[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mars 1790.) 2$9 intéressées, il propose, en conséquence, un décret qui est adopté en ces termes : « Que la demande faite par le bourg Saint-Ksprit-lès-Bayonne sera envoyée aux départements des Basses -Pyrénées et des Landes, lesquels enverront leur avis à l'Assemblée nationale, pour être statué, par elle, ce qu’il appartiendra. » M. le Président. V Assemblée passe à son ordre du jour et reprend la suite de la discussion sur la gabelle. M. Dupont (de Nemours) donne lecture de l’article 7 auquel il propose de substituer le mot revendeurs à celui de regraiiers et minotiers. (On entend un bruit de conversations.) M. Charles de Canieth demande que la loi du silence soit religieusement observée , afin que lorsqu’une motion est mise aux voix, on sache sur quel objet on vote. 11 se plaint que, depuis quelques jours, il a été impossible d’obtenir le silence. L’article 7 est mis aux voix et adopté ainsi qu’il suit: « Art. 7. Les revendeurs autorisés par la ferme générale à débiter du sel, et qui n’auraient pu vendre la totalité de celui qu’ils ont levé aux greniers de l’Etat, seront admis à l’y remettre, d’après les inventaires qui en seront faits; et la valeur leur en sera restituée, sans qu’en aucun cas ils puissent rapporter plus de sel qu’il ne leur en a été délivré lors de leur dernière levée : et pour jouir du bénéfice du présent article, lesdits revendeurs seront tenus de faire, dans les vingt-quatre heures de la publication du présent décret , à la municipalité du lieu de leur résidence, la déclaration de la quantité de sel de la ferme, qu’ils pourraient avoir entre les mains. Ladite quantité sera véritiée, dans le même délai, par la municipalité, qui prendra échantillon de la qualité. » M. Dupont (de Nemours) propose ensuite un article 8 qui tend à l’anéantissement de tous les procès pour fait de gabelle, sans aucun frais, et qui a pour but de rendre la liberté à tous les individus condamnés pour fait de contrebande. M. le marquis de Lancosne. Après avoir détruit un impôt aussi funeste que la gabelle, laisserez-vous un pareil bienfait incomplet, en ne rappelant pas, dans un nombre infini de familles désolées, des époux, des pères, des enfants, entin ce qu’elles ont de plus cher et de plus nécessaire à leur existence? Lorsque vous avez aboli le privilège exclusif de la chasse, votre humanité vous a porté à faire sortir des galères ceux qui avaient été condamnés pour fait de chasse, à faire cesser toute procédure et à annuler tous décrets et jugements rendus à cet égard. Pourquoi les malheureux coupables de simple faux saunage, qui ne sont prévenus ni de meurtre, ni de vol, ni d’aucun autre crime, gémiraient-ils éternellement dans les prisons ou dans les liens d’un décret? Ils n’ont été souvent privés de la liberté, que parce qu’ils ne pouvaient payer l’amende à laquelle ils auraient été seulement condamnés s’ils avaient été présumés en état d’y satisfaire; car c’est ainsi que les fermiers généraux et leurs tribunaux mettaient à prix la liberté et souvent la vie des citoyens. De l'argent ou aux galères ; c’est la seule consolante réponse que l’on faisait aux malheureux qui imploraient leur clémence. J’en parle de science certaine, cette réponse m’ayant ôté faite plusieurs fois, lorsque j’ai réclamé en faveur de pères de ire Série, T. XII. famille, que la misère avait engagé à faire momentanément la contrebande du sel. M. de Lancosne termine en proposant un décret en sept articles tendant à donner la liberté à tous les galériens et prisonniers pour le simple fait de faux saunage ; il établit différentes exceptions pour ceux qui, coupables d’autres crimes, ne pourraient sans danger être remis dan3 la société. M. Grelet de Beauregard demande la liquidation des offices de juridiction de grenier à sel. Cette demande est jugée prématurée. M. Goupil de Préfeln propose un amendement au terme duquel les détenus ne pourront être élargis que sur la réclamation des municipalités en exceptant les homicides pour fait de gabelle. M. le chevalier de Afurinais demande que la perception des amendes non payées soit suspendue et que les obligations extorquées aux prisonniers entre les deux guichets soient annulées. M. Roederer dit que ces obligations ont été faites pour prévarications ; que les amendes étaient de droit; qu’elles ont été prononcées suivant la loi et qu’elles sont méritées. Il demande la question préalable sur l’amendement. M. le Président prend les voix et l’article est décrété en ces termes : « Art. 8. Les procès criminels, commencés pour fait de gabelle, seront annulés sans frais. Le roi sera supplié de permettre 1e retour des bannis pour fait de gabelle seulement, et de faire remettre en liberté les détenus en prison ou aux galères, qui n’y ont été envoyés que pour la même cause; comme aussi d’ordonner qu’il soit pris des précautions pour assurer leur retour à leur domicile, conformément à ce qui a été précédemment réglé au sujet des détenus pour fait de chasse. » M. le Président. M. le baron de Menou a obtenu depuis plusieurs jours l’autorisation de soumettre à l’Assemblée un plan et un ordre de travail. Je lui donne la parole pour développer sa motion. M. le baron de ülenon (1). Messieurs, vous avez été envoyés, de toutes les parties du royaume, pour fonder une constitution. Chacun de vous a juré de remplir cette importante mission, et nous avons tous ensemble fait serment de ne plus nous séparer que cet ouvrage ne fût accompli. Pour y parvenir, il a fallu faire ce que jamais nation n’avait osé : détruire à la fois tous les abus, toutes les erreurs, rompre toutes les habitudes, et substituer la raison et la justice à [l’ignorance, aux préjugés et à l’intérêt personnel. Je sais que les détracteurs de nos travaux diront que nous avons tout renversé, que nous avons attaqué toutes les fortunes, que nous n’avons rien respecté ; mais pourquoi (répondrons-nous) la nation s’est-elle assemblée par ses représentants? parce que la chose publique était en péril, parce que les finances étaient dans un état de déprédation tel que la banqueroute était iné-(1) La motion de M. le baron de Meuoa est incomplète au Moniteur. 19