[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 juillet 1790.) 137 Dans tous les cas, les gratifications seront déterminées par la nature des services rendus, des pertes souffertes, et d’après les besoins de ceux auxquels elles sont accordées. » « Art. 25. A chaque session, il sera présenté un état des gratifications à accorder et des motifs qui doivent en déterminer la concession et le montant; l’état de celles qui seront jugées devoir être accordées sera pareillement décrété par l’Assemblée législative. Après que le roi aura sanctionné ce décret, les gratifications accordées dans cette forme seront aussi les seules payables par le Trésor public. » « Art. 26. Néanmoins dans les cas urgents, le roi pourra accorder provisoirement des gratifications: elles seront comprises dans l’état qui sera présenté à la législature ; et si elle les juge accordées sans motifs ou contre les principes décrétés, le ministre qui aura contresigné les décisions, sera tenu d’en verser le montant au Trésor public. » « Art. 27. L’état des pensions, tel qu’il aura été arrêté par l’Assemblée nationale, sera rendu public. Il sera imprimé en entier tous les dix ans ; et tous les ans, dans le mois de janvier, l’état des changements survenus dans le cours des années précédentes ou des concessions de nouvelles pensions et gratifications sera pareillement livré à l’impression. » M. le Président. L’Assemblée vient de terminer la discussion du décret qui était joint au rapport du comité des pensions. M. Camus, président du comité des pensions. Le comité dont je suis l’organe, me charge de vous demander de passer tout de suite à l'examen du projet de décret qu'il vous a soumis à la suite de son troisième rapport ( 1). (Cette proposition est adoptée.) M. Camus donne lecture de l’article 1er ainsi conçu : « Art. 1er. Toute pension, don, traitement ou appointement conservés, récompense, gratification annuelle, engagement consenti pour payement de dettes, assurance de dot ou de douaire, concessions gratuites de domaines, existants au 1er janvier 1790, ou accordés depuis cette époque, sous quelque dénomination que ce puisse être, sur quelque caisse que ce soit, étant directement ou indirectement à la charge du Trésor public, sont et demeurent supprimés. Tout ordonnateur qui en autoriserait le payement, et tout caissier qui l’effectuerait, en sera responsable en son propre nom. » M. de Sinéty. Messieurs, vous voulez porter l’économie dans toutes les dépenses de l’Etat et c’est pour atteindre ce but que le comité des pensions vous présente en ce moment de grandes réformes dans cette partie de la dette publique. Quel que soit votre désir d’économie, il faut cependant examiner si elles sont justes et c’est ce que je vais faire brièvement. D’abord, je suis effrayé de la grande étendue non moins que de la complication du travail à faire, que vous propose le comité de supprimer dès à présent toutes les pensions, sauf à les recréer (1) Voyez le troisième rapport du comité des pensions, séance du 2 juillet 1790. — Archives parlementaires, t. XVI, p. 672. ensuite, après avoir examiné les titres. J’observe qu’il y a là des difficultés inextricables pour ceux qui auraient à s’en occuper. A un autre point de vue les ministres seraient encore les courtiers perpétuels des sollicitations motivées qu’on ne cessera de leur faire et deviendraient les plastrons de tous les refus. (L’orateur insiste surtout en faveur des militaires ; il dit qu’on peut arriver au soulagement des peuples sans commettre les injustices qui résulteraient du plan du comité. — Son discours reçoit de fréquents applaudissements .) L’orateur termine par la motion suivante : Je conclurai donc, sans mettre aucune opposition aux autres articles de ce projet de décret, en rejetant seulement les premier, sixième, septième et huitième, à ce que l’Assemblée nationale décrète : 1° Que votre comité des pensions fixera, d’après les calculs les plus justes, qu’il fera de concert avec le comité des finances, la somme totale qui pourra être déterminée pour le payement des pensions qui doivent être continuées aux anciens pensionnaires; 2° Que, sous aucun prétexte, cette somme ne pourra être excédée; 3° Que votre comité remettra incessamment à l’Assemblée nationale le tableau de toutes les pensions, qui lui auront paru rigoureusement avoir été obtenues sans titres ni motifs de