ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 12 novembre 1790.1 202 (Assemblée nationale.] miers pétitionnaires, dans laquelle ils exposaient que les officiers municipaux allaient être immolés parla municipalité de Strasbourg. Ils demandaient que la procédure fût renvoyée à un autre tribunal, que le décret de prise de corps lancé contre M. Westermann, et ceux d’ajournement personnel prononcés contre d’autres officiers municipaux, fussent annulés, ou qu’au moins il fût sursis à leur exécution. L’Assemblée s’en est tenue à la sévérité de la règle. Le comité en a conclu qu’il ne pouvait plus être question des faits ui font l’objet de l’information commencée à trasbourg, puisque l’Assemblée a jugé qu’il n’était pas nécessaire que l’information lui fût apportée : nous nous bornons donc aux faits qui sont du ressort de l’administration. Les officiers municipaux sont coupables d’avoir surpris un décret à l’Assemblée nationale, d’avoir employé les moyens les plus criminels pour s’opposer à la consommation du serment; ils sont coupables par leur résistance à l’avis du comité des rapports, par la démission combinée qu’ils ont donnée et qu’ils ont fait donner par le conseil général de la commune, ü’un autre côté, la conduite du commandant et de la garde nationale est digne d’éloges. Nous vous proposons sur tous ces faits le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, considérant que la municipalité d’Hagueneau, par la conduite qu’elle a tenue, a entretenu les troubles de cette ville, tandis que son devoir était de les calmer; que cette conduite est devenue plus répréhensible encore d’après la lettre de son comité des rapports, en date du 23 juillet, et qu’enfin, elle est devenue tout à fait inexcusable par sa démission illégale du 28 du même mois, dans laquelle elle a persévéré malgré le refus fait par ies commissaires du département du Bas-Rhin de la recevoir; « Déclare qu’elle improuve la conduite de la municipalité d’Ragueneau, et qu’elle est satisfaite de celle de la garde nationale et du sieur de Vos-tadt, son commandant; « Décrète que le roi sera prié de donner les ordres nécessaires pour faire procéder à l’élection d’une nouvelle municipalité; décrète, en outre, qu’il n’y a lieu de délibérer sur les diverses pétitions d’une partie des citoyens composant la commune d’Hagueneau, et que la procédure criminelle commencée en exécution du décret du 3 juillet dernier, sera continuée ». (Ce projet de décret est adopté sans discussion .) M. he Chapelier. Plusieurs difficultés ont été portées à votre comité de Constitution par des directoires de départements. Vous vous rappelez que vous leur avez confié toutes les fonctions de détail et d’exécution qui exigent de l’ensemble, de l’unité, une suite de vues, de l’expérience, et pour ainsi dire de la routine; mais ces fonctions doivent-elles être exclusivement exercées par le directoire? Les conseils d’administration ne sont établis que pour l'administration générale du département, pour toutes les lois dont l’exécution doit ensuite être confiée au directoire, et ne peut être suivie par une assemblée très nombreuse. Tout pouvoir particulier du directoire cesse au moment où il est réuni avec le conseil général. Il faut donc un décret spécial de l’Assemblée nationale pour les autoriser à conserver l’exercice des fonctions d’exécution; ii leur sera facile de trouver, dans l’intervalle des séances communes, le temps de se livrer à ces occupations. C’est d’après ces motifs que le comité de Constitution vous propose le projet de décret suivant : « Les directoires de départements et de districts ne cesseront point d’être en activité pendant les assemblées des conseils de départements et de districts. Ils continueront les fonctions particulières qui leur sont attribuées, les conseils de départements et de districts ne devant pas s’occuper des affaires d’exécution. Ceux qui composent les directoires ne pourront pas pour cela se dispenser ou être empêchés d’assister à l’Assemblée générale dont ils sont membres. » (Ce projetée décret est adopté.) M. le Président lève la séance à l’heure ordinaire. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 2 NOVEMBRE 1790. PREMIER rapport fait au nom du comité des monnaies, par Gabriel de Cussy, député du bailliage de Caen (1). (Imprimé par ordre de l’Assemblée nationale.) Messieurs, votre comité des monnaies, jaloux de répondre à la confiance dontvous l’avez honoré, a commencé par mesurer l’étendue des obligations que vous lui avez imposées. Bientôt il s’est convaincu que le zèle le plus ardent, le dévouement le plus entier à ses devoirs, seraient insuffisants pour remplir une tâche si difficile; mais une considération importante a ranimé son courage et relevé ses espérances. Vous l’avez autorisé, Messieurs, à appeler à ses discussions toutes les personnes capables de l’éclairer sur les diverses parties de législation et d’administration qu’il était chargé de préparer pour les soumettre à vos décisions. Dès lors, votre comité a conçu le noble espoir de soutenir la fortune publique en rappelant la confiance par la circulation, et en ranimant la circulation parla confiance. Pour parvenir à ce but, il fallait commencer par ramener la législation des monnaies aux principes de justice dont elle n’aurait jamais dû s’écarter; leur administration a des proportions que l’impéritie, ou une cupidité criminelle n’aurait pas dû déranger; leur fabrication a la fidélité qu’une probité sévère et une surveillance attentive eussent dû v maintenir, Mais pour vous démontrer la nécessité de rétablir ces principes, de restaurer ces proportions et de faire cesser les désordres effrayants qui s’étaient introduits dans cette partie de l’administration, il fallait des méditations de plus d’un jour; des observations de plus d’un genre; il fallait, en vous proposant la fin, vous offrir les moyens. C’est pour y parvenir avec la célérité que commandent les besoins de l’Etat, que votre comité s’est empressé de rassembler les personnes les plus versées dans la science politique et administrative des monnaies, dans la connaissance des changes et des proportions adoptées par les puissances étrangères, les personnes enfin qui, par leurs fonctions publiques, avaient été les plus à (1) Ce rapport n’a pas été inséré au Moniteur. (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, (â novembre 1790.] SOS portée de discerner les abus auxquels il est urgent de remédier. Votre comité a d’abord invité MM. Boutin et Fargès, conseillers d’Etat, et M. Valdeck de Lessart, maître des requêtes, commissaires institués par arrêt du conseil d’Etat du 25 octobre 1788, pour examiner et discuter tout ce qui a rapport à la fabrication des espèces, aux moyens d'en déterminer le titre, ainsi que la comptabilité des monnaies , et généralement tout ce qui peut tendre à l'établissement d’un meilleur ordre dans cette partie de V administration. Il a invité MM. de Fonlbonnais et Desrotours : le premier, paries connaissances profondes sur les monnaies et les services qu’il a rendus à l’administration dans cette partie, avait obtenu du gouvernement et mérité une place d’inspecteur général des monnaies que vous avez supprimée par votre décret du 13 août 1780; le second remplit depuis dix ans avec distinction la fonction importante de premier commis des monnaies ; ses judicieuses observations sur la déclaration du 30 octobre 1785, suffisent seules pour démontrer et ses lumières et ses talents. II a invité aussi MM. Dorigny, de la Châtre, Sylvestres deSacy, conseiller, et M. Cressart, substitut du procureur général de la cour des monnaies ; MM. Tillet, inspecteur général des essais, le chevalier de Borda et Lavoisier, membres de l’académie des sciences. MM. les députés extraordinaires du commerce près l’Assemblée nationale, sur l’invitation qui leur avait été adressée par votre comité, ontenvoyé à ses délibérations MM. Tournachon et Gresling. Votre comité d’agriculture et de commerce a pareillement envoyé MM. Oudort et Gillet, deux de ses membres. Enfin, M. Solignac, banquier de Marseille, vous ayant fait hommage, Messieurs, de ses méditations par une brochure intitulée : Essai sur la proportion de l'or et de l’argent ; cet ouvrage ayant fait connaître à votre comité que ce négociant possédait éminemment la science abstraite et difficile des changes et des calculs monétaires, votre comité a pensé que ses lumières et ses talents pouvaient être utiles à la chose publique, s'il l’appelait à ses délibérations. C’est avec l’aide de ces bons, de ces honorables citoyens, tons animés du même zèle pour le bien de l’Etat et la restauration de ses monnaies, que votre comité a préparé les divers arrêtés qui seront soumis successivement à votre examen. Il a pensé, Messieurs, qu’il était de son devoir de vous indiquer toutes les personnes qui ont acquis des droits à la reconnaissance publique, en accélérant ses travaux par le concours de leurs lumières. Je dois également vous faire connaître, Messieurs, que des divers plans de travail qui avaient été présentés à votre comité, celui de M. de Fort-bonnais ayant réuni le plus grand nombre de suffrages a servi de base à ses délibérations; il en a discuté les principes, et c’est d’après un long examen qu’il les a adoptés tels, à peu près, que ce savant les avait présentés. Fidèle au vœu de votre comité, je ne me permettrai de rien changer, ni à ces principes, ni même aux expressions qui ont servi à les exposer. Votre comité des monnaies, empressé de remplir vos vues, a conçu que des opérations partielles ne pouvaient mériter l’attention et obtenir le suffrage des législateurs , qu’autant qu’elles auraient pour base les grands principes puisés dans l’institution même de la monnaie. Dès lors, il a dû commencer ses opérations par établir ces principes, et en soumettre l’examen à votre sagesse, afin qu’ils deviennent nationaux et constitutionnels, lorsque vous les aurez adoptés; car la stabilité des monnaies et l’invariabilité de leur régime politique sont le premier des éléments qui assurent la prospérité du commerce et les fondements ducrédit public au dedans, comme au dehors des Etats. Quand même cette méthode ne serait pas indiquée par l’ordre naturel des idées et des choses, le '.désordre dans lequel l’oubli des principes, l’inexécution des lois sacrifiées à la cupidité, aux erreurs populaires, et enfin l’inexactitude de quelques manipulateurs, ont plongé les monnaies depuis ces dernières années, exigeraient que l’édifice fût repris sous-œuvre en entier. C’est à regret que votre comité se voit forcé de lever sous vos yeux l’appareil de la plaie monétaire, d’en sonder la profondeur et les sinus, enfin de vous alarmer peut-être sur de nouveaux maux ; mais si un devoir rigoureux lui prescrit impérieusement la vérité, il aura la consolation de vous indiquer, dans sa sévérité même , la facilité d’établir un meilleur ordre au moyen de sacrifices honorables de la part du Trésor public; de lier la restauration des monnaies à vos grandes opérations de finance, de manière à les corroborer ; et si un grand bien général se trouve entraîner indispensablement de petites pertes privées malgré la munificence nationale, votre comité des monnaies aura l’honneur de vous proposer tous les adoucissements qui pourront rassurer votre humanité sur cette classe de citoyens qui sera toujours le premier objet de votre sollicitude, parce qu’elle est faible et souffrante. La partie monétaire se divise naturellement en deux branches : l’une politique, l’autre mécanique. La première prescrit les principes sous les lois rigoureuses du calcul, la seconde exécute fidèlement les résultats de la première; et cette exécution doit être maintenue par des règlements, comme son exactitude doit être justifiée par la comptabilité. Cette marche claire a conduit votre comité à