[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |27 août 1791.] 749 qu’il ne serait plus libre d’offrir, ou de revenus qu’il ne serait pas libre de donner quand on le voudrait et quand on le pourrait. Et comment concevoir de fixer constitutionnellement une quotité quelconque de contributions à supporter pour être électeur et éligible ? Pour que cette quotité pût être fixée comme constitutionnelle, il faudrait qu’elle fût immuable ; or, c’est ce qu’elle ne pourra jamais être ; donc, elle ne pourra jamais être constitutionnelle. En effet, le comité est convenu lui-même que les législatures pourraient apporter du changement dans le mode d’imposition. Si elles augmentaient les impositions directes en diminuant les impôts indirects, il est évident que cela devrait porter à augmenter la quotité des impositions directes à payer pour être électeur ou éligible. Si, au contraire, elles diminuaient les impositions directes, pour s’en tenir aux indirectes, il faudrait alors diminuer la quotité des impositions directes qu’il faudrait payer, à moins que de vouloir concentrer la multitude des places d’électeur dans un cercle étroit de familles opulentes, ce qui ferait renverser notre Constitution et établir cette aristocratie des riches, contre laquelle les popularistes défunts s’élevaient jadis avec tant de ferveur ; mais le nouveau mode qu’ils ont substitué a le même résultat : ce n’est qu’une phrase renversée et elle n’a qu’un vice de plus. Le changement que l’on propose est, dit-on, exigé par la nécessité d’épurer le corps électoral, et de le préserver de la corruption. Ces vices qu’on a remarqués dans les assemblées électorales ne m’ont point frappé; celui qui était Je plus apparent, c’était dans les assemblées primaires, et on ne vous a rien proposé pour le détruire. Gardez-vous donc, Messieurs, de rien changer en vous arrêtant à des inconvénients passagers qui ne sont dus qu’à des circonstances qui changeront tous les jours. Pour ne mériter aucun reproche de la nation, je pense qu’il faut appliquer la question préalable sur ces 2 articles, ainsi que sur la nouvelle rédaction des comités. M. de La Rochefoucauld. Le préopinant n’a pas bien examiné quelle a été la théorie du comité dans J’article qui vous est présenté. Il craint que ces dispositions n’amènent une grande variation dans l’état des citoyens ; et c’est précisément pour empêcher cette variation que les comités vous présentent le mode actuel. Ils prennent pour base de la condition d’éligibilité, non pas, comme ils vous l’avaient proposé d’abord, la quotité de la contribution, mais la matière imposable elle-même, représentée par un certain nombre de journées de travail ; d’où il résultera que, par la suite, le prix des journées de travail augmentant ou diminuant d’après le prix général de toutes les denrées, le taux suivra toujours cette proportion, et la condition des citoyens ne pourra jamais varier. ( Aux voix! aux voix!) M. Goupilleau. Je crois que l’Assemblée a senti que les bases que lui propose le comité, sont infiniment préférables au décret du marc d’argent. Ce n’est donc passer le fond de la proposition du comité que je crois qu’il existe beaucoup de dissentiment. Je crois qu’ou doit en adopter le fond, sauf les amendements qui pourront être proposés. M. d’ A llarde. Messieurs, le comité de révision, en vous proposant de déplacer la barrière posée à l’éligibilité, ...... ( Interruption . — Bruit.) Plusieurs membres : Fermez la discussion I (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. Ruzot. Je demande à faire une motion d’ordre. (Bruit.) Je demande que l’Assemblée détermine d’abord, par un décret, si elle veutchanger son mode de représentation. La seconde question sera desavoir si vous porterez le marc d’argent à la faculté d’être électeur. M. Démeunier, rapporteur. M. Buzot a commis deux erreurs capitales. D’abord, il pose en question ce qui a