{États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {Sénéchaussée d’Aix.] tenant de juge qui a côté et paraphé les pages. Avant de signer, il a été encore déterminé que les Etats généraux voteraient par tête et non par ordre. Signé Gearnon de Saint-Christophe, lieutenant déjugé; Pelegrin; Gras, maire; P. Meynier, consul; Barlatier, député; Lion, consul; Beaumont; Caulanier, ancien consul ; Gavailhon, ancien consul; Louis, ancien consul; Gourrand; Brionloufet, avocat, député; Nicolas Caire; À.-S. Caire; Gavau-dan; Joseph Gouiran; Glavropset; Vachier; Duan-ronisourd; Girard; Joseph Gourrand; François Aussellet; Giraud; Roche; Dominique Giraud; Martin ; Bartalier ; Giraud ; Jaubert aîné ; Jean Tays ; P. Mondin; Caire; B. Meynier; Denis Pecout; Giraud; Ronbin; Gileis ; Gaudin; François Cartons; M. Viilevieille; Gaudin; Elzéar Pin, député, et nous Barlatier, greffier. CAHIER Des plaintes et doléances de la communauté de la Roque-d’ Antheron, pour être remis aux sieurs députés d'icelle à l'effet de le porter à l’assemblée générale de la sénéchaussée d’Aix (1). Sa Majesté sera très-humblement suppliée : 1° De considérer qu’étant inutile que la communauté ajoute aux justes réclamations faites par MM. les députés des communes aux prétendus Etats de la province, lors de la dernière assemblée en la ville d’Aix, des droits et prétentions du tiers-état, et qu’elle doit les éloges les plus flatteurs et les mieux mérités à ces dignes citoyens, a adhéré et adhère aux vœux, remontrances, protestations et généralement à tout ce qui a été fait par lesdits sieurs députés des communes. Ladite communauté est d'autant plus fondée à réclamer contre les différentes impositions mal réparties entre les trois ordres, qu’elle est assujettie à des redevances dont peut-être il n’estfpas d’exemple dans la province. Si la proximité de la rivière de Durance semble se prêter à en retirer quelques avantages dans une partie de son terroir, par l’arrosage, elle le paye bien cher par les fréquentes inondations qu’elle lui cause ; elle est continuellement occupée à faire des réparations sur son bord, à grands frais ; il est arrivé que ses habitants ont été dans le cas de courir la nuit pour arrêter ces inondations, qui, malgré de prompts secours, ont emporté des terres d’une étendue immense ; elle a imploré souvent la protection de la province, qui, convaincue de la détresse et de l’insuffisance des fonds de la communauté, a bien voulu venir à son secours, dans des cas urgents, sans néanmoins la préserver pour longtemps. 2° Le chapitre Saint-Sauveur de la ville d’Aix, qui est prieur décimateur, en retire, suivant le dernier bail qu’il vient de passer dans le mois de janvier, Ja somme importante de 11,000 livres, ar la dîme et taxe réunies sut le pied exorbitant u cinquième sur tous les grains. 3° Elle paye annuellement au chapitre dix charges de blé, mesure de ce lieu, qui en font douze de la ville d’Aix. Enfin il n’est aucune production de ce terroir qui n’ait sa contribution particulière. 4° Elle paye le quinzième des agneaux ; 5° Le neuvième du chanvre ; 6° Le dixième des raisins. (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Ie SÉRIE, T. VI. Le chapitre craignant de faire une faveur à cette communauté en ne taxant pas ses haricots, faible ressource du pays, intenta un procès, il y a environ vingt ans, duquel il résulta un arrêt qui le condamna à la taxe au sept. 7° Elle est sujette envers le chapitre, dans la partie de sa directe, du droit de lods sur le pied du sixième. 8° Il sera aussi très-respectueusement représenté à Sa Majesté que la communauté est sujette envers son seigneur, dans l’autre partie du 'terroir, à une pension féodale annuelle de cinquante charges de beau blé, mesure du pays. 9° A des moulins banaux pour la farine à raison du vingtième pour la mouture. 10° A des moulins à foule dont elle paye le détritage des olives , et la taxe d’icelle à la neuvième. 11° Le lods au sixième ; ce droit emporte avec lui celui du retrait féodal lors des mutations *et vente des biens relevant du seigneur ou soit du chapitre qui dure trente ans, pendant lequel temps l’acquéreur craint d’être dépossédé. 12° Chaque habitant est sujet à Ja corvée et à une poule. 