[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1790.] 413 France, et qui dans le service se sera fait distinguer par quelque action d’éclat pourra être élevé hors de son rang, à un grade supérieur à celui qu’il avait dans l’armée. « Art. 17. Toute vénalité des emplois militaires sera détruite, il n’y aura plus de colonel propriétaire ; on accordera des dédommagements convenables à ceux qui sont actuellement pourvus d’emplois de ce genre. « L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution du rapport ; elle en renvoie la discussion au lundi 8 février. » M. le Président annonce que M. Leclerc, député de Paris et M. Périsse-Duluc ont été nommés pour l’inspection de l’imprimerie. L’Assemblée se retire dans ses bureaux pour procéder à l’élection d’un nouveau président. La séance est levée. ANNEXE à la séance de l’Assemblée nationale du 1er février 1790. Mémoire en réponse à la demande des députés de Marseille, concernant ladivision des départements en Provence, par M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, député de la sénéchaussée d’ Aix (1). Le comité de constitution avait tracé un plan de division de la Provence en trois départements. Un de ces départements contenait les vigueries d’Aix, Apt et Tarascon,les terres adjacentes d’Arles, les Baux et Salon et la ville et le territoire de Marseille. Un autre était composé des vigueries de Saint-Paul, Grasse, Draguignan, Toulon, Brignoles, Apt, Lorgues, Barjols et Saint-Maximin. Ces deux départements renfermaient toute la Basse-Provence et partageaient la côte maritime -, l’un à l’ouest, depuis les embouchures du Rhône jusqu’à Marseille ; et l’autre à l’est depuis Marseille jusqu’à la rivière du Var. Un troisième département était celui du nord ou de la Haute-Provence, contenant les vigueries de Forcalquier, Sisteron, Digne, Moustiers, Gastel-lanne, Annot, Colmars, Seyne, Vallée de Barcelonnette, communauté de Sault et Val de Barrême. Les députés de Provence furent convoqués pour donner leur avis sur l’établissement et la division des départements. Les députée de la sénéchaussée d’Aix avaient votés pour un seul département. Plusieurs députés votèrent pour deux départements; la division en trois départements fut admise à la pluralité des voix. Les députés de Marseille avaient demandé l’établissement d’un seul département pour Marseille et son territoire ; la décision de l’Assemblée nationale n’a point été conforme à leurs désirs. Au défaut d’un département particulier, les députés de Marseille ont demandé que Marseille fût placée dans le département de l’est, et non dans celui de l’ouest : ils ont proposé de former un département des vigueries de Toulon, Hyères, Brignoles, Barjols, Saint-Maximinet de réunir les vigueries de (1) Ce mémoire n’a pas été inséré au Moniteur, Grasse, Draguignan et Lorgues au département du nord ou de la Haute-Provence. Les vigueries de Grasse et de Draguignan sont séparées du département de la Haute-Provence par des montagnes inaccessibles ; il n’y a point de chemins ouverts ; il serait très difficile et très coûteux d’y faire des chemins. La pente de la Haute-Provence est versée vers les vigueries d’Apt et d’Aix; la ville ou la viguerie d’Aix est le passage, le centre et le lien nécessaire de toutes les parties de la Provence. Les députés de Marseille pensent que le département du nord recevrait, par sa réunion avec Grasse et Draguignan, un surcroît de population, de commerce et de richesse territoriale qui balancerait la disproportion qu’il éprouve dans le plan de division du comité. Les productions sont différentes par la nature du climat ; les relations sont impossibles par la disposition des lieux. On ne peut pas oublier les différences et les distances que la nature a marquées par des effets sensibles et par des obstacles insurmontables. L’administration n’établit pas des rapports que la situation des lieux ne comporte point. Le commerce de la Haute-Provence suivra toujours la pente de ses montagnes vers la plaine d’Aix, Tarascon et Marseille. Gelui de Grasse et Draguignan aura toujours le même cours vers les côtes maritimes et vers Marseille, et ne remontera vers la Haute-Provence que par les relations de commerce des vigueries de Barjols, de Saint-Maximin et d’Aix. L’administration d’un département ne rend communs que les impôts établis pour les charges d'utilité publique, nationale ou provinciale; et les impôts ne pourraient être transmis qu’avec peine et par de longs détours, de Draguignan à Digne ou de Digne à Draguignan. La viguerie de Draguignan se trouverait placée