une série de questions, dont la décision peut seule le mettre en état de s’occuper des opérations que vous désirez, et simplifier à jamais l’organisation de la partie mécanique des monnaies. La première question a roulé sur la qualité intrinsèque des métaux qu’il convient d’employer dans les monnaies. L’or et l’argent sortent rarement des mines dans leur plus grand itegré de pureté, les manipulations pour les réduire en cet état sont dispendieuses. Depuis longtemps la plupart des peuples se sont déterminés à ne pas suivre les usages des anciens à cet égard, soit pour éviter ces frais, soit pour que les monnaies eussent plus de solidité fortifiées par-l’alliage, soit pour que le volume en fût plus considérable et plus maniable, à mesure que la mauvaise foi des souverains en augmentait la valeur numéraire par un calcul aussi illusoire pour eux, que désastreux pour les peuples. Depuis que la découverte des mines a rendu deux nations exclusivement distributrices de l’or et de l’argent, le degré d’alliage qu’elles ont employé dans leurs monnaies a beaucoup influé sur celui que les peuples commerçants ont adopté, soit à cause de l’économie du travail, soit à cause de son amélioration. Ainsi, le comité unanimement convaincu de la nécessité do se conformer à l’usage établi, et désirant s’occuper particulièrement des titres de la monnaie d’or et d’argent, a généralisé la propo- 204 (Assemblée nationale.] sition en admettant l’or et l’argent pour la monnaie. Mais l’utilité ou le désavantage d’allier une petite quantité d’argent sur une grande quantité de cuivre, composition appelée billon noir, ont été le sujet d’un examen. L’utilité d’avoir, avec un poids supportable et commode dans sa poche, des divisions de l’écu assez petites pour payer une certaine quantité de denrées, soit de subsistances, soit de besoins journaliers, a paru à beaucoup de politiques intéresser le bas prix de la main d’œuvre, la parcimonie qui convient à la pauvreté, à la médiocrité et aux habitants des provinces. Ce motif puissant a paru contre-balancé par les inconvénients attachés à cette monnaie. Elle est tendre et se fraie facilement à mesure que l’alliage du cuivre y domine davantage; ainsi il faut la renouveler souvent. Sa fabricat on est dispendieuse; et pour faire la valeur d’un marc d’argent, il faut au moins payer quatre fois cette dépense, qui tourne en pure perte pour le peuple à chaque refonte, indépendamment du frai ou usure. Si la refonte en est différée, il s’introduit par cette monnaie une disproportion énorme entre la valeur du cou'S et la valeur intrinsèque. Les biilonneurs étrangers et régnicoles en profilent pour apporter du billon noir, d’une même apparence à l’œil et presque toujours inférieur en titre, ou même absolument faux. Le peuple, trompé malgré le renouvellement des lois, livre en échange ses denrées ou ses bonnes monnaies. Si une refonte survient, il est la victime de sa propre incurie, puisqu’un gouvernement ne peut jamais être tenu de reprendre ce qu’il n’a pas donné, ce qui a été introduit frauduleusement contre ses ordres. L’état actuel du billon en France fournit la reuve malheureuse de ces vérités. Un tiers du î lion noir qui circule est étranger, ou faux en entier. Le véritable billon fait en bonne monnaie a peidu plus du tiers de son poids; et la perte du public, s’il était retiré en ce moment, ne peut être esiimée moins de six millions. Votre comité a donc cru devoir vous proposer de n’employer que le cuivre pur dans la petite monnaie. Cependant les circonstances ne lui ont pas paru propres à supprimer en ce moment le billon noir, ni même à prendre un engagement de bannir absolument cetie monnaie, jusqu’à ce que l’abondance du cuivre pur et d’une monnaie en argent bas aient mis le public en état déformer lui -même un vœu sur ses convenances. Quelque grand que sou le désordre qui résulte de l’introduction du billon noir étranger, et quoique cette tolérance puisse l’accroître, on peut observer que la défense de le mettre en sacs en terni ère beaucoup l’irruption. Votre comiié s est donc borné à vous proposer de décréter « que l’or, l’argent et le cuivre pur « seront employés dans la fabrication des mon-« naies ; que le billon noir qui existe subsistera « dans son cours ; mais qu’il n’en pourra être « fabriqué de nouveau qu’eu vertu d’un décret « de l’Assemblée nationale. » La seconde question a roulé sur la mesure qui servira à déterminer le poids dont on fera usage, pour exprimer les quantités employées. G’est une belle idée, sans doute, pue celle d’une mesure universelle; mais quand même a tte mesure serait arrêtée et convenue, il serait impossible sans une refonte générale ne nos monnaies d’or et d’argent de l’employer, à moins que i’iden-(2 novembre 1790.] tité de rapport ne se rencontrât parfaite avec notre poids de marc. Car la quantité d’or pur et d’argent pur, qui se trouve dans une pièce de monnaie se vérifie parla différence qui se trouve avant et après l’essai, entre les pesées au poids de semelle, qui n’est autre chose qu’un extrait abrégé du poids de marc : c’est sur ce poids de marc que s’est faite la taille des pièces de monnaie, et c’est de ce poids et de ce titre que dépend leur valeur intrinsèque dans le commerce. Pour changer toutes ces expressions, il serait donc indispensable de refondre toutes nos espèces, opération dont le désastre ne serait pas compensé par l’avantage de l’uniformité. Ainsi, votre comité a jugé convenable de vous proposer de décréter, « que le poids de marc déposé à la « cour des monnaies, continuera de servir à dé-« terminer le poids de toutes les divisions des « monnaies. » La troisième question agitée dans votre comité a eu pour objet le rapport que devaient avoir entre eux les métaux monnayés et non monnayés. Voilà deux rapports sous lesquels il est essentiel de considérer l’or et l’argent. D’abord convertis en monnaies, ensuite hors d’œuvre, c’est-à-dire considérés comme marchandise avant leur conversion en monnaie. L’étendue de la matière et de la discussion, et l’utilité de restreindre les idées dans les bornes d’une précision nécessaire à la clarté et à la justesse des résultats, ont engagé votre comité à subdiviser la question. On a d’abord établi les faits. Ensuite on a partagé la discussion eu quatre points généraux : 1° La proportion établie, en 1785, entre l’or et l’argent monnayé, doit-elle être conservée? 2° Si elle ne doit pas être conservée, quelle est celle qu’il convient d’adopter? 3° Convient-il de la rendre invariable, et quelle en serait la méthode? 4° Quel sera le mode employé pour établir la proportion adoptée? Pour plus d’ordre et de simplicité, la considération sur l’or et l’argent hors d’œuvre, ou en état de matière brute avant leur conversion en monnaie, a été renvoyée à la question qui concerne la traite sur le monnayage : car cette traite comprend l’impôt sur le monnayage, appelé communément seigneuriage, et les frais sur la fabrication, sans lesquels la monnaie, dans ses divisions, ne serait autre chose, dans le commerce, qu’un lingot paraphé, et deviendrait universelle conformément au vœu de la raison et de la politique favorable aux peuples. Le fait que présente le rapport numéraire de l'or à 768 livies le marc de 32 louis est son . échange avec 15 marcs 4202996 d’écus à 49 1. 16 s. chacun. Mais ce rapport de 1 à 15 429, à peu près, n’est pas égal intrinsèquement par le fait, tant de la fab'ication, que des remèdes employés. Par l’une et l’autre cause qu’on ne peut se dispenser de mettre au grand jour, le marc de louis d'or ne peut être considéré que contenant réellement 4,141 86474,608 grains pesants d’or pur, et le marc d’écu que 4,151 86474,608 d’argent pur (1). D’où résulte iotrin.-è juement le rapport d’é-(1> On a parti de l’emploi enlier des remèdes, comme le font les étrangers pour évaluer les monnaies de leurs voisins. Mais ces remèdes, dans le fait, ne sont pas toujours employés en entier. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 205 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [2 novembre 1790.} change de 1 à 15 30/59 au lieu de 1 à 15 4/9 : ou abrège les fractions pour ne pas fatiguer la mémoire et L’attention. Et de cette différence on recueillera en passant deux observations : La première, que l’étranger a plus d'intérêt à spéculer sur la sortie de notre argent, que la proportion numéraire ne l’indique. La seconde, qu’une partie du désordre effrayant qui existe dans nos monnaies procède de l’impôt sur le monnayage trop souvent abandonné aux spéculations des intérêts particuliers. Ces prémisses établies, votre comité a procédé à l’examen de la question, si la proportion établie en 1785 par la refonte de l’or devait être conservée. Un des membres de l’ancienne administration, invité à votre comité, lut un mémoire qu’il avait offert, au commencement de novembre 1785, sur les dangers de l’opération, au président du conseil des finances qui en refusa la communication. Votre comité a regardé ce mémoire comme renfermant avec clarté les principes les plus sains sur la matière des proportions; les prédictions frappantes qu’il renfermé et réalisées p.ir l’événement, nous ont engagé à l’insérer dans le rapport à l’Assemblée nationale; d'ailleurs, il contient la discussion de détail que présente la matière pour son intelligence. Observations sur l’opération monétaire du 30 octobre 1785 (1). L’or et l’argent sortent matériellement des mines chaque année dans le rapport de 54 à 55,000 marcs du premier contre 15 à 1,600,000 marcs du second environ; ce qui semblerait, au premier coup d’œil, établir entre eux la proportion d’échange de 1 à 24. Mais il n’en est pas ainsi à beaucoup prés, et il est remarquable que chez les Romains, suivant l’opinion des savants, le rapport était de 1 à 10. Il s’est longtemps conservé tel à la Chine, où les Européens l'ont fait monter douzième par leur commerce de matières d’argent; elle fut dixième sous la première race de nos rois, onzième sous le règne de Pépin, et, par l’ordonnance de Pistes en 854, elle fut réglée onzième 1/2. En 1641, en Allemagne et à Milan, la proportion n’était encore que douzième ; en Hollande et dans les Pays-Bas, 12 1/2 ; en Angleterre, 13 1/5; en Espagne, 13 1/3; en France, 13 7/8, et c’était la plus haute de l’Europe. Il fallait donc que dans les temps anciens l’or fût Comparativement plus abondant en proportion que l’argent dans les mines exploitées; mais il est encore plus certain que cette révolution a été l’effet de l’esprit de commerce en Europe. Deux peuples ont presque exclusivement la propriété des mines abondantes. Les Portugais qui n’ont que de l’or, et dont c’est la denrée d’échange, lui ont donné une haute estime en comparaison de l’argent, dont ils n’ont pas de mines. Les Espagnols, qui ont plus d’argent que d’or, avaient intérêt de lui donner plus d’estime qu’à l’or ; ils l’ont fait à diverses reprises; et voyant les deux métaux fuir également de chez eux, ils ont cru devoir y fixer l’or et lui donner une plus haute estime. Leur conduite à cet égard a varié comme leurs systèmes d’administration, parce qu’ils n’ont encore pu se résoudre à connaître que les métaux appartiennent définitivement à ceux qui travaillent pour leurs consommations. Entre ces différences, les peuples sans mines ont dû diriger leurs combinaisons relativement à la manière la plus sûre de favoriser par préférence la consommation de leurs denrées dans les pays possesseurs des mines, en leur donnant un avantage pour le payement. Le voisinage de l’Espagne, l’étendue de ses colonies et leur population, l’abondance de ses mines d’argent, ont déterminé la France à attirer son argent par préférence à son or, en lui accordant un degré supérieur d’estime relative au change de ses monnaies ; et après diverses variations, ce rapport avait éié fixé de 1 à 14 