été décrété expressément, car, après une discussion de 2 ou 3 jours, vous avez renvoyé la question aux deux comités en y adjoignant le comité des contributions publiques. Vous avez donc décrété qu’il y a lieu à délibérer. Ensuite M. Buzot oublie que vous avez totalement changé votre système de contribution; qu’au mois de novembre 1789, lorsque vous décrétâtes le marc d’argent, alors subsistaient toutes ces impositions indirectes que vous avez abolies si justement, et auxquelles vous n'avez substitué que le timbre et l’enregistrement. Il est donc clair que, si vous voulez maintenir votre décret du mois de novembre 1789, vous devez élever les conditions que vous fixâtes alors pour être électeur. Voilà le 1er paragraphe de l’article : « Nul ne pourra être nommé électeur s’il ne réunit aux conditions nécessaires pour être citoyen actif, savoir : «Dans les villes, au-dessus de6, 000 âmes, celle d'être propriétaire ou usufruitier d’un bien évalué sur les rôles de contribution à un revenu égal« lavaleur localede 200 journées de travail, ou d’être locataire d’une habitation évaluée sur le3 mêmes rôles à un revenu égal à la valeur de 150 journées de travail. • M. Dubois-Crancé. L’article ne me paraît-pas suffisamment clair: ou bien, il renferme une erreur grave ; vous n’avez pas entendu, par exemple, priver du droit d’être électeur un citoyen qui a la valeur de 199 journées en propriété et de 149 journées en industrie. Je demande qu’il soit dit dans l’article que ceux dont les facultés foncières et mobilières réunies se montent aux taux fixés pour être électeur, puissent le devenir. M. Démeunier, rapporteur. J’ai déjà dit que c’était l’intention des comités, je demande que la proposition de M. Dubois-Crancé soit mise aux voix sauf rédaction. (La proposition de M. Dubois-Crancé est mise aux voix et. adoptée, sauf rédaction.) M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur le 1er paragraphe de l’article. (Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Voici le 2e paragraphe : « Dans des villes au-dessous de 6,000 âmes, celle d’être propriétaire ou usufruitier d’un bien évalué sur les rôles de contribution à un revenu égal à lavaleur de 150 journées de travail, ou d’être locataire d’une ha lutation évaluée sur les mêmes rôles à un revenu égal à lavaleur de 100 journées de travail. » (Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.) 750 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 août 1791. M. Démeunier rapporteur. Voici le 3e paragraphe : « Et dans les campagnes, celle d’être propriétaire ou usufruitier d’an bien évalué sur les rôles de contribution à un revenu égal à la valeur locale de 150 journées de travail, ou d’être fermier ou métayer de biens évalués sqr les mêmes rôles â un revenu égal à |a valeur de 400 journées de travail. .> Un membre demande si les 400 journées de travail mentionnées à la fin de ce paragraphe sont le revenu du domaipe entier ou de la jqqitié de la métairie. M. Ilémpnniep, rapporteur , répond que les 40Ô journées de travail s’appliquent à la valeur tqtaie du domaine. (L’Assemblée prdonpe l'insertion dans le procès-verbal de la réponse deM. le rapporteur, ainsi que de l’explication foqrpie par lui pu commencement de la discussion (je l’article relativement au seps attribué par les po mités aü mot « jné-tayer ».) M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur le 3° paragraphe de l’article. ‘ (Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.) M. Démennier, rapporteur. On pourrait insérer ici, eu 4e paragraphe, la proposition de M. Dubois-Cru ncé qui a été adoptée; il y a un instant, par l’Assemblée et què je rédigé ainsi : « Tout citoyen dont les facultés foncières et mobilières réunies arriveraient au taux de la faculté requise par l’article précédent, pourra être électeur. j> (Ce paragraphe est mis aux voix et adopté.) M. Roederer. Je propose, pour article