. [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [IA mars 1790.] les ont encouragés à recouvrer leurs droits, et qui en a été justement récompensé par le titre de Restaurateur de la liberté française; titre qui l’élève aux plus haut faîte de la gloire. Que les despotes de la terre reconnaissent enfin leur erreur; qu’ils soient convaincus par cet exemple qu’ils ne peuvent jamais être aussi grands, aussi heureux, aussi véritablement puissants qu’en renonçant â leur pouvoir despotique, et en se plaçant, comme les rois de France et d'Angleterre, a la tête d’un peuple éclairé, et de la constitution d’un gouvernement libre. M. le marquis de Bonnay, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. Il ne se produit aucune réclamation. M. berchère de Bcffye, député d’Àutun, demande la rectification d’une erreur qui s’est glissée dans le décret général sur la division du royaume, M. llarmand, député de Château-Thierry, fait une demande du même genre, M. Gossin, membre adjoint au comité de constitution, observe que son indisposition ne lui ayant pas permis de proposer le décret général de la division du royaume en départements et en districts, résultant des décrets particuliers, il ignore comment des erreurs pouvaient s’y être glissées ; mais il se rappelle parfaitement que château-Thierry a été définitivement décrété chef-lieu de son district, etnon provisoirement; qu’en conséquence, il n’y a aucune difficulté de décréter la radiation du mot provisoirement, qui est probablement une faute dam pression. L’Assemblée décrète cette rectiti cation, et ordonne que le mot provisoirement sera rayé dans le décret général de la division du royaume. Laaemande du député d’Autun est ajournée jusqu’au moment de la présence à l’Assemblée de M. le baron de Cernon, membre adjoint au comité de constitution, qui a proposé le décret général. M. Râbaud dé Saint-Étienne, président , remplaçe M. Fréteau au fauteuil, à dix heures un quart. Vofdre du jour appelle là discussion sur un projet de décret du comité ecclésiastique concernant diverses dispositions relatives aux religieux des différents ordres du royaume. M. Treilhard, rapporteur. Il vous reste encore, Messieurs, plusieurs articles à décréter relativement à la suppression des moines, et au sort qui doit être fait à Ceux qui sortiront de leurs cloîtres* Vous avez à prévenir les troubles que la liberté. des moinespourraitoccasionnerdans un grand nombre de familles. J’ai l’honneur de vous présenter à ce sujet, au nom de votre comité ecclésiastique, plusieurs articles qu’il me paraît instant de décréter : « Art. Ier. Les religieux qui sortiront de leurs maisons pourront disposer, par donation entrevifs ou testamentaires, des biens acquis depuis la sortie du cloître, et, à défaut de la disposition de leur part, lesdits biens passeront aux parents les plus proches. » (Cet article est décrété sans discussion.) M. Boucher. Je vous rappelle, Messieurs, cette maxime connue ; Sous un bon prince , la question du fisc est toujours mauvaise, et je crois ne pouvoir la représenter à votre mémoire plus à propos que sous le règne de Louis XYL Le souvenir de cette maxime m’autorise à vous présenter uq nouvel article qu’il est de votre justice de décréter. Le voici ; « L’Assemblée nationale déclare que lorsque les religieux se trouveront en concours avec le fisc, ils hériteront, dans ce cas, de préférence à lui. » (Cet article est encore décrété sans discussion.) H prend rang avant l’article précédent qui devient l’article 2. M. Treilhard. J’ai Thotineuf de vous proposer un second article, devenu le troisième par l’adoption que vous avez faite de celui de M. Boucher, et j’ose croire qu’il n’éprottvera pas plus de difficulté que le premier : « Les religieux qui préféreront se retirer dans les maisons qui leur seront indiquées, y jouiront des bâtiments, jardins, enclos, à la chargé des réparations locatives et usufruitières, et il sera, en conséquence, assigné auxdites maisons un traitement annuel à raison du nombre de religieux qui y demeureront. Ce traitement ne sera pâs le même pour les religieux