Calvados, affaiblir la garnison de Caen qui n'est plus que de 2,500 hommes, dans une activité continuelle de service ; Et que, quant aux armes qui avaient été de¬ mandées par notre collègue Garnier auxdits représentants du peuple, l’ opération nécessaire pour s’en procurer pourrait entraîner des re¬ tards pendant lesquels le danger croîtrait de plus en plus dans le département d’ille-et-Vilaine. Considérant encore que la dernière dépêche de notre collègue Garnier, par laquelle il nous annonce que le contre-ordre provisoire de la marche des troupes que nous avons mises en mouvement, contient des erreurs de fait, puis¬ qu’il croit que nous avons fait partir le l6r ba¬ taillon, ci-devant Aunis avec ses canonniers, et la compagnie des canonniers de la section des Tuileries qui sont restés dans les forts de Cher¬ bourg, que les sages observations qu’il nous a. faites paraissent fondées principalement sur la prévention où il est que nos côtes resteraient dégarnies paT la disposition que nous avons faite des troupes mises en mouvement, et que d’ail¬ leurs l’induction qu’il tire de la lettre écrite par Pocholle au général Peyre ne sont pas de nature à devoir retarder la marche rapide des troupes qui vont avancer la destruction des rebelle», dont les progrès, quand même ils ne seraient pas aussi alarmants que l’annonce la dépêche de Pocholle où il dit qu’ils sont presque aux portes de Rennes n’en devraient pas moins être réprimés avec une prompte énergie, puisque ce nouveau foyer de révolte pourrait rallumer celui qui fume encore dans le Calvados, nécessiter dans la suite une plus grande division de nos forces et favoriser d’nne manière trop efficace les tentatives de l’Anglais avec lequel ils sont indubitablement d’accord; Considérant enfin que dans le cas non appa¬ rent où les trois bataillons dont nous avons dis¬ posé, deviendraient inutiles pour la défense du département d’Ule-et -Vilaine il ne résulterait de leur marche aucun préjudice à compenser avec Futilité dont elle peut être, puisque dans cette supposition même, de ces trois bataillons qui resteront provisoirement à Avranches, selon notre arrêté, celui de la Côte-d’Or pourrait être renvoyé de ce point à Granville, celui de la Réu¬ nion à Coutances, sa première destination, et le 19e chasseurs, partout où il serait jugé con¬ venable; D’après toutes ces considérations, dont nous avons examiné attentivement chaque rap¬ port; Avons, en vertu des pouvoirs à nous donnés, arrêté que les mesures prises par notre arrêté précédent seront provisoirement exécutées, nonobstant le contre-ordre de notre collègue Garnier, auprès duquel nous allons nous rendre de suite, à l’effet d’ajouter, aux motifs que nous venons d’exposer ici, toutes les autres observa¬ tions qui pourraient y être ajoutées, comme aussi pour nous assurer plus promptement de son dernier avis, et pour concerter mutuelle¬ ment les opérations ultérieures qui seraient né¬ cessitées par les circonstances. Valognes, le 1er juin de la lre décade du 2e mois de l’an II de la République. Signé : Le Carpeniiek. Pour copie conforme : Le Caepentiee.