13° La communauté paye encore, dans cette partie, la taxe au sept. 14° La dîme au quinze, sans qu’il soit permis de prélever les semences, tandis que les particuliers possédant biens dans les terroirs de Char-leval, Bonneval et Sanson, qui sont des annexes de cette paroisse, ne payent la dîme qu’au vingt ainsi que les seigneurs de ces terres. Pourquoi cette différence ? 15° Indépendamment de ce , les habitants payent la taille de leurs biens, même le capage et capitation. Cette communauté n’a pas d’avantages à retirer de la grande partie de son terroir qui ne peut s’arroser, et n’est couverte que de rochers. 16° Sa Majesté voudra bien prendre en considération que le droit de chasse qui défend à de malheureux cultivateurs de se garantir du dégât affreux que cause le gibier est un de ceux le plus contraires à l’agriculture. On condamne un contrevenant, qui quelquefois est forcé d’user de ce droit pour assurer une partie des sueurs de ses bras, à des peines infamantes. Ce droit entraîne encore des abus infinis, tel que celui qui fournit aux gens du seigneur l’occasion de dévaster les fruits de la campagne. 17° Sa Majesté voudra bien encore considérer que les habitants sont accablés par les droits du contrôle, insinuations et accessoires qu’ils payent ainsi que de ceux dérivant de la consommation de première nécessité, de même que des entraves du commerce qui font gémir tout le royaume. 18° La communauté est encore sujette, comme partout, à l’inconvénient des pigeons qui obligent les habitants à garder leurs champs. 19° Elle paye encore une pension à la charité de 19 livres 19 sous, et une au seigneur de 93 livres en abonnement de 150 poules. Sous ce rapport, il est dans la plus exacte vérité que les habitants de la Roque-d’Antberon ne peuvent pas subsister sous le fardeau des redevances; elle implore, avec une juste confiance, la bienveillance de Sa Majesté, et l’attention de MM. les députés aux Etats généraux, pour déterminer, en sa faveur, un nouveau régime qui puisse améliorer son sort, sous les modifications qui paraîtront les plus justes, les plus convenables et les plus équitables, à l’effet que les habitants de cette communauté puissent désormais, 26 402 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [Sénéchaussée d’Aix.] après avoir employé les travaux de toute Tannée pour faire fructifier leurs possessions circonscrites, trouver le salaire de leurs peines. Pour le surplus de ses doléances, ladite communauté donne plein pouvoir à ses députés de concourir à celles qui seront dressées dans l’assemblée qui se tiendra par-devant M. le sénéchal ou M. son lieutenant, laissant à la prudence d’iceux de consentir à tout ce qu’ils trouveront juste et raisonnable pour le bien de l’Etat, pro-mettan, tladite communauté, d’approuver et ratifier tout ce que ses députés auront consenti. Fait et publié à la Roque-d’Antheron, dans l’église paroissiale du même lieu, le 29 mars 1789, aux heures de relevée. Signé Garcin ; Joseph Garcrn ; S. Jacqueme ; Gautier ; S. Phelix; J. Deine ; Gardios; R. Michel; Villevieille; P. Massié; Daubergue cadet ; Reyre; J. Auphan ; Barret ; Bénéforte; Auphan ; J. Gor-niilon; P. Villevieille; Brunet; Barret; Bomard ; P. Auphan; Danbergue neveu ; Rey; P. Serre; J. Jacquème; F. Garmain; S. Èlzear Mazet ; J. Bonnet ; J. -B. Bonnard ; Rossen ; A. Turphème ; Bernard ; Grespin ; Atertian ; Philys ; Jabonine ; L. Gourbon ; Michel; B. Philip ; D. Roussiez ; J. -B. Seguin; Ghrespin ; D. Jacquème; F. Sambuc; P. -J. Muse; J. Rey ; M. Consul; Minesse, juge; P. Julien, greffier. CAHIER Des doléances, remontrances et réclamations de la communauté de Roquefort, sénéchaussée d’Aix en Provence (1). Bans ces heureuses circonstances qui sont les plus fameuses et les plus remarquables de la monarchie, le Roi a appelé tous ses sujets. Il les rassemble autour de son trône pour concerter avec eux les moyens les plus sûrs et les plus efficaces qui pourront être pris pour couvrir le déficit qui existe dans les finances, et pour consolider la dette nationale ; il les invite à lui proposer et à lui remontrer tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun de ses sujets. La communauté de Roquefort, profitant d’une faveur aussi signalée qui la confirme toujours plus dans les justes sentiments d’amour, de respect et de reconnaissance dont elle est pénétrée envers Sa Majesté, lui présente avec la confiance qu’elle lui a inspirée, de très-humbles