486 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1791.) dénoncef ces écrits ténébreux, et que bientôt le nom de leurs auteurs sera connu. Il est fait lecture d’une lettre de M. Bailly, maire de Paris, par laquelle il instruit l’Assemblée du résultat des ventes de trois maisons nationales. M. le Président fait lecture d’une lettre du roi, à lui adressée aujourd’hui par le ministre de la justice, conçue en ces termes : « Je vous prie, Monsieur le Président, d’informer l’Assemblée nationale que j’ai remis à M. de Les-sart le département de l’intérieur dont j’avais chargé par intérim, M. de Montmorin •>. Signé : Louis. M. Lelen de la Ville-auv-Bois, secrétaire , fait ensuite lecture d’une lettre de M. Agier, président du tribunal provisoire établi en vertu de la loi du 5 décembre 1790, par laquelle il rend compte à l’Assemblée de ses travaux au moment où ils se trouvent terminés. (L’Assemblée en ordonne l’impression et l’insertion dans le procès-verbal de cette séance.) Cette lettre est ainsi conçue : « Monsieur le Président, le tribunal provisoire créé par la loi du 5 décembre dernier, croit, en terminant ses travaux, être obligé d’en rendre compte au pouvoir qui l’a constitué. Vous trouverez ci-joint, Monsieur, le relevé des procès et des accusés que ce tribunal a jugés : je vous supplie d’en mettre l’aperçu sous les yeux du Corps législatif. Le nombre n’en est pas, à beaucoup près, aussi considérable que nous l’eussions désiré, surtout par comparaison à ce qui reste; mais les fêtes multipliées qui ont interrompu le cours de nos séances, les justes égards dus à la défense des accusés, et la circonspection dont nous croyons devoir user en prononçant sur de si grands intérêts, ne nous ont pas permis d’en expédier davantage. <« Il est satisfaisant pour nous de pouvoir annoncer à l’Assemblée nationale que le public, toujours fort nombreux à nos séances, a montré dans tous les instants le respect le plus profond pour la loi et ses organes. Une seule fois le silence a été rompu par des applaudissements à l’occasion d’un jugement dont l’équité avait paru remarquable. Je n’ai eu besoin que de lire l’article 23 de la loi du mois d’octobre 1789, et tout est rentré dans l’ordre; il ne m’a pas fallu y recourir une seconde fois, quoique nos procédés et nos jugements aient suuvent paru causer à l’auditoire un contentement marqué. Ces dispositions nous montrent que le peuple en général est beaucoup moins ennemi de l’ordre que ses détracteurs voudraient le faire accroire; qu’il se soumet volontiers à la loi aussitôt qu’elle lui est connue, de même qu’aux magistrats qu’il a jugés dignes de sa confiance. Et ce peuple (vous daignerez l’observer) ce peuple le plus souvent présent à notre audience, n’était pas composé de ceux à qui l’éducation a appris à contenir leurs premiers mouvements; c’était le simple peuple, sans instruction, sans lumières que celles du bon sens et de la nature; tant il est vrai que la raison et la loi ont des droits imprescriptibles sur le cœur de tous les hommes 1 « Nous avons donné aux législateurs une grande marque de dévouement et de respect, en commençant, d’après leurs ordres, les fonctions de la judicature par ce qu’elles ont de plus rebutant, de plus douloureux et de plus pénible. Une nouvelle carrière, et des travaux plus variés nous appellent maintenant. Nous allons nous y livrer avec un nouveau courage. Heureux si, par une constante application à faire observer les lois, et à maintenir la paix publique, nous pouvons contribuer à avancer le grand ouvrage de la Constitution, dont l’achèvement fait tout l’objet de nos désirs ! « Je suis avec un profond respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur. « Signé : Agier, président du tribunal provisoire . « 2 janvier 1791. *> M. Leleu de la Ville-anx-Bois, secrétaire. A cette lettre se trouve joint un état des procès