640 [États gén. 1789. Cahiers.) sieurs seigneurs, tellement que le revenu qu’elle leur procure est souvent plus considérable que celui des fermages : les gardes, à l’exemple de leurs maîtres, s’en enrichissent, et l’on en voit journellement se retirer avec des domaines et de bonnes rentes. A l’article 14. — Des bêtes fauves. Les cerfs, les biches, etc., détruisent les campagnes par un malheur qu’on ne doit attribuer qu’à la division que les princes font de leur temps et des saisons pour leurs plaisirs ; cette chasse ne se fait, dans la Brie, que dans le temps où elle cause le plus de ravage aux moissons; elle ouvre, pour l’ordinaire, vers le 15 avril où la tige des grains commence à monter, et finit vers la fin d’aoùt, époque où la moisson est sur sa fin ; aussi cette chasse entraîne la destruction des récoltes ; ces cerfs étant chassés parcourent souvent huit à dix lieues de terrain en traversant les champs ; les hommes, les chevaux, les chiens les suivent, souvent même jusqu’aux voitures, sans que, pour le dégât de ses moissons, le cultivateur puisse employer d’autres voies que celle des gémissements et des larmes ; il dit seulement : C'est la chasse du prince qui me ruine, mais encore faut-il que je me taise. Aux articles 15, 16, 17 et 18. — Des dîmes. La subsistance des curés des campagnes étant payée bien cher par les dîmes soldes, c’est une duperie, un double emploi que de leur payer les mêmes droits ou casuels qu’aux curés des villes, qui n’ont point d’autres revenus; et il est injuste que le cultivateur, qui paye à son curé la dîme de tout ce qu’il récolte, soit encore obligé de lui payer par détail chacune de ses fonctions. La piété et le respect pour les morts ont toujours été de toutes les nations, et il est très-révoltant de voir porter en terre le cadavre d’un père, d’une mère de famille, d’un fils chéri, d’un citoyen vertueux, avec aussi peu de décence et de piété que celui du plus vil animal, sous l’odieux prétexte qu’il n’y a aucune ressource pour les curés dans la succession du défunt. A l’article 20. — Des pigeons. Le mal que font les pigeons dans ces deux temps ne peut se calculer ; sur la semence seule ils causent un grand quart de dépense, le laboureur étant obligé de semer un quart de grains de plus, à cause de ceux qu’ils enlèvent et que la herse n’a pu recouvrir. Lorsque les grains commencent à venir en maturité, ilsabattent les épis, les secouent, les égrènent et ruinent des pièces de terre en un moment. A l’article 21. — Des mendiants. Tout le monde connaît tous les forfaits, les crimes, les assassinats qui ont été commis dans le siècle par les mendiants, et combien il y en a parmi eux qui travailleraient, s’ils ne trouvaient pas autant de ressources dans l’exercice de la men dicité; ce sont autant de frêlons qui dévorent le miel des abeilles, et dont il faut purger la société, en faisant déposer le tiers des revenus des prieurés et abbayes du royaume dans la caisse municipale et nationale, pour les faire servir à leur primitive destination. On trouverait bien au delà de quoi secourir les pauvres, qui méritent de l’être, et le moyen de se passer de ces maisons de force, qui révoltent l’humanité, et où le citoyen honnête, mais pau-[Paris hors les murs.] vre, est toujours confondu avec des vagabonds et des scélérats. A l’article 22. — Des économats. Les économats n’ont rien d’économe que le nom, et il arrive très-souvent que les curés meurent insolvables, et que les paroisses sont obligés de faire faire au presbytère et à ses bâtiments des réparations qui les ruinent, faute d’avoir eu soin de les faire faire aux curés, de leur vivant. A l’article 23. — Du glanage. Rien n’est plus intéressant pour le cultivateur que de détruire les abus qui se sont introduits dans le glanage; non-seulement il sert de prétexte à la majeure partie de ceux qui glanent, pour voler et prendre dans les javelles et dans les gerbes, mais encore pour se dispenser de mettre la faucille ou la faux en main, et d’augmenter le nombre toujours trop petit des moissonneurs. Le glanage est, d’ailleurs, le partage des pauvres, et un moyen de subsistance qui doit leur être réservé. A l’article 24. — Des remises. Tout