à l’extrémité, de ce nouveau département, et perdrait tous les avantages que peut lui donner sa situation dans le département tracé par le comité de constitution. Les députés de Marseille ont senti ces raisons ; ils ont paru renoncer au projet de réunion de Grasse et de Draguignan avec la montagne ; ils ont proposé la réunion de Marseille avec le département de l’est, quelles qu’en soient l’étendue et les bornes. Les députés de Marseille représentent que la division qu’ils proposent est mieux proportionnée aux bases de division établies par l’Assemblée nationale. Ces bases sont celles de l’étendue territoriale, des contributions et de la population. Il faut observer que le département de l’ouest, tel qu’il avait été tracé par le comité de constitution, ne comprenait point la viguerie d’Apt; c’est par des convenances particulières qu’on l’a séparée de celui de la Haute-Provence. On sent bien que le département de l’ouest renoncera plutôt à l’accession delà viguerie d’Apt qu’à celle ae Marseille. Telles sont les proportions de deux départements dans le plan du comité des finances. Le département de l’ouest est de 40,824 toises dans sa plus grande longueur, et de 34,992 toises dans sa plus grande largeur. Gelui de l’est est de 55,404 toises de longueur, sur 40,824 de largeur. Le département de l’ouest, tel qu’il avait été proposé, compte environ 1,190 feux, sans y comprendre Marseille. 414 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [1er février 1790.] Le département de l’est, 1,160 feux. Les feux sont la mesure de la valeur des biens et des contributions. La différence n'est pas sensible, et il est possible que, dans un nouvel affouage ment, l’accroissement du commerce sur les côtes maritimes, le plus grand débit des vins et la nouvelle contribution des privilégiés, rapprochent la proportion des deux départements. On ne peut énoncer, par rapport à la population, que des évaluations probables, et c’est encore une observation à faire, que la Haute-Provence s’est dépeuplée, et que la population, en approchant des côtes maritimes, est sensiblement augmentée. On croit pouvoir assurer, sans crainte d’une erreur sensible, que ces deux départements, Marseille excepté, sont à peu près égaux dans le rapport de la population comme dans celui des contributions. Leur véritable différence est celle du territoire. On augmenterait d’un côté, par l’accession de Marseille, le département le plus étendu. On diminuerait de l’autre, par la séparation de Marseille, le territoire le plus borné. Il faut dire la vérité ; de quelque côté que Marseille soit placée, il faut qu’elle dérange la proportion respective* des deux dépai’tements ; elle ne peut pas se partager elle-même ; il est d’une inévitable nécessité qu’elle rende plus considérable, sans aucune proportion, le département auquel elle doit être unie. Ainsi la question reste entière; l’inégalité des deux départements n’est que l’effet même de la réunion de Marseille, et ne peut pas être un principe de décision. Les députés de Marseille exposent l’avantage de réunir l’administration de Mtarseille à celle des villes maritimes dont le régime et les intérêts peuvent plus aisément se concilier avec son administration. C’est cependant entre les villes maritimes, entre les commerçants de ces villes, entre leurs entreprises et leurs spéculations différentes que la concurrence peut exciter quelque discussion. On courrait craindre que, dans le même département, es demandes ou les plaintes des villes maritimes es plus faibles ne pussent pas l’emporter sur les prétentions des grandes villes. C’est parce que leurs intérêts sont semblables, qu’elles sont en concurrence. Des villes, faibles par elles-mêmes, peuvent emprunter la force de leur département ; il semble qu’elles perdent leur propre force quand elles ont à supporter dans leur département la prépondérance d’une ville considérable. Mais Marseille ne veut point faire d’injustices et n’en a point à craindre dans un département plutôt que dans un autre. Il n’y aura point de rivalité de commerce entre Marseille et les communautés du département d’Aix. Quel serait l'objet de ces injustices? Le commerce ne dépend point de l’administration d’un département. Le commerce doit être libre. Voilà le premier principe de tout département, Si des commerçants veulent avoir des privilèges, l’administration d’un département, quel qu’il soit, )eut et doit les contredire. Ces privilèges qui font e bien de quelques commerçants ne font pas le ! )ien du commerce. Le commerce est fait pour favoriser le transport et le