634 [Convention nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j J9n�embr! “J1 s’il n’a pas déployé une énergie caractérisée eu faveur de la Révolution, c’est à l’âge et non à son cœur qu’il faut s’en prendre. « Eh ! Comment le citoyen Plinguet a-t-il pu se laisser persuader qu’un vieillard de 70 ans qui a professé constamment le plus pur civisme, dont il a les attestations, ait été le fauteur de l’inci¬ visme de son ci-devant seigneur, homme nourri dans les préjugés de l’orgueil, et dans la vigueur de l’âge? Nous invoquons contre cette accusa¬ tion le témoignage des habitants, et des com¬ munes voisines; et il est à notre connaissance qu’il a eu à lutter contre la vanité du père du sieur Saint-Michel et qu’il n’était rien moins qu’ami de cette maison. Le civisme de la com¬ mune de Saint-Michel ne peut être suspecté, nous avons eu occasion d’étudier ses sentiments sur les lieux, et nous avons reconnu générale¬ ment que l’esprit public y était bon. On reproche donc à tort au curé l’anéantissement de l’esprit public. Ce reproche, s’il eût pu avoir lieu, eût dû plutôt être adressé au sieur de Saint-Michel. « Nous joignons à ce mémoire : « 1° La lettre du citoyen Plinguet, portant taxe de quatre mille livres adressée au citoyen Charpentier, du 20 octobre 1793, l’an II (vieux style); « 2° Une attestation de son civisme à lui déli¬ vrée le 9 du 2e mois, par le citoyen Durand, com¬ missaire de l’assemblée primaire du canton de Batilly, voisin de sa commune, et à elle réuni; ledit citoyen Durand revêtu de pleins pouvoirs par le citoyen Laplanche; « 3° Deux certificats de civisme visés du dis¬ trict et du département : « 4° Un extrait en date du 9e jour du 2e mois, de la déclaration qu’il a faite à sa municipalité de l’intention où u est de porter son domicile en cette commune d’Étampes, pour y terminer sa carrière au sein d’une famille patriote, avec de nouvelles attestations en sa faveur. « Nous vous prions, citoyen, de vouloir bien employer en sa faveur votre entremise, le faire décharger de la taxe d’incivisme arrachée à la religion du citoyen Plinguet, lin faire ac¬ corder la pension de retraite due à son civisme, son peu de fortune et sa vieillesse, par une na¬ tion aussi généreuse envers ses vrais amis, que redoutable et sévère aux malveillants. Nous de¬ meurerons ses cautions et les garants de sa con¬ duite. « Étampes, le 11e jour du 2e mois de l’an II de la République, une et indivisible. « Signé : Gérosme, président du district; Théo¬ dore Rousseau, Vve Aubin, Ët. Conty, Et. Gérosme, Aubin, Boutet, Gérosme l’aîné; fe Ét. Conty, Charpentier, administrateur du département de Seine-et-Oise , réélu révo-lutionnairement. » Pour copie collationnée : P, Raguideau, secrétaire de la Commission. Copie de la lettre du citoyen Plinguet, susmen¬ tionnée, et portant taxe de quatre mille li¬ vres. « 1793, Bois-Commun, 20 octobre, 2e de la République française, une et indi¬ visible. « A juste titre, Monsieur, je vous considère comme le fauteur de l’incivisme de M. de Saint-Michel. Je suis informé de l’aristocratie qui vous est personnelle et je sais aussi combien vous avez contribué à l’anéantissement de l’esprit public dans votre commune. Je suis expressément chargé de comprimer la mal¬ veillance, et je suis responsable de tout le bien que je ne ferais pas. En conséquence, je vous taxe révolutionnairem ent à la somme de 4,000 li¬ vres que vous verserez en assignats républi¬ cains et sous le délai de quinzaine entre les mains du receveur de ce district auquel je confie . la caisse de bienfaisance. Je vous recommande, en outre, au comité révolutionnaire que j’établis ici. « Le délégué du représentant du peuple, « Plinguet, fils. » Pour copie conforme à V original : P. Raguideau, secrétaire. « Yu par moi Jean-Pierre Couturier, repré¬ sentant du peuple français, la