[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [20 avril 1790.] [|K M. le Président fait ensuite donner lecture à l’Assemblée de la note des décrets qu’il a portés, la veille, à la sanction et acceptation du roi. Cette note suit : Décret qui réunit à la Franche-Comté les communautés du comté de Vaufrey, petit canton du Sundgaw en Alsace, celle de Goumoi et leurs territoires, et comprend ces communautés dans Je district de Saint-Hippolyte, département du Doubs. Décret qui autorise la ville de Pont-à-Mousson à faire un emprunt de 40,000 livres. Décret qui autorise la municipalité de Monté-limar à imposer une somme de 6,000 livres en capital. Décret qui autorise Les officiers municipaux de la ville de Chàtel-sur-Mozelle à retirer de la caisse d’Epinal la somme de 4,000 livres ou telle autre somme qu’ils justifieront leur appartenir, enjoint aux receveurs d’Epinal d’en vider leurs mains entre celles des officiers municipaux. Décret qui détermine l’assiette dts impositions ordinaires de la ville de Paris pour l’année 1790. Décret qui détermine les règles et conditions particulières, en vertu desquelles les citoyens de la ville de Saint-Jean-de-Luz doivent procéder, dans une assemblée convoquée par leurs anciens officiers municipaux, à la nomination des membres qui doivent composer la municipalité de ladite ville. Décret portant que les 20 millions, dont l’Assemblée nationale a donné crédit au premier ministre des finances, seront fournis par la Caisse d’escompte, sans aucune espèce d’intérêt. Décret qui abolit le droit de parcours ou de pâturage sur les prés avant la fauchaison de la première herbe. Décret qui substitue à l’article II du décret des 20 et 23 mars un autre article portant, en substance, que les administrateurs comptables, trésoriers ou receveurs des anciens pays d’Etat, ainsi que les trésoriers ou comptables des pays d’élection, qui n’ont pas encore rendu compte de leur gestion , ne pourront, avant l’arrêté de leur compte, être élus membres des administrations de département ou de district. Décret qui déclare nuis et sans effet les mandats qui porteraient limitation quelconque. M. le Président fait ensuite donner lecture d’une lettre de M.le comte deLaTour-du-Pin, qui a pour objet de réclamer contre les ventes des bâtiments et emplacements de l’Ecole militaire, attendu qu’ils ue peuvent être considérés comme appartenant au domainé du roi. L’Assemblée renvoie cette lettre au comité des domaines pour en rendre compte très incessamment. L’Assemblée passe à son ordre du jour. M. le due de Biron, au nom du comité des finances, fait le rapport suivant sur les réclamations des maîtres de poste {Y) : Messieurs, vous avez chargé votre comité des finances d’examiner les réclamations qui vous étaient faites par les maîtres des postes aux chevaux de toute la France, en indemnité des privilèges supprimés par vos décrets, dont ils avaient joui jusqu’à présent. 11 a été adressé à votre comité des finances plu-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Série. T. XIII. sieurs plans relatifs au service des postes aux lettres, des postes aux chevaux et des messageries : quelques-uns de ces plans renferment, sans doute, des vues utiles et avantageuses; mais votre comité ne peut les mettre sous vos yeux avant d’avoir été suffisamment éclairé par les discussions contradictoires des parties intéressées : aussitôt que toutes les objections et les réponses auxobjec-tions des différents plans lui auront été remises, il vous demandera de fixer un jour pour entendre le rapport. 11 se contentera donc aujourd’hui de mettre sous vos yeux la nécessité d’indemniser les maîtres de poste de la suppression de leurs privilèges, et des moyens qui lui ont paru les meilleurs pour opérer cette indemnité. Votre comité des finances vous observera, Messieurs, que les privilèges accordés aux maîtres de postes étaient sans doute un abus ; mais que cet abus ne peut être confondu avec ceux qui n’étaient pas comme celui-là le prix et la condition d’un service. Ces privilègès n'ont été accordés aux maîtres de poste qu’à la charge de faire le service des grands courriers, et des courriers de cabinet, à un prix beaucoup trop modique et onéreux pour eux. Le sacrifice du privilège, sans remplacement, serait fort au-dessus de tous ceux que l’on pourrait exiger du reste des citoyens, car il absorberait, pour la plupart des maîtres de poste, presque tout le bénéfice sur lequel est fondé leur subsistance et celle de leur famille. Il est très vrai que