services réels pour être supprimées par elle; 4° Qu’il proposera également un tableau des réductions qu’il croira justes de faire sur les pensions exagérées; 5° Qu’il fixera un maximum pour les pensions d’après les calculs les plus justes possibles, lequel ne pourra être excédé; 6° Que toutes les pensions conservées et celles même réduites à ce maximum , qui aura été déterminé, supporteront une retenue au marc la livre, qui sera calculée et proposée d’après une règle générale de proportion, de manière que le total des pensions conservées, ainsi réduites, n’excèdera pas la somme totale que l’Assemblée nationale jugera nécessaire de fixer pour toutes les grâces pécuniaires conservées; 7° Enfin, que le règlement, fait pour la répartition à l’avenir des grâces pécuniaires, n’aura point d’effet rétroactif contre les pensionnaires actuellement en jouissance , sauf les réductions indiquées par les six articles précédents. M. de Murinais. Je demande l’impression du discours de M. de Sinéty, afin d’attester que les militaires ont trouvé des défenseurs dans l’Assemblée nationale. M. de Delley d’Agier. Je réclame contre le motif allégué par le préopinant, attendu que l’Assemblée n’a besoin d’aucune considération pour s’intéresser au sort des militaires. (La demande d’impression n’a pas de suite.) M. deWimpffen. Je ne monte à la tribune que pour m’acquitter d’un devoir envers l’Assemblée nationale, dont plusieurs membres peuvent ignorer que la plupart des pensions des gens de l’armée de terre et de l’armée de mer étant tarifées par les ordonnances, ne doivent pas être confondues dans la proscription générale qu’on vous propose. J’appelle ceux-ci les justes, et vous savez qu’avant que Dieu lançât le feu du ciel sur Sodôme et Go-morrhe, il en fit sortir les justes. Je demande donc l’exception honorable en faveur de ceux des gens AïÛÜltVES PARLEMENTAIRES. |16 juillet 1790.] 438 [Assemblée nationale.} de guerre, de terre et de iner qui ne peuvent avoir participé à la dilapidation du Trésor public. Il faut que vous sachiez encore que les ministres, les inspecteurs et les colonels en usaient avec un arbitraire révoltant à l’égard des officiers qu’ils voulaient faire retirer ou réformer; et si aujourd’hui se présentaient devant vous pour vous demander justice, vengeance et réparation, tous ces officiers, victimes du despotisme des colonels, qui ont été forcés d’accepter la réforme ou la retraite, après vingt ou vingt-quatre ans dé service, et souvent plusieurs campagnes, par cela seul que leurs têtes ne paraissaient pas assez dociles pour recevoir le joug dont on a vainement cherché à dégrader l’armée, vous croiriez leur devoir cette vengeance et cette réparation qu’ils viennent vous demander. Et cependant si vous prononciez la suppression générale, les officiers ne se trouvant pas tous disposés à la faveur des nouvelles lois, seraient encore victimes de l’Assemblée nationale, après l’avoir été des ministres, et vous exerceriez ainsi cruauté sur cruauté. Sans doute, tout ce que vous avez appris de révoltant sur la distribution des grâces vous a remplis d’indignation-, et l’indignation est la colère du juste ; mais observez, je vous prie, qu’il ne vous a pas été rapporté un seul abus de laveur qui ait eu aucun grade tarifé pour objet. Ce n’est pas à ceux-là que la fortune prostituait ses caresses ; semblable à ces femmes qui ont le cœur dans la tête, et qui ne choisissent leurs amants que sur le rang qu’ils occupent et le bruit qu’ils font dans le monde, la fortune n’est jamais descendue à cette classe de subalternes. Je fais donc la motion expresse qUetout ce qui est relatif aux pensions des gens de guerre, de terre et de mer, soit renvoyé au comité de la guerre et de la marine, réuni à celui des pensions, pour vous en être rendu compte dans quinzaine, et que d’ici-là tout demeure suspendu à cet égard. M. de Wimpffen cite plusieurs passages de son rapport du 2 juillet et �termine en disant, voici mon projet de décret : « L’Assemblée nationnale excepte de la suppression générale des pensions : 1° les pensions obtenues pour raison de blessures ; 2° les pensions accordées en considération d’actions d'éclats ou de services distingués à la guerre, et obtenues pendant la durée de la guerre ; 3° les pensions et traitements accordés d’après le prononcé ou le tarif des ordonnances et règlements du roi, concernant