additionnel, de rapporter le décret qui exige pour être éligible aux législatures, le pâyemènt d’une contribution directe égale à la' valeur d’un marc d’argent. M. Démennier, rapporteur. J’adopte; voici la rédaction que je propose : « Tous les citoyens actifs, quel que soit leur état, profession où contribution, pourront être choisis pour représentants de la nation. » (Cette disposition est mise aux voix et adoptée.) M. Goupil-Prételn . J’observerai, Messieurs, que les dispositions décrétées dans la séance de ce jour, sur l’éligibilité , ne doivent pas s'appliquer aux élections prochaines qui doivent être fuites conformément à la loi dû 2(| 'mai dernier. Je demande donc que le projet de décret dont je vais donner lecture soit décrété législativement et non comme article constitutionnel. Voici ce projet de décret : « La condition d’une contribution cjirectp équivalente à la valeur d’un marcd’af genf, et d’une propriété foncière quelconque éxFgée pour être éligible à l’Assemblée nationale, pat le décret du 22 décembre 1789, aura lieu seulement pour les élections qui se font ou qui vont se faire 1 n exécution de la loi du 29 mai dernier. » (Ce décret est mis aux voix èt adopté.) M. l’abbé Grégoire. Je propose, pour article additionnel, que lorsque plusieurs citoyens qui ne payeront pas, chacun en particulier, la sommé nécessaire pour être électeur, mais dont les cotés réunies s’élèveront ( Rires et murmures)... (L’Assemblée décrète qu’elle passe à l’ordre du jour.) Plusieurs membres : À l’ordre du jour ! M. le Président. Il est 2 heures ; je préviens l’Assemblée qu’elle a à se retirer dans ses bureaux pour la nomination d 'un nouveau président ( Applaudissements à V extrême gauche.) et de 3 secrétaires. M. Démennier, rapporteur. Il ne reste plus que les articles "sur la régence élective que nous pouvons décréter avant la fin de ia séance. (Marques d'assentiment.) Dans une discussion antérieure, qui s’est très prolongé'1, vous ayez statué que le Corps législatif, dans le cas de régence élective, n’élirait pas le régent. Vous avez renvoyé ntix comités pour vous présenter le mode d’élection; nous n’en avons pas trouvé de plus simple que celui que nous voqs proposons dans les articles siJiVants: Sur la régence élective. Art. l6r. * Si un roi mineur n’avait aucun parent réunissant les qualités ci-dessus exprimées, le régent du royaume sera élu ainsi qu’il va être dit aux articles suivants. » (Adopté.) Art. 2. « Le Corps législatif ne pourra pas élire le régent. » (Adopté.) Art. 3. « Les électeurs de chaque district se réuniront au chef-lieu du district, d’après une proclamation qui sera faite dans la première semaine du nouveau règne, par le Corps législatif, s’il est réuni; et s’il était séparé, le ministre de ia justice sera tenu de faire cette proclamation dans ia même semaine. » (Adopté.) M. Démennier, rapporteur, donne la lecture de l’article 4, ainsi conçu : « Les électeurs nommeront en chaque district, au scrutin individuel ©t à la pluralité absolue dès suffrages, un citoyen éligible à l’Assemblée nationale, auxquels ils donneront, par le procès-verbal de l’élection, un mandat spécial, borné à la seule fonction d’élire le citoyen qu’il jugera, en son âme et conscience, le plus digne d’êtrê régent du royaume. » M. Prieur. Je demande qu’on retranche de l’article les mots « à l’Assemblée nationale » et qu’on y substitue ceux-ci ; « domicilié dans le district. » (Cet amendement est adopté.) En conséquence , l’artieîe est mis aux voix dans les termes suivants : Art. 4. « Les électeurs nommeront en cjiaqqe district, au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, un citoyen éligible, domicilié dans le district, auquel ils donneront, par le procés-v%~ bal de l’élection, un mandat spécial, borüê à la seule fonction d’élire le citoyen qu’il jugera, én son âme et conscience, le plus digne d’être régent du royaume. » (Adopté.)