mendiants et pour les non mendiants ; il sera proportionné à l’âge des religieux, et en topt conforme au traitement décrété pour les religieux qui sortiront de leurs maisons. L’Assemblée nationale se réserve de régler l’époque et la manière dont lesdits traitements seront acquittés, et la quête demeurera alors interdite à tous les religieux. » M. l’abbé Gouttes. Je demande, pour les moines qui resteront dans les cloîtres qu’il ne soit fait, dans la fixation de leur sort, aucune distinction d’âge, ni de père ou de frère. Les besoins sont les mêmes pour des religieux qui vivent réunis; iis ont tous des droits égaux à la chose commune. J’ai reçu, des religieux de l’ordre de Saint-Benoît qui habitent ma province (le Bas-Languedoc), la demande expresse d’être employés par vous d’une manière utile, soit au service dès paroisses, soit à l’éducation publique: des hommes qui lüanîfestent de semblables intentions doivent tout attendre de votre justice. M. Camus. J’appuie d’abord la motion du préopinant : j’ajoute qu’il est essentiel de retrancher, dans l’article qui vient de vous être présenté, le mot usufruitiers. Le sort que vous ferez aux moines vivant en communauté devra sans doute les mettre à portée de se charger des réparations locatives ; mais je ne pense pas que ce sort puisse les mettre à portée de se charger aussi des réparations usufruitières. D’ailleurs, oes dernières réparations intéressent trop la nation pour qu’elle doive confier le soin de les faire à d«s hommes qui manqueraient de moyens pour les bien faire. M. Voidel. Je propose un autre amendement à l’article. 11 me semble qu’il serait instant de fixer d’une manière déterminai ive le sort des moines qui voudront rester dans leurs cloîtres. Je demande donc qu’il soit stipulé, dans ce même article, que les moines rentés qui vivront en communauté auront chacun et annuellement 800 livres de traitement ; les mendiants auront 600 livres. M. Bourdon, curé d'Evaux. Il ne serait pas juste, il serait impolitique de fixer à un taux [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 mars 1790. égalle sort de tous les moines qui voudront reste? dans leurs cloîtres-Il y a dans les maisons monastiques beaucoup déjeunes gens qui ne sont liés que par le vœu monacal, et qui ne le sont point par des yœux sacerdotaux ; ces jeunes gens peuvent, s’ils sont rendus à la société, devenir utiles à la société. Ils ne se rendront à la société que lorsqu’ils espéreront pouvoir y améliorer leur situation ; ils ne l’y amélioreront pas comme prêtres, puisqu’ils ne sont pas prêtres : quel parti prendront-ils donc ? Celui dé rester dans les couvents, d’y jouir d’un sort honnête, et d’y mener constamment une vie oisive. L’Assemblée nationale n’a sûrement pas l’intention de protéger l’oisiveté. Je demande donc qu’il soit fait une distinction dans le soft à faire aux moines-prêtres et à ceux qui ne le sont pas. M. de Bonnal, évêque de Clermont » Lés moines qui resteront dans les cloîtres doivent être mieux traités par vous que ceux qui en sortiront. Ils auront le mérite d’avoir été fidèles à leurs engagements, et vous devez applaudir leur conduite. Vous devez donc leur laisser de quoi vivre d’une manière décente* par cela même qu?ils auront des dépenses de culte dont leurs confrères sécularisés cesseront d’être chargés. Ges différentes réflexions me déterminent à demander expressément que les moines qui resteront dans leurs cloîtres obtiennent un traitement plus fort que ceux qui les abandonneront. (On demande à aller aux voix sur les amendements.) M. le Président (d’après la demande de M. Camus). Supprimera-t-on ou ne supprimera-t-on pas de l’âcte le mot usufruitière s ? LrAssemblée décide L’affirmative. L’amendement de M. l’abbé Gouttes est divisé. L’Assemblée décide qu'il n’y a pas lieu à délibérer sur la première partie, ainsi conçue : « Sans distinction d’âge et sans aucune différence entre les�êm et les frères. » La seconde partie de l’amendement est décrétée dans la formule suivante ; « Après ces mots : à la charge des réparations locatives , seront ajoutés ceux-ci, et des frais