les maîtres de poste, à vingt-cinq lieues autour de Paris, sont communément plus à leur aise que les autres, et que les postes qui avoisinent la capitale sont en général plusavantageuses par un plus grand emploi de chevaux. On se tromperait cependant en pensant que c’est des gains de la poste que résultent les fortunes de ces maîtres de poste ; il est prouvé qu’ils les doivent à leurs anciens privilèges, les terres des environs de Paris étant d’un rapport immense, lorsqu’elles n’étaient grevées d’aucune des impositions que payaient les non-privilégiés. L’expérience a constamment prouvé que les maîtres de poste de Paris, de Versailles et des grandes villes, où ils ne peuvent faire valoir des terres se sont successivement ruinésdansleursentreprises, quoiqu’ils aient joui, dans la plupart, et notamment à Paris et à Versailles, du sur-prix de la poste royale. Les maîtres de poste des environs de Paris, fussent-ils un peu moins à plaindre que les autres, en perdant leurs privilèges, sans indemnité, il ne serait pas de la justice de l’ Assemblée nationale de les imposer sur leurs bénéfices passés, en les obligeant pour l'avenir à des conditions onéreuses ou inégales à abandonner leurs établissements dont les rem placements deviendraient difficiles et peut-être impossibles, à moins que l’on accordât aux nouveaux maîtres de poste les indemnités refusées à leurs prédécesseurs, ce qui serait une injustice et cesserait d’être une économie. Tous les maîtres de poste demandent des remplacements ou indemnités de leurs privilèges supprimés ; mais il s’en faut bien que tous soient d’accordsurl’espècede ces indemnités. Lesmaîtres de poste des environs de Paris, dont les chevaux sont constamment dans une grande activité, désirent une augmentation du prix des courses, et que celui de chaque cheval soit porté à trente sols par poste. Les maîtres de poste de province ne croyent pas généralement que cette augmentation de prix leur puisse être avantageuse, et voudraient que les courriers, chargés du service de la poste aux lettres, payassent les chevaux le même prix que les particuliers, ainsi que les 10 146 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [20 arril 1790.1 courriers de dépêches. D’autres encore proposent d’accorder aux maîtres de poste, en indemnité de privilèges, 120 livres par an par lieue de terrain qu’ils ont à desservir. Votre comité pense que l'augmentation du prix de la course ne serait avantageuse qu’aux maîtres de poste des environs de Paris, et laisserait tous les autres sans indemnité. 11 est prouvé, par des relevés exacts, que sur deux cent quarante relais, il n’y en a que vingt-cinq où les courses aient été assez multipliées pour payer la dépense : ces vingt-cinq trouveraient véritablement un très grand avantage dans l’augmentation des 5 sols demandés ; mais les deux cent quinze autres relais, où les courses sont rares, n’auraient dans cette augmentation, presqu’aucune indemnité ;un exemple rendra la disproportion plus frappante : le maître de poste de Paris , qui fait courir quarante chevaux par jour dans une distance d’une poste et demie, trouvera, dans l’augmentation susdite, un accroissement de recette journalière de 15 livres, c’est-à-dire d’une somme de 5,475 livres par an, pour remplacement d’un privilège qui ne s’élevait pas à 1,000 livres. Un maître de poste de province, au contraire, qui ne fait courir que vingt chevaux par semaine, c’est le plus grand nombre, n’aura, pour la distance de poste et demie, qu’un accroissement de 390 livres par année dans sa recette; il aura à peine reçu la moitié de l’indemnité qui lui est due, tandis que le maître de poste des environs de Paris en aura touché une cinq fois trop forte. Si l’on accordait le payement de 20 sols par cheval pour le service des grandes malles, au lieu des 10 sols qui sont alloués, la dépense du Trésor public serait augmentée de la somme de 352,856 livres, laquelle tournerait exclusivement au profit des maîtres de poste les plus occupés, c’est-à-dire de ceux qui auraient obtenu plus que l’indemnité de leurs privilèges, par l’augmentation de cinq sols, si elle était accordée. La demande de la réunion de l’entreprise des petites malles au service des maîtres de poste, pour le prix de 20 sols par poste, doublerait encore cette dépense, et opérerait encore une charge de 640,508 livres pour le Trésor public. Cette réunion serait même impossible, sans beaucoup de frais, parce que les traités d’entreprise ont été renouvelés l’année dernière. Pour