5/11. Cette politique était sage, parce que l’argent, plus susceptible de divisions, est dès lors plus favorable pour prévenir le renchérissement des denrées, et en quelque sorte la monnaie naturelle du commerce intérieur. Cela convenait d ailleurs aux circonstances de la France, où les espèces étrangères n’ont plus cours comme dans les autres Etats, où 1rs payements par transports ou par papier-monnaie sont moins accrédités, où par diverses causes les obstructions de la circulation sont plus fréquentes, les alarmes plus vives sur la confiance, et plus autorisées par l’expéiience. L’intérêt du commerce du Levant, de l’Asie, de l’Afrique, où l’on porte de l’argent, qui y est plus estimé que l’or relativement, influa encore sur cette détermination. Enfin la France, toujours créancière en temps de paix, à moins de révolutions de crédit ou de mauvaise administration, parut avoir moins besoin de l’or, qui est la monnaie propre du commerce étranger à cause de la facilité du transport. En Angleterre, comme dans presque tous ies autres Etats de l’Europe, les gros payements se font de gré à gré en espèces étrangères : il y a plusieurs banques qui facilitent dans les trois royaumes les payements par transport; ainsi l’effet des proportions y est moins sensible. Elle a, pendant la paix comme pendant la guerre, de grandes exportations d’or à faire habituellement par la nature de son commerce, l’étendue de ses approvisionnements en munitions navales, par ses intérêts politiques ou par ceux de la maison régnante; ainsi l’or y est plus commode. Il l’est également pour le dépôt des banques. Enfin ses liaisons avec le Portugal, qui ne paye qu’en or, et chez lequel le traité de commerce de 1704 lui assura longtemps de grands privilèges exclusivement, om encore coucouru essentiellement à lui conseiller de donner à l’or un degré supérieur d’estime relative. Cependant l’Angleterre, à diverses reprises, a baissé sa proportion, non par une refonte fiscale également contraire au crédit et à la bonne foi, mais en baissant le prix de la guinée. La dernière fixation fut, en 1717, de 21 sous sterling pour la guinée, au lieu de 21 sous 6 deniers. L’illustre Newton, inspecteur général des monnaies, prouva, par son rapport aux lords de la trésorerie, et imprimé, que la rareté de l’argent provenait de la proportion trop haute : mais en déconseillant cependant d’y toucher, de peur d’altérer le crédit au dedans et au dehors ; persuadé d’ailleurs que la rareté de l’argent le ferait renchérir, et corrigerait elle-même son excès au moyen du libre cours des espèces étrangères. Le parlement, frappé de cette disette de l’argent, ne laissa pas de baisser le cours de la guinée à (1) Novembre 1785. 20g [Assemblée nationale.1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 novembre 1790.] 21 sous sterling ; il y a resté et fixé la proportion de 1 à 15 15/69. En 1753, un très habile homme, M. Magens, donna un petit ouvrage savant sur les monnaies, et y démontra que la proportion de l’or était trop haute en Angleterre ; que la pénurie de l’argent aurait demandé que le prix de la guinée fût baissé à 20 sous 6 deniers sterling, c’est-à-dire de 2 1/2 0/0; mais par les mêmes raisons que Newton, il conseilla de n'y pas toucher, ajoutant que l’or lui paraissait préférable par la facilité du transport à l’étranger, pour épargner à la nation le désavantage des changes dans l’occasion. C’est une des attentions de la banque de maintenir l’équilibre entre les métaux lors des grandes exportations qu’exige le commerce. Nous sommes loin de ces soins. Le hollandais habile qui s’occupe du commerce des reventes, qui fabrique des ducats d’or à la loi de l’empire pour toute l’Allemagne, qui s’est rendu l’arbitre des négociations du change en Europe, a constamment conservé et conservera son rapport de 1 à 14 2311517, et dès lors un peu plus bas que celui de la France, qui par la réduction des fractions était de 1 à 14 2331517. La Hollande cependant a conservé son or, et en France on se plaint d’avoir perdu le sien par la basse proportion. La raison est que, dans tout pays, l’abondance des métaux ou leur rareté procède d’une cause fort supérieure à celle des proportions entre l’or et l’argent, c’est-à-dire de la balance du commerce. La proportion peut bien donner matière à un agio mercantile passager, et dont l’excès se corrige de lui-même, qui peut même atténuer quelquefois le profit de cette balance, mais jamais anéantir son influence prépondérante. Elle est certainement contraire à la France depuis deux ans entiers, par le fait même de son administration. 1° On a cru utile de faire paraître une grande masse d’argent en circulation pour favoriser les emprunts. On a accaparé par des opérations forcées et des surachats ruineux pour le roi, et encore plus pour le commerce national, presque toutes les piastres arrivées depuis la paix. Ainsi, on a rendu la France débitrice de toute la portion qui appartenait aux étrangers dans ces piastres; 2° La France n’a eu que peu de part depuis la paix au commerce de ses colonies et n’a pu payer cette dette par ses remises sur les consommateurs du sucre, du café. Ainsi, par le concours de ces deux causes, et par la facilité accordée à l’introduction de tout ce qui vient d’Angleterre sans équivalent, le change depuis deux ans entiers est ruineux pour ta France, au point qu’il ne serait pas impossible de prouver 18 millions de perte pour l’Etat, sur 100 millions de commerce. Comme entin il faut payer, il n’est pas surprenant qu’il ait sorti de notre or. L’immense quantité de guinées qui est sortie des voûtes de la banque de Londres pendant la dernière guerre, et qu’il faut prudemment remplacer à la paix ; le peu d’or qui est arrivé du Bengale à cause des dépenses anglaises dans l’Inde, ont pu concourir encore à donner de la faveur à ce payement eu louis d’or (1). (1) Preuve certaine que la prétendue rareté actuelle de l’or n’est que passagère, c’est qu’une très légère remise accordée sur le seigneuriage par M. Turgot, faisait arriver pour 1,200,000 francs de guinées par mois à la Monnaie de Paris. M, Necker la supprima, et l’or cessa d’arriver . Mais au fait; ou bien nous devons, ou bien nous ne devons pas. Si nous devons, nous nous sommes acquittés avec bénéfice, puisque notre marc de louis d’or vaut intrinsèquement 11 livres de moins que le marc de guinées, et que le cours populaire l’a porté de tout temps à Londres au même prix de 21 sous sterling la pièce. Get or nous était venu par la balance du commerce, malgré la basse proportion ; nous l’avons revendu plus cher en diminution de notre dette, c’est un grand avantage. Enfin, si nous devons, les nouveaux louis suivront les anciens, et seront évalués par les Anglais créanciers suivant leur poids et leur titre. La perte sera pour les débiteurs français comme elle l’est à notre égard pour les débiteurs espagnols, malgré les variations du gouvernement sur les titres et les proportions. Si nous ne devons pas, il est évident que les Anglais et tous autres deviendraient nos débiteurs par leur spéculation; qu’indispensablement ils nous le rendraient avec intérêt, soit en argent, soit en denrées commerciales, soit en revirements de parties sur d’autres pays. Il est donc démontré que le changement de proportion était une opération au moins parfaitement inutile en soi. Ce n’est pas tout : on l’a prétextée de l’avantage du commerce, et par le fait elle est ruineuse pour lui. Marchons à la preuve, car rien n’est si physiquement soumis au calcul que la monnaie. Soit apporté au change un marc d’or au titre des louis de 21 k. 22/32, il contiendra par conséquent 4,164 grains pesant d’or pur. U sera payé en nouvelle monnaie 748 livres 15 sous 2 deniers, et cette valeur numéraire ne contiendra effectivement que 4,059 grains d’or pur. Il y a donc une retenue au profit du roi en perte intrinsèque pour le propriétaire, de 105 grains d’or pur, c’est-à-dire de 2 1/2 0/0, pour ne pas évaluer en perte les frais de la fabrication. Au contraire, par le tarif de 1771, le porteur aurait reçu une valeur numéraire de 709 livres seulement ; mais cette valeur aurait contenu effectivement en louis d’or 4,100 grains pesant d’or lin. Ainsi, la retenue en perte pour le propriétaire n’était que de 64 grains d’or pur, ou 1 1/4 0/0 en n’évaluant pas en perte les frais de la fabrication. Personne n’ignore à la fin du dix-huitième siècle, que le commerce calcule uniquement le poids effectif d’or pur ou d’argent pur qu’il reçoit au change de la monnaie en échange des matières qu’il y porte; que plus la retenue qui s’y fait de matière fine est forte, plus il faut vendre cher; que plus on vend cher, moins les acheteurs sont tentés; que l’étranger qui voudrait déposer quelque temps son or en France pour l’en retirer au besoin, y sera d’autant moins invité qu’il éprouvera plus de diminution. Ces axiomes politiques sont connus des plus minces calculateurs. Get effet très fâcheux, très contraire à la prospérité de l’Etat, vient de ce que le seigneuriage, qui n’était que de 8 livres 10 sous sur l’or par le tarif de 1771, se trouvera de 17 livres sur la nouvelle fabrication, sans compter les frais de la fabrication. Il est donc de la plus scrupuleuse évidence qu’on a ôté d’une main au commerce étranger ce qu’on annonçait de donner de l’autre, et qu’en résultat final on repousse l’or étranger sans attirer l’argent ; que la déclaraiion contient une contradiction manifeste entre le motif etle fait qu’elle ordonne. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [2 novembre 1790.J $07 Le public est donc forcé de reconnaître que la fiscalité a seule présidé à cette opération; fiscalité désastreuse par ses suites, également alarmante pour les étrangers et pour le peuple français, et qui ne peut qu’altérer la considération politique de cet Etat, en voyant en pleine paix, qui devrait être un temps d’ordre, renouveler le signal des refontes fiscales proscrites depuis soixante an nées autant pour l’intérêt du roi que pour celui de ses sujets, si jamais cet intérêt peut être séparé en honneur et en conscience (1). Cette fiscalité sera d’ailleurs éludée, comme il est toujours arrivé constamment dans dépareilles occasions, par la cupidité des billonneurs et des faux monnayeurs, que ce doublement de seigneu-riage va tenter. Les contrefaçons seront d'autant plus commodes, que la fabrication nouvelle est très mal faite, faute de mesures; car la petite quantité, frappée à la monnaie, des médailles n’est qu’une parade pour la cour. Dès que la fabrica-- tion sera contrefaite, Dieu sait à quel titre elle le sera, et avec quelle perte pour le royaume! Ce sont les faits passés depuis 1689 jusqu’en 1726, que l’on rassemble en abrégé. Ces considérations méritent la plus sérieuse et la plus prompte attention de la part du gouvernement. Le seul remède palliatif serait de porter le prix du marc de vieux louis à 757 livres au lieu de748 livres 15 sous 2 deniers; alors le seigueuriage serait réduit sur le même pied qu’auparavant : on paraîtrait n’avoir eu en vue que de réformer véritablement la proportion, soit à tort, soit à raison. Cette mesure serait d’autant plus juste, qu’un grand nombre de louis, sans être altérés d’empreinte, sont frayés de poids au delà de la valeur des 20 sous accordés; ce qui accroît les murmures du peuple, déçu par la tournure de l’expression. Il a tort sans contredit de ne pas entendre sa langue; mais l’empreinte de la monnaie qu’on l’oblige de rapporter étant encore très bonne et très durable, n’est-ii pas dur, et peut-être injuste, défaire supporter au public le gain de 12 grains par marc fait par le roi sur le poids du vieux marc lorsqu’il a été délivré, en le payant avec une nouvelle monnaie qui, au sortir du balancier, porte encore le même déchet au profit du roi? De manière qu’outre le seigueuriage, le roi