ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Ie* octobre 1789.] 228 [Assemblée nationale.] à-dire qu’il soit fait un article séparé sur lequel l’Assemblée aura à délibérer. La division mise aux voix est adoptée. L’article 4 avec les amendements admis est ensuite décrété eu ces termes: « Art. 4. Aucune contribution en nature ou en argent ne peut être levée, aucun emprunt direct ou indirect ne peut être fait autrement que par un décret exprès des représentants de la nation. » L’Assemblée revient à l’article dont la division a été prononcée, concernant le papier-monnaie. M. l’abbé d’Eymar réclame l’ajournement, la question lui paraissant trop importante pour être résolue sans un mûr examen. M. Pélion veut parler; le clergé s’y oppose, en demandant à la presque unanimité de ses membres, et avec violence, la clôture de la discussion. On est obligé de consulter l’Assemblée pour savoir si M. Pétion aura la faculté de se faire entendre. M. le comte de Mirabeau. Le clergé craint-il que l’établissement de quelque papier-monnaie futur ne porte sur ses biens? Je fais la motion spéciale que désormais l’on ne délibère plus sans discussion. L’Assemblée décrète que l’on délibérera sur cet objet sans discussion. M. le Président veut mettre aux voix l’ajournement; il s’élève divers débats. M. Barnave, malgré le décret, revient sur le fond de la question, disant hautement que l’ajournement serait fatal au crédit : bientôt il est forcé au silence, et la question est ajournée à demain. M. le Président annonce que M. le premier ministre des tinances attend que l’Assemblée lui permette d’entrer. Il est introduit, et porte la parole. M. JWecker, ministre des finances (1). Messieurs, je viens vous remercier très-humblement des sentiments de confiance qui ont contribué à vous faire adopter les idées dont j’ai eu l’honneur de vous rendre compte; ces sentiments seront toujours l’objet de mon ambition et ma récompense la plus précieuse, et je vous prie de recevoir avec bonté l’hommage de ma respectueuse reconnaissance. Je ne sais pourquoi l’on a voulu me faire considérer l’étendue et la plénitude de votre confiance comme une sorte de responsabilité qui m’était imposée; il n’en est aucune qui pût m’effrayer, s’il n’y avait pas moyen de témoigner au Roi et à la nation mon absolu dévouement. Je cours un bien grand hasard par la simple réunion de mon bonheur au succès des affaires et à la prospérité de l’Etat : d’ailleurs, puisqu’au milieu de tant de difficultés on ne peut se déterminer que par des vraisemblances, si quelqu’un doit être compromis, si quelqu'un doit s’exposer à des reproches ne vaut-il pas mieux que ce soit moi? et que vous, Messieurs, qui pouvez faire tant de bien, vous qui, pour le salut de l’Etat, devez conserver votre ascendant dans toute son intégrité, vous soyez, si vous le voulez, absolument à part dans l’issue de cette grande circonstance? (1) La communication de M. Necker est incomplète au Moniteur. Vous ne perdrez pas de vue néanmoins qu’une ressource inusitée est commandée par une réunion de circonstances sans exemple. Il existe des besoins urgents et considérables ; il n’y a plus de crédit, et le numéraire effectif est entièrement disparu. Cependant vous avez déclaré à plusieurs reprises et de différentes manières que vous vouliez être fidèles aux engagements de l’Etat. Que reste-t-il donc, qu’un grand effort proportionné à cette grande vertu? C’est un malheur sans doute, et un grand malheur, que d’être obligé de conseiller le recours à une contribution considérable : je le connais pour la première fois, et j’en éprouve toute l’amertume; aussi, après m’être assuré de moi-même et par devoir à cette peine sensible, tout ce qui pourrait me venir des autres, opinion, jugement, censure, je le redoute moins. Mon âme trop fortement préoccupée de ses propres regrets est moins soumise aux atteintes des considérations extérieures. Le moyen cependant que vous avez adopté avait été déjà présenté par l’un des membres de cette Assemblée sous le nom de centième denier, et votre mouvemement général en faveur de cette proposition avait été regardé comme une sorte d’assentiment au vœu de Paris, déjà manisfesté de plusieurs manières; ainsi j'ai suivi l’opinion publique, je ne l’ai pas prévenue. Quoi qu’il en soit, me conformant à la teneur de votre dernière délibération, j’ai cru devoir vous proposer mes idées sur le décret qu’on attend avec impatience delapart de cette Assemblée ; j’ai supposé pour un moment que j’avais à en tracer l’esquisse. J’ai cru que cette esquisse ou ce projet de décret devait se rapporter au plan dont je vous ai fait l’exposition ; puisque vous l’avez adopté dans son entier, je demande la permission de vous en faire la lecture. ESQUISSE OU PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, ayant pris en considération le rapport qui lui a été fait de la situation des finances par le premier ministre de ce département, conformément aux ordres du Roi, a reconnu la nécessité : 1° D’assurer par une délibération préalable l’équilibre entre les revenus et les dépenses fixes ; 2° De pourvoir aux besoins extraordinaires qui sont indépendants des dépenses fixes; 3° De concourir autant qu’il est en son pouvoir à la sûreté des payements les plus prochains, et à la levée des embarras dans lesquels se trouve en ce moment leTrésor royal parla rareté du numéraire et le discrédit général. En conséquence, l’Assemblée nationale a voté et décrété les dispositions suivantes: PREMIÈRE PARTIE Relative aux revenus et aux dépenses fixes. Art. 1er. Les dépenses ordinaires de la guerre, des gouvernements et des maréchaussées qui, dans le compte des finances, se montent à 99, 160,000 livres, non compris ce que les provinces et les villes s’imposent et versent directement dans les caisses militaires, et non compris encore les pensions militaires qui font partie de la dé-