du culte , excepté dans les églises paroissiales . » M. l’Abbé dé Pradt. Je propose d’ajouter à l'article « que les moines qui vivront en communauté jouiront du mobilier qui existe actuellement dans leurs maisons, tel qu’il a été constaté par leur déclaration* eft Vertu. du décret que l’Assemblée a rendu à ce sujet. » M. CaHnis. Je propose un sous-amendeffient, et le voici î « que néanmoins ils ne jouiront qu’en qualité de dépositaires de tous les ornements du culte, à ia charge de les exhiber aux municipalités toutes les fois qu’ils en seront requis. * M. Target. Jë demande que ce sous-amendement soit étendu au mobilier. M. Trellhard. Il est inutile, Messieurs, que vous vous occupiez de cet objet; je dois vous proposer deux décrets, dont l’un aura pour but de déterminer l’époque à laquelle devront être payées les pensions ; l’autre est relatif à la conservation de tout le mobilier; il ne faut paspro-noncer sur les amendements qui vous sont proposés sans avoir entendu la lecture de ces deux articles. m M. Trellhard fait lecture de ces deux articles (On revient à l’amendement dp 1$. Voidei.) M. Vofdcl. Je réponds à toutes les observations qui ont été faites contre l'amendement due j’ai proposé. Les moines qui resteront dans las Cloîtres doivent, dit-on, obtenir un traitement supérieur â celui de ceux qui en sortiront. Oeqx qui resteront dans les cloîtres auront l’esprit de leur état: or, quel est essentiellement l’esprit de l’état religieux? C’eût celui de la désappropriation. Si vous donnez |mx moines qui resteront en communauté au delà dé leurs besoins, et quels sont leurs besoins? Victum et OesUtum..,,. (Il s'élève des murmurés dans te côté droit de la salle,) U est étonnant que j’éprouve autant de défaveur quand je retrace les obligations religieuses dans une assemblée ou il y a tant de prélats catholiques, Si, dis-je, vous leur donnez au delà de leurs Desoins, l’Assemblée nationale aura produit un effet contraire à celui qu’elle a voulu produire ; je veux dire qu’elle aura la première porté les moines à devenir infidèles au vœu qu’ils ont formé. Je reviens, et je dis que la pension que je propose pour les religieux en communauté leur suffira ou ne leur suffira pas j si elle leur suffit, vous ne leur deve? rien de plus ; si elle ne leur suffit pas, ils ont la liberté de s’occuper d’une manière honorable et lucrative : dans les deux cas, mon amendement doit être adopté. M. Dufrafsse-Duchey répond aux observations de M. Voidei et fait valoir les raisons déjà données par M. l'évêque de Clermont. M. llayet, curé de Rochetailléet présente des vues qui se rapportent surtout a remploi des biens ecclésiastiques, M. le Président, L’ofateur n’est pas dans la question qui est en ce moment discutée. M. Mayet renonce à la parpje. (Voy. son discours annexé à la séance de ce jour.) M, Biuot. Le but de l’Assemblée, quand elle a prononcé qu’elje ne reconnaîtrait plus les vœux monastiques, était de détruire l’existence de ces corporations religieuses qu’elle regardait Gomme impolitiques et dangereuses. Accorder aux moines qui voudront profiter du bénéfice de la loi qui les autorise à rester dans leurs maisons un traitement supérieur à ceux qui profiteront du bénéfice de la même loi qui les autorise à en sortir, ce serait manquer le but que se sont proposé les législateurs ; ce serait, pour ainsi dire, ordonner aux moines de demeurer dans , leurs cloîtres, car l’homme est toujours disposé à conserver son lien quand il a trouvé le bien. — Cette seule considération me détermine à penser que l’amendement deM. Voidei doit être adopté, et je l’adopte pour mon compte. M. lé due dé Liancourt. 11 mé semblé qu’on a quelquefois envisagé l’amendement de M. Voidei comme une question constitutionnelle. Je pense qu’il ne doit être envisagé que comme une question économique. Or, dépense-t-on davantage quand on vit en communauté que lorsqu’on Vit isolément? Je réponds non, et je conclus a ce que l’amendement soit adopté. (La discussion est fermée.) On fait lecture de l'amendement ; il est conçu en ce? termes : « La pension de chaque religieux