présente pétition et les pièces originales y énoncées, je dis que la famille pétitionnaire à laquelle le citoyen Char¬ pentier, curé de Saint-Michel, district de Bois-Commun, département du Loiret, tient par les liens du sang en la commune d’Étampes, est si recommandable par son civisme reconnu et le zèle qu’elle a mis pour la réussite de la régéné¬ ration révolutionnaire des autorités constituées que j’y ai effectuée, que je ne puis m’empêcher de croire que la religion du citoyen Plinguet, délégué par mon collègue Laplanche, n’ait été surprise; en tout cas, comme rien ne périclite, en attendant la preuve des faits exposés dans la pétition de la famille de ce curé septuagénaire, « J’arrête, au nom du peuple français et de la loi, qu’il sera sursis à l’acquittement de la taxa¬ tion faite envers ledit curé au contenu de la lettre dudit citoyen Plinguet, et qu’il a datée du vieux style du 20 octobre, 2e de la Répu¬ blique, qu’en .conséquence, et pour sûreté de l’exécution de ladite taxation, le cas échéant, ledit curé Charpentier se rendra, ou sera trans¬ féré dans la commune d’Étampes, pour y rester jusqu’à droit, sous la surveillance de la commune et la responsabilité solidaire des signataires de sa famille, en attendant que la Convention na¬ tionale ait eu connaissance de ladite taxation et prononcé sur sa légalité. A l’effet de quoi il lui sera transmis sans délai, ainsi qu’au départe¬ ment du Loiret, expédition tant du présent ar¬ rêté, que des pièces y énoncées. Fait à Étampes, le 11e jour du 2e mois, l’an II de la République, une et indivisible. « Couturier; F. Raguideau, secrétaire. » Un membre [Philippeaux (1)] communique à l’Assemblée deux traits de courage et d’hé¬ roïsme, dont le citoyen Amand Saillant, volon¬ taire au 3e bataillon de l’Orne, et le citoyen Laveau, volontaire au bataillon de Nantes, ont honoré les armes de la République dans la Ven¬ dée; il demande qu’à l’égard du citoyen Saillant, le comité de liquidation fasse demain un rapport sur les récompenses nationales dues à cet intré¬ pide républicain, et que les deux anecdotes soient (1) D’après la minute du décret qui se trouve aux Archives nationales, carton C 277, dossier 724. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �novembre f7n93n 635 renvoyées au comité d’instruction publique, pour être consignées précieusement dans 1m annales des actions illustres. Ces deux propositions sont décrétées (1). Suivent, d'après le Bulletin de la Conven¬ tion (2), 1° un extrait dot Bulletin de l’armée des Côtes de Brest; 2° un extrait de Bulletin de l’ar¬ mée des Côtes de l’Ouest, où sont relatés les traits de courage des citoyens Amand Saillant et Laveau. I Extrait du Bulletin de l’armée des Côtes de Brest. Le citoyen Amand Saillant, né à Alençon, volontaire dans le troisième bataillon du dépar¬ tement de l’Orne, cinquième compagnie, âgé de dix-huit ans, doué de tous les avantages de la nature et de toutes les vertus qui font le vrai soldat citoyen, s’étant trouvé dans la malheu¬ reuse affaire de Macheeoul, le 10 juin, une balle l’atteignit à la tempe gauche et sortit par la droite. Devenu tout à coup aveugle, il se refuse aux empressements de ses camarades qui veulent le soulager du poids de ses armes et le porter à l’hôpital ; « Non, leur dit-il, je suis en¬ core en état de me défendre; si l’ennemi s’ap¬ proche, je ne pourrai pas le voir, mais je l’en¬ tendrai. » A ces mots, il met un doigt à chaque ouverture de sa plaie, pour empêcher le sang de couler. Il reçoit encore deux blessures, l’une à la cuisse, l’autre à l’épaule. Enfin, conduit à l’hôpital, il est fait prisonnier par les brigands, qui goûtent le plaisir barbare de le martyriser à coups de crosse de fusil. C’est ainsi qu’il passe quatre jours sans traitement, sans nourriture et baigné dans son sang. Il est enfin secouru par un de