a fait deux profits de 12 grains chacun, et les particuliers deux pertes de 12 grains de poids chacune. Cela va chercher 4 livres 11 sous par marc. Sans doute, ce remède de poids est une chose nécessaire, accordée à l’imperfection de l’art, et à l’accélération du travail; mais dans une refonte qui n’est pas forcée par l’usure de l’espèce, il semble que la justice étroite exigerait que le public en fût dédommagé sur le prix de la matière. Par ce palliatif, l’opération se trouverait restreinte au seul objet du changement de la proportion, dont il est apparent qu’on se repentira bientôt; car elle n’aura d’autre effet en France, que d’y faire faire en or les payements de l’étranger par préférence à l’argent. Or, il ri’y sera trouvé aucun avantage réel, si l’on se rappelle les motifs qui avaient déterminé la proportion basse, et qu’on y ajoute les considérations suivantes ; (1) N’est-ce pas, en effet, abuser de la crédulité du peuple et compromettre la majesté royale que do dénoncer qu’on fait participer le public au gam d’une refonte, dont l’uique objet est de lui soustraire 6 gros 48 grains d’or sur quatre marcs qu’il apporte ? Car l’opération consiste à dire : je vous rends, pour ccs 4 marcs seulement, 3 mars 7 onces 1 gros 24 grains ; mais vous direz que vous êtes plus riche, quoique vous ayez 7 gros environ de moins du même or. 1° Nous passons subitement à un extrême : or, toute extrême produit une crise, une révolution. Ou a toujours vu en monnaie et dans le commerce qu’elle tourne contre celui qui la produit; au moins par l’inquiétude qu’il donne. Toute l’Europe est en société de crédit; c’est l’altérer brusquement, que de franchir un si grand intervalle qni dérange la combinaison des payements avec un pays tel que la France. Car le pair du change se calcule sur le moyen terme résultant de la parité sur l’or et de la parité sur l’argent : il ne faut pas se méprendre là-dessus. Mais cela se rassoiera... ; on l’espère, si l’on se conduit bien. Cependant, pourquoi avoir à réparer? Un demi siècle avait à peine suffi à rétablir l’honneur de nos principes monétaires ; qui peut prévoir les conséquences de cette rechute? 2° Nous perdrons sur le commerce de la bijou terie en or et des dorures. Car l’étranger trouvait auparavant chez nous deux motifs de préférence ; la main-d’œuvre, peut être, et ensuite quelque faveur sur le prix de la, matière première qui l’engageait à se soumettre au droit de contrôle; 3° Les peuples possesseurs des mines, sont ceux auxquels nous avons dû avoir principalement égard pour favoriser leurs achats chez nous par préférence. L’opération n’y réussit pas. même en rectifiant le double seigneuriage. C’est une affaire de calcul. La proportion des Portugais est de 1 à 15 79/99; c’est-à-dire un peu plus de 3/4 : nous nous mettons à 15 1/2, et l’Anglais est à 15 1/4. Mais nous n’aurons pas pour cela la préférence parce que l’Angleterre ne prend aucun droit de seigneuriage. Celui de la nouvelle fabrication surpasse ce 1/4 excédant de notre nouvelle proportion, ainsi qu’il a déjà été démontré; et, en rectifiant son excès de moitié, à peine nous trouverons nous au pair de l’Angleterre, puisque le roi prendra encore 1 1/4 0/0, pour l’impôt du seigneuriage qui n’a pas lieu en Angleterre. Quant à l’Espagne, elle a varié sans cesse; en 1730 sa proportion était seizième; de là, en 1772, elle a porté le rapport à 14 41/148; ensuite, sur une fausse fabrication de pistoles d’or en 1772, qui est annoncée au nouveau tarif malgré la parole donnée eu 1775 (peut être mal à propos) à M. l’ambassadeur de n’y pas donner de publicité, sur la promesse que cela serait rectifié, la proportion se trouva de 15 22/41 : enfin, par la cédule de 1779, elle sut fixée seizième, et peut-être, en vérifiant bien ses titres, trouverait-on peu d’uniformité de rapport d’échange. Quoi qu’il en soit, il n’est pas justes d’asseoir, sur la proportion de l’Espagne et ses variations, les principes à suivre par un état vendeur et créancier. Et la conséquence sera la même que pour celle du Portugal, à l’égard de notre commerce dans les payements en or. Mais, de plus, comme il est évident que l’Espagne a plus de millions à distribuer en argent qu’en or, il est évident que nous donnons à cet argent d’Espagne un attrait pour entrer en Angleterre par préférence; tandis que nous ne serons qu’au pair pour son or, même eu rectifiant l’opération. C’est l’inverse absolument de ce qui existait : et l’on ne peut regarder cette démarche comme politique, ni même indifférente pour la prospérité de ce royaume. La -preuve est encore que affaire de calcul fort simple. Si un Espagnol veut payer en Angleterre des denrées quelconques, de la valeur d’un marc d’or fin, il trouvera l’économie de la valeur de trois quarts de marc d’argent fin, en y fai- 208 [Assemblée n&tieaale.] sant son payement en argent : car la proportion anglaise est de ces trois quarts plus basse que la sienne. Mais s’il a à payer en France, il aura un peu plus d’avantage à porter son or que son argent, par préférence, parce que la proportion y est de 15122; au lieu qu’avant l’opération, il gagnait un marc et demi d’argent lin à payer en France, préférablement avec ce métal ; tandis ue l'Angleterre ne lui donnait que trois quarts e marc d’argent lin, sur la valeur d’un marc d’or fin. Donc l’Espagnol avait intérêt défaire ses achats en France par préférence. C’est ce qui était à diwmtrer : et voilà les effets de la proportion 14 5211, et de la nouvelle 15 122. Depuis 1726, on a fabriqué en France, en argent, environ pour un milliard et demi, et pour 970 millions en or. Donc, la balance du commerce forçait l’or d’enlrer chez nous dans une proportion matérielle à peu p ès égale, sinon, supérieure à la production des mines; puisque nos arts et notre luxe en ont beaucoup employé. Le s ul commerce du gros et du menu bétail, et celui des foires en emploie au moins 400 millions qui ne circulent pas à Paris. Les réserves de chaque famille aisée ou prévoyante dans la province, sont en or par préférence. Nous n’en avons donc pas autant perdu qu’on le suppose. Ranimez votre commerce, il rentrera promptement. Surtout n’oublions pas qu’un peuple habile dans le commerce, le prise particulièrement par la facilité de son ex oortation. Les artistes en ont fondu...; eh bien, la monnaie est une manufacture lucrative en France: que dirait-on d’un fabricant de draps qui se plaindrait qu'on use trop d’habits? �Un orfèvre fond seize louis pour employer dans une tabatière qu’il revend vingt-cinq : il a mis en circulation 600 livres oisives; ou bien il a fait entrer dans le royaume pour vingt-cinq louis de valeurs en échange de seize. D’ailleurs, la consommation des manufactures est bornée, mais inégale ; si, dans un moment, elles ont employé plus d’or, dans un autre elles en emploient moins, et cet excédaut reflue au change de la monnaie. Il est donc probable qu’il faudra revenir sur ses pas, et bientôt par une nouvelle convulsion. Mais ce qui est formidable et digne de la prévision du gouvernement, c’est que quelque donneur d’avis ne manquera pas de proposer un jour d’y remédier par une opération sur l’argeut, et une refonte fiscale des écus. li serait très patriotique et du fidèle service du roi, de mettre sous les yeux de Sa Majesté tous les malheurs que les refontes ont causés dans ce royaume, sur la fin du règne de Louis XIY : que le principe de la stabilité de monnaies avait fait depuis 1726, la prospérité de la culture, du commerce et du crédit : enfin, que les surachats sont l’expédient le plus onéreux et te plus injuste envers le commerce national, qui puisse être employé dans ses affaires, en quelque occasion que ce suit. Si réellement on croyait la proportion trop basse, il eût été plus simple et plus digue d’un grand monarque, après mûre délibération au dedans et au dehors, on ose le dire, de porter la valeur du louis d’or à 25 lives. Et si l’on a le courage de convenir d’une erreur et de la réparer, ce serait le plus solide de retirer les nouveaux louis et d’en revenir à ce parti [t novembre 4790.) qui peut être motivé sans honte et même avec gloire. Cette mesure porterait la proportion à 15 5283 et nous conserverait la préférence très importante de l’argent des Espagnols. Si rien n’avait éié fait et qu’on en fût encore à la délibération, il y aurait eu un parti plus habile et plus simple à prendre; mais lorsque la confiance est altérée, il convient de se conformer aux usages établis (1). La discussion sur cette importante matière, a développé que tous les vices dont une opération monétaire pouvait se trouver entachée, se trouvaient réunis dans cette désastreuse opération, c’est-à-dire le principe et l’exécution. Car intrinsèquement et par le fait de la labncation, le rapport intrinsèque entre l’or et l’argent monnoyés se porte de 1 à 15 30259 au lieu de 1 ;à 15 4 là : Que son prétexte avait été de donner à l’or une plus haute estime relative qu’à l’argent; mais que l’effet a été d’ouvrir la carrière à des spéculations pour nous dépouiller d’une partie de notre arg. nt. Que, par son effet, le travail de notre peuple pour l’Espagne a dû diminuer, tandis que l’Espagne avait plus d’intérêt à employer l’ouvrier anglais. Preuve : Soient supposéi s deux pièces de toile parfaitement égales en qualité, l’une française, l’autre anglaise, dans un même marché, et dont l’échange avec l’or, soit équivalent à 692 3022 d’or. Un espagnol se présente et n’a que de l’argent : le Français estimera sa pièce 4,053 1/4 grains de fin, l’Anglais esiimera la sienne 3,990 324 grains de tin, différence 62 1/2 grains de fin qui font 1 once 5 gros 64 grains pesant d’argent tin, ce qui revient à 1 5216 020 : lequel des deux méritera la préférence de l’acheteur espagnol? lequel l'obtiendra? De ce calcul à la portée de tout le monde, résulte la maxime évidente qu’un Etat agricole et industrieux doit régler ses monnaies d’après les mesures les plus propres à procurer à son peuple la plus grande somme de travail possible chez les peuples qui récoltent les métaux ; et non d’après les instabilités et les calculs illusoires de ces peuples, pour la conservation de leurs trésors. L’étendue de la France, sa population, la manière dont ses manufactures sont la plupart conduites avec de médiocres capitaux, indiquent le besoin de préférer ie métal le plus commode à diviser en pentes parties. L’Espagne possède dix à douze fois plus d’ar-geut que d’or dans ses mines : elle borne nos frontières, nos ports sont presque contigus, nos liaisons, nos intérêts communs dans l’ordre politique, nos habitudes, nos factoreries fondées : tout nous présente des motifs pour préférer ce commerce à tout autre. Par conséquent, il nous convient de faciliter, plus qu’aucun de nos voisins, Je payement de la solde que nous pouvons en retirer. Votre comité, en résumant tant de motifs cumulés, a pensé unanimmeeut qu’il n’était pas convenable aux intérêts de la nation de laisser subsister une proportion défavorable au travail de notre peuple pour l’Espagne, dont l’effet a concouru à la fuite de notre argent, et n’a eu d’objet véritable qu'une fiscalité aveugle. 11 ne vous dissimulera point que d’autres causes incidentes y ont concouru ; mais ces causes concurrentes ARGHIYES PARLEMENTAIRES. (1) Ici finit le mémoire de 17S5. [Assemblée nationale.