le terrain employé en remises est non-seulement un terrain perdu, un larcin fait à l’agriculture; mais comme elles sont encore un repaire pour tous les animaux destructeurs, comme le lapin, le blaireau, le lièvre et mulot, taupes, rats, pies, geais, celui qui les avoisine, et au milieu duquel elles sont établies, ne produit ordinairement que très-peu de chose, et contribue par là à la rareté et à la disette des grains. A l’article 25. — De V égalité des revenus des curés. Le service et le devoir des curés de campagne étant les mêmes pour tous, pourquoi ne leur donnerait-on pas à tous le même revenu? Ayant tous fait vœu de célibat, ils ne doivent avoirque les mêmes besoins ; leurs domestiques et leurs maisons doivent absolument se ressembler. Cette réduction à un revenu honnête pour chacun procurerait le moyen d’augmenter la portion des curés qui n’ont pas de quoi vivre, celui de rendre le sort des vicaires beaucoup meilleur, et d’encourager les maîtres d’école, les médecins et les chirurgiens qui soigneraient les pauvres ; elle remédierait au luxe de plusieurs d’entre eux, et les rendrait plus édifiants et plus sédentaires ou résidants. A l’article 26. — Des corvées. Rien d’aussi juste que de contribuer chacun à l’entretien des chemins publics, mais que ce soit en argent et non personnellement; parce qu’alors, ils seront mieux entretenus , plus promptement réparés, et qu’il en coûtera beaucoup moins; que surtout il soit fait, à l’avenir, un rôle particulier de ces sortes de contributions, et qu’on les comprenne dans le seul et unique impôt réparti également. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances des habitants de la paroisse de Lardy , généralité et élection de Paris (1). Remontrent cesdits habitants : Que l’objet le plus important et le plus pressant (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 641 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] dont on doit s’ocuper d’abord est la diminution du blé et autres grains de première nécessité, dont le prix est aujourd’hui exorbitant, vu la grande quantité qu’on en recueille dans ce royaume, dont le sol produit toujours beaucoup plus que la consommation, même cette année, malgré le fléau de la grêle. Que l’on doit pourvoir à ce que ces grains aient, à l’avenir, un prix fixe et invariablement maintenu à la portée du pauvre journalier. Qu’il est à désirer qu’il n’y ait, dans la suite, qu’un seul et unique impôt, sous la dénomination de taille, subvention territoriale ou autre; que cet impôt frappe sur tous les biens-fonds et droits réels du royaume, sur ceux du clergé, de la noblesse et du tiers-état, sans aucune exemption quelconque, ni égard pour les privilèges, dont l’abrogation doit être ordonnée. Que dans le cas où, par la suite, il serait nécessaire d’augmenter cet impôt pour raison de guerre ou autres causes suffisantes, cette augmentation ne soit ordonnée que par l’assemblée des Etats généraux, qui sera convoquée à cet effet, et n’ait fieu que pendant un temps limité par lesdits Etats généraux, après la publication de la paix. Qu’au moyen de ce seul et unique impôt de simple et économique perception, la ferme des aides soit absolument abolie, et qu’il soit permis à chaque particulier, son impôt payû,de boire ou vendre son vin comme il le jugera à propos, sans être assujetti à payer ce droit inique du trop bu, que la ferme appelle gros manquant, et qui ne tourne qu’au profit des fermiers. Que l’impôt du sel soit, sinon supprimé, au moins diminué des deux tiers, et qu’on ne puisse forcer les particuliers qui vont aux petites gabelles d’aller au grenier. Que les droits de contrôle et d’insinuation des actes reçus par les notaires soient aussi considérablement diminués, et qu’on ne paye, à l’avenir, qu’un droit modique pour l’enregistrement, eu égard, néanmoins, à la qualité de l'acte, ces droits étant aujourd’hui devenus arbitraires, particulièrement à la campagne, et dépendant du plus ou moins d’avidité du commis qui a le sou pour livre de sa recette. Qu’il est encore à désirer que, dans le commerce, les poids et les mesures soient rendus uniformes dans tout le royaume comme aussi la mesure des terres. Qu’il