ses compagnons d’infortune, l’aide-chi-rurgien de son bataillon. Au bout de 3 mois, il apprend que les brigands vont prendre la fuite. Il se lève, et va seul et presque nu à plus d’un quart de lieue au-devant de notre armée, pour la féliciter d’avoir triom¬ phé des brigands. Ames tièdes, froids égoïstes, qui calomniez la Révolution, parce qu’il vous a fallu renoncer aux vaines jouissances de l’orgueil, parce que les besoins momentanés de la République exigent de vous quelques faibles sacrifices, osez contem¬ pler ce généreux martyr de la patrie; osez écou¬ ter ses discours : le patriotisme qui l’animait avant les pertes qu’il a faites vit encore tout entier dans son cœur. II Extrait du Bulletin de l’armée des Côtes de l’Ouest. Dans le nombre des prisonniers délivrés à Beaupréau, nous citerons le citoyen Laveau, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 25, p. 98. (2) Second supplément au Bulletin de la Conven¬ tion nationale du 9e jour de la 2e décade du 2e mois de l’an II dé la République (samedi *9 novem¬ bre 1793). volontaire, natif de Melun, dans le bataillon dé-partementaire de Nantes. Il venait de tomber entre les mains des brigands. Quand on lui eut annoncé son arrêt de mort pour le lendemain : « Je veux mourir comme un homme libre, s’écria-t-il; je veux même qu’ après ma mort le corps d’un républicain ne puisse être confondu avec ceux de ces vils esclaves. » A ces mots faisant des incisions sur son bras, il y a tracé le mot li¬ berté (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Philippeaux lit ce qui suit : Trait de courage et de patriotisme. (Suit V extrait du Bulletin de l’armée des Côtes de l’Ouest que nous insérons ci-dessus d'après le Bulletin de la Convention. ) Le même membre fait récit du trait du jeune Saillant, qui ayant eu les deux tempes percées d’une balle, voulut rester sur le champ de ba¬ taille où il fut mutilé par les brigands. La Convention ordonne l’insertion au Bulletin, renvoie ce trait au comité d’instruction publique, et charge le comité de liquidation de présenter un projet de décret pour donner une pension à ce jeune infortuné. (1) D’après les Annales patriotiques et littéraires [n° 313 du 20 brumaire an II (dimanche 10 no¬ vembre 1793), p. 1453, col. 2] et le Mercure universel [20 brumaire an II (dimanche 10 novembre 1793), p. 154, col. 1], ces deux traits de courage furent vivement applaudis par la Convention. (2) Moniteur universel [n° 51 du 21 brumaire an II (lundi 11 novembre 1793), p. 206, col. 2]. D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (brumaire an II, n° 417, p. 261) rend compte des traits de courage des citoyens Saillant et Laveau dans les termes suivants : « Philippeaux fait lecture du trait suivant : (Suit V extrait du Bulletin de l’armée des côtes de Brest, que nous insérons ci-dessus d'après le Bulletin de la Convention.) « Merlin (de Thionville) dit ! Sans charger le tableau, je puis assurer à la Convention que de tous les blessés par les brigands, il n’en est pas un qui ne soit revenu en s’écriant : Vive la République! mes amis, volez à la victoire! « La Convention charge son comité de liquidation de lui présenter demain un rapport sur ce jeune citoyen. « Philippeaux continue : Autre trait : « Le citoyen Laveau, volontaire, natif de Melun, dans le bataillon départementaire de Nantes, venait de tomber entre les mains des brigands. Quand on lui eut annoncé son arrêt de mort pour le lendemain : «Je veux mourir comme un homme libre, s’écria-t-il, je veux même qu’après ma mort le corps d'un républicain ne puisse être confondu avec ceux de ces vils esclaves. » A ces mots, faisant de légères inci¬ sions sur son bras, il y a tracé le mot liberté, « La Convention décrète l’insertion de ces deux traits au Bulletin et dans les Annales de la Vertu, rédigées par le comité d’instruction. »