} cesseront, et peut-être d’autant plutôt, que la cause calculée cessera plus vite. Enfin, cette dernière subsisterait encore lorsque les autres auraient disparu, et vous empêcherait d’en apprécier au juste la diminution. La deuxième subdivision a été d’établir quelle prooortion devait être substituée à celle de 1785. La discussion de la première proposition a établi que le règlement de notre proportion devait avoir pour première base d’augmenter l’intérêt que les propriétaires des mines trouveraient dans le payement de nos denrées par préférence à celles des autres peuples agricoles et industrieux. Mais deux peuples récoltent inégalement l’or et l’argent. Le Portugal n’a que de l’or, l’Espagne récolte dix à douze fois plus d’argent que d’or, et la somme de la récolte du Portugal en or. Ainsi, notre intérêt nous porte à donner une préférence décidée à l’argent. Cependant ce ne serait pas une raison pour donner à cette préférence une mesure excessive et adopter la proportion la plus basse de l’Europe. Il convient d’attirer l’argent, sans repousser l’or. Quoique la domination anglaise dans les Indes orientales, ait apporté et doive encore apporter, tant qu’elle durera, d’assez grandes sommes en or en Europe pour le rendre insensiblement plus commun et pour faire baisser son estime relative, il n’en paraît pas pour cela moins prudent de n’embrasser aucun excès. Car des considérations secondaires doiveht concourir à établir le rapport entre l’or et l’argent. C’est en partie par la dépense que la France et l’Angleterre font dans le reste de l’Europe, que les métaux de l’Amérique passent aux peuples ui sont au milieu des terres, ou qui manquent e relations directes avec tes propriétaires des mines, chacun de ses Etats a une proportion établie suivant ses préjugés, ses convenances locales, ses jalousies de commerce. Cette variété de rapports en produit une dans l’évaluation et la solde des échanges effectifs que nous avons à faire avec eux. En écartant trop notre proportion de la leur, nous pourrions leur donner un avantage trop marqué dans nos échanges respectifs, payer trop cher relativement les denrées qu’ils nous vendent, et leur vendre les nôtres à trop bas prix relativement. De plus, cetie variété de rapports donne lieu à des spéculations mercantiles, qu’on appelle communément commerce du change. Leur produit, borné à peu de chose au delà de l’intérêt de l’ar-geot, ne laisserait pas de produire quelques écoulements sensibles et multipliés, si nous nous écartions d’eux d’une manière trop marquée. C’est ce qui est arrivé lors de la malheureuse refonte de 1785. Sans doute, ce commerce ne peut jamais nous dépouiller en entier; car il faut ou bien qu’une matière rentre en remplacement d’une autre, ou bien qu’elle soit compensée par les denrées que nous consommons. Mais elle est capable, ou bien de diminuer le bénéfice de notre balance, ou bien d’augmenter notre perte si nous en éprouvons une momentanément, comme à présent. Enfin, ces spéculations chez des peuples surtout qui ont l’argent à 2 1/2 0/0, peuveut entretenir la baisse des changes qui pèsent sur toute la masse de votre commerce ; baisse dont on ne peut faire cesser la perte qu’en exportant des matières pour payer. Or, dans ces cas, si l’un des métaux est évalué trop haut relativement, on éprouvera une perte effective dans le payement, lr* Série. T. XX. 209 ou un écoulement disproportionné du métal le moins apprécié relativement. On doit encore observer que l’or étant naturellement le métal le plus commode et le moins dispendieux à exporter, il ne convient pas à un Etat comme la France de l’estimer relativement beaucoup plus bas que les autres. Le célèbre Dutot pensait que le rapport devait rouler sur 14 5/7; votre comité l’a évalué 7/9, cela se rapproche fort et tient le milieu entre l’ancienne et celle de 1785. Il s’agit, en consultant les divers rapports suivis en Allemagne, en Italie et dans le Nord, de trouver cette moyenne proportionnelle. La proportion est : En Angleterre de ..... 1 à 15 15/69 En Hollande ....... 1 à 14 231/517 A Genève ........ 1 à 14 71/100 A Venise ........ 1 à 14 82/100 A Gênes ......... 1 à 14 91/100 A Toscane ........ 1 à 14 51/100 En Autriche ....... 1 à 14 16/100 (1) A Saxe ........ . 1 à 14 77/100 En Flandres ....... 1 à 14 51/100 D’après les tables de Paucton. Entre ces proportions dans l’Allemagne, celle de l’Autriche est la plus basse de ........ 1 à 14 16 100 Celle de Saxe la plus haute de. 1 à 14 77/101 La plus basse en Italie est celle de Toscane, de ....... 1 à 14 51/100 Et la plus haute, celle de Gênes. 1 à 14 91/100 Ges Etats voisins ne se nuisent pas entre eux, puisqu’ils conservent leurs proportions ; et il a paru à votre comité que la France établissant la sienne entre ces extrêmes, observerait la plus convenable pour elle. Elle a été proposée de 1 à 14 7/9, et elle n’a pas paru avoir d’inconvénient, en ce qu’elle nous conserve tous nos avantages avec TEspagne, comparativement avec l’Angleterre ; qu’elle nous rapproche du Portugal plus que l’ancienne de 1 à 14 21/46 intrin-èquement; qu’elle est à peu près semblable à celle de la Saxe, pays florissant, et moins haute qu’à Gênes, l'une des principales places de change avec l’Italie. Des motifs supérieurs qui vont se développer dans l’examen des deux subdivisions suivantes, ont achevé de décider votre comité pour cette proportion. Mais ce serait s’exposer à la confusion que d’anticiper sur l’ordre des idées. La troisième subdivision de la discussion sur la matière du rapport d’échange des monnaies roule sur la convenance de rendre invariable la proportion calculée la meilleure, et la méthode pour y parvenir. G’est une vérité évidente par elle-même, que le rapport d’échange entre l’or et l’argent, considérés comme denrées, est l’effet d’une convention commerciale, qui dépend du besoin du moment, et ce besoin a lui-même des causes variables à l’infini. La quantité de ce qui en est extrait des mines ; la guerre ou la paix ; les dépenses d’un grand Etat au dehors ; les temps des grandes foires de l’Europe, de la récolte des soies; des conquêtes mêmes; les guerres et les révolutions dans l’Asie, où l’or est relativement plus abondant qu’en Europe, et moius estimé que l’argent : tout cela produit des vicissitudes continuelles daus l’abondance relative des métaux, et par conséquent dans les conditions de leur écha ige. L’Angleterre, en peu d’années, a (1) Le cours populaire l’a forcé de monter à 14 52/100. 14 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 novembre 1790.) 2io {Assemblée nationale.) importé de l’Asie en Europe, plus de 200 millions en or. Il y a donc une impossibilité physique et une contradiction perpétuelle entre le fait et la loi qui fixe également à la fois le prix des deux métaux monnayés, d’une manière invariable. L’essence des choses est inaltérable et la qualité de monnaie ne peut absolument dépouiller l’or et l’argent de leur nature de denrée; les hommes les plus profonds, tels que Locke, Newton, Law, Magens et Dutot parmi nous ; enfin , d’autres hommes profonds de tons les pays, ont unanimement pensé, qu’il suffisait que le prix de l’une des deux monnaies fût invariablement fixé: que l’autre monnaie eût un cours usuel, réglé d’après les convenances générales, et relatives de la société, d’un poids, d’une taille. et d’un titre déterminés ; mais susceptible d’une tolérance qui l’élèverait ou l’abaisserait de gré-à gré dans son prix, suivant les besoins du commerce qui peut seul les arbitrer sûrement. Votre comité, en approfondissant ces principes, s’en est d’autant plus facilement pénétré, que l’exemple de la Hollande, où le prix de l’or seul est invariablement fixé avec une tolérance de 3 à 7 0/0, est d’un grand poids dans cette matière. Cette méthode est d’autant plus essentielle à observer en France, qu’avec moins de calcul et d’esprit de commerce, nous n’avons pas, comme en Angleterre, une banque qui a intérêt à maintenir le prix des métaux dans un état habituel, qui n’excède pas certaines bornes, et qui, par sa richesse, est en état de prévenir toute spéculation des joueurs à la hausse ou à la baisse des métaux. La liberté remplira par elle-même cette fonction essentielle, si nous ne méconnaissons pas l’étendue de ses ressources. Mais une considération supérieure a déterminé principalement votre comité en faveur de cette mesure. C’est que parle fait, et malgré la loi qui le défend, la monnaie d’or acquiert souvent dans le commerce, un prix supérieur au cours qu’elle a assigné, et ce prix dépend des circonstances. Le besoin force les barrières d'une loi inexécutable; et c’est un désordre moral très grave. Mais en adoptant la méthode hollandaise, le comité n’a pas cru devoir se conformer à la préférence que la Hollande a donnée à l’or, pour lui accorder la fixité, et servir de terme invariable à la comparaison. L’or plus transportable, et à moins de frais que l’argent, est dès lors plus variable dans la marche du commerce, et des causes qui le rendent rare ou abondant. Ainsi* l’argent paraît devoir être en France le terme invariable, de la comparaison. L’écu et ses divisions ne doivent point y être soumis au cours populaire, et ne pourraient l’être sans le plus grand danger pour là stabilité du pair du prix du change, pour l’encouragement du billonnage qui n’a que trop abusé de la crédulité d’un peuple simple et ignorant, pour lui soustraire sa richesse réelle et intrinsèque. La monnaie d’or, au contraire, est d’une forte valeur, sans petites divisions, et en masse beaucoup moins considérable. Elle n’est pas enfin la monnaie de la multitude et du pauvre qui doivent être le premier objet de la sollicitude des législateurs. C’esi donc à la monnaie d’or qu’il convient d’assigner un cours usuel et légal pour le com-meice de détail; mais avec une tolérance dont le commerce sera seul l’arbitre, parce que lui seul peut l’apprécier en connaissance de cause. La liberté tiendra un niveau général. L’Etat sera débarrassé de l’inquiétude et de l’anxiété à [2 novembre 1790. | laquelle le condamnait incessamment la cupidité des spéculateurs intéressés à profiter des plus légères différences accidentelles dans le rapport des métaux, soit par les vicissitudes du commerce, soit par les règlements particuliers et arbitraires des princes et des Etats voisins. On ne verra plus de ces refontes désastreuses, où le prétexte de suivre l’impulsion du commerce servait de moyen pour le livrer au glaive de la fiscalité; pour empirer les espèces, ou bien substituer des valeurs idéales à un poids effectif de matières fines, dont on dépouillait les peuples pour leur plus grand bien. Enfin, la sagesse d’un seul jour préparera aux yeux de l’Europe les erreurs ou la honte du passé. D’après ces principes, vorte comité des monnaies vous proposera le projet de décret suivant : « La fabrication de l’or de 1785 ayant porté la « valeur des louis d’or au delà de leur valeur in-« trinsèque, et proportionnelle au cours desmar-« chés de l’Europe ; ce qui a favorisé des spécu-« lations dangereuses sur l’extraction de la « monnaie d’argent hors du royaume : l’Assem-« blée nationale décrète, qu’à l’avenir il sera as-« signé en France aux espères d’or un prix au-« dessous duquel le créancier ne pourra refuser « de les recevoir ; mais qui pourra être aug-« mérité de gré à gré seulement, suivant les be-« soins du commerce. » Ce serait sans doute la place de proposer le mode d’appliquer ce principe : mais votre comité se réserve de vous présenter les détails à cet égard, lorsque les autres principes sur les mon u aies auront été décrétés, pour n’en pas interrompre le fil. Le quatrième examen que votre comité des monnaies s’est proposé dans l’ordre général de son travail, a été de déterminer la quantité et la qualité qui seraient employées dans la portion principale de chaque espèce de métal destiné à être converti en monnaie. Votre comité des monnaies, ayant déterminé de vous proposer la fixité du poids et du titre de l’argent mounayé tels qu’ils sont réglés aujourd’hui ; que le titre et le poids de la monnaie d’or tels qu’ils ont été ordonnés en 1785, ne pourront être changés que par un décret de l’Assemblée nationale ; il ne restait à parler que de la monnaie en argent bas et de la monnaie de pur cuivre. Sur la monnaie d’argent bas, le comité des monnaies a reconnu que l’augmentation et l’a-téralion successive de la monnaie d’argent ne permettaient pas d’élever arbitrairement le titre de ce haut biilon ; parce que les pièces doivent avoir assez de largeur pour devenir usuelles dans les mains d’un peuple impatient : que l’exiguïté des pièces les empêchait d’être maniantes, occasionnait leur perte, les confondait trop dans la poche de gens toujours pressés et distraits par les détails de la vente : que les pièces de 6 sous comme les demi-louis, avaient dans leur temps été trouvées incommodes par les pauvres et par les riches, au point que la fabrication en avait cessé d’après le vœu au public. Que, d’un autre côté, il fallait que les pièces eussent une profondeur ou épaisseur suffisante pour recevoir l’effort du coin et du balancier d’une manière solide. Enfin, il lui a été observé que cette matière ayant éié agitée plusieurs fois depuis 1756, entre les personnes de l’administration des membres du bureau du commerce et des magistrats de la cour des monnaies, il avait été constaté par des essais d’alliage et de fiaons, que la proportion ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [As«embleà üâtioÛSlè.