criminels, au nombre de 64, jugés parce tribunal depuis son établissement. M. Delley d’ Agier, au nom du comité d'aliénation , propose des ventes de biens nationaux à diverses municipalités. Ces ventes sont décrétées comme suit : « L’Assemblée nationale, d’après le rapport qui lui a été fait par un membre du comité de l’aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les différentes municipalités ci-après nommées, dans les formes prescrites, pour, en conséquence du décret du 10 mai 1790, acquérir entre autres domaines nationaux, ceux dont l’état est annexé aux procès-verbaux respectifs d’estimations et d’évaluations desdits biens ; « Déclare vendre aux municipalités ci-après lesdits biens nationaux, aux charges, clauses et conditions portées audit décret, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret : Savoir : Département du Rhône et Loire. 1. A la municipalité de l’hôpital du Temple, pour la somme de ..... 10,123 1. 11 s. » d. 2. A celle de Taren-taise, pour celle de.. . . 558,498 » » 3. A celle de Saint-Germain -Laval, pour celle de .............. 123,016 » » 4. A celle de Saint-Etienne, pour celle de. 502,908 15 4 Département de la Drôme. 5. Aux municipalités des Tourettes, de Mont-joux, de Vèse, de Dieu-le-Fit, et Saint-Paul-trois-Chàteaux, pour la somme de ............ 61,362 15 » L’ordre du jour est un rapport du comité ecclésiastique sur les mesures nécessaires pour accélérer la prestation du serment des fonctionnaires ecclésiastiques. M. Chasset, au nom du comité ecclésiastique, Votre comité devait vous présenter ce soir deux décrets. Le premier avait pour objet les mesures nécessaires pour accélérer la prestation du ser* [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [25 janvier 1791.J ment des fonctionnaires ecclésiastiques, et les moyens de remplacer ceux qui refuseront. Le comité devant encore avoir une dernière conférence à ce sujet, ce rapport ne vous sera présenté que demain matin. M. de Foucault de Lardimalie. A quelle heure? A quelle heure? Je demande que ce ne soit pas avant 10 heures. M. Voidel. Le préopinant et ceux qui s’inquiètent avec lui sur l’heure où sera fait le rapport qu’on vous annonce, ont sans doute quelque projet. M. de Foucault de Fardimalie. Je demande que M. Yoidel soit rappelé à l’ordre. M. le Président. Je prie M. Foucault de se tenir dans le silence; il n’a pas la parole. M. de Foucault de Lardimalie. Vous sonnerez votre cloche jusqu’à demain.... Je veux avoir raison, je veux répondre à l’interpellation de M. Voidel.... (Une très grande agitation se manifeste dans la partie droite. — M. de Foucault de Lardimalie parle successivement de différents points de la salle, et à différentes hauteurs de gradins. — M. l’abbé Maury gesticule au milieu de la salle, puis parcourt les rangs de la partie droite.... Après divprs mouvements tumultueux, M. le Président parvient à rétablir le calme.) L’ordre du jour est un rapport des comités ecclésiastique et de Constitution relatif aux difficultés survenues dans la ville d'Amiens au sujet des fonctionnaires ecclésiastiques qui refusent de prêter le serment. M. Chasset, rapporteur . Messieurs, le rapport que je suis chargé de vous présenter a pour objet une dénonciation qui vous a été faite contre le tribunal d’Amiens, accusé d’avoir empiété sur les fonctions administratives. Aussitôt que la loi du 26 décembre a été connue à Amiens, le département de la Somme a pris toutes les mesures pour son exécution, et a donné à cet effet tout pouvoir nécessaire, soit au district, soit à la municipalité, celle-ci a fait sur-le-champ une proclamation. Le 12 de ce mois, une grande quantité d’ecclésiastiques se sont présentés pour prêter le serment; mais, par un accord que je ne saurais expliquer, tous ces ecclésiastiques ont fait en même temps publier des écrits contenant leur opinion individuelle sur le serment, et