porter le prix des chevaux employés pour le service des différentes malles, et pour celui des courriers du cabinet, à 20, sols, il en coûterait au Trésor public, une augmentation de dépense de près d’un million. Les demandes des maîtres des postes des provinces, quoique beaucoup plus modérées, puisqu’elles n’entraînent pas une augmentation de dépense pour le voyageur, et qu’elles ne grèvent pas davantage le Trésor public, ne paraissent cependant pas devoir être accueillies en totalité : le nombre de lieues qu’une poste doit desservir ne donne pas la proportion du nombre de chevaux qu’elle doit entretenir : Etampes, par exemple, qui n’a que quatre lieues à desservir, est obligé d’entretenir trente chevaux. Montdidier qui n’a pas l’emploi de vingt chevaux, dessert cependant trente-cinq lieues : si le principe proposé était adopté, le maître de poste d’Etampes n’aurait qu’une indemnité de 480 livres pour l’obligation d’entretenir trente chevaux ; tandis que celui de Montdidier, pour l’entretien de vingt chevaux seulement, recevrait une indemnité de 4,200 livres. Votre comité pense que les maîtres de poste doivent continuer à être chargés du service des malles, à raison de 10 sols par poste et par cheval ; de celui des courriers du cabinet, à raison de 15 sols; de celui des estafettes, à raison de 40 sols par poste, savoir 25 pour le cheval et 15 sols pour le postillon ; que la dépense des voyages de la cour peutêtre supprimée, en employantles moyens de doublement des relais dans ces circonstances seulement; que le prix des chevaux de poste doit demeurer fixé à 25 sols, et que celui de 30 sols doit être réservé pour le moment du surprix des fourrages. Votre comité pense que tous les maîtres de poste du royaume ont besoin pour tous les temps d’une indemnité, et qu’ils la trouveront proportionnelle et suffisante dans une gratification de 30 livres par cheval entretenu pour le service de leurs relais; que le nombre de chevaux de chaque relais doit être fixé tous les ans par l’intendant des postes : cette indemnité n’excédera pas la somme de 660,000 livres. Il pense donc que le moyen d’indemnité le moins onéreux au public, et dont la répartition serait la plus égale, serait d’accorder à tous les maîtres de poste du royaume une gratification annuelle de 30 livres par cheval entretenu pour le service de la poste, le nombre de chevaux de chaque relais fixé tons les ans, vérifié et rectifié par des inspections faites à cet effet. Les maîtres de poste ayant cessé de jouir de leurs privilèges au premier juillet 1789, et ayant été imposés pour les six derniers mois de cette année, il paraît juste que cette indemnité leur soit accordée à compter du premier juillet 1789. Cette indemnité, qui n’excédera pas annuellement la somme de 660,000 livres, a paru la plus économique à votre comité des finances ; en conséquence, il a l’honneur de vous proposer le décret suivant : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale décrète qu’en indemnité des privilèges supprimés, il sera accordé une gratification annuelle de 30 livres par cheval, entretenu pour le service de la poste, à chacun des maîtres de poste, d’après le nombre de chevaux fixé tous les ans par chaque relais ; les vérifications et inspections faites à cet effet par les municipalités, suivant le nombre de chevaux qui aura été réglé sur les états présentés par l’intendant et le conseil des postes, et arrêtés par chaque législature. L’Assemblée nationale décrète que les maîtres de poste doivent continuer à être chargés du service des malles, à raison de 10 sols par poste et par cheval ; de celui des courriers du cabinet à raison de 15 sols; de celui des estafettes à raison de 40 sols par poste; savoir : 25 sols pour le cheval, et 15 sols pour le postillon; que la dépense extraordinaire des voyages de la cour demeurera supprimée, et que le prix des chevaux de poste demeurera fixé à 25 sols par poste et par cheval. L’Assemblée nationale décrète que les maîtres de poste seront tenus de fournir, à la réquisition des fermiers des messageries, deux chevaux à 25 sols par poste et par cheval pour les cabriolets chargés d’une ou deux personnes seulement et de deux porte-manteaux de 25 à 30 livres pesant ; trois chevaux à 25 sols par poste et par cheval pour les mêmes voitures chargées de trois personnes et de trois porte-manteaux ; trois chevaux à 25 sols par poste et par cheval, pour les voitures à quatre roues, chargées d’une ou deux personnes, et de cinquante à soixante livres d’ef-