et très-respectueuses doléances et remontrances : 1° Sur les droits féodaux qui l’accablent. Ces droits ont pris leur origine dans des temps malheureux, vers la fin de la seconde race de nos rois, époque où l’anarchie qui régnait fut cause qu’on ne put arrêter la violence de ceux qui les usurpèrent. Ges droits devinrent, dans la succession des temps, l’indemnité des seigneurs feudataires des dépenses qu’ils étaient obligés de faire pour le service militaire ; alors iis pouvaient les exiger . légitimement ; mais aujourd’hui, où, depuis le règne de Louis le Grand, le service militaire se fait aux dépens de l’Etat, et n’est payé, pour ainsi dire, que par les peuples, ces droits deviennent injustes entre les mains des seigneurs, parce qu’ils ne peuvent les exiger du peuple qu’en se soumettant à les payer deux fois, une (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. au Roi j en corps de province, et une au seigneur chacun en particulier. Non-seulement les droits seigneuriaux sont injustes par leur nature, parce qu’ils ont été usurpés, mais encore par leur effet. La cause, quoiqu’elle ait pour base un titre légitime, est néanmoins injuste dans son effet, puisqu’elle est inextinguible ; elle nuit aux affaires publiques et à l’intérêt du particulier, parce qu’elle rend les ventes' de fonds plus difficiles; le vendeur en souffre un dommage considérable par la raison que l’acheteur prélève sur le prix du fonds les redevances foncières et les lods, et d’ailleurs la servitude attachée au fonds le déprécie beaucoup. Le cultivateur qui est déjà accablé sous le fardeau des impositions royales et autres, est souvent obligé de déguerpir, le fonds ne pouvant subvenir au payement de la cense, et l’Etat est frustré ainsi du produit du fonds déguerpi qui reste sans culture. Le droit de lods présente aussi des injustices révoltantes. En voici un exemple : le seigneur inféode ün fonds de dix écus, on construit sur ce fonds un édifice qui coûte mille écus ; le fonds et l’édifice se vendant, le lods n’est pas perçu seulement sur les dix écus du prix du fonds, mais encore sur les mille écus du coût de l’édifice ; y a-t-il de la justice en cela ? Le droit d’indemnité est injuste en général, par la raison que le lods n’est dû naturellement qu’en cas de mutation, mais particulièrement pour deux objets : 1° pour la maison curiale, parce que les seigneurs , leur famille et leurs gens ont un égal besoin du ministère du curé, et que, par cette raison, ils doivent concourir à leur logement ; 2° pour l’hôtel de ville , parce que les seigneurs, ayant des biens roturiers, font assister un préposé aux assemblées municipales. Le retrait féodal est la source de beaucoup d’abus révoltants; des millions d’exemples nous apprennent que si un particulier fait une bonne affaire dans l’acquisition d’un fonds, le bénéfice est pour le seigneur qui le retient pour lui, ou pour un autre particulier qu’il favorise, en lui cédant son droit, et encore si l’acquéreur ne rapporte quittance du lods du seigneur lui-même, celle de son fermier n’étant valable que pour assurer la somme payée, il s’en voit dépouillé au bout de dix, vingt ou trente années par le seigneur qui la retient pour lui ou pour un autre en cédant son droit. Par l’acte de reconnaissance qui est nécessaire pour la conservation des droits dont on vient de parler, les seigneurs étendent souvent ces mêmes droits par des menaces de tout genre faites, et même effectuées envers des vassaux ignorants et timides. Les seigneurs extorquent le consentement de ceux-ci à des préventions tantôt douteuses, tantôt injustes, et même la renonciation à des privilèges qui leur sont acquis ; ce fait est d’autant plus vrai qu’il n’est peut-être pas un seul seigneur, en Provence, dont les reconnaissances modernes s’accordent parfaitement avec les reconnaissances anciennes, ce qui ne serait pas si les seigneurs n’avaient d’autre but en fai* sant reconnaître que le renouvellement de leurs droits certains. Sous' ces différents points de vue, la directe d’où dérivent les droits ci-dessus étant inextinguible de sa nature, est à l’Etat ce qu’est au corps humain cette maladie qui, le rongeant tous les jours, sans se jamais rassasier, en opère à la fin la destruction ; d’où il suit très-évidemment qu’il serait salutaire à l’Etat et au peuple de ren-