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 novembre 1790, j de cet alliage ne devait pas être aü-dessous de six deniers pour conserver sa couleur. Mais comme il n’est pas possible à votre comité des monnaies d’en établir aucune, jusqu’à ce que vous ayez décidé les bases générales dont il doit partir, il a renvoyé les détails qui concernent le mécanisme de cetie monnaie tant à l’égard du titre, que la dénomination des pièces principales et de leurs divisions au moment de l’exécution. Et il s’est borné à vous proposer de décréter en général : « QU’il sera procédé à la fabrication d’une mon-« naie en Urgent bas, qui contienne au moins en « fin la moitié de son poids ; telle qu’il en résulte « des pièces de monnaie d’une taille commode « pour le public et contenant rigoureusement une « quantité de grains pesant d’argent fin, corres-« pondante à la division qu’elles représenteront « dans l’écu : que la dénomination et les divisions « seront établies d’après celle de la livre de 20 sous. Mais avant de quitter cette matière, le comité desmounaiesdoit vous faite plusieurs observations importantes et qui exigent une prompte décision. 1° Il est nécessaire et même indispensable de refondre les pièces de 6 sous, de 12 sous et de 24sous,soit parce qu’elles sont extraordinairement frayées et effacées, soit parce qu’il ne faut avoir des pièces de monnaie d’une valeur inégale et dont la taille et la couleur soient à peu près égales. lia été fabriqué eu pièces de 6 sous 90,000 marcs valant aujourd’hui intrinsèquement, à cause du frai, aü plus 4 millions : environ 300,000 marcs de pièceà de 12 sous valant aü plus aujourd’hui, à cause du frai, 10 millions. Environ 600,000 marcs de pièces de 24 sous valant au plus aujourd’hui, à cause du frai, 20 à 23 millions. Ainsi, sur ces espèces, il y aura au moins en perte, parle frai seulement, au moins 13 millions sur les seules espèces de France, qui seront reconnues être de bonne monnaie. Mais il existe peut-être pour la valeur d’un tiers en sus de pièces étrangères d’un litre inconnu, et que l’anarchiedu billonnage a introduites de toutes les parties de l’Europe; il eu est dans le nombre qui ne sont autre chose que des pièces de métal blanc d’un titre et d’une composition inconnus. Tout a cours par la friponnerie des uns et l’ignorance des auuvs. La variété est telle qu’il est impossible de se former, par les essais, une idée juste du titre. Si l’Etat les reçoit à son change, la perte du Trésor public sera incalculable, par t’inoûdatioQ qui eu surviendra sur-le-champ: et cent millions pourraient n’y pas suffire en ce cas. Si, d’après les anciennes ordonnances, elles sont présentes de droit et ne peuvent être reçues qu’à la fonte et en lingots comme matières, i’altinage déduit, là perte du public sera considérable, mais sans qu’il puisse se plaindre que de lui-même, qui s’est obstiné à enfreindre les proscriptions réitérées1 depuis 20 ans. Il existe cependant une classe d’hommes innocents et pauvres, surtout dans les campagnes, dont la vie toujours précaire dépend du travail pour autrui, et à qui ie besoin nu travail ne permet pas d’être difficiles Süh la forme du salaire. dés hommes précieux et faibles en auront peu, et il y aurait un moyen praticable de venir à leur secours; mais si cet expédient est connu, il favorisera une fraude dangereuse; et il ne serait pas juste que la piété et l’humanité devinssent des instruments de l’iniquité. Eu pareil cas l’Assemblée nationale pourrait autoriser le pouvoir exécutif à prendre des mesures pour le soulagement des citoyens nécessiteux jusqu’à lacondür-rence d’iine certaine somme, et le comité dès monnaies donnerait à cet égard Un plan d’une exécution facile et propre à prévenir les àbus. 2° Le comité des monnaies estimé qu’il serait indispensable de se procurer une sommé d’avance en matières d’argent et en cuivre équivalente à quinze ou vingt millions, pour faire face, aussitôt que cette somme serait fabriquée, à l’échange des pièces à retirer de la circulation, afin que le public n’attende pas, et que la lenteur dos opérations ne donne lieu à aucune fraude ni billonnage qui résuileraitcertainement du concours des unes et des autres dans ie commerce. D’autres dispositions seront encore nécessaires à l’exécution ; mais le comité des monnaies a cru devoir mettre ces deux observations sous les yeüX de l’Assemblée nationale. La monnaie de cuivre à également fixé l’attention du comité des monnaies. Il a reconnu que le métal avait un cours si variable, qu’il devenait impraticable de fixer sa proportion avec l’or et l’argent; que déjà il avait été fabriqué pour des sommes si considérables de cette monnaie, que certains cantons en étaient surchargés; qu’en effet, indépendamment de la quantité qui existait anciennement, il en a été fabriqué légalement, depuis 1768, pour 7,487,940 liy. 7 s. 9 d., à un prix assez disproportionné au poids, et les probabilités les plus grandes portent à croire que cette quantité a été fort excédéê sans l’aveu de l’administration ; qu’il serait à désirer que l’administration s’occupât du reversement d’un endroit dans un autre, afin de ne pas se surcharger d’uae monnaie que les ordonnances du royaume ont sagement défendu, notamment en 1596, de donner forcément bd payement aü delà de cinq sols; qu’ancienneinent, il ir'en était fabriqué que sur la demande des provinces ; que les notables y veillaient, soit afin quefa quantité ne fût pas excédée, soit afin qu’il n’y eût pas une trop grande différence entre la valeur réelle et le cours, sur une matière tendre et que le frai altère promptement; enfin, qu’il était nécessaire que cette fabrication fût très soignée. D'après cet examen, votre comité a arrêté de vous proposer de décréter * qu’il sera fabriqué « de la monnaie de cuivre pur avec l’empreinte « et la fabrication là plus belle et la plus ré-« guliére qu’il sera possible. » Après s’être occupé du litre et du poids des monnaies, de leur rapport d’échange, du genre des monnaies convenables à la circulation et de la dénomination qu’elles doivent prendre, l’ordre naturel du travail du comité des monnaies l’a conduit à l’examen de l’expression numérique ou idéale qui devra leur être attachée, soit en comprenant les frais sans bénéfice oü aved bénéfice, soit en faisant des frais un article de ia dépense publique. Depuis 1726 et antérieurement, là monnaie à supporté un droit ou impôt appelé seigrieuridge ; et en outre les frais de la manufacture surchargés de droits eu faveur des officiers titulaires employés à la fabrication, essai, contrôle et surveillance de chaque atelier. Le droit de seigûeüriagè a été successivement diminué eu faveur du commerce; d’abord de deux deniers pour livre, ensuite dequatre etdehuitlinalement; et ces remises ont été comprises, en 1771, dans la valeur da marc, lors du tarif rédigé en cette année. Gélârif réduisit à un et un huitième pour cent l’impôt sur la monnaie qui était alors beaucoup plus fort sur l’or que sur l’argent, et lé roi n’en profitait pas §12 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 novembre 1790.J par le désordre des tarifs. La même faute fut faite eu 1785, puisque le seigneuriage sur l’or fut porté à 2 1/2 0,0, tandis que celui sur l’argent restait à un et 1/8 0/0; ce qui était une contiadic-tion du motif allégué de favoriser l’apport de l’or. Partie de cet impôt est perçue en poids et en titre, partie en argent. Ce qui explique l’empirance graduelle: des monnaies pour procurer un plus fort revenu aux dépens de la foi publique. Mais rarement le prince en profitait, et c’est ce qui a accru le désordre; car, lorsque la monnaie a été fabriquée pour le compte du roi et à son profit, les administrateurs prévenaient sagement l’empirance et bornaient le seigneuriage. Mais depuis que la faveur, sous le prétexte de faux besoins d’argent, dans la circulation, arrachait aux ministres des surachats; ce qui a presque été sans interruption paix et guerre depuis 1759; les individus privilégiés auxquels l’impôt était abandonné, s’entendaient avec les fabncateurs pour pressurer le produit et approcher de l’empirance. Car les administrateurs auraient paru toucher à l’arche sacree et porter un œil indiscret sur le secret des finances, s’ils eussent insisté fortement sur cet abus qui pesait encore plus sur le commerce et les changes que sur la finance publique. Aussi, c’est avec un grand étonnement, et sans doute par routine de comptes, qu’on a toujours vu le bénéfice des monnaies porté à 500,000 livres; dans les années de prospérité, la fabrication sans surachatsou sans refonte, n’a guère roulé qu’entre 30 à 40 millions, qui n’ont pas dû porter le bénéfice jusqu’à la somme de 500,000 livres; et si l’on en retranche les années de surachats soit partiels, soit entiers, peut-être en 50 années ne ferait-on pasuneannéecommunede250,0U0 livres. Le comité des monnaies, d’après cet aperçu, n’a pas hésité à porter unanimement le vœu de la suppression d’un impôt de un et un huitième 0/0 sur la masse de notre commerce actif et passif avec l'étianger; d’un impôt auteur de tous les désordres monétaires; appas éternel pour la cupidité des surachals; privilège d’autant plus dangereux qu’il grève d’une charge inconnue les changes et les opérations du commerce général sous le faux semblant d’un service public, quoique entièrement illusoire dans l’ordre général et naturel des choses. Il a encore reconnu, dans celte suppression, le moyen unique d’empêcher que jamais les monnaies ne pussent tomber dans l’écharteté, en accordant au labricateur, au lieu d’un remède en dedans sur le titre, la valeur d’un grain de fin au delà de ce titre toutes les fois qu’il s’y trouverait lors du jugemeut de l’espèce. Ce serait en effet le moyen unique de maintenir la fabrication de nos écus sur le pied actuel, sans qu’il y eût entre les espèces anciennes et les nouvelles une différence assez sensible pour tenter l’avidité du billonneur. Quelque désirable que fût cet état, il en serait un plus désirable encore pour la prospérité publique, plus noble et plus digne d’une grande et loyale nation, dont les mesures seront fixes désormais et toujours invariablement guidées vers le plus grand bien social. Cette monarchie en a une fois recueilli les fruits par les soins de Colbert, et ce fut un des plus beaux monuments de son administration. En 1679, la monnaie fut fabriquée aux dépens de l’Etat; on rendait poids pour poids et titre pour titre. Les historiens ont remarqué, et entre autres Le Blanc qui fait autorité dans ces matières, qu’incontinent on vit en ce royaume une affluence de matières d’or et d’argent dont on n’avait jamais eu l’idée. Ce fut sans doute