convient que les administrations provinciales soient conservées, mais qu’il est indispensable que les membres en soient nommés par l’assemblée des Etats généraux et que les assemblées municipales des paroisses, dont l’emploi est de donner des éclaircissements aux assemblées provinciales, soient composées de gens sensés et d’une probité intègre et reconnue. Que, dans le cas où il ne serait pas jugé à propos de supprimer totalement l’impôt établi pour tenir lieu de la corvée, cet impôt soit pavé par les trois ordres de l’Etat, proportionnellement à leurs possessions, et que le produit de chaque paroisse soit employé au rétablissement de ses chemins particuliers allant à d’autres paroisses ou aux marchés voisins, pour éviter les dégâts qui se font journellement clans les terres, où on est obligé de faire passer les voitures et les bestiaux, faute que les chemins soient praticables. Que les maréchaussées soient augmentées dans les villes, où leurs brigades sont en très-petit nombre, pour pouvoir maintenir l’ordre dans les villages circonvoisins; elles auraient alors une circulation plus régulière et pourraient empêcher, 1” SÉRIE, T. IV. entre autres désordres, que les fermes ne soient investies par des malheureux en bandes qui vont, à main armée, y exiger la charité. Que tous les cultivateurs aient le droit de détruire le gibier qui mange leurs récoltes, et soient en outre délivrés par la défense expresse des colombiers, de cette multitude de pigeons; il suffirait de les tenir enfermés, depuis le 1er mai jusqu’à la fin d’août, temps de leur plus grand dégât qui, indépendamment des corbeaux et des moineaux, viennent à tous moments et par centaines s’abattre sur leurs terres et ravager leurs grains de toute espèce, tant en semence qu’en cosse et en épis. Que le gouvernement veille à ce qu’il ne s’établisse dans les campagnes aucuD chirurgien qui n’ait été scrupuleusement examiné par les académies royales et jugé suffisamment instruit pour ne point laisser à la merci de l’ignorance des citoyens utiles, dont la conservation ne doit pas être si indifférente. Que, sur la réforme qu’il esta propos de faire d’un grand nombre d’évêques, et sur la réduction des revenus de ceux qui resteront, il soit fait à tous les curés de campagne des traitements honnêtes, pour les dispenser de la nécessité fâcheuse de se payer de l’exercice de la religion sur les récoltes de chacun, ce qui tendra encore au soulagement des campagnes. Qu’il soit désigné et affecté, dans chaque village, des communes pour faire paître les bestiaux et faciliter les élèves, trop négligés depuis longtemps, par le manque de pâturage. Tous les marécages et friches se mettent en terres ou en bois. Que l’impôt établi par les Etats généraux n’ait d’effet que jusqu’au retour de l’assemblée périodique des mômes Etats généraux. Que les vacations des huissiers-priseurs et de leurs crieurs ne soient point arbitraires, qu’elles soient remplies de quatre heures par séance , comme la règle l’ordonne, et que lesdites vacations soient fixées à une somme modique et immuable, sans pouvoir se faire payer plus qu’il ne sera jugé raisonnable. Signé Bouchet, syndic; Jacqueau ; Bauche; H. Rousseau ; Grenault ; Saunier; Renice; Car-quetille ; Laumone ; Guillemircet ; Siret ; Glaude ; Saunier ; Boucher ; Louis Gersant ; Mapart ; François Lehêvre ; Garnier. Signé et paraphé ne varieiur, en exécution de notre procès-verbal d’aujourd’hui, 14 avril 1789. Signé GûRT. CAHIER Des plaintes , doléances et très-humbles remontrances des habitants composant le tiers-état de la paroisse de Lassy , diocèse et élection de Paris, pour être présenté par son député à l’assemblée devant se tenir à Paris , et indiquée par il/, le prévôt , en la salle de l’archevêché , le 18 avril , relativement aux Etats généraux qui se tiendront à Versailles le 27, sous le règne de S. M. Louis XVI (1). Art. 1er. Nous, habitants de Lassy, légitimement convoqués est assemblés, protestons et jurons l’attachement et la fidélité la plus inviolable pour la personne sacrée de Sa Majesté. Art. 2. Nous demandons que la dette nationale (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit de Archives de V Empire. 41