débit des productions nationales; et, sous ce rapport, il n’a rien à craindre des principes qui doivent diriger l’administration des propriétés territoriales. Le commerce est fait pour favoriser l’importation des denrées étrangères. Les denrées peuvent être soumises à des droits par des vues d’administration générale. Ces droits peuvent être établis par des Assemblées nationales, et ne doivent point l’être par des assemblées de département ; et, sous ce rapport, l’administration d’un département ne peut porter encore aucun préjudice au commerce. Quel serait l’objet des injustices que Marseille aurait à craindre? Serait-ce un partage inégal et disproportionné des charges de Marseille et du département ? Quel que soit le département auquel elle doit être unie, elle aura les mêmes intérêts à réclamer. Il y aura des charges communes qui doivent être imposées par la municipalité. L’Assemblée nationale établira les principes qui doivent décider des charges provinciales ou municipales. Il ne restera qu’à les exécuter. Enfin, si Marseille, la plus puissante des villes dans un département comme dans un autre, avait des plaintes à former, elle ne craindrait pas de les adresser à l’Assemblée nationale, et Marseille serait bien sûre d’être entendue. Il n’est pas vraisemblable que ce soient là les véritables raisons de la demande des députés de Marseille. Les députés de Marseille n’ont d’autre motif que d’établir à Marseille le chef-lieu du département. Ainsi les députés supposent que Marseille serait le chef-lieu du département de l’est. Cependant elle en serait exclue, par les mêmes raisons, dans un département comme dans l’autre. Quelles sont ces raisons? les voici : On dit que Marseille doit être chef de département à cause de sa grande population. Sa population est moindre que celle du reste de chacun des deux départements de l’est ou de l’ouest. 200,000 habitants, répandus dans le département de l’est, concourent avec les habitants de Marseille, et ont le droit de demander un centre mitoyen dont chaque habitant soit rapproché dans une juste proportion. Il faudrait rapprocher le centre et le chef-lieu dans le département de l’est comme dans celui de l’ouest. Marseille serait également placée à l’extrémité des deux départements, et elle ne doit pas s’en Main dre. Ce sont les avantages immenses de son leureuse position sur les bords de la mer, qui lui font perdre le faible avantage de devenir le chef-lieu d’un département. Ce serait un faible avantage pour elle d’être le chef-lieu d’un département; elle n’en a pas besoin. C’est le bien le plus sensible pour Aix, et pour toute autre ville de la Provence. Marseille est tout par elle-même. Le plus beau des départements est celui de son port et de sa municipalité. „ Son département s’appuie d’un côté à Cadix, et delà s’étend jusqu’à l’Amérique; il embrasse de l’autre les côtes de l’Italie et de l’Afrique; il domine sur les Echelles du Levant, et son centre est à Smyrne et à Constantinople. Voilà le département dont elle est le chef-lieu depuis deux mille ans, et cette heureuse administration, confiée à toutes les générations de ses concitoyens, s’est maintenue avec une égale 415 �Assemblée nationale. ] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 février 1790.) prospérité parmi les variations de tous les empires. Marseille est tout par elle-même, et ne peut pas envier à des villes sans richesses et sans puissance les ressources bornées d’un centre de département. Marseille oppose, par ses richesses mêmes, un obstacle sensible à rétablissement de l’administration. Les denrées y sont à plus haut prix qu’en aucun autre lieu de la province. La grande consommation en est la cause. Il n’est pas bon, pour des députés qui ne partagent point les richesses de Marseille, de se transporter dans le lieu de la plus grande dépense; il n’est pas bon pour un département d’augmenter les honoraires des députés. Si Marseille est chef de département, dans le département de l’ouest, la ville d’Aix est ruinée sans ressources. Elle n’a d’autre ressource que celle des tribunaux et des corps d’administration, et des étrangers attirés par les places et par les affaires. La ville d’Aix est ruinée, et Marseille absorbe, sans s’en apercevoir, un faible accroissement de consommation, comme la mer reçoit un fleuve dans son sein, sans en distinguer les eaux et sans en conserver la trace. Si Marseille est centre de département dans celui de l’est, elle ravit également sans intérêt ce qui ferait la prospérité d’une autre ville, et il faut, dans tous les cas, déranger la