les retraites, traitements et réformes; 4° les pensions accordées à ceux des officiers généraux qui sont parvenus à ce grade par celui de major ou de lieutenant-colonel, soit qU’ils l’aient exercé à la tête d’un corps, ou qu’ils en aient obtenu le brevet par des actions ou par des services distingués à la guerre, sans toutefois que le total d’aucune de ces pensions ne puisse excéder six mille livres. « Quant aux pensions, traitements, gouvernements dont jouissent actuellement MM. les maréchaux de France et autres officiers généraux que ceux désignés ci-dessus, l’Assemblée nationale charge le comité militaire et le comité de la marine, réunis à celui des pensions, de lui présenter, dans la huitaine, un projet de réduction, et de combiner leur travail de manière à ce qu’il résulte des extinctions successives un tel ordre de choses, qu’à l'avenir il n’y ait plus que des officiers généraux en activité et des officiers généraux retirés, et que ces derniers seuls soient pensionnés. » M. Camus. J’observe que la discussion se prolonge sans utilité. La question est fort simple : supprimera-t-on les pensions pour les recréer ensuite, où fera-t-on un travail particulier sur chacune de ces pensions? Il s’agit d’abord d’établir des règles générales, ensuite on passera aux exceptions auxquelles nous destinons un fonds de 4 millions. Le comité des pensions s’engage à achever son travail dans six mois, de manière à ce que les pensionnaires soient payés au 1er janvier 1791. M. de 'Wirieu. L’article porte sur un objet sur lequel on n’est pas encore assez mûri. Cet espoir de recréer les pensions n’est qu’illusoire; c’est comme si l’on voulait condamner les vieux militaires à mourir de faim. J’ai reçu chez moi un brave homme, âgé de 60 ans, couvert de sept blessures; il m’a dit que s’étant présenté au comité, il y avait exposé ses services, et qu’il avait dit que par le décret qui supprimait les pensions, il se trouvait réduit à la mendicité : Eh bien , lui a-t-on répondu, vous demanderez à dîner à vos parents. M. Camus. Nous l’avions bien pensé, qu’en cherchant à remplir la mission difficile qui nous a été confiée, nous nous attirerions la haine de tous les vampires de ia cour. (On applaudit.) Il est bien étonnant de voir dans une assemblée représentative qu’un membre, qui doit en connaître particulièrement les règles, puisque pendant un moment (1) il a été chargé de les faire observer, s’y montre si peu fidèle, en vous dénonçant une conversation particulière, et en la tronquant de manière à Ja rendre odieuse. Voici le fait ; il s’est présenté au comité un militaire respectable, couvert de blessures ; il se nomme M. Montagnac: Il nous a dit qu’il attendait le payement des six premiers mois de 1790. « J’avais fait, nous a-t-il dit, un arrangement avec le receveur; il me payait, mois par mois, une somme fixée, et recevait ensuite, aux termes ordinaires, les arrérages de ma pension. J’ai été le trouver au commencement du mois; il m’a payé, en m’observant que c’était pour la dernière fois, parce que le payement des pensions était suspendu par l’Assemblée. » J’avoue que le nom de Montagnac m’a rappelé des bénéficiers, des évêques. En effet, il y en a dans cette famille, et c’estalors que j’ai dit à l’officier qui se présentait, qu’il pourrait être secouru par ses parents qui étaient richement dotés. 11 nous a répondu : Je m'adresserais là que je n'aurais pas seulement un dîner. L’évêque qui porte mon nom n’est qu’un parent fort éloigné. — Enfin nous sommes touchés de toutes ces réclamations ; mais il n’est pas le seul qui ait le droit d’en faire ; il y a plus de trente militaires dans le même cas; il s’est encore présenté aujourd’hui au comité un ancien médecin, député à la fédération ; et comme sa pension est de 7ô0 livres, on refuse de la lui payer. On semble douter que Je comité puisse recréer en peu de temps les pensions. Qu’on considère ses travaux, au milieu des embarras que lui ont sans cesse suscités les ministres et tant d’autres, on verra que cela n’est point impossible. (On demande à aller aux voix.) M. de Virieu demande la parole, et l’Assemblée décide qu’il sera entendu. (1) Allusion à la présidence d’un jour de M. de Virieu. [Assemblée nationale.) ARCHIVÉS PARLÉMÉNTàÎHËS. [16 juillet îmj 139 M. de Vfrien Je supplie dè ne tirer de tout ce qui a été dit aucune induction, sinon que ceux qui ont d