le ressort qui porta si haut le succès de nos manufactures; car tout est lié dans les plans des grands hommes. Cette prospérité s’éclipsa avec le principe et lors des refontes de 1689. L’Angleterre, constamment habi le, jouit de cette heureuse police, et fait de la fabrication de la monnaie un article honorable de la dépense publique. Ce n’est pas que le prélèvement des frais de la fabrication soit injuste; car l’empreinte de la monnaie certifie à l’étranger de son poids et de son titre; et c’est sur la foi de cette empreinte qu’il est dispensé de la fonte de nos espèces, qu’il a la faculté de leur donner cours partout. Cette remise peut donc paraître un luxe à l’économie parcimonieuse. On peut confirmer cette opinion, en observant que les auistes pourraient être plus souvent tentés de fondre les espèces, et occasionneraient des faux frais à la nation. Enfin, cette dépense se présente sous l’aspect d’une somme de 5 à 600,000 livres. Ces objectious ont été reconnues en partie vraies et solides; mais on n’a pas laissé d’objecter que le pair du change se calcule sur le fin effectif contenu dans nos espèces; que l’écu ne sort qu’autant que la perte du change excède 3 0/0 environ ; et que, dès lors, en cas de b lisse du change, il est évident que l’étranger ne nous tient pas compte des frais de la fabrication sur nos achats, tandis qu’en nous renvoyant nos écus pour acquitter les siens, il nous fait tenir compte de ces frais; d’où il résulte que nous payons plus sur ce que nous achetons, et que nous recevons moins sur ce que nous vendons, par l’effet des frais du monnayage. La fonte des matières emporte des frais et des déchets de la part de celui qui fond, ce qui le retient. La dépense, sans doute, est un objet à considérer; mais il est des dépenses productives qu’un gouvernement bien ordonné met au nombre de ses améliorations. Les gratifications à la sortie de nos marchandises à l’étranger sont un des plus habiles expédients que la combinaison des politiques ait embrassés ; et la remise des droits de seigneuriage et des frais de fabrication est une véritable gratification sur nos ventes au dehors. C’est la nation riche qui paye àses pauvres un encouragement pour augmenter la somme de leur travail. Eh ! quel temps eut jamais plus besoin d’en couragements! Peut-être en effet, dans Un temps ordinaire, dans un temps de crédit prospère, de commerce actif, votre comité se serait borné à vous proposer la suppression du seul droit de seigneuriage; mais les apparences de la pénurie et de la paralysie du créuit, passagères, sans doute, sont devenues pour lui un motif de vous présenter une opération éclatante, courageuse, digned’unegrande nation, et dont les effets ont été ressentis, il y a un siècle, dans ce royaume. Chaque fois que des remises partielles du droit de seigneuriage ont été faites depuis 1756, la circulation s’est animée, les matières étrangères se sont présentées en plus grande abondance dans ce royaume, les changes se sont élevés en notre faveur. En ce moment même des places de commerce importantes, telles que Bordeaux, Marseille, Amiens et Bayonne réclament aujourd’hui la suppression du seigneuriage. Les mêmes effets semblent devoir se reproduire, et ce doat nous avons besoin en ce moment c’est précisément le relèvement des changes et la présence des métaux. L’annonce la plus solen- [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 novembre 1790.) nelle de l’invariabilité du prix et du titre de la monnaie, la confiance qu’elle inspirera à l’Europe entière, ce respect de la nation pour les grands principes du commerce et de la foi publique, au milieu des embarras inséparables d’une révolution, seront des traits caractéristiques. Il faut s’élever à la hauteur de la Constitution pour en bien juger : ce qui serait luxe peut-être dans d’autres circonstances, devient, au milieu d’une crise, un acte de graudeur et une munificence trè-politique. Une autre considération intérieure se joint à ces motifs extérieurs. L’Assemblée nationale dé-sireunemonnaieen basargent;et cette opération ne peut s’exécuter sans un décri des pièces de 10, de 12 et de 24 sols, qui circulent pour une valeur de près de 50 millions, dont le frai a probablement consommé plus du tiers du poids. Ne parait' a-t-il pas important à sa sagesse, à son humanité, de consoler le public de cette perte inévitable Pt nécessitée par le temps, qui dévore tout, en lui rendant une bonne monnaie, fabriquée aux dépens du Trésor public? Le crédit des gouvernements consiste en opinion, et il ne s’acquiert que par les actes qui la flattent et qui l’exaltent. Enfin, unedernière considération se présente à l’appui. Tout est vicieux dans le régime monétaire, jusqu’à son langage : son obscurité technique a procédé à l’usage antique des gains plus ou moins grands sur la monnaie, qu’il fallait faire cadrer avec une certaine symétrie de titres, mieux observée autrefois que da is les temps récents. Les calculs ténébreux qu’il fallait faire pour établir un poids demonnaie-argent-le-roi, c’est-à-dire son bénéfice pris sur l’argent fin monnayé, devenaient un mystère effrayant. Lorsqu’on a cessé de se gêner sur ces formes symétriques, le gain et les frais ont établi des rapports entre les métaux, qui peuvent se considérer sous quatre aspecis différents : Rapport numéraire de l’or à l’argent monnayé; Rapport intrinsèque de l’or à l’argent monnayé, suivant qu’on a empiré l’un plus que l’autre; Rapport de l’argent hors d’œuvre à l’or monnayé, et de l’or hors d’œuvre à l’argent monnayé; Rapport enfin des métaux hors d’œuvre entre eux, qui est celui qu’établit le commerce. Toutes ces distinctions jettent sur la matière une telle obscurité, qu’il est très rare, même entre monétaires et commerçants, que la moindre discussion s’é ève sans que la confusion de ces rapports différents n’en apporte une très grande dans les raisonnements. Ces obscurités, ces complications ont passé nécessairement dans la comptabilité. Rien de tout cela n’existe en Angleterre. Le rapport numéraire, le rapport intrinsèque et le rapport hors d’œuvre y sont nécessairement une seule et même chose, parce que l’espèce ne porte pas de traite, c’est-à-dire ni impôt ni frais. Dès lors la comptabilité s’y simplifie et n’est un art ni pour le rendant ni pour l’ayant. Il résulte évidemment de cet exposé que l’organisation du régime de la monnaie sera plus ou moins simple, plus ou moins claire et parfaite, à mesure qu’on réduira le fabricateur à compter de sa dépense, à raison du nombre des marcs délivrés au public aux titres prescrits et vérifiés authentiquement; et cette simplicité d’organisation produira des économies impraticables sans elle. Tout est lié dans cette marche, et quand on veut la fin, il faut vouloir les moyens. 213 Le mécanisme de l’opération serait on ne peut pas plus simple. Le marc d’argent n:— inayé, de 10 deniers 21 grains continuerait d etre payé 49 livres 16 sous ; mais il serait ajouté un remède en dehors d’un grain de lin, pour être assuré que le titre ne pourrait jamais être inférieur ; et ce grain de fin valant 16 grains de poids d’argent fin, ferait partie des frais de la fabrication lorsqu’il s’y rencontrerait. Ainsi, en loi, le marc pèserait 4,286 grains de matière pure au lieu de 4,270. L’écu de 3 livres à la même taille, valant toujours 60 sous, mais d’un nouveau coin, contiendrait en loi 258 grains 192/996 au lieu de 257 grains 223/996. La livre numéraire enfin correspondrait en loi à 86 grains 65/996 grains pesant d’argent fin au lieu de 85 740/996 grains pesant d’argent fin. Ainsi nul attrait pour le billonnage, nulle variation dans l’évaluation du pair du change en argent. L’étranger débiteur continuera de nous payer autant de grains pesant de matière fine pour chacune des livres numéraires qu’il nous devra, et le débiteur français la même somme de grains d’argent fin à son créancier. Telle est la pierre de touche d’une bonne opération monétaire. Point de refonte générale, point de trouble, d’inquiétude, la confiance et l’espérance partout. La valeur hors d’œuvre serait, comme en An-gleœrre, la même qu’en œuvre; plus d’onscurités dans les diverses expressions monétaires sur le numérique et l’intrinsèque, Cependant votre comité, qui s’est attaché scrupuleusement à considérer son objet sous toutes ses faces, qui a cherché à épuiser toutes les combinaison d’objections, même celles qui tiennent à de fausses notions, ne doit pas négliger d’en mettre une sous vos yeux qui a un fondement, et dont il ne s’agit que d’apprécier l’importance dans l’ordre public. MM. les députés du commerce ont observé avec justesse que le lingot d’affinage à l’usage de l’orfèvrerie et des manufactures où entre l’ar gent, comme les galons, était une denrée com-merçable, mais dont le prix s’étalonnait nécessairement sur le prix accordé au grain de fin employé en monnaie; que par conséquent la remise de la traite sur la monnaie élevant le prix de la matière invariablement à 3 s. 9 d. 207/261, il en résultait une augmentation de prix sur le grain de fin 242/261 de denier, ce qui porterait le prix du marc d’argent fin à 54 liv. 19 s. 108/261 au lieu de 53 liv. 9. s. 2 d. tel qu'il est porté au tarif de 1771. Ce qui produit 1 liv. 10 s. de surhaussement sur cette matière de deux manufactures précieuses, et équivaudrait à 3 0/0. Le comité des monnaies a reconnu la justesse du calcul ; mais il a été observé sur les conséquences : 1° Que sur un lingot d’affinage de 50 marcs coûtant 2750 livres au prix de 54 liv. 19 sous, la main-d'œuvre et les façons, jusqu’à l’emploi en galons ou en étoffes, ajoutait au moins 2,500 liv. et quelquefois mille écus et plus; qu’en conséquence l’augmentation d’achat de 75 livres sur ces 50 marcs ne portait sur la totalité de l’ouvrage l’augmentation qu’à 1 2/5 0/00 objet trop médiocre pour nuire à cette manufacture de luxe au dehors, puisque nous estimerions l’argent à un prix égal à peu près à celui de presque tous nos voisins, lorsque notre proportion serait réformée; 2° Que dans ce genre de manufactures l’art sur- 03 *CS*CS 214 [Assemblée nationale-] ARCHIVES PARLEMEtfi AIRES. [2 novembre 1790.] asse évidemment la matière et termine d’autant lus sûrement, que cette même matière se perd et e dissipe en grande partie pendant l’usage qu’on en fait; 3° Que le cas particulier très borné pouvait difficilement faire un poids dans la balance de l’intérêt général ; que la suppression de la traite des monnaies équivalant à une gratification sur ia sortie de toutes les denrées du royaume de près de 3 0/0, la manufacture des galons y participerait comme les autres sur ses retours; 4° Que les mêmes observations pouvaient s’appliquer à la manufacture d’orfèvrerie, et que dût-il en résulter un renchérissement pour le consommateur intérieur, il était si léger, qu’il n’équivaudrait pas à ce que perd la circulation par l’emploi des matières d’argent en luxe d’argenterie ; 5° Qu’il est un fait péremptoire et notoire à opposer à tous les doutes qui pourraient s’élever on qu’on pourrait insinuer sur l’avamage de U suppression de la traite sur les monnaies. Depuis 1726, d’après le vœu du commerce, par deux fois le gouvernement a baissé cette traite successivement jusqu’à la concurrence de 8 deniers pour livre, c’est-à-dire de 31)3 0|0. M. Le Goulteux de la Norrais, député du commerce de Paris, et M. de Gournai, intendant du commerce, deux hommes assurément éclairés dans la pratique comme dans la théorie des changes et du commerce, autant que vertueux, furent les principaux promoteurs de la première expérience. En 1768, MM. les députés du commerce applaudirent à ce projet, consultés expressément. L’effet notoire fut de hausser les changes eu notre faveur; de faire entrer beaucoup de matières d’or et d’argent dans les monnaies, parce que tel a été et sera toujours l’effet de la diminution des impôts et des charges sur le commerce et ses retours, ha première expérience provoqua la seconde, et ces deux succès ne laissèrent à l’administration que le regret de ne pouvoir l’accomplir en entier. On ose avancer avec certitude même, que l’obstacle vint moins de la considération de la dépense publique, que de l’intrigue et de l’avidité de ceux qui pouvaient prétendre à la faveur des surachats, c'est-à-dire des ennemis dp commerce. 