juste proportion des distances pour procurer à Marseille un honneur dont elle n’a pas besoin. Il faut enfin considérer que le commerce par terre du Languedoc, du Dauphiné, du Lyonnais, de la Bourgogne et de toutes les autres parties du nord de la France avec Marseille ; se fait par les routes et chemins des vigueries de Tarascon et d'Aix, depuis Avignon jusqu’à Marseille, que ce commerce est immense, qu’il n’y a pas de comparaison entre les transports par terre dans le département de l’ouest et de l’est, et que ce commerce fait une partie considérable des richesses et de la prospérité de Marseille. C’est sous ce rapport que les intérêts de l’administration, dans le département de l’ouest, s’unissent et se confondent avec tous les intérêts de Marseille; et telle est leur correspondance et leur union qu’on ne peut pas comprendre quelles pourraient être les raisons qui mettraient en opposition le véritable intérêt du commerce de Marseille, et celui des propriétés territoriales dont ce commerce favorise sans cesse les améliorations et le progrès. On a dit que les dépenses locales des villes maritimes avaient plus de rapports entre elles. 11 ne s’agit pas, sans doute, de celles que chaque ville doit faire dans le sein de sa propre administration, et quelle est, dans les villes moins considérables, telles que Cassis et Lacioutat, la dépense d’utilité publique qui puisse être d’une aussi grande importance pour Marseille, que celle des routes et des grands chemins, par lesquels s’entretient la communication de Marseille avec la France entière. 11 n’y a donc point de raison pour changer la divisiou des départements établis par le comité de constitution. Le vœu des députés de Marseille forme sans doute une autorité respectable. Une ville de 200,000 habitants a des droits sur l’attention de l’Assemblée nationale. Mais la voix de tous les députés de la Provence représente le vœu de 600,000 habitants, et leur suffrage unanime semble devoir justifierd’ouvrage du comité de constitution et le mettre à l’abri des changements, ASSEMBLÉE NATIONALE.* PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du mardi 2 février 1790 (1). M. Target ouvre la séance en donnant lecture du résultat du scrutin pour l’élection du Président. M. Bureaux de Pusy a obtenu 397 voix ; M. le baron de Menou 318; en conséquence, M. Bureaux de Pusy est proclamé Président, M. Target, ancien président, dit : « Si l’honneur de présider cette auguste Assemblée, lorsqu’il est déféré par vos suffrages, donnait les talents nécessaires pour remplir dignement cette place, je n’emporterais, en me confondant parmi vous, que la douce pensée que votre choix laissera toujours dans une âme sensible ; mais j’ai trop bien connu le poids des fonctions que vous m’avez confiées ; je les ai trouvées souvent trop supérieures à mes forces, pour ne pas sentir le besoin de votre indulgence. Elle n’est due qu’à mon zèle; mais, parla, du moins, je l’ai méritée, et vos bontés pour moi seront une justice que j’ose vous demander. Souffrez aussi, Messieurs, qu’en vous félicitant sur le choix de mon successeur, je regrette de le voir perdu quelque temps pour des travaux que j’ai partagés avec lui; il est au nombre de ces hommes généralement utiles, qui, lorsqu’on les entraîne à un devoir particulier, manquent toujours quelque part. » M. Bureaux de Pusy exprime sa reconnaissance pour le choix que l’Assemblée a bien voulu faire de lui pour son Président, et dit ; « Messieurs, j’accepte avec autant de reconnaissance que de respect, les importantes et délicates fonctions que l’Assemblée nationale me confie ; et quelque intimidé que je puisse être par les talents de mes prédécesseurs, j’ose espérer que l’indulgence qui m’a destiné à l’honneur de présider vos travaux ne m’abandonnera pas dans l’exercice difficile de cet emploi. » L’Assemblée vote des remerciements pour M. Target. M. le vicomte de Noailles, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. M. Pochet représente, sur l’objet relatif au département de l’ouest de la Provence, qu’il n’a pas été rendu compte dans le procès-verbal d’un amendement proposé par lui. L’Assemblée décide qu’il en sera fait mention dans le procès-verbal de lundi. M. Durand de Maillane demande à être entendu sur un objet particulier qui exige une prompte délibération. L’Assemblée déclare qu’elle veut passer à l’ordre du jour. M. Durand de Maillane insiste pour interrompre l’ordre du jour et pour porter à la connaissance de l’Assemblée un objet d’une extrême gravité. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.