d’une conformité littérale. Ces écrits avaient pour titre: Formule du serment prêté par M. le curé de.... et contenaient une restriction à la formule décrétée par l’Assemblée nationale. Ils les envoyèrent à toutes les municipalités du départe ment, pour faire croire aux autres ecclésiastiques que la municipalité du chef-lieu avait accepté cette restriction de serment. L’exemplaire que je tiens en main est intitulé Formule du serment prononcé far le curé de Saint Remy et ses vicaires, du 13 janvier 1791. On a fait une correction à la plume, de ceux dans ces exemplaire qui ont été distribués à Amiens, et on a mis : Formule du serment à prononcer, etc. « On nous demande, est-il dit dans ces écrits, de prononcer par un serment que nous aimons notre nation, que nous sommes soumis à la loi et fidèles à notre roi. Eh 1 mes frères, ce sentiment n’est-il pas celui de tout Français? ne coule-t-il pas dans ses veines avec son sang? ne l’apporte-t-il pas en naissant dans son cœur? nous en avez-vous jamais vus inspirer d’autre depuis que nous avons l’honneur d’être chargés du soin de vos âmes ? « Oui, nous osons vous appeler ici en témoignage et nous sommes certains que vous ne nous démentirez pas; nous n’avons jamais cessé de vous prêcher le patriotisme, ce véritable amour de la nation, consacré par cette charité divine qui, de tous les citoyens, ne fait qu’un cœur et qu’une âme et leur fait partager les biens qui en découlent. Nous vous avons toujours dit d’être soumis aux lois; d‘ aimer, de respecter votre roi; de payer exactement le tribut ; de ne pas cher-chér à frauder les impôts, sous peine d’être regardés comme mauvais citoyens, comme n’aimant pas votre patrie. « Si nous réclamons aujourd’hui les droits de la religion dans le sein de laquelle nous avons eu le bonheur de naître, et dont nous avons l’honneur d’être ministres, les intérêts de l’une et de l’autre ne sont-ils pas liés inséparablement par leur divin auteur? La puissance spirituelle et la puissance temporelle ne sont-elles pas une émanation du pouvoir absolu de l’Etre suprême, sans lequel aucune puissance ne saurait exister? En nous renfermant dans les bornes de ces deux puissances, on ne nous accusera donc pas de manquer à la nation, à la loi et au roi, puisque nous ne leur serons jamais plus fidèles que lorsque la religion consacrera notre obéissance et qu’elle en sera le plus ferme appui. « Voici donc mon serment: « Je soussigné, ministre de Jésus-Christ, chargé d’enseigner aux hommes qui nous sont confiés ce qu’ils doivent à Dieu et aux puissances temporelles, obligé de leur donner l’exemple de la soumission aux lois, pour obéir à Notre Seigneur Jésus-Christ, qui nous ordonne de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu; « Je jure de veiller avec soin sur les âmes qui me sont confiées; d’obéir à la nation, à la loi et au roi ; de maintenir de tout mon pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et sanctionnée par le roi, exceptant formellement tout ce qni tient essentiellement à la foi, à la religion catholique, apostolique et romaine, dans laquelle je suis résolu de vivre et de mourir. ( Applaudissements à droite; murmures à gauche. ) « Signé du curé et de ses vicaires. » Dans l’exemplaire que je viens de vous lire, il y a à prononcer. En voici un autre où on lit prononcé. Plusieurs voix à droite: Lisez! lisez! Plusieurs voix à gauche : C’est inutile I M. Chasset, rapporteur. Vous voyez, Messieurs, que par la tournure et de l’imprimé et de la correction, on voulait faire croire que le serment ayant été effectivement prononcé et accepté par la municipalité d’Amiens, tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics de ce département pouvaient le prêter ainsi. Mais le directoire, instruit de ce projet, a réuni aussitôt le conseil d’administration, le district, la municipalité, et a pris le 17 janvier un arrêté