20 millions acquis par cette voie par les individus favorisés depuis 1726, pp ont peut-êire coûté au commerce général par la baisse des changes 80 ou 100. De là a pu se former un préjugé parmi ceux qui, n’étant pas à portée de connaître les faits, les attribuent à des causes qui n’existent pas : quelques personnes se sont imaginé que la baisse ou la laDgueur des changes, pendant un état d’activité dans notre commerce, pouvait s’attribuer au plus haut prix que les surachats accordaient à la matière au titre des monnaies. Le vice ne venait pas de là, mais d’une part de l’accaparement, du monopole exclusif accordé sur le prix de la matière, qui rendait tous les autres commerçants dépendants du monopoleur dans la concurrence de l’achat deces matières au dehors: d’une autre part de ce que le monopoleur, Rpurvu qu’il fît son gain, ne s’embarrassait -nullement d’excéder dans ses achats la portion de matières due au commerce. S’il l’excédait, il fallait bien que le change baissât au détriment de tous; mais le monopoleur se retirait indemne à la faveur du bénéfice qui lui était assuré. Les états des fabrications des monnaies fabriquées pendant (es années ou jl y q eu des surachats, comparés aux années où il n’y en a pas eu, donnent ig solution de ce problème. On y voit qu’en 1784 la fabrication a monté à près de 84 millions, tandis que dans les années où il n’y a point eu de suraenats la fabrication montait dé 20 à 39 millions par an. De 1763 en 1775, années pendant toutes les? quelles i| y eut surachat, on apportait l’un dans l’autre 46 millions aux monnaies. Le surachat général de 2 deniers àccordé aq commerce par M. Turgot, porta pendant deux ans la fabrication à 39 millions i’un dans l’autre. Ces comparaisons suffisent pour faire conpaî-tre que la hausse particulière du prix de la matière, au titre d’éeus, grève le commerce; qu’au contraire, (a hausse générale en faveur du commerce le vivifie, parce qu’elle favorise son débit, et que personne n’a intérêt d’en abuser à son détriment. La baisse du change arrête court le spéculateur imprudent, et il n’a point de bénéfice privilégié qui vienne à son secours. En dernière analyse, une prétendue indécision sur l’avantage ou le désavantage de supprimer la traite sur 4 monnaie, se réduiront à un fq.it. Cette traite montait, en 1726, à 6 1[3 0[0 : d'après le vœu du commerce, la moitié environ, ou 3 1|3, lui en ont été nonis avec avantage et avec succès; par quel étrange bouleversement d’idées, en 1790, nenserait-on que le complément du retour vers les bons principes deviendrait un npd? De pette contradiction bizarre, ne pqurrait-op pas inférer que ce serait une opération utile de recharger la monnaie des 3 1[3 0[0 dont elle avait été soulagée? C’est à ces bases du bon sens et de l’évidence qu’il faut s’attacher pour apprécier tous les petits sophismes étayés de calculs partiels et insignifiants, dont pu chercherait à obscurcir une grande vérité, quel qu’en soit le motif. C’est avec plaisir, sans doute, que votre comité fortifie son opinion unanime des demandés des places de Bayonne, Marseille, Amiens et Bordeaux. Mais leur silence même ne changerait pas la nature de cet axiome éternel qu?une remise de la traite sur la monnaie est un encouragement pour le commerce et pour ses retours, une gratification perpétuelle sur la sortie de pos denrées, et qui n’est pas chère. On ne fit jamais un si grand bien à si peu de frais. Votre comité des monnaies ne vous dissimulera poipt cependant que cette grande mesure n'aura PQÎpt sur le champ l’effet éclatant qu’elle obtint en 1679, à cause des circonstances dé l’Etat. Ce rapport vous a déjà observé que nous n'avons pas de balance à recevoir, que nous copti-n uons de dépenser au dehors pour nos besoins, que nous sommes débiteurs envers nos voisins à raison du revenu qu’ils ont dans nos fonds publics, et nous le ferons à raison des liquidations qui se consommeront. Par conséquent, les changes sont bas avec l’Espagne même de qui nous empruntons des matières, à compte sur les ventes que nous lui ferons. C’est un désavantage attaché à la crise actuelle. L’effet du rétablissement de la proportion entre les métaux dont votre comité vous a démontré l’urgente nécessité, et celui de la remise de la traite sur la monnaie sont deux moyens puissants qui vous sont présentés pour subvenir à l’upe des causes qui produisent Gette crise, c’egt-à-dire au défaut du numéraire dans la circulation, en attendant que la vente des biea3 nationaux soit en pleine activité. Le rétablissement de la proportion augmentera l’avantage de la consommation de nos denrées en [Assemblé* Espagne par préférence à celles denqsriyaux; car elle a plus d’argent que d’or, elle estime en conséquence son or plus que son argent, et en ce moment elle a un avantage de 4 0/0 de plus à payer en or qu’en argent, et un avantage de un 5[16 0|0 à payer avec son argent les denrées anglaises par préférence aux nôtres. Le rétablissement de la proportion donnera plus d’avantage à payer votre dette annuelle avec l’or, qu’avec l’argent plus important pour notre circulation que l’or qui se recèle. Et si vous différez de rendre aux métaux la proportion qu’exigent nos intérêts et notre position, il est évident qu’il y aura plus d’intérêt à sortir votre argent en payement, que votre or qui se recèle. Le comité des monnaies vous présentera les détails sur le mode convenable pour l’opérer, lorsque les principes auront été décrétés en entier ; mais il a dû, pour plus de clarté, vous présenter les priucipes séparément. La suppression de la traite sur la monnaie améliorera la condition des ventes au dehors, et par conséquent animera le iravail du peuple. Soit que l’avantage de cette condition tourne au profit de vos marchands, soit qu’elle tourne au profit de vos voisins acheteurs, évidemment elle produira une abondance plus grande de métaux dans la circulation. Votre comité croit devoir résumer ainsi l’ensemble du plan dont il vous a exposé le détail pour fixer vos idées sur les points essentiels de ia délibération que vous aurez à prendre. Il croit pouvoir se féliciter d’avoir lié les considérations majeures que mérite la crise de l’Etat, aux moyens uniques qui se présentent de remettre l’ordre dans Ig partie monétaire par une organisation claire, simple, invariable et indispensable. C’est de cet ensemble que la confiance au dedans et au dehors peut renaître; c’est le seul qui puisse ê;re présenté à des Législateurs; puisque des décisions partielles et temporaires ne feraient qu’accroître le désordre, le sanctionner, pour ainsi dire, et fermer le retour à l’espérance. Tel est en abrégé le plan qu’il vous présente ou tout est embrassé, tout se soutient et se rapporte. C’est sous ces hautes considérations qu’il doit être envisagé et sous celles des besoins de la circulation en ce moment. Sans contredit, il peut arriver et il arrivera que l’encouragement de la suppression de la traite vous fera apporter des matières d’argent au delà de ce qui vous est dû; et la baisse des changes éprouvera à raison des circonstances quelque oscillation passagère, jusqu’à ce que vous soyez acquittés en denrées. Votre comité le prévoit et n’en fait pas un mystère; mais l'objet du mouvement dans la circulation n’en aura pasété moins rempli; et celui donné au travail du peuple nécessairement attaché à la condition plus favorable des ventes vous acquittera. Gar l’Espagne ne fait point avec vous le commerce des métaux, mais l’échange de ses métaux avec vos denrées dont elle a besoin continuellement, et qu’elle prendra chez vous par préférence lorsque vous estimerez son argent plus cher que vos rivaux ne le font. En ce moment le Trésor public, pour fournir à une circulation précaire et insuffisante, est forcé d’acheter des matières avec perte. Ce négoce qui devient nécessaire, mais qui aggrave la baisse naturelle du change, ne présente pas son remède comme le ferait la remise de latraite sur la monnaie. Celle-ci fournirait plus abondamment à la circulation en vivifiant le travail. Ce serait un surachat général et non un surachat particulier [2 novembre 1790.) 215 qui croise toujours la marche du commerce général, et le Trésor public serait allégé des pertes qu’il essuie sans pouvoir encore se flatter d’être au pair des besoins. C’est après avoir mûrement pesé et combiné toutes ces nuances, la nécessité d’une législation nouvelle, et le moyen unique de la rendre digne de l’Assemblée nationale ; enfin d'après l’esprit et l’objet de votre décret du 8 octobre dernier, que votre comité des monnaies vous propose de décréter -< qu’il ne sera pris désormais aucuns « frais ni impôts sur la fabrication des monnaies, « aux nouveaux coins qui seront ordonnés par « l’Assemblée nationale ; que son comité des “ monnaies sera tenu de lui proposer incessam-« ment un projet de coins nouveaux, et qu’aus-« sitôt qu’ils auront été faits, la fabrication sur « les coins anciens cessera absolument dans « toutes les monnaies ». Votre comité des monnaies a pensé unanimement qu’il serait utile de rendre la monnaie au coin national aussi universelle qu’il serait possible, et, par cette raison, que chaque pièce de monnaie portât sur son empreinte l’expression de la quantité de matière line qu’elle contient. Cet usage loyal instruirait le peuple au dedans, et au dehors il mettrait les voyageurs eu garde contre les surprises. Si chaque nation se conformait à cette mesure, le mystère du change serait à découvert. Le comité des monnaies vous propose donc de décréter : <> Que sur toutes les pièces de monnaie, l’em-« pr.einte portera l’expression de ia quantité de « matière flne qu’elle contient. » Telle est la première partie du travajl de votre comité; elle contient les bases sans lesquelles il ne peut avoir de guide dans la seconde : dès que la décision de ces bases sera faite, tous les détails de l’organisation la plus simple, la plus économique, la plus claire et la plus sûre viendront s’y ranger promptement. Il ne se permettra plus qu’une seule réflexion; c’est que l’état des choses est tel qu il ne peut subsister plus longtemps; que ce serait tromper la nation sciemment que de le prolonger. Que tout ce qui produirait affaiblissement de la monnaie, serait une illusion dommageable contraire à la bonne foi, et dont le bénéfice chimérique affaiblirait l’État par une convulsion sur le prix des denrées et des salaires, par l’appau-vrissemeat du Trésor public et des fortunes particulières ; que toute refoute autre que successive et perpétuelle serait une përte publique, inutile et convulsive dont l’Etat n’a pas les moyens ; qu’il n’existe pour la restauration monétaire qu’un sentier étroit et difficile, dont votre comité a scrupuleusement sondé l’entrée, la carrière et l’issue. Il avoue, à la face de la France et de l’Europe entière, son insuffisance à l’égard de tous autres moyens, et il verra avec la reconnaissance du patriotisme, que d’autres citoyens plus habiles consomment l’ouvrage de la restauration par des expédients plus heureux et également honnêtes. PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale décrète; Art. 1er. Que l’or, l’argent et le cuivre pur seront employés dans la fabrication des moqnaies; que le billon noir qui existe, subsistera dans son cours, majs qu’il ue pourra en être fabriqué de nouveau qu’eu vertu d’on 4écret de l’Âssem{)Iée nationale, ARCHIVES PARLEMENTAIRES,